Mercredi 17 mai 2023

« Être soi-même ne devrait jamais être un crime. » »
António Guterres Secrétaire général de l’ONU dans son message du 11 mai 2023

Avant on parlait d’homophobie, et le 17 mai était désigné par l’ONU comme « La journée internationale contre l’homophobie »

Désormais, l’ONU parle, en 2023, de « La Lutte contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie »

Le Conseil de l’Europe, en est resté à la première appellation : « Journée internationale contre l’homophobie »

Une journée internationale (ou journée mondiale) est un jour de l’année dédié à un thème particulier à un niveau international ou mondial. Le calendrier de l’Organisation des Nations unies en prévoit plus de 140.
La date choisie a toujours un rapport avec l’objet de la journée.
Ainsi, la première ayant été instituée, le fut en 1950 : « La journée mondiale des droits de l’homme » fut fixée au 10 décembre.

L’explication tient au fait que le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Alors pourquoi le 17 mai, pour lutter contre l’Homophobie ?

Parce que le 17 mai 1990 l’Organisation Mondiale de la Santé a décidé de ne plus considérer l’homosexualité comme une maladie mentale !

Ce n’est pas très ancien, 1990, c’était il y a 33 ans !

La France l’avait fait en 1981 avec l’arrivée de la Gauche et de Mitterrand au pouvoir. Ce n’était que 9 ans avant…

La journée est originaire du Québec. La Fondation Émergence a créé en 2003 la première journée nationale contre l’homophobie.
Mais la première journée, organisée à un niveau international, eu lieu le 17 mai 2005 grâce à Louis-Georges Tin, un professeur et activiste français. Il a été le président du Comité IDAHO (du nom de la journée en anglais, International Day Against Homophobia and Transphobia) entre 2005 et 2013.

Dans son message du 11 mai 2023 qui annonçait la journée du 17 mai, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, disait :

« Alors que nous célébrons la Journée internationale contre l’homophobie, la transphobie et la biphobie, la constatation est saisissante. Partout dans le monde, les personnes LGBTQI+ continuent de connaître la violence, la persécution, les discours haineux, l’injustice, voire le meurtre pur et simple.

Parallèlement, des lois rétrogrades continuent de criminaliser les personnes LGBTQI+ dans le monde, les punissant du simple fait d’être elles-mêmes.

Chaque agression contre les personnes LGBTQI+ est une agression contre les droits humains et les valeurs qui nous sont chères.

Nous ne pouvons pas faire marche arrière et nous ne le ferons pas.

L’ONU soutient fermement la communauté LGBTQI+ et ne cessera son action que lorsque les droits humains et la dignité seront une réalité pour toutes les personnes.

Je demande à nouveau à tous les États Membres de respecter la Déclaration universelle des droits de l’homme et de mettre fin à la criminalisation des relations consensuelles entre personnes du même sexe et à celle des personnes transgenres. Être soi-même ne devrait jamais être un crime. »

Pour ceux qui ne connaissent pas précisément le sigle LGBTQI+, en voici le détail : Par L, on entend « Lesbiennes », par G « Gays », par B « Bisexuel·le·s », par T « Trans », par Q « Queers », par I « Intersexué·e·s », par A « Asexuel·le·s » ou « Aromantique·s » et le + inclut les nombreux autres termes désignant les genres et les sexualités. Plus précisément Queer, en anglais, signifie bizarre, inadapté, C’est le mot que l’on lançait à ceux qui n’étaient pas assez masculins, aux femmes aux allures de garçonnes, aux êtres dont le genre brouille les pistes. Bref, ce sigle entend englober toutes les tendances sexuelles.

Mais dans le monde cette journée n’est célébrée que dans environ 60 Etats. C’est ce qu’on lit sur ce <site> qui rappelle aussi que la dernière exécution par la France s’est déroulée, à Paris, en Place de grève (c’est-à-dire la Place de l’Hôtel de Ville) le 6 juillet 1750 : Bruno Lenoir et Jean Diot furent brulés après avoir été étranglés.

Le site de la journée mondiale nous apprend que :

« Dans 72 états au moins, les actes homosexuels sont condamnés par la loi (Algérie, Sénégal, Cameroun, Ethiopie, Liban, Jordanie, Arménie, Koweït, Porto Rico, Nicaragua, Bosnie…) ; dans plusieurs pays, cette condamnation peut aller au-delà de dix ans (Nigeria, Libye, Syrie, Inde, Malaisie, Cuba, Jamaïque…) ; parfois, la loi prévoit la détention à perpétuité (Guyana, Ouganda). Et dans une dizaine de nations, la peine de mort peut être effectivement appliquée (Afghanistan, Iran, Arabie Saoudite…).
En Afrique, récemment, plusieurs présidents de la république ont brutalement réaffirmé leur volonté de lutter personnellement contre ce fléau selon eux « anti-africain « . Dans d’autres pays, les persécutions se multiplient. Au Brésil par exemple, les Escadrons de la mort et les skin heads sèment la terreur : 1960 meurtres homophobes ont pu être recensés officiellement entre 1980 et 2000. Dans ces conditions, il paraît difficile de penser que la « tolérance » gagne du terrain. Au contraire, dans la plupart de ces Etats, l’homophobie semble aujourd’hui plus violente qu’hier. La tendance n’est donc pas à l’amélioration générale, tant s’en faut. »

En effet, l’homophobie semble ne pas régresser sur une grande partie de l’humanité. Poutine est parmi ceux qui sont ouvertement homophobes et qui dénoncent la lutte contre l’homophobie comme une valeur occidentale qu’il faut combattre.<En Ouganda> le Président Yoweri Museveni vient de promulguer une loi anti-homosexualité 2023. Joe Biden a dénoncé une « atteinte tragique » aux droit humains.

Au Maroc, une enseignante d’une classe de CM1 de l’école primaire française Honoré-de-Balzac de Kénitra, dans laquelle elle travaillait depuis 30 ans, a été suspendue suite à la plainte de parent d’élèves pour soi-disant « apologie de l’homosexualité ». La majorité des parents la soutiennent et considèrent cette sanction comme une injustice.

Mais <Libération> précise :

« Apologie de l’homosexualité». Au Maroc, l’accusation est grave. Dans un pays où l’homosexualité est punie jusqu’à trois ans d’emprisonnement, la « propagande LGBT» est considérée comme une atteinte à la religion et est donc encore plus sévèrement condamnée, avec des peines allant de trois à cinq ans de prison. »

L’affaire est devant la justice marocaine.

J’en avais déjà parlé lors du <mot du jour du 14 septembre 2022>, comme chaque année, le monde du football a organisé la journée dédiée à la lutte contre l’homophobie, pour laquelle il était demandé que les joueurs des 20 équipes de Ligue 1 arborent un maillot floqué de l’arc-en-ciel des fiertés LGBT, en marque de soutien.

Plusieurs joueurs ont comme l’année dernière refusé de porter ce brassard et ont alors été écarté par leur club et n’ont pas joué lors de cette journée. Parmi eux je citerais le marocain jouant à Toulouse Zakaria Aboukhlal parce qu’il a essayé de justifier sa position :

« Je tiens à souligner que j’ai la plus grande estime pour chaque individu, quels que soient ses préférences personnelles, son sexe, sa religion ou ses origines. c’est un principe que l’on ne soulignera jamais assez. Le respect est une valeur que j’estime beaucoup. Il s’étend aux autres mais comprend également le respect de mes propres croyances personnelles. Par conséquent, je ne crois pas être la personne la plus appropriée pour participer à cette campagne. J’espère sincèrement que ma décision sera respectée, tout comme nous souhaitons tous d’être traités avec respect. »

La campagne dont il parle ne lui demande pas de devenir homosexuel, mais simplement de rejeter toute forme de discrimination à leur égard.

Dans « L’Equipe » du 16 mai 2023, on peut lire la réponse d’un ancien joueur de Toulouse, Ouissem Belgacem, franco-tunisien et qui revendique la même religion musulmane que Zakaria Aboukhlal :

« [Je ne le comprends pas] Il est en train de dire : « Je suis homophobe et respectez-moi » Sauf que dans notre pays, l’homophobie est punie par la loi. C’est décevant et lâche. Il y a des millions de Français de confession musulmane qui n’ont aucun problème avec l’homosexualité. En faisant ce choix, il nourrit [le sentiment anti musulman] en France. […] Les gens vont conclure que ce n’est pas le football qui a un problème avec l’homosexualité mais les footballeurs musulmans »

Ouissem Belgacem a écrit un livre « Adieu ma honte » dans lequel il parle de son homosexualité et du monde du football par rapport à ce sujet. Dans l’article il a encore cette formule : « Raciste ou homophobe, c’est pareil. »

L’homophobe qui demande le respect s’est trouvé mêlé à une autre histoire de respect. Cet épisode est aussi relaté dans l’Equipe.

Comme le club de Toulouse avait gagné la Coupe de France, la Mairie de Toulouse avait organisé une fête dans ses locaux. Et pendant le discours du Maire, avec d’autres joueurs il faisait beaucoup de bruit. Alors, Laurence Arribagé, adjointe aux Sports à la mairie de Toulouse, leur a demandé de faire moins de bruit.

Zakaria Aboukhlal  a alors interpellé l’élue toulousaine par ces mots :

«  Dans mon pays les femmes ne parlent pas aux hommes comme cela »

Cet individu veut donc que l’on respecte son homophobie et que la femme respecte l’homme en ne le critiquant jamais.

Cette vision du « respect » ne me parait pas très respectable.

Mais aux États-Unis, dans certains États, la situation est tout aussi préoccupante.

En Floride, le gouverneur Ron Santis qui a pour ambition de gagner les primaires républicaines contre Trump, puis de devenir Président des Etats-Unis, s’est attaqué aux livres dans les écoles qui font mention de l’homosexualité, il a aussi attaqué Walt Disney qu’il juge trop inclusif.

Et maintenant comme le révèle <France Info> il entend aller plus loin et publier une Loi prévoyant que les médecins auraient la possibilité d’opposer une clause de conscience, leur permettant de refuser de soigner un patient si celui-ci n’est pas en phase avec leur vision des mœurs. « Je ne peux pas vous soigner, votre orientation sexuelle me l’interdit »

Ceci me conduit à deux conclusions :

  • Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites !
  • Les fondamentalistes de toutes les religions se rejoignent dans leur intolérance et leur rejet de ceux qu’ils accusent d’être déviants, alors qu’ils ne sont que différents de ce que leur raconte le récit auquel ils adhérent.

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Lundi 13 mars 2023

« La femme de Tchaïkovski »
Film de Kirill Serebrennikov

Elle s’appelait Antonina Milioukova :

Le 6 juillet 1877, en l’Eglise Saint George de Moscou, elle devint Madame Tchaïkovski, l’épouse du plus grand compositeur russe de l’Histoire Piotr Ilitch Tchaïkovski.

Kirill Serebrennikov l’un des grands réalisateurs et metteurs en scène russe, qui vit désormais à Berlin a poursuivi le projet de consacrer un film à cette femme.

Avec Annie, nous sommes allés voir ce film après avoir entendu le réalisateur invité de Léa Salamé : « Il est absolument impossible que mon film soit montré en Russie »

C’est un film qui selon nous dégage une grande force.

C’est un film de malheur, de malaise, d’humiliation et d’entêtement.

Le malheur provient du fait que ce mariage est un désastre, il ne sera jamais consommé. Après trois mois Tchaïkovski fuit, tombe en dépression et fait même une tentative de suicide. Dans le film Srebrennikov montre une scène dans laquelle Tchaïkovski tente d’étrangler sa femme.

Le malaise c’est le non-dit, des situations pénibles dans lesquelles va se retrouver Antonina Milioukova, dans un monde d’hommes dans lequel aucune place ne lui est accordée.

L’humiliation est celle que Tchaikovsky et ses proches lui imposent pour se débarrasser d’elle, pour l’éloigner

Et l’entêtement est celle de cette femme qui refuse le divorce et veut rester l’épouse de Tchaïkovski.

Igor Minaev et Olga Mikhaïlova, dans leur livre : « Madame Tchaïkovski : chronique d’une enquête » explique

« Dans sa notice nécrologique on pouvait lire : «Tchaïkovski est mort célibataire» mais lors des funérailles du compositeur, le 11 octobre 1893, les gens furent pris de stupeur à la lecture de l’inscription sur une des couronnes : «De la part de sa femme aimante».  »

Le 1er décembre 2016, j’avais écrit un mot du jour : « La symphonie Pathétique » qui est la dernière œuvre du compositeur. Il l’a créé sous sa direction à Saint-Pétersbourg, le 28 octobre 1893 et 9 jours après, il est mort à l’âge de 53 ans.

Dans ce mot du jour, j’évoquais la thèse défendue par certain, notamment l’écrivaine Nina Berberova, du suicide du compositeur suite à une décision de condamnation à mort par un tribunal d’honneur. Cette thèse est controversée.

Mais le cœur de tout cela que plus personne ne conteste c’est l’homosexualité de Tchaïkovski.

Une homosexualité inavouable dans la société de cette époque et pour Tchaïkovski exclusive : il ne supportait pas les attouchements avec un corps féminin.

Il écrira quelques mois après les noces à son jeune frère Modeste :

« Je l’avais bien prévenue qu’elle ne pouvait compter que sur un amour fraternel. Physiquement, ma femme m’inspire à présent une répulsion totale »

Deux ans avant son mariage, en 1876, il avait écrit toujours à Modeste :

« Je voudrais, par un mariage ou du moins par une liaison déclarée avec une femme, faire taire certaines créatures méprisables. »

Dans le film, Srebrennikov, montre une Antonina qui poursuit Tchaïkovski avec passion pour lui demander le mariage auquel il finit par céder.

L’actrice qui joue le rôle d’Antonina est extraordinaire et a pour nom Alyona Mikhailova.

« Le Masque et la Plume» ont trouvé à une exception près ce film magnifique, mais c’est de manière unanime qu’ils ont reconnu la performance d’Alyona Mikhailova. Et ils ont dénoncé comme une injustice que le dernier festival de Cannes, où ce film était présenté, ne lui ait pas décerné le Prix d’interprétation féminine,
Tout le monde sait que Tchaikovski était homo-sexuel. Mais le gouvernement russe, comme avant le gouvernement soviétique, comme avant le gouvernement tsariste ne veut pas le reconnaître.

Lorsque Kirill Serebrennikov présente son projet au ministre russe de la Culture, ce dernier lui répond

« Tchaïkovski n’était pas homosexuel, vous n’êtes pas autorisé à le laisser penser dans votre film, nous avons besoin d’un film sur Tchaïkovski hétérosexuel ».

Serebrennikov explique à Léa Salamé :

« Ce que j’ai trouvé repoussant, c’est cette commande propagandiste : quand on dicte à une équipe de tournage qu’il faut faire comme-ci, ou comme ça, c’est comme si le mensonge devenait une idéologie de propagande ».

Concernant son film il décrit son projet :

« Ces deux personnes ont été en vraie dépression, mais Tchaïkovski a réussi à rester un grand compositeur. Antonina, elle, a sombré dans cette folie. […] Il y a là une certaine naïveté, mais aussi un ego passionné, un désir de posséder la personne que vous avez choisie. Ce désir de posséder la rend extrêmement contemporaine […] En miroir de ce personnage qui agit, on voit un Tchaïkovski dur, narcissique, insensible à elle. Il était contre tout ce qui pouvait l’empêcher d’écrire sa musique, il essayait de créer autour de lui les bonnes circonstances pour travailler, il le fait par des efforts qu’on peut interpréter comme étant de l’agression ».

Dans la réalité Antonina Milioukova finira sa vie dans un Hôpital psychiatrique à Moscou, dans lequel elle décédera le 1er mars 1917, 24 ans après son mari

Igor Minaev et Olga Mikhaïlova, dans leur livre : « Madame Tchaïkovski : chronique d’une enquête » écriront :

« En 1917, dans un hôpital psychiatrique de la ville de Saint-Pétersbourg, mourait une mystérieuse patiente. Elle ne figurait pas dans les registres de la clinique sous le nom de Madame Tchaïkovski, veuve du compositeur Piotr Tchaïkovski, mais comme Antonina Miloukova. […] Déjà rejetée de son vivant, elle fut par la suite complètement oubliée par ses contemporains ; la génération actuelle va même jusqu’à douter de son existence. »

Sur le site <Zone Critique> Kirill Serebrennikov précise :

« Je souhaitais porter un regard inattendu sur un héros national et intouchable et j’ai décidé, pour ce faire, de suivre les lois générales du biopic (ou film biographique), en considérant les éléments de loin sans porter un regard radical dessus. Se placer à une certaine distance permet d’entrevoir les choses avec du recul et d’embrasser toute la psychologie des personnages, ce qu’il n’est pas possible de faire quand on s’approche trop près, presque face contre face. J’ai adopté cette distance par le truchement d’Antonina, car je voulais adopter le point de vue d’une personne qui ne sait pas ce que nous, nous savons. Elle a son propre regard, vit sa propre expérience, celle d’une personne somme toute classique et banale, en proie à l’impossibilité d’interagir comme il faut avec un génie, ce qu’il représente : un soleil irradiant de talent. Elle n’y parvient pas car, bien que resplendissant, le soleil a aussi ses propres taches et, paradoxalement, ses parts d’ombre. […]
Je voulais rendre les personnages absolument complexes, c’est pour cela que j’ai décidé de laisser dans leur bouche leurs vraies paroles. Il s’agit presque d’un film documentaire : les lettres sont authentiques, même le comportement des personnages montré à l’écran est extrêmement fidèle à la réalité. Ainsi, ce que dit Antonina des juifs dans son délire antisémite se retrouve mot pour mot dans ses lettres. Ma part d’auteur réside surtout dans la composition que j’ai faite des séquences, en tâchant de respecter le plus possible la réalité. »

Et puis il parle de la seule photo sur laquelle on voit Monsieur et Madame :

«  Il n’existe qu’une seule photo où ils apparaissent tous les deux et je l’ai restituée telle quelle dans le film. Elle est très étrange, on ne sait pas pourquoi, sur ce cliché, il nous regarde alors qu’elle-même a son attention portée ailleurs. Dans de nombreuses scènes du film coupées au montage, et d’une durée totale de 40 minutes qui se retrouveront peut-être dans une édition intégrale, j’ai représenté les ateliers dans lesquels Tchaïkovski, ses amis et ses élèves se faisaient photographier. Il y passait beaucoup de temps car les daguerréotypes nécessitaient une certaine application pour ne pas être flous. Tchaïkovski a été un pionnier des photos commerciales ; en raison de sa célébrité, tout le monde souhaitait posséder sa photo chez lui. Il se faisait alors tirer le portrait chez les plus grands artistes, lesquels vendaient les photos avec les partitions. »

La Russie que le cinéaste montre est très sale, violente et glauque :

« C’était la réalité du XIXe. Les ordures étaient encore lancées sur la chaussée, comme on le voit dans le film, même si les caniveaux et les canalisations commençaient à faire leur apparition. J’avais envie de montrer la saleté et l’absence du confort auquel on est habitué aujourd’hui. Les personnages ont envie de vivre, aimer, souffrir, servir la musique… Par contraste, ces ambitions s’opposent à ces scènes d’extérieur, tristes, sales et dégradées. Je voulais illustrer le véritable milieu où tous ces gens ont évolué, rêvé, aimé…. »

Kirill Serebrennikov a été poursuivi par l’appareil judiciaire de Poutine, assigné à résidence, condamné en juin 2020 à de la prison avec sursis, Poutine ne voulait pas en faire un martyr. Il a quitté la Russie pour Berlin peu après le début de la guerre en Ukraine pour vivre à Berlin.

Chez Léa Salamé il s’est exprimé sur la Russie contemporaine :

« Le film montre aussi qu’à l’époque, la situation des femmes en Russie était pire que celle des hommes homosexuels, qui bénéficiaient d’une forme de tolérance. Aujourd’hui, il est impossible d’être homosexuel en Russie. Il est absolument impossible de montrer ce film en Russie compte tenu des lois prises ces dernières années: tous les enfants risqueraient de devenir homosexuels si on leur montrait ce film-là ? On va attendre d’autres, une autre époque, quand tout le monde se retrouvera en Russie. Si un jour ce film est montré, ce sera le signe des changements en Russie ». Après Poutine ? « Sans nul doute. »

C’est un film puissant qu’on n’oublie pas.

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