Mercredi 18 février 2015
« Rouge »
Michel Pastoureau
Le mot du jour du 31/07/2014 était consacré à la couleur verte à laquelle un historien, Michel Pastoureau, avait dédié un livre.
Bien sûr, cet érudit étudie au fur à mesure toutes les couleurs, ainsi <l’émission Concordance des temps du 20/12/2014 était consacré à la couleur rouge>
C’est la plus difficile à étudier selon Michel Pastoureau : « Je n’ai pas commencé par [le rouge] parce que c’est le morceau le plus important en matière de monographie autour d’une couleur. Il faut donc énormément de temps. Par exemple, le Noir m’a demandé dix ans de travail, le Bleu aussi. Il s’agit d’une tâche de longue haleine. Il y a tellement de choses à dire sur le rouge». Il me semble que son livre sur le rouge n’a pas encore été publié.
Dans l’émission, on apprend que la couleur rouge est ambivalente au cours des âges :
d’un côté c’est la beauté, l’amour, la joie, la fête,
de l’autre c’est la honte, la colère, les crimes de sang, la couleur de la justice, l’enfer avec ses flammes
et selon Michel Pastoureau cette ambivalence remonte très loin, déjà en Grèce ancienne c’était le cas.
Parler de couleur rouge est presque un pléonasme, c’est la couleur par excellence, la couleur archétypale, la première des couleurs. Cette suprématie s’explique surtout par la précocité des performances techniques de l’homme à partir des colorants et pigments offerts par la nature : « Des terres ocres rouges, riches en oxyde de fer, pour peindre et dessiner sur les parois des cavernes ; la garance, le carthame et plus tard le kermès pour teindre les étoffes et les vêtements. »
Dans certaines langues cette équivalence perdure : « Coloratus » en latin ou « colorado » en espagnol signifient à la fois « rouge » et « couleur ».
Ce n’est plus aujourd’hui la couleur préférée, la couleur préférée est le bleu, mais quand on pense couleur on pense d’abord rouge.
En Occident, le blanc et le rouge sont des contraires, le blanc et le noir aussi. Mais, le rouge et le noir n’entretiennent pas beaucoup de relations. Nous avons donc un schéma à trois pôles: le blanc, le rouge et le noir. En fait, il représente le blanc et ses deux contraires (le rouge et le noir). [Je rappelle que le noir, le blanc et le rouge sont les couleurs de la Prusse.]
Évidemment le rouge a été associé au communisme, « le péril rouge », « les rouges ». Mais à Moscou, contrairement à la pensée commune, la place rouge n’est pas la place des communistes mais c’est la belle place. Elle portait déjà ce nom au XVIIIème siècle. Dans beaucoup de culture, rouge et beau sont synonymes.
Le rouge est souvent aussi la couleur de l’interdit. Pour les réformateurs protestants le rouge est la couleur des papistes. Ils pensent que le rouge est immoral. Ils tirent leur conviction du dernier livre de la bible chrétienne, l’Apocalyse où la grande prostituée de Babylone porte une robe rouge. Le XIXème siècle moralise les couleurs. Les grands industriels sont souvent protestants et puritains, leur couleurs sont noires, grises brunes, pas de couleur éclatantes.
Enzo Ferrari est catholique et il créera la mythique Ferrari rouge.
Si vous souhaitez continuer ce bel exercice d’érudition je vous propose trois liens :
Et un site de la BNF consacré à une exposition sur le rouge http://expositions.bnf.fr/rouge/