Jeudi 6 mars 2025

« Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître. »
Claude Malhuret, sénateur de l’Allier, discours au Sénat du 4 mars 2025

Ecouter un discours de Claude Malhuret constitue toujours un moment savoureux, tant cet homme sait trouver les mots pour décrire une situation, un évènement, le comportement d’un humain.

Souvent, je suis d’accord avec le point de vue de ce centriste qui a été deux ans secrétaire d’état aux droits de l’homme de 1986 à 1988, dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac. Il a été maire de Vichy de 1989 à 2017, il est toujours sénateur de l’Allier.

Médecin de formation il a été pendant 8 ans président de Médecin sans frontière à partir de 1978.

Initialement, il était marqué à gauche et même marxiste. Mais il a résolument quitté ce courant de pensée en 1977, au retour d’un voyage en Thaïlande.

Wikipedia nous apprend qu’en 1976 et 1977, en Thaïlande, il est coordinateur des équipes médicales de l’association Médecins sans frontières (MSF) dans les camps de réfugiés cambodgiens, laotiens et vietnamiens. « Nous nous étions misérablement fourvoyés », reconnaîtra-t-il plus tard au sujet du génocide cambodgien, perpétré de 1975 à 1979 par les Khmers rouges. C’est cette expérience qui l’éloignera des utopies radicales et de la Gauche qui prétend incarner « le bien ». En 2003, il publie un livre sur ce sujet : « Les Vices de la vertu ou la Fin de la gauche morale. ».

Après l’épisode lamentable dans le bureau ovale de la Maison Blanche, pendant lequel Trump et son vice président ont insulté le Président Ukrainien Volodomyr Zelenski, Claude Malhuret a trempé sa plume dans l’acide et a offert au Sénat un discours d’anthologie

« L’Europe est à un tournant critique de son histoire. Le bouclier américain se dérobe, l’Ukraine risque d’être abandonnée, la Russie renforcée. Washington est devenu la cour de Néron. Un empereur incendiaire, des courtisans soumis et un bouffon sous kétamine chargé de l’épuration de la fonction publique. C’est un drame pour le monde libre, mais c’est d’abord un drame pour les États-Unis. »

« Un bouffon sous kétamine » désigne Elon Musk. Ce dernier, comme le rappelle « Ouest France », a admis consommer régulièrement de la kétamine, une drogue aux effets dissociatifs puissants, pouvant altérer la perception de la réalité et influencer la prise de décision.

« Le Point » donne des précisions sur la kétamine : « Cette molécule est une substance dérivée de la phencyclidine et produite chimiquement. Actuellement, elle est utilisée par les professionnels de santé comme anesthésique vétérinaire ainsi qu’en médecine humaine également dans le cadre des anesthésies générales. « Sous forme inhalée, ce produit est utilisé pour soulager un trouble dépressif et des idées suicidaires », complète le Pr Amine Benyamina, psychiatre, spécialisé en addictologie et à la tête du service de psychiatrie et d’addictologie de l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP) à Villejuif (Val-de-Marne). La kétamine fait partie de la catégorie des hallucinogènes. Mais, elle est aussi détournée de son usage médical à des fins récréatives. « La kétamine peut être utilisée dans les milieux festifs. À doses modérées, elle provoque des hallucinations, un sentiment de détente et des effets sensoriels très importants », alerte l’addictologue. Les adeptes mettent également en avant des états dissociatifs avec une distorsion de la perception visuelle et corporelle. »

Certaines apparitions de Musk en public semble montrer, en effet, que cet homme se trouve dans un état de lucidité aléatoire.

« Le message de Trump est que rien ne sert d’être son allié puisqu’il en vous défendra pas, qu’il vous imposera plus de droits de douane qu’à ses ennemis et vous menacera de s’emparer de vos territoires tout en soutenant les dictatures qui vous envahissent. Le roi du deal est en train de montrer ce qu’est l’art du deal à plat ventre. Il pense qu’il va intimider la Chine en se couchant devant Poutine, mais Xi Jinping, devant un tel naufrage, est sans doute en train d’accélérer les préparatifs de l’invasion de Taïwan. »

Il est étonnant de constater que Trump s’attaque d’abord à ses alliés historiques qu’il ne respecte pas alors qu’il répète son respect pour les dictateurs ou autocrates comme Poutine et Xi Jinping. L’analyse du fonctionnement de la rhétorique Trumpiste, nous rapproche des règles mafieuses dans lesquelles le parrain exige la soumission à sa prédation  contre une promesse, toujours révocable, de protection.

« Jamais dans l’histoire un président des États-Unis n’a capitulé devant l’ennemi. Jamais aucun n’a soutenu un agresseur contre un allié. Jamais aucun n’a piétiné la Constitution américaine, pris autant de décrets illégaux, révoqué les juges qui pourraient l’en empêcher, limogé d’un coup l’état-major militaire, affaibli tous les contre-pouvoirs et pris le contrôle des réseaux sociaux.
Ce n’est pas une dérive illibérale, c’est un début de confiscation de la démocratie. Rappelons-nous qu’il n’a fallu qu’un mois, trois semaines et deux jours pour mettre à bas la République de Weimar et sa constitution. »

Claude Malhuret rappelle le précédent fâcheux de la République de Weimar qui en 1933 a permis l’accession des nazis au pouvoir en Allemagne grâce à la complicité des partis de droite et du centre. Arrivé au pouvoir par des processus institutionnels, il a fallu peu de temps à ce parti pour éliminer tous les contrepouvoirs et devenir une dictature. Pour l’instant, Trump est dans le processus de faire taire tous les contrepouvoirs aux Etats-Unis en commençant par la Justice, la Presse et aussi le monde Universitaire.

« J’ai confiance dans la solidité de la démocratie américaine et le pays proteste déjà. Mais, en un mois, Trump a fait plus de mal à l’Amérique qu’en quatre ans de sa dernière présidence. »

Il est certain que par rapport à son premier mandat, Trump est mieux préparé et mieux entouré pour mettre en œuvre sa politique autoritaire, violente et cherchant à réduire la démocratie à son seul pouvoir.

« Nous étions en guerre contre un dictateur, nous nous battons désormais contre un dictateur soutenu par un traître. Il y a huit jours, au moment même où Trump passait la main dans le dos de Macron à la Maison-Blanche, les États-Unis votaient à l’ONU avec la Russie et la Corée du Nord contre les Européens réclamant le départ des troupes russes. Deux jours plus tard, dans le Bureau ovale, le planqué du service militaire donnait des leçons de morale et de stratégie au héros de guerre Zelensky, avant de le congédier comme un palefrenier en lui ordonnant de se soumettre ou de se démettre [applaudissements]. Cette nuit, il a franchi un pas de plus vers l’infamie en stoppant la livraison d’armes pourtant promises. »

Ce n’est pas la première fois que les Etats-Unis n’ont pas voté comme les européens à l’ONU, mais c’est la première fois qu’ils ont voté avec la Russie et la Corée du Nord. Claude Malhuret rappelle aussi que Donald Trump s’est fait exempté du service militaire pour de sombres raisons médicales. Enfin il semble clair à ce stade que ses positions et propositions sont davantage en faveur des thèses de Poutine que de l’intérêt de l’état souverain d’Ukraine agressé par son voisin et ayant une grande part de son territoire occupé et annexé.

« Que faire devant cette trahison ? La réponse est simple : faire face. Et d’abord ne pas se tromper. La défaite de l’Ukraine serait la défaite de l’Europe. Les pays baltes, la Géorgie, la Moldavie sont déjà sur la liste. Le but de Poutine est le retour à Yalta, où fut cédée la moitié du continent à Staline. Les pays du Sud attendent l’issue du conflit pour décider s’ils doivent continuer à respecter l’Europe ou s’ils sont désormais libres de la piétiner. Ce que veut Poutine, c’est la fin de l’ordre mis en place par les États-Unis et leurs alliés, il y a 80 ans, avec comme premier principe l’interdiction d’acquérir des territoires par la force. Cette idée est à la source même de l’ONU, où aujourd’hui les Américains votent en faveur de l’agresseur et contre l’agressé parce que la vision trumpienne coïncide avec celle de Poutine : un retour aux sphères d’influence, les grandes puissances dictant le sort des petits pays. “À moi le Groenland, le Panama et le Canada. À toi l’Ukraine, les pays baltes et l’Europe de l’Est, à lui Taiwan et la mer de Chine.” On appelle cela dans les soirées des oligarques du golfe de Mar-a- Lago le réalisme diplomatique. Nous sommes donc seuls. Mais le discours selon lequel on ne peut résister à Poutine est faux. »

Malhuret espère un sursaut de l’Europe. En sera t’elle capable ?

« Contrairement à la propagande du Kremlin, la Russie va mal. En trois ans, la soi-disante deuxième armée du monde n’a réussi à grapiller que des miettes d’un pays trois fois moins peuplé, les taux d’intérêt à 25%, l’effondrement des réserves de devises et d’or, l´’écroulement démographique montrent qu’elle est au bord du gouffre. Le coup de pouce américain à Poutine est la plus grande erreur stratégique commise lors d’une guerre. »

Stratégiquement Malhuret a probablement raison,

« Le choc est violent mais il a une vertu : les Européens sortent du déni. Ils ont compris en un jour à Munich que la survie de l’Ukraine et l’avenir de l’Europe sont entre leurs mains et qu’ils ont trois impératifs : accélérer l’aide militaire à l’Ukraine pour compenser le lâchage américain, pour qu’elle tienne et pour imposer sa présence et celle de l’Europe dans toute négociation. Cela coûtera cher, il faudra en terminer avec le tabou des avoirs russes gelés ; il faudra contourner les complices de Moscou à l’intérieur de l’Europe par une collaboration des seuls pays volontaires, avec bien sûr le Royaume Uni. En second lieu, exiger que tout accord soit accompagné du retour des enfants kidnappés, des prisonniers et des garanties de sécurité absolue. Après Budapest, la Georgie et Minsk, nous savons ce que valent les accords avec Poutine. Ces garanties passent par une force militaire suffisante pour empêcher une nouvelle invasion. »

Il faut surtout convaincre les peuples européens de cette nécessité. Il existe au sein de ces peuples de nombreuses tendances qui soit par lâcheté, soit par l’influence de lobbys pro-russe prétendent que la Russie ne constitue pas une menace pour l’Europe.

« Enfin, et c’est le plus urgent, parce que c’est ce qui prendra le plus de temps, il faut rebâtir la défense européenne négligée au profit du parapluie [nucléaire] américain depuis 1945 et sabordée depuis la chute du mur de Berlin. C’est une tâche herculéenne mais c’est sur sa réussite ou son échec que seront jugés dans les livres d’histoire les dirigeants de l’Europe démocratique d’aujourd’hui. Friedrich Merz vient de déclarer que l’Europe a besoin de sa propre alliance militaire. C’est reconnaître que la France avait raison depuis des décennies en plaidant pour une autonomie stratégique. Il reste à la construire. Il faudra investir massivement, renforcer le fonds européen de défense hors des critères d’endettement de Maastricht, harmoniser les systèmes d’armes et de munitions. »

Melenchon, Emmanuel Todd aussi, semblent craindre davantage le réarmement allemand que l’hostilité de l’impérialisme russe.

« Accélérer l’entraide de l’Union [europénne] á l’Ukraine qui est aujourd’hui la première armée européenne, repenser la place et les conditions de la dissuasion nucléaire à partir des capacités françaises et britanniques, relancer les programmes de bouclier anti-missiles et de satellites. Le plan annoncé hier par Ursula Von der Leyen est un très bon point de départ. Et il faudra beaucoup plus. L’Europe ne redeviendra une puissance militaire qu’en redevenant une puissance industrielle. En un mot, il faudra appliquer le rapport Draghi pour de bon. »

Redevenir une puissance industrielle, voilà la clé. Est-il réaliste d’y croire ? Est-il possible que les européens se mobilisent pour agir dans ce sens ?

« Mais le vrai réarmement de l’Europe, c’est son réarmement moral. Nous devons convaincre l’opinion face à la lassitude et à la peur de la guerre, et surtout face aux comparses de Poutine, l’extrême droite et l’extrême gauche. Ils ont encore plaidé hier à l’Assemblée nationale, monsieur le premier ministre devant vous, contre l’unité européenne, contre la défense européenne. Ils disent vouloir la paix. Ce que ni eux ni Trump ne disent, c’est que leur paix c’est la capitulation, la paix ou la défaite, le remplacement de “de Gaulle Zelinsky” par un Pétain ukrainien à la botte de Poutine, la paix des collabos qui ont refusé depuis trois ans toute aide aux Ukrainiens. Est-ce la fin de l’Alliance atlantique? Le risque est grand.  »

Vouloir la paix tel est le slogan utilisé par l’extrême droite et par l’extrême gauche. Melenchon a l’air de croire qu’il suffit d’aller négocier avec Poutine et de faire appel à sa raison pour sortir avec un solide traité de paix permettant à l’Europe de vivre sereinement à côté de cet impérialisme autoritaire et militarisé. Je suis persuadé, pour ma part, que seul une puissance militaire forte peut négocier sérieusement avec des prédateurs comme Poutine et aussi comme Trump.

« Mais depuis quelques jours, l’humiliation publique de Zelinsky et toutes les décisions folles prises depuis un mois ont fini par faire réagir les Américains. Les sondages sont en chute, les élus républicains sont accueillis par des foules hostiles dans leurs circonscriptions, même FoxNews devient critique. Les trumpistes en sont plus en majesté, ils contrôlent l’exécutif, le Parlement, la Cour suprême et les réseaux sociaux. Mais dans l’histoire américaine, les partisans de la liberté ont toujours gagné : ils commencent à relever la tête. Le sort de l’Ukraine se joue dans les tranchées, mais il dépend aussi de ceux qui aux États-Unis, veulent défendre la démocratie, et ici de notre capacité à unir les Européens, à trouver les moyens de leur défense commune et à refaire de l’Europe la puissance qu’elle fut un jour dans l’Histoire et qu’elle hésite à redevenir. »

L’optimisme du sénateur de l’Allier est doux à entendre. Pour ma part, j’ai des doutes…

« Nos parents ont vaincu le fascisme et le communisme au prix de tous les sacrifices. La tâche de notre génération est de vaincre les totalitarismes du 21e siècle. Vive l’Ukraine libre ! Vive l’Europe démocratique ! »

Nous sommes au temps des prédateurs, il faut résister. Pour cela il faut disposer d’une force morale forte que je sens peu dans notre société. Ce discours restera un moment de lucidité et de combat dans un monde de mollesse et de lâche soulagement. « Le discours de Claude Malhuret »

Mardi 4 mars 2025

« L’atmosphère qui régnait dans le bureau ovale lors de cette conversation nous a rappelé les interrogatoires que nous avons subis aux mains des services de sécurité et les débats dans les tribunaux communistes. »
Lech Walesa, lettre à Donald Trump

Nous avons donc assisté le vendredi 28 février 2025 à un « bon moment de télévision » selon Donald Trump, alors qu’avec son vice président, J. D. Vance, ils venaient de harceler, devant les caméras, le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui demandait juste un peu de considération et un appui pour garantir un futur cessez le feu avec la Russie de Poutine.

Souvent le mot « humiliation » a été utilisé pour décrire cette scène. Je crois que ce mot est inapproprié.

En effet, le dictionnaire Larousse donne comme définition de « humilier » :

« Atteindre quelqu’un dans son amour-propre, sa fierté, sa dignité, en cherchant à le déprécier dans l’esprit d’autrui ou à ses propres yeux »

Et complète cette description dans la version pronominale du verbe, à savoir, « s’humilier » :

« S’abaisser, avoir une attitude servile devant quelqu’un, quelque chose, par faiblesse, lâcheté, intérêt »

Le dictionnaire du CNRS donne la définition suivante pour « humilier » :

« Faire apparaître quelqu’un (dans tel ou tel de ses aspects) comme inférieur, méprisable, par des paroles ou des actes qui sont interprétés comme abaissant sa dignité. »

A aucun moment, je n’ai trouvé que le président ukrainien avait manqué de dignité. Il a fait front face à ces deux hommes qui le harcelaient de questions du type : « avez vous dit suffisamment merci ? » ou « vous voulez la troisième guerre mondiale ? ». Il a résisté à Trump, alors que beaucoup d’autres se couchent devant cet homme sans honneur.

Pour ma part, cette scène m’a fait plutôt penser à des films de mafieux, où Trump aurait joué le rôle du parrain et Vance son homme des basses œuvres : Il fallait se soumettre, dire merci au parrain et le payer pour obtenir sa protection.

Mais Lech Walesa, le fondateur du mouvement Solidarność, président de la république de Pologne de 1990 à 1995, du haut de ses 81 ans, a écrit hier une lettre au président Trump dans laquelle il fait une autre comparaison. Il compare cette séquence à un interrogatoire des services secrets communistes. Lui les a subi par les services polonais et rappelons que Poutine fut officier du KGB. Mais Lech Walesa exprime d’abord son dégout :

« Nous avons regardé le compte rendu de votre conversation avec le président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky, avec crainte et dégoût.
Nous trouvons insultant que vous attendiez de l’Ukraine qu’elle fasse preuve de respect et de gratitude pour l’aide matérielle fournie par les États-Unis dans sa lutte contre la Russie.
La gratitude est due aux héroïques soldats ukrainiens qui ont versé leur sang pour défendre les valeurs du monde libre. Ils meurent sur le front depuis plus de 11 ans au nom de ces valeurs et de l’indépendance de leur patrie, attaquée par la Russie de Poutine.

Nous ne comprenons pas comment le dirigeant d’un pays qui symbolise le monde libre ne peut pas le reconnaître. »

L’ancien syndicaliste polonais qui avait pu compter sur l’aide des USA de Ronald Reagan pour affronter les communistes polonais et leur tuteur soviétique russe, ne peut pas comprendre ce que l’Amérique est devenue sous la présidence du magnat de l’immobilier.

Il fait donc sa comparaison avec les services secrets communistes :

« Notre inquiétude a également été renforcée par l’atmosphère qui régnait dans le bureau ovale lors de cette conversation, qui nous a rappelé les interrogatoires que nous avons subis aux mains des services de sécurité et les débats dans les tribunaux communistes. Les procureurs et les juges, agissant au nom de la toute puissante police politique communiste, nous expliquaient qu’ils détenaient tous les pouvoirs et que nous n’en avions aucun. Ils exigeaient que nous cessions nos activités, arguant que des milliers d’innocents souffraient à cause de nous. Ils nous ont privés de nos libertés et de nos droits civiques parce que nous refusions de coopérer avec le gouvernement ou d’exprimer notre gratitude pour notre oppression.
Nous sommes choqués que le président Volodymyr Zelensky ait été traité de la même manière. »

Par la suite, il explique sa vision historique du rôle des Etats-Unis. Vous pourrez lire cette lettre et sa traduction derrière ce « lien ». Je trouve son analyse très pertinente. Vous trouverez la vidéo de ce triste épisode de l’histoire américaine « ici ». Et je finirai par le jugement sans appel du journaliste franco-suisse, Richard Werly, dans une émission de France Télévision :

« Ce Donald Trump est vraiment un sale type !»

Dimanche 5 mars 2023

« J’ai horreur de l’imitation et des choses déjà connues. »
Serge Prokofiev cité par Claude Samuel

Il y a 70 ans, jeudi le 5 mars 1953, l’immense compositeur né, en 1891, à Sontsivka en Ukraine, Serge Prokofiev meurt, à Moscou. Il avait 61 ans.

<Diapason Mag> raconte :

« Ce jour-là, Serge Prokofiev avait repris le manuscrit à peine esquissé de sa Sonate pour piano n° 10. Au début de l’après-midi, son médecin était passé le voir et, malgré une grande fatigue et des troubles de santé qui avaient nécessité au cours des huit dernières années de nombreux séjours à l’hôpital, il avait fait quelques pas dans les rues enneigées de Moscou, accompagné de Mira Mendelssohn, sa seconde épouse. Ils avaient évoqué leur départ pour leur résidence campagnarde de Nicolina Gora. Le printemps, enfin. Pour l’heure, Prokofiev avait un rendez-vous avec les responsables du Bolchoï où son dernier ballet, La Fleur de pierre, avait été mis en répétition cinq jours auparavant. Malaise dans la soirée, le médecin revient avec un traitement d’urgence. Congestion cérébrale fatale à 21 heures. 5 mars 1953 »

Mais son décès ne sera annoncé par la Pravda que le 11 mars, soit 6 jours après. Un journal américain avait publié la nouvelle le 9 mars.

Parce qu’il s’était passé autre chose le 5 mars 1953 : la mort d’un monstre sanguinaire et immonde qui avait enfin eu la bonne idée de disparaître de la surface de la terre.

Staline était le nom de cet individu qui fait partie du top 3 de ce que notre espèce « Homo sapiens » a généré de pire. Mao et Hitler ont été à l’origine d’encore plus de morts.

« La plus éminente médiocrité du Parti », disait son rival Trotski. Un cas psychiatrique atteint d’« hystérie » et de « folie de la persécution », selon son successeur Nikita Khrouchtchev.

Ce tyran disait de lui-même « Je ne fais confiance à personne, pas même à moi. »

Et aussi : « La mort résout tous les problèmes. Plus d’homme, plus de problème ». On lui attribue la paternité de plus de 20 millions de décès prématurés, auxquels il faut ajouter 28 millions de déportations. Il ne niait d’ailleurs pas un penchant pour le sadisme : « Le plus grand plaisir, c’est de choisir son ennemi, préparer son coup, assouvir sa vengeance, puis aller se coucher. » Un général de l’Armée rouge pouvait voir sa femme se faire arrêter, être élevé au grade de maréchal deux jours plus tard et finir fusillé quelques années après…

<Diapason Mag> évoque le récit que Prokofiev serait mort de joie  :

« Ce jour-là, des rumeurs avaient couru dans la ville : le camarade Staline était très malade, sinon déjà défunt. On dira plus tard, mais sans preuves, que Prokofiev mourut (de joie) en apprenant par voie radiophonique le décès du dictateur… »

Selon une autre source auquel j’ai eu accès, la mort de Staline a été annoncé 50 minutes après la mort de Prokofiev.

Dans ces conditions l’enterrement du compositeur fut évidemment compliqué :

« Cependant le corps de Prokofiev fut transporté dans la grande salle de l’Union des compositeurs, une opération particulièrement problématique dans une ville parsemée de barrages de police, sillonnée par des camions et des tanks. Quant à l’inhumation au cimetière de Novodievitchi, à proximité des tombes de Scriabine et de Tchekhov, elle fut un peu particulière. Peu de personnes s’étaient déplacées, sinon David Oïstrakh qui interpréta deux extraits de la Sonate pour violon n° 2 du défunt. Et il n’y avait pas la moindre fleur, denrée introuvable en ce jour de deuil national. »

La vie de cet homme fut une suite de contrariété.

D’abord il quitta son pays en 1918 pour fuir la guerre civile provoquée par l’arrivée au pouvoir des bolcheviks.

Ensuite dans son exil, notamment à Paris il fut dans l’ombre de Stravinsky qui triomphait avec les ballets russes davantage que Prokofiev qui écrivait aussi pour la troupe de Diaghilev avec qui il monte « Le Pas d’acier » (1928) et « Le Fils prodigue » (1929).

Il rencontre les artistes de son temps comme Pablo Picasso et Henri Matisse qui fait de lui un portrait au fusain.

Selon <Wikipedia> à partir de 1927, Prokofiev supporte de plus en plus mal l’exil et correspond de plus en plus avec ses amis restés en URSS. Il décide d’y faire une tournée dont le succès est tel qu’il fait salle comble pendant plus de deux mois ; il est fêté comme un héros national ayant conquis l’Occident.

Il envisage alors sérieusement un retour au pays, ce qui lui permettrait de sortir enfin de l’ombre de Stravinsky, d’autant que Diaghilev disparaît de manière totalement inattendue à Venise en 1929.

Et puis, pour avoir des revenus suffisants que son seul métier de compositeur ne lui donne pas, il est obligé de poursuivre une carrière de pianiste virtuose qui lui donne accès à de nombreux concerts.

Or Serge Prokofiev veut avant tout être compositeur.

Cette quête, il la poursuit depuis son enfance.

Je ne résiste pas à la tentation de raconter cette scène de son enfance relatée par Claude Samuel dans son ouvrage sur Prokofiev :

« Un jour, raconte Mme Prokofiev [sa mère qui était bonne pianiste] lorsque j’avais fini de jouer, il s’approcha de moi, me tendit un papier et dit Voilà une mazurka de Chopin que j’ai composée, joue-la moi ! Je mis le papier devant moi et je commençai une des mazurkas de Chopin. « Non ce n’est pas ça ! joue la mazurka de Chopin que j’ai composée » Je répondis à cela que je ne pouvais jouer ce qu’il avait fait parce qu’on n’écrivait pas ainsi, mais en le voyant prêt à pleurer, je dus lui montrer les erreurs de sa notation. »

Et le petit Serge appris vite et continua inlassablement à composer.

Et il commença même à avoir un peu de succès auprès de compositeurs russes importants et reconnus comme Serge Tanaeiv.

Cette passion pour la composition il pensa pouvoir l’exercer pleinement en Union soviétique qui lui promettait de l’accueillir confortablement en le laissant composer à sa guise et à son rythme tout en lui versant une pension régulière et sans condition lui permettant d’être compositeur à plein temps.

C’est en 1936 qu’il devient résident permanent à Moscou. Au départ, la réalité correspond à peu près aux promesses.

Mais à partir de 1948, le Parti Communiste, Staline et son bras armé culturel Jdanov conçurent qu’il fallait composer des œuvres d’art et notamment la musique selon des normes soviétiques.

Ce fut l’objet de la Résolution du parti communiste du 10 février 1948.

J’en ai déjà parlé lors de mots du jour consacrés à Dimitri Chostakovitch.

Dès lors la vie des compositeurs et des artistes devint un enfer. Interdit de quitter l’Union soviétique, ils risquaient à tout moment de perdre toute capacité à exercer et donc à obtenir des revenus. Bien plus ils étaient menacés d’être envoyés au Goulag, voire d’être exécuté après un procès expéditif.

David Oïstrakh et Dimitri Chostakovtch ont raconté comment, à cette époque, ils avaient préparé une petite valise pour être prêt, si un matin les sbires de ce régime scélérat venaient les chercher pour les emmener. Probablement que Prokofiev en fit autant.

Ce fut alors une vie de contrariétés avant une cérémonie de l’Adieu tronquée à cause du « montagnard du Kremlin » comme l’appelait Ossip Mandelstam.

Prokofiev fut un remarquable compositeur. J’emprunte encore au livre de Claude Samuel cet auto-évaluation du compositeur qui me parait pertinente.

« Le mérite principal de ma vie a toujours été la recherche de l’originalité de ma propre langue musicale. J’ai horreur de l’imitation et j’ai horreur des choses déjà connues. »

Il faut bien quelques liens vers des œuvres magistrales :

D’abord pour admirer la force rythmique de Prokofiev : < <Yuja Wang jouant le Precipitato de la 7ème sonate de piano>

Son chef d’œuvre symphonique la <5ème symphonie par l’Orchestre de Paris et Paavo Järvi>

Et son chef d’œuvre absolu, le ballet <Roméo et Juliette par l’Opéra de Paris>

<1735>

Jeudi 2 juin 2022

« Témoigner, dénoncer, donner à voir étaient au centre de ses choix professionnels et humains […] Sa courte vie a eu un sens »
La mère de Frédéric Leclerc-Imhoff

Frédéric Leclerc-Imhoff était un jeune homme de 32 ans.

Il est décédé lundi 30 mai, « touché par un éclat d’obus » lors du tournage d’un reportage sur les évacuations de civils de Lysychansk et Severodonetsk dans le Donbass qu’il réalisait pour BFMTV . Il s’agit du 8e journaliste tué depuis le début du conflit en Ukraine.

<Slate> nous apprend qu’il était diplômé de l’Institut de Journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA) et travaillait pour BFMTV depuis plus de 6 ans après avoir travaillé en tant que réalisateur de reportages et de documentaire pour l’agence Capa, comme l’indique LCI. En Ukraine pour couvrir l’invasion russe, il effectuait sa deuxième mission sur place lorsque le véhicule dans lequel il se trouvait a été ciblé par un bombardement russe.
Il s’agit du 8e journaliste tué depuis le début du conflit en Ukraine.

Pourquoi parler de lui, alors que la guerre d’Ukraine fait tous les jours des centaines de morts ?

Parce que ce jeune homme a pris tous ces risques pour nous informer, pour que nous puissions disposer d’une information indépendante et pas seulement de propagande.

Aldous Huxley a écrit :

« La philosophie nous enseigne à douter de ce qui nous paraît évident. La propagande, au contraire, nous enseigne à accepter pour évident ce dont il serait raisonnable de douter »

Ainsi les alliés séparatistes du Kremlin ont affirmé à l’agence de presse russe Tass que Frédéric Leclerc-Imhoff n’était pas un journaliste, mais un mercenaire étranger et qu’il aurait livré des armes et des munitions à l’armée ukrainienne.

C’est de la désinformation, de la propagande russe.

Pour pouvoir lutter contre cette falsification de la réalité, les journalistes sont indispensables.

Christophe Deloire, le directeur général de Reporters sans frontières a rendu hommage à Frédéric Leclerc-Imhoff sur <France Inter> le 31 mai 2022.

Il a rapporté un entretien avec la mère du journaliste :

« Je suis très fière de mon fils et de son engagement. Témoigner, dénoncer, donner à voir étaient au centre de ses choix professionnels et humains […] Sa courte vie a eu un sens. ».

Ses collègues ont affirmé qu’il était le contraire d’une tête brulée. Mais les forces russes ciblent les journalistes qui peuvent contrecarrer leur récit mensonger des évènements.

Christophe Deloire précise que

« Depuis le début du conflit, des journalistes se sont fait tirer -pardonnez-moi l’expression- comme des lapins » par les forces russes, il y a une responsabilité du Kremlin, de Vladimir Poutine, sur ces crimes de guerre. Heureusement qu’il y a des journalistes sur le terrain pour dénoncer les mensonges des forces russes qui prétendent qu’elles ne visent pas les civils alors qu’elles le font, qui prétendent qu’elles ne visent pas les journalistes alors qu’elles le font ».

Nous ne pouvons qu’exprimer notre gratitude devant ces vigies de la vérité que sont les journalistes qui prennent ces risques pour nous informer. Frédéric Leclerc-Imhoff était l’une d’entre elles.

<1675>

Lundi 30 mai 2022

« D’écrire, brusquement, je me suis arrêté !»
Réflexions personnelles sur la difficulté d’écrire dans notre monde troublé.

Le mardi 22 mars 2022, j’ai posé la plume.

C’est ainsi qu’on aurait pu l’écrire dans les temps anciens, ceux de ma jeunesse.

Poser le clavier, n’a pas de sens, il est toujours posé, surtout quand on l’utilise. Peut-être, « ranger le clavier » pourrait convenir.

Que s’est-il passé, pour que je m’éloigne de ma discipline quotidienne d’écriture du mot du jour ?

Brusquement la guerre d’Ukraine est entrée dans nos vies, dans nos esprits.

Je n’arrivais plus à écrire sur un autre sujet, car celui-ci prenait toute la place.

Suivant cette actualité, je m’efforçais de trouver des éclairages, des analyses qui ne pouvaient se résumer à l’émotion.

L’écriture des derniers mots se terminait au-delà de 1 heure du matin., me laissant exténué et l’esprit de plus en plus embrouillé.

D’écrire je me suis arrêté.

Je tente, aujourd’hui, de reprendre…

Peut être, cela ne sera pas possible tous les jours, si je me retrouve dans une pression comme celle qui a conduit à l’arrêt.

Cette guerre continue.

Ce lundi 30 mai, constitue le 96ème jour de guerre.

L’Ukraine ne s’est pas effondrée comme le pensait les « spécialistes ». Dans le mot du jour, du 25 février je citais des militaires sur France Inter qui prévoyait un effondrement en une semaine.

Le 24 avril 2022, après une visite à Kiev le secrétaire à la défense américain Lloyd Austin a déclaré :

« Les Ukrainiens peuvent gagner s’ils ont les bons équipements, le bon soutien ! »

Et il a ajouté :

« Nous voulons voir la Russie affaiblie à un degré tel qu’elle ne puisse pas faire le même genre de choses que l’invasion de l’Ukraine. Elle a déjà perdu beaucoup de capacités militaires, et beaucoup de troupes, et nous ne voudrions pas qu’elle puisse rapidement reconstituer ces capacités. »

Et c’est ainsi que <Les Etats-Unis s’apprêtent à débloquer 40 milliards de dollars supplémentaires pour l’Ukraine>

Mais que représente 40 milliards de dollars ?

Je pense que nous pouvons en avoir une idée, en constatant que le budget 2022 de la Défense de la France s’élève à 40,9 milliards (Mds) d’euros (49,6 Md€ pensions incluses).

Nonobstant le taux de change, l’aide américaine est du niveau du budget annuel de la défense française !

A cela s’ajoute l’aide de l’Union européenne et du Royaume Uni.

Bref, l’Ukraine est armée pour ne pas perdre la guerre.

Le secrétaire à la défense américaine parle même de victoire. Sur certains terrains, comme celui de Kharkiv, l’infanterie et l’artillerie ukrainienne ont fait reculer l’armée russe.

Mais la réalité du terrain c’est que la Russie progresse, s’empare de villes après les avoir détruites avec des bombardements et des missiles, car elle conserve la maîtrise des airs.

Par exemple, la ville de Sievierodonetsk dans le Donbass est en train de connaître le sort qu’avant la ville de Marioupol avait connu. Le maire de Sievierodonetsk, <Oleksandr Stryuk> a déclaré qu’au moins 1 500 personnes avaient été tuées dans sa ville et qu’il en restait environ 12 000 à 13 000 dans la ville, où il a déclaré que 60% des bâtiments résidentiels avaient été détruits. C’est une ville qui comptait, avant l’offensive russe, plus de 100 000 habitants.

Le prix à payer pour les russes est énorme.

Mais dans ce podcast de Slate : «Vladimir Poutine n’a pas fait son deuil de prendre Kiev» Jean-Marie Colombani et Alain Frachon rappellent que les russes ont une réserve d’hommes beaucoup plus importante que les ukrainiens.

Et que surtout : Poutine reprend une tradition russe ou soviétique : la vie de ses soldats n’a pas beaucoup de prix.

Il faut rappeler ce que fut la victoire, lors de la seconde guerre mondiale, de l’armée rouge sur l’armée nazi. Ce fut une grande victoire de l’armée rouge et une défaite des armées allemandes, mais <Wikipedia> nous informe que si les pertes de l’armée allemande étaient de 890 000 hommes, 1 100 000 avec ses alliées, en face les vainqueurs, les soviétiques en comptaient 4 980 000, plus de quatre fois plus.

Ce qui a fait dire à certains que les allemands gagnaient la guerre en faisant couler le sang des autres, alors que les russes gagnaient la guerre en faisant couler le sang de ses propres soldats. Ce n’est pas le génie de Staline, comme l’affirmait l’esprit égaré du candidat communiste à l’élection présidentielle française, qui a gagné la guerre, mais bien le courage des soldats de l’armée rouge qui offraient, sans compter, leur vie à la victoire finale.

Dans ces conditions les russes peuvent-ils perdre ?

En outre, la Russie est une puissance nucléaire, disposant d’armes de destructions massives et Poutine dans son égo, dans sa manière de gouverner et sa relation avec le peuple russe, ne peut pas accepter la défaite.

Dès lors la crainte exprimée par Henri Guaino: «Nous marchons vers la guerre comme des somnambules» ne peut que nous inquiéter.
Il emprunte cette image au titre du livre de l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première Guerre mondiale : «Les Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre»

« Le déclenchement de la guerre de 14-18,écrit-il, n’est pas un roman d’Agatha Christie (…) Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y a en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie.»

En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire.

Alors il faut des négociations.

Mais même cette porte de sortie n’est pas satisfaisante.

L’arrêt des combats aura pour conséquence de figer l’avancée des troupes russes.

Et c’est exactement la manière de faire de Poutine : il avance, quand il y a trop d’obstacles, il s’arrête et attend. Et puis dès qu’il peut, il avance à nouveau. Jamais il ne recule.

Et on apprend aussi, que sur les territoires conquis, le maître du Kremlin fait pratiquer des <déportations massives> :

« Selon le Pentagone, qui confirme des accusations de Kiev, plus d’un million de civils auraient été «envoyés en Russie contre leur gré». Une telle déportation de population serait contraire aux conventions de Genève. Moscou avance des chiffres analogues, mais parle «d’évacuations». Des Ukrainiens ont été «envoyés contre leur gré en Russie», a annoncé ce lundi le porte-parole du Pentagone au cours de sa conférence de presse quotidienne. […] Cette déclaration, basée sur les informations des services de renseignement américains, confirme, au moins en partie, les accusations portées par Kiev depuis plusieurs semaines. Selon la responsable ukrainienne Lioudmila Denissova, «plus de 1,19 million de nos citoyens, y compris plus de 200.000 enfants, ont été déportés vers la Fédération de Russie»».

Il n’y a pas de bonne fin envisageable à cette guerre qui aura des conséquences considérables sur notre vie des prochains mois et probablement des prochaines années.

<1672>

Lundi 21 mars 2022

« Les occidentaux ne peuvent malheureusement pas se réclamer du camp du bien. »
Réflexions personnelles

Lundi 21 mars 2022 est le 26ème jour de la guerre d’agression que la Russie de Poutine a lancé contre son voisin ukrainien.

C’est un acte de barbarie et de violence qui ne peut trouver ni excuse, ni de justification.

De ci de là, je lis et j’entends des émissions qui évoquent sérieusement la possibilité de traduire Poutine devant la Cour Pénale Internationale de La Haye qui est la  juridiction pénale internationale permanente à vocation universelle, chargée de juger les personnes accusées de génocide, de crime contre l’humanité, de crime d’agression et de crime de guerre

Quand ce sont des gens sérieux, ce qui n’est pas toujours le cas, ils expliquent que la CPI est une institution qui ne peut juger que les ressortissants des États qui ont reconnu sa compétence, ce qui n’est pas le cas de la Russie, ni des États-Unis d’ailleurs.

A ce stade, il faut hélas reconnaître que la position de l’Occident est très fragilisée par ses immenses manquements passés. Et qu’avant de vouloir traduire Poutine, devrait se présenter dans le couloir qui mène au Tribunal International Georges W Busch.

Celles et ceux qui ont un peu de mémoire se souvienne de ce 5 février 2003 où lors d’une session du Conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire d’État américain, Colin Powell, a apporté et présenté un petit flacon, en prétendant que celui-ci contenait une arme biologique qui faisait partie du stock d’armes de destruction massive dont disposait l’Irak de Saddam Hussein.

Et en ajoutant que l’Irak constituait un danger pour les États-Unis et le Monde, il prétendait qu’il fallait  attaquer l’Irak.

La France présidée par Jacques Chirac s’était fermement opposée à la volonté américaine en affirmant qu’il n’y avait aucune preuve de l’existence de ces armes de destruction massive.

On parle aujourd’hui de folie de Poutine.

Mais comment analyser ce geste d’emmener dans un simple flacon dans l’enceinte des Nations Unies une arme biologique de destruction massive ?

Probablement, et on ose l’espérer, il n’y avait rien de nocif dans ce flacon.

Mais, il s’agissait alors d’une manipulation qui n’a rien à envier aux manœuvres de Poutine.

Et puis comprenant que La France, la Russie et la Chine, trois membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, utiliseraient leur droit de veto pour empêcher que l’ONU n’approuve l’intervention armée contre l’Irak, les États-Unis et leurs alliés ont lancé l’assaut sur l’Irak le 20 mars 2003, sans l’aval du Conseil de Sécurité.

C’était donc une guerre illégale au même titre que celle lancée par Poutine contre l’Ukraine.

Les États-Unis ont commencé alors l’invasion de l’Irak par un bombardement intensif des villes irakiennes.

Personne n’a demande alors de sanctions économiques contre les USA !

Nous le savons aujourd’hui et la CIA l’a reconnu : il n’y avait pas d’armes de destruction massive en Irak.

Cette guerre a entrainé des centaines de milliers de morts.

Elle a conduit, suite à des décisions toujours plus désastreuses de l’administration américaine, à la création et à l’expansion de DAESH réunion de la folie messianique de fous d’Allah et de la folie destructrice d’officiers de l’armée de Saddam Hussein scandalisés d’avoir été rejetés en marge de la société irakienne et d’être la proie des persécutions de la majorité chiite ayant pris le pouvoir grâce à l’appui de l’armée américaine.

On reproche, à juste titre, à Poutine d’utiliser une milice privée pour ses basses œuvres : les mercenaires Wagner.

Mais, l’Amérique de Bush a aussi plusieurs longueurs d’avance sur cette dérive poutinienne.

En Irak, les armées privées étaient plus nombreuses que l’armée régulière américaine.

Une société de mercenaires était particulièrement présente : Blackwater qui s’appelle désormais <Academi>..

Dans l’article de Wikipedia auquel je renvoie, il est précisé que les contrats entre les Etats-Unis et Blackwater «  sont alors facilités par les nombreux liens d’Erik Prince avec les néoconservateurs de l’administration Bush, comme A. B. Krongard (en), directeur exécutif et numéro 3 de la CIA, qui signe avec Blackwater des contrats pour la protection de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. L’ancien directeur du centre anti-terroriste de la CIA Cofer Black (en) a rejoint Blackwater en 2005 ».

Et puis à côté de dérapages non ou moins documenté, on peut lire cet épisode :

« Le 16 septembre 2007, des membres de Blackwater ouvrent le feu à la mitrailleuse et jettent des grenades sur un carrefour très fréquenté de Bagdad, alors qu’ils circulaient en véhicules blindés. La fusillade fait au moins 13 morts et 17 blessés, dont des femmes et des enfants. La porte-parole de Blackwater, Anne Tyrrell, déclarent que « les employés [avaient] agi conformément à la loi en réponse à une attaque » et que « les civils sur lesquels il aurait été fait feu étaient en fait des ennemis armés et nos employés [avaient] fait leur travail pour défendre des vies humaines », une version qui sera contredite par les témoignages et les procureurs américains. Le porte-parole du ministère irakien de l’Intérieur, Abdul-Karim Khalaf, déclare que « le fait d’être chargé de la sécurité ne les [autorisait] pas à tirer sur les gens n’importe comment ». […] Le quotidien suisse Le Temps résume ainsi la fusillade : « La balle a traversé la tête de Haithem Ahmed. Pas de coup de semonce préalable, pas de tension particulière à Bagdad, mais ce projectile qui a tué instantanément l’Irakien alors qu’il circulait dans une voiture aux côtés de sa mère. Le conducteur mort, le véhicule s’emballe. Et les mercenaires de Blackwater aussi : ils arrosent de centaines de balles la place Nissour, noire de monde, où les passants tentent désespérément de se mettre à l’abri. Des grenades sont lancées, et les hélicoptères des gardes privés interviennent rapidement pour achever le travail. Bilan : au moins 17 civils irakiens tués, 24 blessés ».

Le 1er octobre 2007 un rapport de la Chambre des représentants des États-Unis est publié dans lequel est recensé, durant la période allant du 1er janvier 2005 au 12 septembre 2007, 195 fusillades impliquant Blackwater et dans 163 cas, les employés de Blackwater ont tiré les premiers. Tous ces crimes sont restés impunis, certains mercenaires ont été licenciés.

Il y avait deux autres sociétés militaires privées : DynCorp et Triple Canopy, Inc. qui étaient présentes en Irak, mais Blackwater a été à l’origine de plus de fusillades que les deux autres sociétés réunies.

La société militaire Wagner n’est donc qu’une copie d’exemples fournis par l’Occident.

On cite comme première <Société militaire privée> une société sud-africaine puis une britannique :

« Une des premières sociétés privées d’intervention fut Executive Outcomes en Afrique du Sud, qui s’est scindée en plusieurs organisations à la fin des années 1990. Au Royaume-Uni, la plus connue est Sandline International qui offrait dès les années 1990 une large gamme de services allant de l’entraînement de troupes au maintien ou à la restauration de la sécurité. Leur poids croissant laisse à penser qu’elles vont devenir des acteurs stratégiques à part entière dans les grands conflits contemporains, pouvant orienter les décisions militaires et poursuivre quelquefois des objectifs différents de ceux des États »

Et puis toujours en Irak, il y eut le <scandale de la prison d‘Abou Ghraib> lors duquel les occidentaux se réclamant de la défense des droits de l’homme se sont comportés en tortionnaires sadiques.

Il y eut encore la création du <Camp de Guantanamo > qui avait pour objet de sortir des prisonniers des États-Unis de l’état de droit, des droits de la défense.

On parle de corruption en Russie et des oligarques russes qui ont des comportements de parrains mafieux. C’est parfaitement exact. Mais reprenons les États-Unis en Irak.  Le vice président de Geors W Busch était Donald Rumsfeld. De 1995 à 2000, ce dernier  dirige la société d’ingénierie civile Halliburton spécialisée dans l’industrie pétrolière. Cette société a décroché de gros contrats en Irak en 2003. Des journalistes lui ont fortement reproché ce conflit d’intérêt, sans aucune conséquence pratique.

Quelques années auparavant, la guerre du Vietnam a été la plus grande guerre chimique de l’Histoire. Des millions de morts, plus les milliers de malades dus aux troubles génétiques entraînés par les armes qui ont été utilisées.

J’ai beaucoup parlé des États-Unis qui occupent incontestablement la première place dans ce classement des comportements monstrueux en temps de guerre.

Mais la France n’a pas été en reste pendant la guerre d’Algérie qu’on évoque actuellement en raison des accords d’Évian du 18 mars 1962 et beaucoup plus récemment lors de la guerre déclarée en Libye pour chasser le dictateur Khadafi en violation de la Loi internationale et en entrainant aussi une situation chaotique comme en Irak.

Il y aurait encore tant d’histoires à raconter. Tout cela pour conclure que l’Occident est peu crédible quand elle entend donner des leçons morales à la planète entière.

Probablement que cette distanciation entre les principes affichés et la réalité des actions devient de plus en plus insupportable à une grande partie des États du monde non occidental.

C’est probablement une des principales raisons qui peut expliquer les nombreuses abstentions lors de l’Assemblée générale de l’ONU visant à condamner l’agression de la Russie contre l’Ukraine. Comme le montre ce planisphère produit par « Le Un Hebdo»


Ces contradictions des occidentaux sont largement développées par Pierre Conesa dans une interview de Thinkerview : <Comment arrive -t-on à la guerre ? >

Tout cela n’enlève rien aux crimes de Poutine, mais rend la voix des occidentaux moins crédible.

<1671>

Vendredi 18 mars 2022

« Soldats russes, redevenez des hommes. […] Ce que vous avez devant vous en [Ukraine], ce n’est pas l’ennemi, c’est l’exemple. »
Victor Hugo en 1863, avec cette différence que le rôle de l’Ukraine était tenu par la Pologne

Le vendredi 18 mars est le 23ème jour de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine

« Le Un Hebdo » qui ne traite que d’un sujet par numéro, a consacré ses quatre derniers numéros à cette guerre.


Dans le numéro 388 du 16 mars : « Jusqu’où la guerre ? » Éric Fottorino commence son réquisitoire par ces mots :

« Images de détresse, de ruines, de cratères vertigineux, de corps sans vie. En contrechamp, Poutine reste droit dans sa lâcheté, violant toutes les règles de la paix sans personne pour le défier autrement qu’avec des mots et des atteintes au portefeuille. Alors, sur qui la population d’Ukraine sacrifiée sous nos yeux peut-elle compter pour que le cauchemar s’arrête, face à un tyran qui fait mine de négocier, mais ne feint jamais de tuer ? Si l’Europe a constitué un front uni de désaveu, de sanctions, de soutien armé aux Ukrainiens, les agressés restent bien seuls pour défendre leur patrie. »

Et il le finit par cette histoire :

« Une dessinatrice ukrainienne, Anna Sarvira, s’étonnait ces jours-ci sur Instagram qu’on lui demande : pourquoi ne pas vous rendre, pour sauver le plus de vies possibles ? Se rendre ?
Jamais, a-t-elle répondu. Poser cette question, c’est ignorer ce que signifie vivre sous le joug russe. « Comme obliger une victime à vivre avec son violeur », dit-elle.»

André Markowicz qui est traducteur des grands écrivains russes, dans son article : <Le plus vil des autocrates> enterre définitivement cette fable que l’Ukraine serait un pays néo nazi, absurdité relayée par tous les français naïfs, sous influence de la propagande poutinienne :

« Oui, il y avait des tensions nationalistes en Ukraine, et oui, l’Ukraine avait adopté des « lois mémorielles » inacceptables, qui punissaient quiconque disait que les nationalistes ukrainiens, pendant la guerre, avaient été alliés aux nazis – ce qu’ils ont été. Mais, aujourd’hui, le jeu démocratique fait que les extrémistes nationalistes, en Ukraine, étaient réduits à 2 ou 3 % du corps électoral (ce qui laisse rêveur quand on regarde les 35 % d’électeurs qui, chez nous, s’apprêtent à voter Zemmour ou Le Pen). Et, oui, ce qui se forgeait en ce moment, en Ukraine, était une société démocratique. Elle se forgeait, très vite, sur un système hérité du soviétisme, sur la corruption, l’incompétence, malgré l’héritage et voisinage catastrophiques de la Russie poutinienne. Et si Poutine est intervenu, ce n’est pas pour « sauver » le Donbass, mais parce qu’il ne pouvait pas admettre la réussite, même partielle, d’une démocratie à ses frontières. »

Et j’ajoute que parce que l’extrême droite était réduite à 3 % du corps électoral, elle n’a pas atteint le seuil nécessaire pour figurer au Parlement. Le Parlement actuel de l’Ukraine est vierge de toute extrême droite.

Mais le rejet le plus fort de ce crime en train de se réaliser n’est-il pas atteint par la dérision et l’ironie que dégage l’article de Robert Solé :

<Le mot de…[Guerre]>
C’est un gros mot, et je vous rappelle que notre président Vladimir Vladimirovitch Poutine (que Dieu le garde !) ne supporte pas les mauvaises manières. Ici, en Russie, qualifier de guerre l’opération militaire spéciale en Ukraine vous conduit directement en prison. Il y a en effet des limites à l’incorrection ! Je dirais même des limites à l’absurdité. Réfléchissez : comment la Russie pourrait-elle faire la guerre à l’Ukraine alors que l’Ukraine fait partie de la Russie ? Un pays peut-il se retourner contre lui-même ?
Il faut faire la guerre, sans cesse, aux mots inexacts. Nos frappes, honteusement qualifiées de bombardements par les agresseurs occidentaux, sont millimétrées. Nos militaires travaillent comme des chirurgiens, des joailliers.

Les nazis au pouvoir à Kiev réclament des couloirs d’évacuation pour les civils qui tentent de fuir leur tyrannie. Le président Poutine, qui est un humaniste, a proposé, lui, des corridors humanitaires. Lesquels ne conduiraient pas ces malheureux réfugiés dans l’enfer occidental, mais bien à l’abri, en Russie ou en Biélorussie. Cela a été scandaleusement refusé.
Avec courage et détermination, malgré le déluge de feu qui s’abat sur eux, nos véhicules motorisés avancent vers Kiev. Les habitants de la ville, qui font le siège des fleuristes, attendent leurs libérateurs avec une excitation grandissante.
Où va s’arrêter l’agression de l’Otan ? Vladimirovitch Poutine (que Dieu le garde à la présidence jusqu’en 2036 !) démontre depuis vingt-cinq ans qu’il est un homme de paix, un pacifiste. Mais si l’on s’obstine à le violenter, je vous le dis : de guerre lasse, il sera contraint de faire la guerre. »

La Russie aujourd’hui, l’Union Soviétique hier et… L’Empire russe avant est une dangereuse récidiviste qui a l’habitude d’attaquer, massacrer et soumettre ses voisins.

En 1863, la Pologne n’existait plus. Elle avait été dépecée entre la Prusse, l’Empire d’Autriche Hongrie et pour sa plus grande part l’Empire Russe. J’avais narré cette histoire lors de la série sur la grande guerre, dans le mot du jour du <15 novembre 2018>

Mais le sentiment national polonais existait même en l’absence d’État et <en janvier 1863>, la nation polonaise s’est révoltée contre le Tsar qui a envoyé son armée écraser la Pologne.

Le rédacteur d’un journal polonais, Alexandre Herzen a écrit à Victor Hugo : « Grand frère, au secours ! Dites le mot de la civilisation. »

Et Victor Hugo a répondu !

Et ce texte, si on remplace Pologne par Ukraine, polonais par ukrainien et Varsovie par Kiev, pourrait quasi être écrit aujourd’hui :

« À L’ARMÉE RUSSE

Soldats russes, redevenez des hommes.

Cette gloire vous est offerte en ce moment, saisissez-la.

Pendant qu’il en est temps encore, écoutez :

Si vous continuez cette guerre sauvage ; si, vous, officiers, qui êtes de nobles cœurs, mais qu’un caprice peut dégrader et jeter en Sibérie ; si, vous, soldats, serfs hier, esclaves aujourd’hui, violemment arrachés à vos mères, à vos fiancées, à vos familles, sujets du knout, maltraités, mal nourris, condamnés pour de longues années et pour un temps indéfini au service militaire, plus dur en Russie que le bagne ailleurs ; si, vous qui êtes des victimes, vous prenez parti contre les victimes ; si, à l’heure sainte où la Pologne vénérable se dresse, à l’heure suprême ou le choix-vous est donné entre Pétersbourg où est le tyran et Varsovie où est la liberté ; si, dans ce conflit décisif, vous méconnaissez votre devoir, votre devoir unique, la fraternité ; si vous faites cause commune contre les Polonais avec le czar, leur bourreau et le vôtre ; si, opprimés, vous n’avez tiré de l’oppression d’autre leçon que de soutenir l’oppresseur ; si de votre malheur vous faites votre honte ; si, vous qui avez l’épée à la main, vous mettez au service du despotisme, monstre lourd et faible qui vous écrase tous, russes aussi bien que polonais, votre force aveugle et dupe ; si, au lieu de vous retourner et de faire face au boucher des nations, vous accablez lâchement, sous la supériorité des armes et du nombre, ces héroïques populations désespérées, réclamant le premier des droits, le droit à la patrie ; si, en plein dix-neuvième siècle, vous consommez l’assassinat de la Pologne, si vous faites cela, sachez-le, hommes de l’armée russe, vous tomberez, ce qui semble impossible, au-dessous même des bandes américaines du sud, et vous soulèverez l’exécration du monde civilisé ! Les crimes de la force sont et restent des crimes ; l’horreur publique est une pénalité.

Soldats russes, inspirez-vous des polonais, ne les combattez pas.

Ce que vous avez devant vous en Pologne, ce n’est pas l’ennemi, c’est l’exemple.

VICTOR HUGO.Hauteville-House, 11 février 1863.
« À l’armée russe » in Œuvres complètes de Victor Hugo, Actes et paroles, II, Pendant l’exil, 1852-1870, Paris, Hetzel et Quantin, 1883, pp. 323-324.

<1670>

Jeudi 17 mars 2022

« Profits et pertes : les spéculateurs de la crise et du chaos »
Documentaire de Rupert Russe (Royaume-Uni, 2019, 1h22mn)

Le jeudi 17 mars est le 22ème jour de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine

Le 17 mars est aussi un jour particulier : il y a deux ans nous commencions le premier confinement pour lutter contre la COVID19.

Nous espérions, il y a deux ans, que le confinement ne dure pas trop longtemps. Mais nous ne pensions pas que lorsque la pandémie deviendrait moins prégnante, l’autocrate du Kremlin engagerait une guerre dont nous ne savons pas aujourd’hui où elle nous mènera.

J’ai regardé avec un grand intérêt le THEMA d’Arte, le 15 mars.

D’abord le documentaire sur le Président Zelenski : <Zelensky, l’homme de Kiev> qui montre l’évolution de cet homme, sa part d’ombre et aujourd’hui sa part de lumière, parce qu’il a su se hisser à la hauteur des évènements et faire face.

Ce documentaire a été suivi par un autre : <Profits et pertes : les spéculateurs de la crise et du chaos> dans lequel on voit les dégâts et conséquences de la financiarisation du monde.

Il établit ce lien étroit entre quelques traders qui, comme, dans un jeu vidéo, spéculent sur les matières premières, installés tranquillement devant leur écran d’ordinateur et la conséquence qui peut être la hausse des prix de l’énergie, du blé ou d’autres choses vitales pour les humains.

Alors dans des pays pauvres, le prix des aliments devient si cher qu’il y a des émeutes de la faim et des morts.

Les terres dont veut s’emparer Poutine sont riches de matières premières, Le documentaire laisse entendre que si Poutine parle d’Histoire qu’il raconte à sa façon, il pense peut-être aux ressources naturelles de l’Ukraine.

Le Monde pose aussi cette question : <La Russie envahit-elle l’Ukraine pour ses ressources naturelles ?>

Cet article qui détaille les ressources de l’Ukraine qui sont importantes ne semble cependant pas répondre positivement à la question introductive :

« Les ressources de l’Ukraine ne constituent pas en soi un intérêt décisif qui motiverait une invasion, car leur part dans la production mondiale demeure minime par rapport à d’autres producteurs. « Cet intérêt est encore moins stratégique pour un pays comme la Russie aussi riche en matières premières, et qui avait des échanges commerciaux avec l’Ukraine qui lui permettait d’acquérir ces ressources », avance Pierre Laboué. Mais dans un contexte de sanctions, ajoute-t-il toutefois, la maîtrise de certaines de ces ressources peut présenter un intérêt tactique : « Les marchés dont l’équilibre offre-demande est déjà tendu peuvent surréagir à la moindre tension supplémentaire, ce qui renforce le pouvoir de marché de la Russie. Avec le risque de récession de l’économie russe suite aux sanctions, tout bonus est bon à prendre. »

Mais ce documentaire est très intéressant surtout par ce qu’il montre que très souvent la fluctuation des cours qui peut avoir des conséquences graves pour des populations entières est déconnectée de la réalité physique et de la disponibilité de ces matières physiques. Les fluctuations s’expliquent alors par l’action des spéculateurs mus par l’appât du gain. De plus en plus souvent ce ne sont même plus des humains qui spéculent mais des algorithmes qui traitent des millions d’informations.

En revanche, ce ne sont pas les algorithmes qui encaissent les profits réalisés.

ARTE présente ainsi ce documentaire :

« Du Venezuela à l’Irak, enquête sur les ravages causés par les spéculations sur les matières premières dans un marché mondialisé. Les éclairages d’économistes de premier plan comme Jeffrey Sachs ou le prix Nobel Joseph Stiglitz permettent de mieux appréhender les mécanismes et les conséquences de montages financiers dictés par la seule loi du profit. Pain, eau, carburant… : pour une part croissante de la population mondiale, notamment en Amérique latine, en Asie ou en Afrique, des hausses de prix vertigineuses rendent de plus en plus inabordables ces biens de première nécessité.

Avec les guerres et le changement climatique, l’impossibilité d’accéder au minimum vital constitue désormais l’une des premières causes de migration sur la planète et le facteur aggravant de conflits armés. Ces brutales augmentations du coût de la vie trouvent souvent leur origine dans de nouvelles formes de spéculation sur les matières premières, qui créent à l’échelle mondiale des mouvements de prix totalement déconnectés des marchés locaux – un « effet papillon » dévastateur.

Du Venezuela à l’Irak en passant par le Kenya ou le Guatemala, pays violemment touchés par le phénomène, cette enquête explore les ravages de ces inflations incontrôlées en remontant jusqu’aux places boursières où se nouent les guerres des prix. »

Je redonne le lien  : <Profits et pertes : les spéculateurs de la crise et du chaos>.

<1669>

Mercredi 16 mars 2022

« La manière dont [Poutine] s’y prend est inspirée du modèle hitlérien. !»
Elie Barnavi

La guerre déclenchée par Poutine a commencé le jeudi 24 février.

Le mercredi 16 mars est le 21ème jour de guerre

Souvent, je pense que le comportement de Poutine ressemble à celui d’Hitler.

Mais il est difficile de faire appel à ce moment de l’histoire à cause du « Point godwin » que j’avais développé lorsque certains comparaient la victoire des écologistes aux municipales de Lyon avec l’arrivée de Hitler au pouvoir.

Toutefois, Elie Barnavi, l’historien qui a aussi été ambassadeur d’Israël en France, a fait cette comparaison dans <les matins de France Culture du 15 mars>

C’est à peu près vers 25 mn :

« Il y a la pure agression d’un pays contre son voisin parce qu’il estime que l’existence de son voisin n’est simplement pas légitime.
Il essaie de l’avaler.

On a à faire à quelque chose qu’on n’a pas vu en Europe depuis la seconde guerre mondiale.

Cela me parait comme une resucée du nazisme en quelque sorte.

Si on comparait les actions de Poutine à ce qu’a fait Hitler, – on dit Hitler et on pense à Auschwitz – mais il y a le Hitler du coup de force, du coup de poing, des provocations et des mensonges.
On est exactement dans le même type de comportement.

Il est lui-même d’ailleurs ironique, il traite les ukrainiens de nazisme, alors qu’il est entrain de se comporter exactement de la même manière.

Je ne pense pas que cela va aboutir aux chambres à gaz, mais je pense que la manière dont il s’y prend est inspiré du modèle hitlérien. »

C’est en effet, en dehors du génocide, une action qu’on peut comparer au modèle hitlérien :

  • Comme Hitler il considère inacceptable que des russes se trouvent dans des régions qui ne sont pas en Russie. Situation qui a fait suite à l’effondrement de l’Union Soviétique. Pour Hitler c’était la paix de Versailles, il a commencé par annexer l’Autriche puis il s’est attaqué à la Tchécoslovaquie en raison de la région des Sudètes qui comptait une majorité d’allemands.
  • Comme Hitler il ment de manière inimaginable. Son armée bombarde une maternité, on voit des mères enceintes qui doivent fuir l’établissement et certaines vont mourir. Ses sycophantes, comme les appelle Barnavi, prétendent que la maternité de Marioupol était une base de la milice d’extrême droite Azov.
  • Il installe en Russie un outil de propagande comme les nazis et tous les russes doivent reprendre exactement le récit gouvernemental sous peine d’être arrêtés et condamnés jusqu’à 15 ans de prison.
  • Tous les médias sont contrôlés par le gouvernement, les autres sont fermés. Il tente même de fermer tous les réseaux sociaux qui peuvent être divergents.

Par rapport à Hitler, il y a le génocide en moins et l’arme nucléaire en plus.

<1668>

Lundi 14 mars 2022

« Si l’humanité accepte que le péché est une variation du comportement humain, alors la civilisation humaine s’arrêtera là !»
Patriarche Kirill

Pour Karl Marx, la religion était l’opium du peuple.

En aparté, et dans ma vision actuelle du monde et de mon expérience, je crois que sur ce point, il avait totalement raison.

L’opium c’est la drogue, c’est-à-dire un artifice qui fait qu’on voie la vie comme dans un rêve et que la raison est anesthésiée.

L’Union Soviétique, suivant le conseil de Karl Marx, a combattu les religions et les religieux, tout en promouvant elle-même une religion laïque : le communisme qui était aussi une croyance à un récit.

Quand l’Union soviétique s’est écroulée, la religion orthodoxe est sortie de sa léthargie pour redevenir l’opium du peuple avec la bénédiction de Vladimir Poutine.

L’église orthodoxe est devenue pour le nouveau Tsar une caution morale et un symbole du renouveau de la sainte Russie.

Après un accord avec Nicolas Sarkozy en 2007, Vladimir Poutine a fait construire en finançant, quai Branly, la construction de ce qu’on pourrait appeler un <centre russe orthodoxe> comprenant une école, un centre culturel et surtout une cathédrale offerte à l’Église orthodoxe russe.

Au pied de la Tour Eiffel, entièrement financé par le Kremlin à hauteur de 150 millions d’euros, ce centre devait être inauguré, en 2016, par Vladimir Poutine et le patriarche Kirill de Moscou. Mais les tensions diplomatiques autour de la guerre en Syrie en ont décidé autrement.

Elle fut donc inauguré en l’absence de Vladimir Poutine et du patriarche, le 19 octobre 2016.

C’était pendant le quinquennat Hollande.

Mais Poutine a quand même pu voir son œuvre un peu plus tard.

Vous vous souvenez, ou alors on vous l’a rappelé lors du sommet des 27 à Versailles de ce week-end que le jeune et nouveau Président que nous nous étions donné en 2017, avait invité très rapidement Vladimir Poutine au château de Versailles pour essayer de l’amadouer.

Ce qu’il n’est pas arrivé à faire… Pour ma part, je ne le lui reprocherai pas, au moins a t’il essayé.

C’était le lundi 29 mai 2017. Et cette rencontre a permis à Poutine de se rendre à la cathédrale en fin d’après-midi.

Poutine avait déjà en 2011, utilisé tous les moyens pour récupérer la propriété de la Cathédrale Saint Nicolas de Nice. Et il y est parvenu.

Ce <Site Niçois> raconte :

« En 2011, la Russie revendique la propriété de la Cathédrale Saint-Nicolas. La Fédération de Russie revendique le fait que le terrain sur lequel elle est construite appartenait à la famille impériale de Russie. L’Association cultuelle orthodoxe russe de Nice, gérante du lieu depuis près d’un siècle, se voit alors contrainte d’envoyer les clés de l’édifice au président russe Vladimir Poutine. Quelques années plus tard, la Russie se voit restituer trois autres reliques du tsar Alexandre II qui faisaient la fierté du lieu. »

Il est peut être possible qu’en raison des sanctions économiques contre la Russie, la France puisse reprendre ce joyau.

C’est ce qu’envisage cet article de « Nice Matin » : < La France peut-elle saisir l’église russe de Nice dans le cadre des sanctions annoncées ?>

On constate donc qu’entre Vladimir Poutine et l’Église orthodoxe « c’est du sérieux », pour reprendre l’expression utilisée par Nicolas Sarkozy dans d’autre circonstances.

Mais l’Église Orthodoxe et le Patriarche Kirill le lui rendent bien.

« Le nouvel esprit public » de ce dimanche m’a fait connaître une revue en ligne <Grand Continent>.

Cette revue a traduit un discours, je n’ose écrire une homélie, du Patriarche Kirill prononcé le 6 mars 2022, le dimanche de la Saint-Jean, appelé, précise l’article, « dimanche du pardon »), qui est une fête spécifique aux orthodoxes et qui fait mémoire de l’expulsion d’Adam et Eve du Paradis, souvenir du péché originel, mais aussi de la promesse de Rédemption. Ce sermon a été prononcé dans la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou.

Vous trouverez cet article derrière ce lien : < La guerre sainte de Poutine >.

Je donne quelques extraits du sermon du sage Patriarche, représentant d’une autre religion de paix, comme aime à s’appeler toutes les religions monothéistes :

L’article est très intéressant, parce que son auteur contextualise les propos du vieil orthodoxe moscovite :

« Le printemps est la renaissance de la vie, un certain grand symbole de la vie. Et c’est pourquoi ce n’est pas tout à fait par hasard que la principale fête de printemps est la Pâque du Seigneur, qui est aussi un signe, un gage, un symbole de la vie éternelle. Et nous croyons qu’il en est ainsi, et cela signifie que toute la foi chrétienne, que nous partageons avec vous, est la foi qui affirme la vie, qui est contre la mort, contre la destruction, qui affirme la nécessité de suivre les lois de Dieu pour vivre, pour ne pas périr dans ce monde, ni dans l’autre.

Mais nous savons que ce printemps est assombri par de graves événements liés à la détérioration de la situation politique dans le Donbass, presque le début des hostilités. Je voudrais dire quelque chose à ce sujet.

Depuis huit ans, on tente de détruire ce qui existe dans le Donbass.

Et dans le Donbass, il y a un rejet, un rejet fondamental des soi-disant valeurs qui sont proposées aujourd’hui par ceux qui prétendent au pouvoir mondial. Aujourd’hui, il existe un test de loyauté envers ce pouvoir, une sorte de laissez-passer vers ce monde « heureux », un monde de consommation excessive, un monde de « liberté » apparente. Savez-vous ce qu’est ce test ? Le test est très simple et en même temps terrifiant : il s’agit d’une parade de la gay pride. La demande de nombreux pays d’organiser une gay pride est un test de loyauté envers ce monde très puissant ; et nous savons que si des personnes ou des pays rejettent ces demandes, ils ne font pas partie de ce monde, ils en deviennent des étrangers.

Mais nous savons ce qu’est ce péché, qui est promu par les soi-disant « marches de la fierté » (gay pride). C’est un péché qui est condamné par la Parole de Dieu – tant l’Ancien que le Nouveau Testament. Et Dieu, en condamnant le péché, ne condamne pas le pécheur. Il l’appelle seulement à la repentance, mais ne fait en aucun cas du péché une norme de vie, une variation du comportement humain – respectée et tolérée – par l’homme pécheur et son comportement.

Si l’humanité accepte que le péché n’est pas une violation de la loi de Dieu, si l’humanité accepte que le péché est une variation du comportement humain, alors la civilisation humaine s’arrêtera là. Et les gay pride sont censées démontrer que le péché est une variante du comportement humain. C’est pourquoi, pour entrer dans le club de ces pays, il faut organiser une gay pride. Pas pour faire une déclaration politique « nous sommes avec vous », pas pour signer des accords, mais pour organiser une parade de la gay pride. Nous savons comment les gens résistent à ces demandes et comment cette résistance est réprimée par la force. Il s’agit donc d’imposer par la force le péché qui est condamné par la loi de Dieu, c’est-à-dire d’imposer par la force aux gens la négation de Dieu et de sa vérité.

Par conséquent, ce qui se passe aujourd’hui dans la sphère des relations internationales ne relève pas uniquement de la politique. Il s’agit de quelque chose d’autre et de bien plus important que la politique. Il s’agit du Salut de l’homme, de la place qu’il occupera à droite ou à gauche de Dieu le Sauveur, qui vient dans le monde en tant que Juge et Créateur de la création. Beaucoup aujourd’hui, par faiblesse, par bêtise, par ignorance, et le plus souvent parce qu’ils ne veulent pas résister, vont là, du côté gauche. Et tout ce qui a trait à la justification du péché condamné dans la Bible est aujourd’hui le test de notre fidélité au Seigneur, de notre capacité à confesser la foi en notre Sauveur.

Tout ce que je dis a plus qu’une simple signification théorique et plus qu’une simple signification spirituelle. Il y a une véritable guerre autour de ce sujet aujourd’hui. Qui s’attaque aujourd’hui à l’Ukraine, où huit années de répression et d’extermination de la population du Donbass, huit années de souffrance, et le monde entier se tait – qu’est-ce que cela signifie ?

Mais nous savons que nos frères et sœurs souffrent réellement ; de plus, ils peuvent souffrir pour leur loyauté envers l’Église. Et donc, aujourd’hui, en ce dimanche du pardon, moi, d’une part, en tant que votre berger, j’appelle tout le monde à pardonner les péchés et les offenses, y compris là où il est très difficile de le faire, là où les gens se battent entre eux. Mais le pardon sans la justice est une capitulation et une faiblesse. Le pardon doit donc s’accompagner du droit indispensable de se placer du côté de la lumière, du côté de la vérité de Dieu, du côté des commandements divins, du côté de ce qui nous révèle la lumière du Christ, sa Parole, son Évangile, ses plus grandes alliances données au genre humain.

Aujourd’hui, nos frères du Donbass, les orthodoxes, souffrent sans aucun doute, et nous ne pouvons qu’être avec eux – avant tout dans la prière. Nous devons prier pour que le Seigneur les aide à préserver leur foi orthodoxe et à ne pas succomber aux tentations. » […]

Que le Seigneur nous aide tous à entrer dans le chemin du Saint Carême de telle manière, et pas autrement, qu’Il puisse sauver nos âmes et favoriser la multiplication du bien dans notre monde pécheur et souvent terriblement erroné, afin que la vérité de Dieu puisse régner et diriger le genre humain. Amen. »

Vous voyez que Karl Marx avait raison à propos de l’opium.

Cet article renvoie vers un autre < Que nous importe le monde si la Russie n’y existe plus ?> qui présente Vladislav Iouriévitch Sourkov qui est un homme d’affaires et homme politique russe, cofondateur du parti Russie unie qui mena Vladimir Poutine au pouvoir en 2001.Il est considéré comme le principal idéologue du Kremlin des années 2000, auteur du concept de « Démocratie souveraine », il est nommé vice-président du gouvernement, chargé de la modernisation le 27 décembre 2011 par Dmitri Medvedev.

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