Mardi 28 février 2017

Mardi 28 février 2017
« Je n’enseigne point, je raconte »
Michel de Montaigne
Essais – Livre III – Chapitre II <Du repentir>

Michel Serres cite souvent cette belle phrase de Montaigne.

Mais surtout il l’a met en œuvre dans sa manière d’aborder les sujets souvent complexes qu’il enseigne ou partage avec celles et ceux qui l’écoutent.

Mais je mets cette phrase en exergue, phrase que j’avais déjà citée dans le corps de deux mots du jour (vendredi 29 mai 2015 lors d’un mot du jour consacré à Bernard Maris et le jeudi 2 juin 2016 dans la série consacrée à Sapiens) pour engager une réflexion sur la technique de l’interview dans les médias.

Dans l’interview principal qui servira à alimenter la série en cours de mots du jour, Michel Serres est entretenu par une journaliste qui s’appelle Emmanuelle Dancourt et qui anime une émission sur la chaîne catholique KTO qui s’appelle <VIP Visages Inattendus de Personnalités>.

Dans cette émission, la journaliste ne se met pas en valeur mais laisse son interlocuteur, choisi parce qu’il a des réflexions à partager, parce qu’une profondeur peut s’exprimer, raconter ce qu’il a à dire et c’est ce que Michel Serres fait très bien.

Pour moi, baigné dans ma jeunesse, par Jacques Chancel dans « Radioscopie » ou Bernard Pivot dans « Apostrophes » c’est un environnement qui me convient, qui me permet d’accéder à la connaissance et à la compréhension.

Parce qu’il faut laisser aux esprits libres et féconds la capacité de raconter…

C’est de plus en plus rare.

Je sais que parmi vous il y a des supporters de Thierry Ardisson, ce journaliste toujours habillé en noir qui a conceptualisé le principe que les téléspectateurs ne pouvaient s’intéresser à un sujet sérieux que si celui-ci était entouré de deux bimbos, de nature à réveiller la libido vacillante du mâle affalé dans son fauteuil, devant sa télé. Cette vision qui s’intéresse peu, me semble t’il, à la moitié féminine de l’espèce humaine est aggravée en outre par l’apparition, au milieu de questions sérieuses, de « QAC (1) » par exemple lorsque Ardisson a demandé à Michel Rocard  qui était venu présenter ses idées politiques si « sucer était tromper ».

Thierry Ardisson dispose de clones comme Ruquier ou Fogiel qui avec plus ou moins de succès essayent d’appliquer les mêmes recettes.

Sur le point strictement économique de l’audimat, il faut dire que le succès est au rendez-vous. Pour beaucoup, cela constitue une preuve de qualité.

Bien sûr,  si on les prend pour ce qu’elles sont : de simples émissions de divertissement, il me semble qu’on peut être de cet avis. Mais si on veut vraiment apprendre ou comprendre quelque chose, ou encore se ressourcer, il vaut mieux se tourner vers des émissions comme celles d’Emmanuelle Dancourt.

D’ailleurs Thierry Ardisson, à qui je reconnais beaucoup d’intelligence, ne s’y est pas trompé puisqu’il a, pour présenter un de ses livres « Les fantôme des Tuileries », accepté de se faire interviewer par Emmanuelle Dancourt <Le 31 décembre 2016>.

Et dans cet entretien Thierry Ardisson est très intéressant et peut dire des choses qu’il ne pourrait dire ailleurs. Il a le temps de s’exprimer car il fait face à de la bienveillance et à des questions qui élèvent, non des QAC.

(1)  QAC = question à la con

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