Lundi 7 février 2022

« Je pense donc je ne suis pas vraiment là. .»
Thich Nhat Hanh

C’est sur les réseaux sociaux que j’ai appris cette nouvelle : Thich Nhat Hanh s’est éteint, à l’âge de 95 ans, au Temple Từ Hiếu à Huế au Vietnam, au moment du passage du 21 au 22 Janvier 2022.

Plusieurs amis ont relayé cette information, ce qui m’a conduit à m’intéresser à cet homme issu de la spiritualité bouddhiste et qui était je crois, un grand sage.

J’aborde l’écriture de ce mot du jour avec une énorme humilité, celle de la vallée qui constitue la seconde étape de <l’effet Dunning-Kruger >

Je connais si peu de cet homme que je ne peux rien en dire de savant.

Je sais même que parmi celles et ceux qui lisent ces mots du jour, il en est qui en savent beaucoup plus sur lui.

Je suis pourtant poussé, après ce que j’ai lu et que j’ai entendu ou vu, de recommencer mon écriture quotidienne, après une longue pause, par le partage de ce que j’ai appris et qui résonne en moi du message de cet homme

Il est considéré en Occident comme celui ayant introduit le concept de « pleine conscience », « méditation de la pleine conscience » directement issu de la spiritualité bouddhiste.

Pleine conscience que l’on peut aussi appeler, il me semble, la pleine présence.

A ce stade, je vais narrer ce que j’ai vécu dans mon corps, un jour particulier.

C’était en janvier 2019. Le lendemain du jour où l’urologue qui m’avait annoncé, 8 ans auparavant, qu’il me guérirait du cancer qui venait d’être diagnostiqué, avait concédé son échec à réaliser sa promesse. Le cancer était devenu un cancer de stade 4 avec des métastases osseuses.

Je me promenais dans Lyon, et mes pensées se bousculaient dans ma tête.
Nous savons tous que nous sommes mortels, et que le rideau peut être tiré en quelques instants.
Mais l’annonce de cette nouvelle m’a conduit à penser que mon horloge de vie avait avancé beaucoup plus vite que je ne le soupçonnais.
Et puis, brusquement j’ai eu une étonnante sensation.
Et j’ai regardé les arbres, les feuilles des arbres, les troncs comme jamais je ne les avais regardés.
Je ne les ai pas rangés dans des cases, pour dire dans ma tête ceci est un platane, ceci est un marronnier.
Non, j’observais simplement avec intensité et exclusivité ce que mes yeux rapportaient comme images à mon cerveau.
Je regardais de même les humains que je croisais, les immeubles que je longeais et le ciel sous lequel je marchais.
Et, je constatais que jamais je n’avais perçu tant de beauté et d’intensité.
Un immense calme s’est alors emparé de mon être : je vivais, j’étais présent à la vie.
Et fréquemment je tente et réussis souvent à retrouver cette capacité de présence, qui passe bien sûr par le fait de se centrer sur sa respiration et l’inspiration profonde.
Depuis cette révélation, je suis calme et je vis avec bonheur tout le reste de ce que je vais avoir la grâce de vivre.

Alors je suis particulièrement attentif et réceptif quand je lis ce que dit Thich Nhat Hanh

« On peut manger dans la pleine conscience
On peut se brosser les dents dans la pleine conscience
On peut marcher dans la pleine conscience
On peut prendre une douche dans la peine conscience
On peut conduire sa voiture dans la pleine conscience
Et comme cela ont vit chaque moment de sa vie quotidienne en profondeur, chaque moment qui nous est donné à vivre. La qualité de la vie. »

Il le dit par exemple dans cette émission bouddhiste sur France 2 qui avait rapporté des échanges lors d’un rassemblement sur le parvis de la Défense que Thich Nhat Hanh avait animé : <La marche inspirante>.

Un peu plus loin il prend notre vieux Descartes, celui du « cogito ergo sum », « je pense donc je suis » à contre-pied :

« On pense beaucoup, mais nos pensées ne sont pas (toujours] très productives
Je pense donc je ne suis pas vraiment là.
Je pense donc je suis perdu dans ma pensée. »

Il ne remet pas en cause le génie cartésien et la capacité de l’homme à penser, à imaginer, à créer et à construire.

Il parle simplement de cette pollution des pensées qui se bousculent si souvent dans nos têtes et nous empêchent d’être présent à nous même et d’être présent aux autres.

J’ai lu dans plusieurs articles qu’il était la figure la plus connue du bouddhisme après le Dalaï Lama

Il est né en 1926 à Hué qui faisait alors partie du protectorat français d’Annam en Indochine française Il sera ordonné moine à 16 ans.

Il tentera toute sa vie à œuvrer pour la paix. En 1966, rencontrant le leader de la lutte pour les droits civiques Martin Luther King, il se joint à ses appels à mettre fin à la guerre du Vietnam. Cet appel déplut aux autorités vietnamiennes qui lui interdirent à rentrer dans son pays.

En 1967, Martin Luther King proposera son nom pour le Prix Nobel de la Paix, soutenant dans une lettre adressée au comité que « ce doux moine bouddhiste » était « un érudit aux immenses capacités intellectuelles ».

A partir de 1966 il se réfugie en France et continuera à pratiquer son enseignement à partir de notre pays.

En 1982, il établit, en Dordogne le monastère du village des pruniers. Le village des pruniers est le plus grand monastère bouddhiste d’Europe et d’Amérique, avec plus de 200 moines et plus de 10 000 visiteurs par an.

France 3 Nouvel-Aquitaine a réalisé un reportage en 2001 sur le <Village des pruniers>.

Parallèlement à son action spirituelle il a poursuivi une action sociale pour construire des écoles et des hôpitaux.

Le Viet Nam l’a autorisé à revisiter son pays en 2005.

En 2014, il a subi un accident vasculaire cérébral depuis lequel, il ne pouvait plus ni parler, ni se déplacer. En 2018, les autorités vietnamiennes l’ont autorisé à revenir pour finir sa vie dans son monastère originelle, c’est là qu’il a quitté la communauté des vivants en janvier 2022.

Depuis 2019, je vais régulièrement consulter un médecin asiatique, d’origine vietnamienne. J’ai la conviction, en effet, qu’il est utile de compléter la puissante et ciblée médecine occidentale par une médecine holistique, c’est-à-dire qui est plus douce et prend davantage en compte l’ensemble du corps et son équilibre.

Ce médecin est un disciple spirituel de Thich Nhat Hanh. Je lui ai demandé de me conseiller un livre, parmi la très nombreuse production, de son guide spirituel me permettant d’accéder un peu à sa pensée.

Il a choisi « Il n’y a ni mort, ni peur »

Ce livre s’inscrit totalement dans le récit spirituel bouddhiste qui m’est étranger, mais il distille aussi des paroles de sagesse et une invitation à la méditation en pleine conscience même si on n’adhère pas à la spiritualité bouddhiste

Il écrit d’ailleurs cet avertissement que je trouve remarquablement inspirant et qui devrait aussi inspirer les tenants des religions monothéistes qui sont parfois très éloignés de cette sagesse de vie :

« Le Bouddha nous a conseillé de ne pas considérer des enseignements comme vrais uniquement parce qu’un maître célèbre les enseigne ou qu’on les a trouvés dans des livres saints. Cela vaut aussi pour le canon bouddhiste. Nous ne pouvons accepter que les enseignements que nous avons mis en pratique avec notre propre compréhension éveillée, ceux dont nous avons pu nous rendre compte qu’ils étaient vrais de notre propre expérience. »
« Il n’y a ni mort, ni peur » page 94

Dans cette < Introduction lors de la Retraite pour les Enseignants et Éducateurs | 2014 10 27 > qui a eu lieu quelques semaines avant son AVC qui lui enlèvera la parole il revient sur la relation entre la respiration profonde et la vie, je veux dire de se sentir pleinement vivant :

« L’inspiration permet d’arrêter de penser
L’inspiration peut donner beaucoup de joie.
Inspirer signifie qu’on est vivant.
Et être vivant c’est un miracle.
Le plus grand miracle du monde
Quand vous inspirez vous revenez vers votre corps.
Souvent votre corps est là, mais votre esprit est ailleurs, dans le passé, dans le futur, dans vos projets, dans votre colère.Corps et esprit ne sont pas ensemble et alors vous n’êtes pas vraiment vivant, pas vraiment là. »

Dans cet enseignement il explique aussi longuement ce que peut être une « parole aimante » qui s’ouvre totalement à l’autre et une « écoute compassionnelle » qui recueille le témoignage de l’autre sans jugement simplement pour permettre l’expression en totale confiance

Dans la spiritualité dans laquelle s’inscrit Thich Nhat Hanh tout se trouve dans la continuité : la vraie nature de l’homme est dans la non naissance et la non-mort. L’être existait avant la naissance, il n’est pas créé par la naissance et il ne disparait pas par la mort.

Thich Nhat Hanh a ainsi écrit ce poème :

« Ce corps n’est pas moi.
Je ne suis pas limité par ce corps.
Je suis la vie sans limites.
Je ne suis jamais né et jamais ne mourrai.
Regarde le vaste océan et le ciel immense là-haut
Étincelant de milliers d’étoiles.
Tout n’est que la manifestation de mon esprit.
Depuis toujours, je suis libre.
Naissance et mort ne sont que jeu de cache-cache,
Portes d’entrée et de sortie.
Prends ma main et rions tous les deux.
Ceci n’est qu’un au revoir.
Nous nous reverrons encore.
Nous ne cessons de nous rencontrer
Aujourd’hui et demain
A notre source et à chaque instant
Sous toutes les formes de la vie. »
Extrait de « Cérémonie du cœur » (Ed. Sully 2010)

Un être de lumière et de spiritualité qui me semble avoir cette qualité rare : savoir parler à tous, quelles que soient leurs croyances ou non croyances et qui s’adresse à ce qu’il y a de plus profond en l’homme.

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Jeudi 28 octobre 2021

« Xavier»
Ce prénom ne correspond à rien d’humain à Singapour

J’ai souvent entendu dans des émissions de radio, dans lesquels intervenaient des économistes libéraux, les plus grands éloges sur l’organisation politique de Singapour et sa capacité à favoriser le développement économique.

Singapour est un tout petit État : 719 km²

Pour qu’on puisse avoir une idée de comparaison, la métropole de Lyon représente 534 km².

Dans la région parisienne, il existe la métropole du Grand Paris qui regroupe la ville de Paris et 130 communes, comprenant l’intégralité des communes des départements de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ainsi que six communes de l’Essonne et une du Val d’Oise. Cette entité représente 814  km².

L’État de Singapour est situé à l’extrême sud de la péninsule Malaise, dont il est séparé au nord par le détroit de Johor, et borde au sud le détroit de Singapour.

Il comprend 63 îles, dont la principale est Pulau Ujong qui représente à elle seule 81% du territoire de l’État.

La raison pour laquelle Singapour ne fait pas simplement partie de l’État de Malaisie est une histoire de religion et d’ethnie.

La Malaisie et Singapour étaient colonies Britanniques depuis 1795. Et quand Les britanniques se sont retirés l’État indépendant qui a été créé en 1957 comprenait bien Singapour.

La Malaisie, hors Singapour, était un pays musulman, les habitants de Singapour d’origine chinoise étaient bouddhistes.

<Wikipedia> présente ainsi cette séparation de 1965 :

« Le retrait de Singapour de la fédération de Malaisie, le 9 Août 1965 fut pratiquement vu comme une partition de la Malaisie en deux états, par les observateurs étrangers, mais, à la différence de l’Inde, cette partition n’était pas religieuse, mais plutôt ethnique, avec la création de l’état de Singapour, majoritairement peuplé de Chinois, et la Malaisie, majoritairement peuplée de Malais musulmans, mais avec une forte minorité de Chinois. Avant 1965, les Chinois étaient aussi nombreux que les Malais, en Malaisie, Les deux parties n’arrivaient pas à s’entendre pour le partage du pouvoir entre Chinois et Malais, d’autant plus que les Malais étaient favorables à un régime monarchique, alors que les Chinois voulaient un régime républicain, ce qui laissait présager une grave guerre civile ethnique, expliquant largement le retrait de Singapour, en 1965. »

Ce sont les Malais de la péninsule qui forcent Singapour à quitter la Fédération contre la volonté du responsable politique de Singapour qui constituait une des régions autonomes de la Malaisie : Lee Kuan Yew.

C’est ce dernier qui est cité en exemple pour sa capacité de direction l’État de manière très ferme tout en préservant une démocratie.

Lorsqu’il fut contraint d’assumer la séparation entre la Malaisie et Singapour il tint ce discours :

« Pour moi, c’est un moment d’angoisse. Toute ma vie, toute ma vie d’adulte, j’ai… j’ai cru en l’union avec la Malaisie et à l’unité des deux territoires. Vous savez que nous, en tant que peuple lié par la géographie, l’économie, par des liens de parenté… Cela détruit littéralement tout ce pour quoi nous avons lutté… Maintenant, moi, Lee Kuan Yew, Premier ministre de Singapour, dans la responsabilité qui m’incombe, je proclame et déclare au nom du peuple et du gouvernement de Singapour que, à partir de ce jour, le 9 août de cette année mille neuf cent soixante-cinq, Singapour sera à jamais une nation indépendante, souveraine et démocratique, fondée sur les principes de liberté et de justice et avec pour but la recherche du bien-être et du bonheur du peuple dans une société la plus juste et égalitaire possible.  »

Et de ce minuscule État, sans beaucoup de ressources, Lee Kuan Yew qui restera premier ministre de 1965 à 1990, fera un miracle économique. Voici l’évolution du PIB depuis 1965 :


De presque rien en 1965, le PIB est monté à près de 400 milliards de dollars faisant en 2017, selon le FMI, de Singapour le 4ème pays du classement du PIB par habitants,( devancé seulement par le Qatar, Macao et le Luxembourg. La France est 29ème de ce classement.

Comment ce micro État fait-il ?

Selon <Wikipedia> :

« Son économie repose sur les services bancaires et financiers (deuxième place financière d’Asie après le Japon), le commerce, la navigation (deuxième port du monde derrière Shanghai pour le tonnage cargo, mais aussi en conteneurs pour la même année, le tourisme, les chantiers navals et le raffinage du pétrole (troisième raffineur mondial).
Le secteur de l’industrie électronique est également très dynamique et connu dans le monde entier. »

Et c’est donc dans ce pays moderne, dynamique, exemple pour tous ceux qui ont le PIB et l’ordre en ligne de mire,  qu’est né Xavier. Je l’ai découvert sur France Inter, dans l’émission <Sous les radars> du 6 octobre 2021 :

« Une voix métallique, une voix d’automate, Singapour inaugure depuis quelques temps sa nouvelle trouvaille high tech, des robots sur roue, équipés de 7 caméras différentes, qui arpentent les rues de la Cité État pour détecter les « comportements sociaux indésirables » et réprimander les contrevenants. Le robot s’appelle Xavier. C’est marqué dessus mais c’est bien là son seul attribut humain. Pour le reste il ne laisse rien passer. Ni les fumeurs qui en grille une dans une zone non autorisée, ni les enfants qui garent mal leur vélo, ni les retraités qui jouent aux échecs sans respecter les gestes barrière. Xavier voit tout et rappelle à l’ordre, avec sa voix naisillarde, sans toutefois passer à la contravention. Le système est encore en rodage.

Une surveillance de tous les instants qui inquiète les rares militants des droits de l’homme à Singapour.  « On a l’impression, dit cette militante, de ne plus être en sécurité pour exprimer certaines opinions ou adopter certains comportements.  On doit faire attention à tout ce qu’on dit et à tout ce qu’on fait, bien plus que dans n’importe quel autres pays. » « C’est comme une dystopie… Et le plus dystopique dans tout ça, conclue t-elle, c’est que c’est normalisé, et que les gens ne réagissent pas beaucoup. »

Pas de mobilisation populaire en effet contre ces redresseurs de torts robotisés. Il faut dire que les habitants de Singapour commencent à être habitués. Le gouvernement promeut depuis longtemps l’idée d’une nation intelligente, une smart nation, à la pointe de la technologie. Les caméras sont déjà omniprésentes dans les rues et les lampadaires équipés de logiciels de reconnaissance faciale. »

Quand on tape « xavier robot singapour» sur un moteur de recherche on trouve beaucoup d’articles et de vidéo sur cette « modernité ».

<Courrier International> essaye d’analyser cette évolution, dont certains rêvent dans nos contrées certainement, à travers le regard de journaux asiatiques :

« Est-ce que vous fumez dans une zone interdite ? Vous vous rassemblez à plus de cinq ? Méfiez-vous de Xavier, qui est à l’affût de ces ‘comportements sociaux indésirables' », mettait en garde début septembre la chaîne de télévision singapourienne Channel News Asia (CNA) sur son site Internet. »

La moindre infraction est repérée :

« Juchés sur quatre roues et se déplaçant à 5 km/h, ce robot est doté de caméras à 360 degrés et « est capable de voir dans l’obscurité », précise The Straits Times. « En une poignée de secondes, les images sont transmises à un centre de commandement et de contrôle, introduites dans un système d’analyse vidéo programmé pour reconnaître la posture d’un homme, les contours d’une cigarette dans sa bouche et d’autres signes visuels. » Et alors Xavier, d’une voix synthétique, s’adresse au contrevenant : « Merci de ne pas fumer dans un espace interdit tel que les passages couverts. » Des policiers visionnant les images peuvent également s’adresser directement aux fautifs par l’intermédiaire du robot, ajoute CNA. Pour l’heure, Xavier ne délivre aucune amende. »

On apprend qu’en mai 2020, Singapour avait déjà expérimenté un « chien robot » ayant pour mission de faire respecter les distances de sécurité dans le contexte de la pandémie de Covid-19.

Si les journaux de Singapour ne trouvent rien à redire à cette surveillance omnisciente, c’est un journal indien de Bombay, « The Indian Express » qui évoque « ce Robocop dans ce paradis de l’autoritarisme consumériste ».

Il regrette que :

« Pour beaucoup, il n’y a rien de gênant à ce que des robots fassent respecter les règles ».

Pour conclure que :

« Le pire avec ce système de surveillance, n’est pas qu’il se substitue aux policiers et aide à attraper les auteurs d’infractions. […] C’est, en réalité, qu’il veille à ce que les gens se conduisent en permanence comme s’ils étaient épiés.
En d’autres termes, les robots comme les caméras et les logiciels de reconnaissance faciale ne sont pas faits pour que vous ayez peur de la police. Ils ont pour but de placer un policier dans votre tête. »

Voilà !

Cela se passe à Singapour, exemple de dynamisme, de société moderne et de développement économique. Une démocratie où règnent l’ordre, le calme et le civisme ….

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Lundi 9 mars 2020

« Des millions de non nées »
Dans certains pays du monde, la naissance des filles est contrariée

Ce dimanche nous étions le 8 mars. Selon l’appellation officielle de l’ONU, on célébrait « la Journée internationale des femmes ». En France, il a été décidé de l’appeler « journée internationale des droits des femmes ».

Il y a cinq ans, j’avais consacré un mot du jour sur une violence particulière exercée sur les femmes : l’interdiction de naître, < Il nait de moins en moins de femmes dans le monde >

Un article récent de <TV5 Monde> montre qu’il n’y a pas d’amélioration sur ce front :

« Ainsi le monde commence-t-il à faire face à une « carence » de femmes en âge de procréer, qui pourrait conduire à terme à des déséquilibres démographiques lourds de conséquences. D’autant que la population globale vieillit, surtout dans les pays dits développés, tout en continuant à croître – d’ici à 2050, la Terre devrait compter 9 milliards d’habitants.

La masculinisation de la population varie selon les régions du monde. C’est d’abord en Asie que la proportion de garçons a commencé à augmenter parmi les nouveau-nés au début des années 1980 – au rythme des progrès de la science et des méthodes d’analyses prénatales. Et c’est en Inde et en Chine, qui représentent à eux deux 37 % de la population mondiale, que le déséquilibre est le plus inquiétant.

Les deux pays les plus peuplés au monde souffrent d’une évidente carence de femmes. Depuis plusieurs décennies, la Chine, le pays le plus peuplé du monde, présente un « rapport de masculinité » nettement plus élevé que la moyenne – dans certaines régions, il dépasse 120 garçons pour 100 filles. Et dans de nombreuses régions de l’Inde, ce rapport est aussi nettement supérieur à 105, également depuis des décennies. En dépit d’une amélioration dans les États les plus touchés au Nord-Ouest (Pendjab, Haryana, Rajasthan), plusieurs autres États comme l’Uttar Pradesh ou le Maharashtra, autrefois épargnés, semblent aujourd’hui atteints.

Dans ces deux pays, qui comptent en tout 2,76 milliards d’habitants, il y a environ 80 millions d’hommes de plus que le nombre jugé souhaitable, et plus de la moitié d’entre eux ont moins de 20 ans. « Rien de tel ne s’est jamais produit dans l’histoire de l’humanité », écrivait le Washington Post dans un article paru en avril 2018. »

Ce problème est aussi dans d’autres pays d’Asie, comme le Vietnam, le Népal ou le Pakistan, le nombre de garçons dépasse aussi celui des filles de plus de 10

Mais une partie de l’Europe est aussi concerné par ce phénomène :

« l’Europe orientale n’est pas en reste, même si elle pèse moins lourd dans la balance démographique. Depuis au moins 20 ans, il y naît bien plus de garçons que de filles, notamment dans le Caucase et les Balkans, où le sexe-ratio à la naissance se situe entre 110 et 117 pour 100 filles – soit davantage que la moyenne en Inde. L’Azerbaïdjan est le deuxième pays au monde après la Chine en termes de déséquilibre des sexes à la naissance. Durant la décennie 2000, on a même décompté en Arménie jusqu’à 185 garçons pour 100 filles parmi les troisièmes naissances, sans aucun doute un record mondial. En Albanie, au Kosovo, au Monténégro et en Macédoine occidentale, les niveaux avoisinent 110-111 naissances de garçons pour 100 filles, avec une redoutable régularité. »

Il est bien évident que ce niveau d’inégalité ne peut en aucune façon s’expliquer par des phénomènes naturels. Il y a intervention humaine pour arriver à un tel déséquilibre.

Pourquoi dans ces pays, les parents agissent pour diminuer les naissances de femme ?

« Les raisons de ces déséquilibres sont diverses. En Asie, plusieurs facteurs plaident en défaveur des femmes, à commencer par les coutumes, les croyances religieuses ou les considérations économiques. En Inde, mettre au monde une fille est vécu comme un risque pour la famille : destinée à se marier, elle devra remettre une dot puis se consacrera à sa belle-famille. Un garçon, au contraire, apportera aide et sécurité à ses parents. En Chine comme en Inde on préfèrera, selon sa catégorie socioprofessionnelle, investir dans un examen prénatal et choisir d’avorter plutôt que s’endetter toute une vie pour subvenir à l’éducation et au mariage d’une fille.

En Inde et au Pakistan, où il manque 5 millions de femmes, la pauvreté de nombreuses familles pousse ces dernières à préférer les garçons aux filles ; lors des mariages, la famille de l’épouse doit verser une dot à celle du marié, un coût que tous ne peuvent pas se permettre. Par ailleurs, on estime que les hommes sont plus productifs que les femmes, et en cela plus « rentables » pour les familles les plus démunies.

Il en va de même en Chine. En 1979, l’instauration de la politique de l’enfant unique, en vigueur jusqu’en 2015, ainsi que le développement progressif des techniques d’échographie ont fait beaucoup de tort au genre féminin, les parents préférant bien souvent donner naissance à un fils (les « enfants-empereurs »). Car s’il faut choisir, on garde le garçon qui, dans la tradition confucéenne, peut seul succéder aux parents et perpétuer le culte des ancêtres. »

Les techniques, la science sont mis en en œuvre pour poursuivre cette stratégie dans ces pays : privilégier la naissance de jeunes males d’homo sapiens :

« Des millions de non-nées

En 2016, le centre asiatique pour les droits de l’homme a évalué à environ 1,5 million le nombre de foetus féminins éliminés chaque année. En Chine, 35 années de politique de l’enfant unique ont causé la disparition de millions de filles par avortements sélectifs ou infanticide. Même chose pour l’Inde où ces pratiques ont considérablement réduit la population féminine, essentiellement dans le nord du pays. Difficile de naître fille en Asie.

Si, un temps, l’infanticide au féminin – la mise à mort des nouveaux-nés filles – était couramment pratiqué dans ces pays, la science a depuis progressé, rendant ce « gynécide » plus facile et contrôlable. Le développement de l’insémination artificielle permet de sélectionner avant la naissance le sexe de l’enfant. Les échographies déterminent de plus en plus tôt si le bébé à naître est un garçon ou une fille (pouvant conduire ou non à l’avortement sélectif). Or généralement, les familles, pour les raisons culturelles et/ou sociales évoquées plus haut font le choix d’avoir un ou plusieurs garçons.

La Chine et l’Inde accusent actuellement un déficit global de femmes d’environ 160 millions. Le nombre de « femmes manquantes » devrait même atteindre les 225 millions en 2025. A terme, si la proportion de filles par rapport aux garçons continue d’être aussi déséquilibrée, c’est tout un pan de la population qui ne pourra pas être renouvelé.

Des études montrent déjà que 94% des célibataires de 28 à 49 ans en Chine sont des hommes, qui pour la plupart, n’ont pas terminé leurs études secondaires. Certains craignent qu’une masculinisation trop importante de la société chinoise n’entraîne une hausse nette de la violence et du crime.

On assiste aussi à une augmentation des mariages par correspondance (mariages forcés avec des femmes venant de l’étranger), notamment en Chine. Beaucoup de Chinois se tournent vers l’étranger et notamment la Birmanie pour trouver une femme, parfois via un mariage arrangé

Pour des raisons socio-économiques, il faut aussi s’attendre à un ralentissement du taux de natalité dans les pays concernés d’ici 20 à 40 ans. D’où un vieillissement de la population et, à terme, un net ralentissement de ces économies pour l’instant très dynamiques. Parallèlement, la population devrait se féminiser, puisque l’espérance de vie des femmes est plus élevée que celle des hommes.  »

Peu à peu il y a pourtant une prise de conscience des conséquences délétères de ces choix de naissance :

Certains pays ont anticipé ces impasses en prenant des mesures. La Corée du Sud, par exemple, qui au début des années 1990, présentait l’un des sexe-ratio les plus déséquilibrés du monde (près de 1200 hommes pour 1000 femmes) l’a fait baisser jusqu’à 106 garçons pour 100 filles actuellement. Ce « retour à la normale » s’explique tant par l’amélioration du statut des femmes que par les mesures prises par le gouvernement pour enrayer les avortements sélectifs et une importante campagne de communication autour du danger d’une disproportion hommes/femmes.

Des campagnes similaires ont été lancées en Inde : devant le nombre des familles recourant à l’avortement sélectif en fonction du sexe pour choisir les garçons, le gouvernement a adopté une loi interdisant le dépistage du fœtus et ce type d’intervention. En Chine, un assouplissement de la politique de l’enfant unique, notamment dans les campagnes, pourrait amener à rétablir un semblant d’équilibre des sexes dans le pays. Cependant il faudra attendre une vingtaine d’années avant que les premiers effets de ces politiques se fassent sentir.

En Europe du Sud et Caucase, de récents efforts de compréhension du phénomène sont plus le fait d’une mobilisation internationale que d’une prise de conscience de la population, et ils n’ont pas encore débouché sur des mesures concrètes.  »

L’article propose une carte montrant le déséquilibre homme femme dans le monde

Il ne s’agit pas des naissances mais du nombre d’hommes et de femmes dans le pays.

Dans les pays qui n’interviennent pas sur le choix du sexe à la naissance, les femmes qui vivent plus longtemps que les hommes sont majoritaires.

En Russie, la situation est encore plus déséquilibrée, car il y a une surmortalité des hommes.

En Arabie Saoudite qui avec la Mauritanie est l’Etat qui compte le moins de femmes dans sa population, cette situation s’explique par le fait qu’une grande partie de la main d’œuvre est d’origine étrangère et les travailleurs migrants n’ont bien souvent pas la possibilité de faire venir leurs familles. D’où d’énormes déséquilibres statistiques, avec parfois plus de 2000 hommes pour 1000 femmes.

Et on constate que le phénomène dénoncé dans cet article se situe essentiellement en Afrique du Nord et au sud de l’Asie.

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Jeudi 12 décembre 2019

« Rien ne peut ébranler les fondations de notre grande nation. Rien ne peut empêcher la nation et le peuple chinois d’aller de l’avant »
Xi Jinping lors du discours qui célébrait le 70e anniversaire de la République Populaire de Chine

Après des mots du jour du début de cette semaine qui parlait d’émotion, de souvenir et d’humanisme, je vais revenir à ce sujet qui m’intéresse, m’interpelle et m’inquiète quelque peu dans la géopolitique du monde, la Chine de Xi Jinping.

La Chine est un empire qui veut être une nation.

La différence entre un empire et une nation avait déjà été abordée lors du <mot du jour du 30 octobre 2019> consacré à la dichotomie entre les Kurdes et la Turquie.

J’expliquais ainsi que les empires comme l’empire ottoman, l’empire austro-hongrois, l’empire russe et aussi l’empire chinois sont composés de plusieurs peuples, avec toujours un peuple dominant : les turcs pour le premier, les allemands pour le deuxième, les russes pour le troisième, les hans pour le quatrième. Dans un empire il est admis et nécessaire que l’empereur ou celui qui dirige l’empire soit en mesure, tout en préservant la domination de son clan, de faire en sorte que ces peuples puissent vivre ensemble.

La différence, la diversité sont non seulement acceptées mais aussi organisées.

Dans un État nation, c’est beaucoup plus compliqué d’exprimer ses différences. Le récit est celui de l’unicité de la nation.

Indiscutablement la Chine est formée de plusieurs nations, les tibétains, les ouïghours sont des peuples spécifiques.

<La constitution de la République Populaire> le reconnaît d’ailleurs, même si elle parle d’ethnie et non de peuple.

Cette constitution commence par un long préambule.

La première phrase du préambule est :

« La Chine est l’un des pays dont l’histoire est l’une des plus anciennes du monde. Les ethnies de Chine ont toutes ensemble créé une brillante culture et possèdent une glorieuse tradition révolutionnaire. »

Et plus loin dans le préambule nous lisons :

« La République populaire de Chine est un pays multi-ethnique unifié fondé en commun par toutes les ethnies du pays. Les relations socialistes déjà établies sont des rapports d’égalité, de solidarité et d’entraide, elles continueront à se renforcer. Dans le combat pour la sauvegarde de l’union des ethnies, il faut s’opposer au chauvinisme de grande ethnie, et en particulier au chauvinisme grand Han, il faut aussi s’opposer au nationalisme local. L’État doit consacrer tous ses efforts à la prospérité commune de toutes les ethnies. »

Et puis, il y a le fameux article 4 de la constitution :

« Article 4 : Toutes les ethnies de République populaire de Chine sont égales. L’État protège les droits et intérêts légitimes de toutes les ethnies, maintient et développe des relations inter-ethniques fondées sur l’égalité, la solidarité et l’entraide. Toute discrimination ou oppression d’une ethnie, quelle qu’elle soit, est interdite ; tout acte visant à briser l’unité nationale et à établir un séparatisme ethnique, est interdit.
Tenant compte des particularités de chaque ethnie minoritaire, l’Etat aide les régions d’ethnies minoritaires à accélérer leur développement économique et culturel.
Les régions où se rassemblent les minorités ethniques appliquent l’autonomie régionale ; elles établissent des organes administratifs autonomes et exercent leur droit à l’autonomie. Aucune des régions d’autonomie ethnique ne peut être séparée de la République populaire de Chine.
Chaque ethnie a le droit d’utiliser et développer sa propre langue et sa propre écriture, a le droit de conserver ou réformer ses us et coutumes. »

Cet article débute très bien en affirmant l’égalité de toutes les ethnies et surtout cette règle que même les « droits de l’hommiste occidentaux » honnis de Xi Jinping ne sauraient qu’approuver : l’interdiction de toute discrimination et oppression d’une ethnie. Cette règle devrait être de nature à rassurer les tibétains et les ouïghours … Les rassurer en théorie…

On attribue à Pierre Desproges ce beau souhait utopique : «Un jour j’irai vivre en Théorie, car en Théorie tout se passe bien.». <Marc Levy> affirme cependant qu’il n’y a nulle trace montrant que Desproges soit l’auteur de cette phrase.

Il y a toutefois une limite qui est dressée dans ce même article 4 : il est aussi interdit tout séparatisme ethnique. Dès lors, dans ce régime qui vante son efficacité et son pouvoir centralisé fort, il suffit pour sortir de la théorie d’accuser une ethnie de séparatisme pour pouvoir exercer une force unificatrice et violente sur ses membres. Nous verrons cela dans des mots du jour ultérieurs.

Sur une page du site de l’ambassade de Chine en France, visant à faire connaître ce grand et vieux pays, on peut lire :

« La population chinoise comprend 56 ethnies identifiées. La population des diverses ethnies connaît de grands écarts ; les Han sont beaucoup plus nombreux, et les 55 autres groupes sont appelés « ethnies minoritaires ».

Selon une enquête effectuée au moyen de sondages auprès de 1 % de la population du pays en 2005, la population totale des 55 ethnies minoritaires était de 123,33 millions, représentant 9,44 % de la population nationale. »

Ceci trace immédiatement une répartition extraordinairement inégalitaire de l’empire du milieu.

Le gouvernement chinois reconnaît donc 56 ethnies mais l’une représente 90,5% de la population et les 55 autres ensembles 9,5%.

Vous pourrez trouver sur cette page la liste des 56 ethnies, leur implantation géographique et leur importance numérique.

Les « Han » : presque 1,2 milliard, les «Tibétains » 5,416 millions, les « Ouïgours » 8,3984 millions et certaines ethnies sont vraiment peu nombreuses « Les Tatars » 4 900 personnes.

Remarquez la précision, au millier près, du nombre de personnes constituant une ethnie sauf pour les han où la précision s’arrête à la centaine de millions….

Dès lors, quand une ethnie est soupçonnée de séparatisme sur un territoire, il suffit de puiser dans les réserves inépuisables de l’ethnie majoritaire pour aller changer totalement l’équilibre ethnique du lieu. C’est ainsi que <Le Tibet> est de plus en plus une région habitée par l’ethnie Han.


Comme toujours, la situation est plus complexe que celle décrite ci-avant, l’ethnie Han ne constitue pas un bloc totalement homogène. Wikipedia nous apprend que l’anthropologue Dru C. Gladney indique qu’il existe au sein même de la population han une diversité notamment dans les populations du Sud comme les Cantonais, les Hakkas ou les Mins du Sud du Fujian. Ainsi la majorité han est composée de locuteurs de huit groupes de langues différentes (mandarin, cantonais, wu, xiang, hakka, gan, min du Nord et min du Sud). Le chinois mandarin est la langue officielle depuis le début du XXe siècle, standardisé sur le parler de la région de la capitale, Pékin. Il coexiste donc, même à l’intérieur de l’ethnie Han, diverses langues parlées.

En pratique, le nom de cette ethnie fut d’abord « Huaxia » mais elle changea de dénomination à l’époque de la dynastie Han (206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.), et pris le nom de la dynastie.

Indiscutablement, ils constituent le peuple chinois « historique ». Devant une telle situation inégalitaire il est difficile de ne pas assimiler la « culture chinoise » à la « culture Han ».

Mais cela est l’introduction.

  • En 2019, il y a une révolte extraordinairement puissante à Hong Kong, c’est un défi pour Pékin.
  • En 2019, il y avait aussi les 30 ans de la répression de Tien an Men. Cela c’est un déni pour Pékin. J’en avais fait un mot du jour : « Le massacre de la place de la porte de la Paix céleste» publié le jour anniversaire le 4 juin.
  • Pékin a célébré, en revanche, les 70 ans de la création de la République populaire de Chine, le 1er octobre 1949.

Et la célébration a magnifié la grandeur de la Chine et sa puissance militaire.

Un nombre impressionnant de vidéos montre cette parade : <Démonstration de force en Chine pour les 70 ans du régime>, <La Chine communiste fête ses 70 ans>, <La République populaire de Chine fête ses 70 ans>

Toutes ces vidéos durent moins de 3 minutes.

Mais pour notre information pleine et entière sur l’empire du milieu il existe « CGTN » China Global Television Network, financé par le gouvernement chinois. Et nous disposons donc, grâce à ce canal, une vidéo de 4h59 minutes qui montre la cérémonie, avec des commentaires français, dans sa durée et sa splendeur : < En direct : Célébrations du 70e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine>

<Le Monde> nous explique :

« A Pékin, tout était sous contrôle. […]Il s’agit, selon les dirigeants, du plus grand défilé militaire organisé à Pékin depuis 1949. L’occasion pour la Chine d’exhiber quelques-uns de ses fleurons, notamment des drones high-tech et – pour la première fois – des Dongfeng-41, des missiles balistiques intercontinentaux possiblement dotés d’ogives nucléaires et qui peuvent atteindre les Etats-Unis en trente minutes.

[…] Ces nouvelles capacités militaires, qui sont, comme le martèle la propagande, « au service de la paix », illustrent les ambitions mondiales de la Chine de Xi Jinping. Lorsqu’il s’adresse aux 90 millions de membres du Parti communiste, celui-ci ne cesse de mettre en garde contre les « menaces » qui l’assaillent. En revanche, l’image qu’il entend donner au pays et au reste du monde est au contraire celle d’un parti qui a accompli un «miracle».

[…] Le mot figure en toutes lettres dans le Livre blanc publié le 29 septembre par le gouvernement chinois sur le rôle international du pays. « En soixante-dix ans, sous la direction du Parti communiste chinois, la République populaire de Chine a connu de profonds changements et réalisé un miracle de développement économique sans précédent dans l’histoire de l’humanité », est-il écrit, dès l’introduction. « La Chine a réussi à accomplir quelque chose que les pays développés ont mis plusieurs centaines d’années à réaliser », ajoute le document. Le PIB du pays est passé de « 67,9 milliards de yuans [8,7 milliards d’euros] en 1952 à 90 000 milliards de yuans [11 570 milliards d’euros] en 2018 », est-il précisé. Pourtant, le Livre blanc affirme que la Chine reste un « pays émergent ». Pas question en effet d’accepter de perdre les avantages qu’octroie ce statut au sein de l’Organisation mondiale du commerce, à laquelle la Chine a adhéré en 2001. »

Et le plus important, à 10 heures, au balcon de la Porte-de-la-Paix-Céleste, au sud de la Cité interdite, qui donne sur la place Tiananmen, là même où Mao Zedong avait proclamé le 1er octobre 1949 la création de la République populaire de Chine, Xi Jinping, secrétaire du Parti communiste depuis 2012 et président de la République depuis 2013, a prononcé un discours très bref de sept minutes.

Et c’est dans ce discours qu’il a eu cette phrase :

«Rien ne peut ébranler les fondations de notre grande nation. Rien ne peut empêcher la nation et le peuple chinois d’aller de l’avant»

Là il est question de « la nation chinoise », unique, unifié dans laquelle les différences doivent être minimes.

Une nation prête pour la conquête économique, prête à se défendre contre n’importe quel ennemi, une nation où chacun doit souscrire aux messages de Xi Jinping et dans laquelle les particularismes doivent se dissoudre dans l’Unité et ….

le culte de la personnalité…

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Lundi 26 février 2018

« Un homme est venu et a pris les empreintes digitales de tous les villageois. Il nous a dit que les entreprises d’extraction de sable avaient le droit d’opérer dans cette zone et que cela ne servait à rien de protester. »
Un employé d’industrie d’extraction du sable opérant à Koh Sralao au Cambodge

Ce n’est pas la première fois que j’évoque le problème d’une ressource qui devient rare et qui est surexploitée dans le monde : Le sable

J’avais mis en exergue, une phrase de Coluche : «Les technocrates, si on leur donnait le Sahara, dans cinq ans il faudrait qu’ils achètent du sable ailleurs.» Cette phrase était d’ailleurs en contradiction avec l’article, car le sable du Sahara n’est pas utilisable pour les besoins de la construction et autres activités économiques dans lesquels les humains utilisent du sable. Dans ce mot du jour vous trouverez beaucoup de liens vers des émissions ou des articles montrant le problème écologique considérable qui est provoqué par cette surexploitation.

Aujourd’hui, je fais référence à un problème local qui se trouve au Cambodge dans un lieu appelé Koh Sralao selon l’article cité plus loin mais que j’ai trouvé avec l’orthographe suivante sur google maps :  « Koh Sralau ». C’est un village de pécheurs de crustacés et de cabanes sur pilotis, près d’une mangrove féerique où l’eau se mêle à la terre, mais ce paradis est un malheur, parce que le sol des rivières est tapissé de sable et que le sable de rivière, est l’ingrédient indispensable du capitalisme.

J’ai été informé sur ce sujet par la revue de presse de France inter <du 16 février 2018>

Revue de presse qui renvoyait vers un article très détaillé de la journaliste Julie Zaugg publié par le « magazine des Echos » le 15 février 2018. Article que vous trouverez derrière ce lien : <La guerre du sable>

J’en tire les extraits suivants :

D’abord une analyse assez générale sur l’exploitation du sable, notamment en Asie :

«La consommation de cette ressource est telle que s’est développé un vaste trafic. Des pays pauvres sacrifient plages et rivières pour alimenter la croissance de puissances émergentes. […]

Un jet d’eau brunâtre s’élance vers le ciel. Il sort d’un tuyau formé de morceaux de tube rouillés grossièrement assemblés. Deux barils vides, accrochés de part et d’autre, lui permettent de flotter. Cette structure de fortune, reliée à une plate-forme en bois sur laquelle s’activent trois ouvriers torse nu et en tongs, est alimentée par deux moteurs de tondeuse à gazon pétaradants. Elle aspire le sable au fond de l’estuaire, puis le rejette sur la berge. Une fumée noire et nauséabonde s’en échappe. Elle se trouve à quelques mètres au large de Koh Kong, cité cambodgienne nichée près d’une immense réserve naturelle abritant l’une des mangroves les mieux préservées d’Asie. Cette ville aux rues jonchées de déchets est devenue un des points chauds d’un vaste commerce de sable, dont les ramifications s’étendent aux quatre coins de l’Asie.

Produit par des siècles d’érosion, ce matériau est la ressource naturelle la plus utilisée au monde. « Chaque année, il s’en consomme entre 40 et 50 milliards de tonnes », note Pascal Peduzzi, un géographe qui a réalisé une étude dans le cadre du Programme des Nations unies pour l’environnement. Cette industrie, qui pèse environ 200 milliards de dollars par an, est en pleine effervescence, tirée par le boom de la construction en Asie. En Chine surtout : « Ce pays consomme 58% du sable extrait au niveau mondial, dit le chercheur. Entre 2011 et 2013, il a utilisé autant de ciment que les Etats-Unis durant tout le siècle dernier. » Le développement accéléré de cités tentaculaires comme Shanghai, Shenzhen ou Chongqing, les mégaprojets comme le barrage des Trois-Gorges et les centaines de milliers de kilomètres de route construits par l’empire du Milieu ces vingt dernières années… tous se sont nourris de gigantesques quantités de sable, composante principale du ciment, du béton, de l’asphalte et du verre. L’Inde voisine n’est pas en reste.

[…]

Si l’industrie de la construction absorbe 70% du sable extrait dans le monde, il a d’autres usages. Des micro-Etats, comme Singapour, Dubaï ou Hong Kong, s’en servent pour gagner des terres sur la mer ; les îles menacées par la montée des eaux, comme les Kiribati ou les Maldives, l’utilisent pour bâtir des digues ; Pékin le met au service de ses ambitions territoriales en rehaussant des îlots contestés en mer de Chine méridionale. « Il existe aussi une série d’applications industrielles, comme la fracturation de la roche pour en extraire du pétrole, la fabrication de puces informatiques, de panneaux solaires, de papier de verre, de détergents, de cosmétiques et de dentifrice », précise Pascal Peduzzi. Ces utilisations nécessitent une variété à base de silice, presque blanche et d’une grande finesse. En général, ce matériau n’est pas exporté sur de grandes distances, car ce ne serait pas rentable, vu son prix (entre 5 et 10 dollars la tonne). La majeure partie du sable utilisé en Chine et en Inde est ainsi extrait sur place. Mais quelques pays asiatiques – Cambodge, Myanmar, Bangladesh, Sri Lanka, Philippines – en ont fait une industrie d’exportation. Un choix lourd de conséquences pour leurs habitants et leurs écosystèmes.

Puis il y a la situation particulière du village de Koh Sralao :

L’eau salée a pénétré dans la mangrove – les arbres morts, aux racines blanchies par le sel, en témoignent. Le village de Koh Sralao apparaît au détour d’un méandre de la rivière. Des maisons sur pilotis, aux toits de tôle, reliées par des pontons en bois. Au sol, paniers à crabes, filets de pêche et crustacés qui sèchent au soleil. La ressource, ici, c’est le crabe. Mot Sopha, une jeune femme de 33 ans […] se remémore l’arrivée des mineurs : « Les barges sont apparues un jour et personne ne nous a expliqué ce qu’elles faisaient ici. Un peu plus tard, un homme est venu et a pris les empreintes digitales de tous les villageois. Il nous a dit que les entreprises d’extraction de sable avaient le droit d’opérer dans cette zone et que cela ne servait à rien de protester. »

On leur promet un hôpital, une route et une école… ils ne se matérialiseront jamais. Au début, les habitants de Koh Sralao se contentent d’observer l’étrange ballet de grues et de barges qui se déroule juste devant leur village. Très vite, ils comprennent que quelque chose ne tourne pas rond. « Avant leur arrivée, je ramenais trois filets remplis de crabes chaque jour, ce qui me rapportait 25 dollars environ, détaille le mari de Mot Sopha, […]. Aujourd’hui, je dois déployer dix filets et cela ne me permet pas de gagner plus de 20 dollars. »

La population de crustacés et de poissons dans cet estuaire s’est effondrée. De l’ordre de 70 à 90%, selon un rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature. En raclant le fond de l’eau, les grues soulèvent un plumet de boue et de sédiments qui étouffe la vie marine. « Cela décape aussi le fond, riche en nutriments », pointe Alejandro Davidson-Gonzales, le fondateur de Mother Nature. À Koh Sralao, l’impact a été dévastateur. « Nous gagnons moins d’argent et avons dû acheter plusieurs nouveaux filets, détaille Mot Sopha. Cela nous a obligés à emprunter 500 dollars. » Les prêts sont fournis par des villageois fortunés à des taux exorbitants, qui peuvent atteindre 30%. « La saison suivante, nous avons de nouveau dû emprunter 500 dollars, juste pour pouvoir payer les traites », dit-elle. À plusieurs reprises, la situation s’est tendue. Les habitants de Koh Sralao ont tenté, en vain, de chasser les mineurs, notamment après le décès de l’un des leurs lorsque son embarcation est entrée en collision avec une barge.

L’article évoque la corruption, la complicité des autorités politiques avec les industriels qui profitent de cette activité lucrative et destructrice de l’économie locale et bien sûr de la nature. Les berges des rivières s’effondrent :

« «Seak Ky, une femme de 36 ans aux bras ornés de bracelets dorés, vend du jus de canne à sucre le long de la route, à S’ang, un hameau au sud de la capitale. En février, elle a découvert une fissure dans le sol de sa cuisine. Quelques jours plus tard, en pleine nuit, la moitié de sa maison est tombée dans le Bassac, un bras du Mékong. « Tout s’est passé en moins de 30 minutes, raconte cette mère de trois enfants. Je n’ai eu le temps que de me saisir de quelques casseroles. J’ai perdu tout le reste. » Ce n’était pas la première fois. « J’ai dû déplacer ma maison quatre fois vers l’intérieur des terres, car plus de 20 mètres de berges se sont effondrées », livre-t-elle.

Sa demeure est désormais collée à la route. Une dizaine de maisons du village ont subi le même sort. En cause : une plate-forme munie d’un tuyau qui aspire le sable au milieu du fleuve, à une petite dizaine de mètres des habitations. Il y en a plusieurs autres le long de la rive. « Elles sont arrivées à l’été 2016, indique Ly Raksmey, un militant de Mother Nature. Le sable alimente un chantier de logements pour les fonctionnaires, à quelques kilomètres d’ici. » Lorsqu’on extrait du sable au milieu d’une rivière, cela en accélère le flux, favorisant l’érosion des berges et les inondations en aval. […]

À S’ang, la colère gronde. « Je n’ai reçu aucune compensation financière, s’emporte Seak Ky. On m’a dit que l’effondrement était dû à une catastrophe naturelle.»

C’est une catastrophe qui s’étend à beaucoup d’autres pays asiatiques :

« Le Cambodge n’est pas le seul pays ravagé par les effets de l’extraction de sable. En Inde, plusieurs ponts menacent de s’effondrer car leurs fondations ont été mises à nu. Des lacs et des rivières au Kerala ont vu leur niveau chuter dramatiquement, asséchant les puits aux alentours. La même chose s’est produite aux Philippines, au Sri Lanka et en Indonésie. Mais le pays le plus affecté, c’est le Myanmar. « L’extraction s’opère dans la rivière Irrawaddy, dans les estuaires du sud-est du pays et sur les plages de l’Etat du Rakhine, détaille Vicky Bowman, qui dirige l’ONG Myanmar Centre for Responsible Business. Résultat, les côtes marines ne sont plus protégées contre les tempêtes, les berges des rivières s’érodent et l’eau est devenue trouble. » Certains hôtels, sur la plage de Ngapali, ont commencé à s’effondrer. Et des bâtiments construits avec ce sable rempli de sel, tel l’hôpital de Sittwe, risquent aussi de s’affaisser. »

Il existerait pourtant des alternatives au sable :

« Il existe des solutions pour utiliser moins de sable. L’asphalte, le ciment et le verre se recyclent. En Grande-Bretagne, près de 30% des matériaux utilisés dans le BTP sont générés ainsi. « L’incinération de déchets produit une cendre très compacte qui peut servir à fabriquer des revêtements de parking ou des dalles », précise en outre Pascal Peduzzi, géographe affilié au programme des Nations unies pour l’environnement. Singapour se sert pour sa part de la terre excavée lors de la construction des lignes de métro pour gagner du terrain sur la mer. La cité-Etat a également lancé un ambitieux projet, inspiré par les polders néerlandais, pour agrandir l’île de Tekong, tout à l’est du territoire, de 8,1 km2. « Nous construisons un mur circulaire long de 10 kilomètres qui affleurera à 6 mètres au-dessus du niveau de la mer, détaille Wong Heang Fine, le PDG de Surbana Jurong, entreprise qui travaille au projet. L’eau retenue par cette digue sera ensuite drainée et nous pourrons construire directement sur le sol marin. » »

Homo sapiens continue sa folle quête de la croissance en prélevant des ressources de notre planète au-delà du raisonnable et supérieures à ce qu’elle est capable de régénérer.

Je vous redonne le lien vers l’article du magazine des Echos : <La guerre du sable>

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Vendredi 6 mars 2015

Vendredi 6 mars 2015
«Il nait de moins en moins de femmes dans le monde »
Atlas mondial des femmes

Dimanche le 8 mars, on célèbrera la journée internationale de la femme.

Une des origines de cette date du 8 mars nous vient de Lénine, qui décrète la Journée internationale des femmes le 8 mars 1921, en honneur aux femmes qui manifestèrent les premières, le 8 mars 1917, à Petrograd, lors du déclenchement de la révolution russe.

J’ai plusieurs fois évoqué la violence faite aux femmes dans le monde, notamment lors du mot du jour du 9 septembre 2014 : « C’est juste pas de chance d’être une femme dans la plupart des pays du Monde » propos de la journaliste Annick Cojean.

En collaboration avec l’INED, les Editions « Autrement » ont publié « L’Atlas mondial des femmes »

Une des directrices de cet ouvrage, Isabelle Attané était l’invité de l’émission de Christine Ockrent :
<Planète femmes>

Et elle a parlé d’une autre violence faite aux femmes : le déni de naître. Aidé notamment par les techniques modernes de diagnostic prénatal, des parents choisissent ouvertement de ne pas faire naître les filles pour privilégier les garçons.

<Un article> du Monde Diplomatique sur ce même sujet explique :

« Dans une population donnée, quand hommes et femmes sont traités sur un pied d’égalité et si les femmes n’ont pas une propension à migrer plus forte que celle des hommes, elles sont naturellement majoritaires. Si l’Asie se pliait à cette règle générale en enregistrant une légère prépondérance féminine, elle compterait quelque quatre-vingt-dix millions de femmes supplémentaires, une fois et demie la population de la France.

La Chine, qui, il y a encore trente ans, s’imposait comme l’un des fleurons du communisme mondial, fervent défenseur de l’égalité des sexes, est désormais l’un des pays où les discriminations envers les femmes, sur un plan démographique, sont les plus aiguës. Revers de la libéralisation économique et sociale dans ce pays, les rapports de pouvoir traditionnels, structurellement défavorables aux femmes, resurgissent. L’Inde, grande puissance économique émergente – actuellement au septième rang des puissances industrielles mondiales –, discrimine, elle aussi, ses femmes.

Avec ces deux géants, sont également touchés le Pakistan, le Bangladesh, Taïwan, la Corée du Sud et, dans une moindre mesure, l’Indonésie – pays qui, à eux seuls, regroupent trois des six milliards et demi d’habitants de la planète. Elimination des filles par les avortements sélectifs, traitements inégaux des enfants selon qu’il s’agit d’une fille ou d’un garçon, statut social secondaire et mauvaises conditions sanitaires à l’origine d’une surmortalité féminine dans l’enfance et à l’âge adulte représentent autant de particularités qui concourent à ce déficit.

La structure sexuée d’une population dépend de la proportion de chaque sexe à la naissance, d’une part, et de la fréquence des décès des hommes et des femmes à chaque âge de la vie, d’autre part. En temps ordinaire, c’est-à-dire lorsqu’aucune forme d’intervention humaine ne vient perturber l’effet de ces données, on observe une proportion de garçons à la naissance légèrement supérieure à celle des filles et une surmortalité des hommes à chaque âge de la vie, laquelle vient compenser de manière naturelle l’excédent de garçons à la naissance. Or, dans nombre de pays asiatiques, l’une ou l’autre de ces lois – voire, parfois, l’une et l’autre – sont contrecarrées par des pratiques sociales. Il naît donc moins de femmes qu’il ne faudrait, et il en meurt plus qu’il ne devrait, d’où des proportions accrues d’hommes.

Sur la planète, la norme biologique – environ 105 naissances de garçons pour 100 filles – s’applique avec une régularité remarquable. Et les écarts demeurent faibles : le niveau le plus bas est observé au Rwanda, où il naît 101 garçons pour 100 filles, et le plus élevé, hors pays asiatiques, au Surinam – 108 garçons.

Dans plusieurs pays d’Asie, la réalité est tout autre. Si l’influence des facteurs biologiques, génétiques et environnementaux, habituellement avancée pour expliquer les écarts entre pays, n’est bien sûr pas à exclure, elle ne suffit en aucun cas à expliquer l’évolution observée depuis vingt à vingt-cinq ans. En Chine, en Inde, en Corée du Sud et à Taïwan, garçons et filles naissaient dans des proportions normales au début des années 1980. Mais depuis, avec la baisse de la fécondité, la préférence traditionnelle pour les fils s’exacerbe et vient supplanter les lois biologiques, rompant ainsi l’équilibre naturel.

Désormais, les progrès technologiques permettent d’intervenir sur le sexe de sa descendance : au bout de quelques mois de grossesse, la future mère passe une échographie ou une amniocentèse. Si c’est un garçon, on peut rentrer chez soi et attendre patiemment l’heureux événement. Mais en cas de fille, c’est le dilemme : si on la garde, aura-t-on une nouvelle occasion d’avoir un fils ? Et, le cas échéant, sera-t-on en mesure de faire face à l’escalade des coûts d’entretien des enfants ? Bien souvent, plutôt que de devoir renoncer à un fils, on prend la décision de se débarrasser de la fillette indésirable, et la femme avorte. Ainsi, en Chine, l’excédent de garçons à la naissance est de 12 % au-dessus du niveau normal ; en Inde, de 6 %. En Corée du Sud, après le paroxysme du milieu de la décennie 1990 (115 garçons pour 100 filles), la situation s’améliore, avec 108 garçons en 2004.

Depuis peu, ce phénomène se propage à d’autres parties du continent. Ainsi, une province vietnamienne sur deux enregistre plus de 110 naissances de garçons pour 100 filles. Dans les pays du Caucase (Azerbaïdjan, Géorgie, Arménie), cette proportion s’est brutalement accrue, à partir du milieu des années 1990, pour atteindre des niveaux comparables à certaines régions de Chine et d’Inde (voir « Déséquilibres démographiques »). Pourtant, l’équilibre demeure dans les pays voisins que sont la Russie, l’Ukraine, l’Iran ou la Turquie.

En Indonésie, la proportion de garçons parmi les enfants âgés de moins de 1 an, encore normale en 1990, est passée à 106,3 dix ans plus tard. Une masculinisation rampante qui se manifeste par l’apparition d’un déficit de femmes auquel, outre une émigration féminine massive, notamment vers l’Arabie saoudite, le déséquilibre des sexes à la naissance commence à contribuer. »

Un autre article du Monde sur ce sujet : <Une marche paradoxale vers l’émancipation des femmes>

Donnant encore une fois la parole à Ferrat qui déclare avec Aragon que : <la femme est l’avenir de l’homme>

Le problème c’est que dans ces pays, le peuple ne le sait pas.

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