Mercredi 1er mars 2017

Mercredi 1er mars 2017
« Une philosophie de l’Histoire »
Michel Serres

Le premier livre abordé dans l’interview d’EmmanuelleDancourt a pour titre : « Darwin, Bonaparte et le samaritain, une philosophie de l’Histoire »

Michel Serres divise son livre en 3 temps, chaque temps étant symbolisé par un nom ; deux personnages historiques Darwin qui a révélé l’évolution des espèces, Bonaparte qui était un homme de guerre et un personnage de fiction, personnage de la culture chrétienne qui apparait dans une parabole que le Christ aurait raconté selon les évangiles : le samaritain, plus connu avec un adjectif : « le bon samaritain ».

Mais pourquoi faire une philosophie de l’Histoire ?

Dans ma jeunesse je m’étais intéressé à un livre de Raymond Aron : « Introduction à la philosophie de l’histoire » dans lequel il s’intéressait aux limites de l’objectivité historique et menait une réfutation du positivisme qui était la pensée dominante. Raymond Aron avait ainsi dans les années 1970 dit de Giscard d’Estaing :

« Cet homme ne sait pas que l’Histoire est tragique »

Car depuis la philosophie des Lumière, on avait considéré que la science apporterait le progrès et donc que l’Histoire ne pouvait aller que vers un avenir meilleur.

Par des voies différentes et des objectifs différenciés, au XIXème siècle, des grands esprits comme Friedrich Hegel, Auguste Comte et Karl Marx avaient tous une vision de l’Histoire qui allait vers plus de lumière, de liberté pour l’homme et d’organisation bénéfique de la société.

Michel Serres comme toujours s’y prend différemment pour réaliser une philosophie de l’Histoire qui lui est propre et qui change forcément notre regard sur l’Histoire, notre Histoire.

Pourquoi faire une philosophie de l’Histoire ?

Il aborde ce sujet de manière encore plus explicite que dans l’interview de KTO, dans une conférence où il présente ce seul livre : « Darwin, Bonaparte et le samaritain » :

« Après les attentats j’ai entendu des voix politiques ou médiatiques dirent : l’Histoire nous rattrape. Comme si l’Histoire n’était jamais faite que d’attentats, de violences et de rapports de force. Vivons-nous vraiment un temps de l’Histoire hyper violent ? Tout le monde a l’air de le penser et tout le monde a l’air de le dire. Si sur notre ordinateur, nous tapons sur un moteur de recherche : cause de mortalité dans le monde et que nous consultons les sites les plus sérieux qui donnent ce type de dénombrement nous constaterons que le nombre de morts par violence est très largement minoritaire.

Jamais le monde n’a été aussi paisible. C’est la première question celle de la violence.

La seconde question qui se pose est notre conduite envers le monde. »

Il raconte que récemment, il marchait dans le bois de Vincennes.

« Et dans ces heures de la terminaison de l’après-midi, levant les yeux j’ai été foudroyé d’admiration devant la beauté du coucher du soleil. Il y avait une harmonie de bleu et de rose dans les nuages qui à travers le feuillage, qui était déjà devenu jaune, était d’une surprenante beauté. Je suis resté en extase un moment et baissant les yeux je me suis aperçu qu’il y avait beaucoup de monde autour de moi et que personne n’y attachait aucune attention. Alors j’ai arrêté une ou deux personnes pour leur dire : Vous avez vu cet extraordinaire coucher de soleil ? »

Alors la première personne m’a répondu : « Merde ! Je n’ai pas mon appareil photo ! »

Et la seconde m’a dit : « Ha Ha vous êtes bien poète vous ! » et… elle a passé vite son chemin.

Et il ajoute :

« Par conséquent personne n’y faisait attention. Et je me suis rendu compte qu’il y avait là une photographie intéressante de notre rapport au monde. C’est-à-dire que nous, habitants des villes, nous n’avons plus jamais l’habitude de regarder le monde.

Les philosophes appellent les hommes : « des êtres au monde » Eh bien ce n’est pas vrai ! Nous ne sommes pas dans le monde, nous ne voyons pas le monde. Et par conséquent si le monde est aujourd’hui en perdition aussi bien pour les espèces vivantes que pour le climat, c’est peut-être que nous n’y faisons pas attention. »

Ainsi pour rédiger mon livre [sur la philosophie de l’Histoire] j’avais deux préoccupations c’était :

· Les questions de violence et

· Notre rapport au monde. […] »

Et il conclut :

« Faire une philosophie de l’Histoire est aujourd’hui important [parce que] nous le savons et nous le vivons vraiment, aujourd’hui nous traversons un moment de transformation tout à fait extraordinaire. Les transformations viennent de toute part et sont très rapides. Et dans ce type de situation instable, il est intéressant de faire le point sur où nous en sommes et où nous allons. Comment lire, comme voir lucidement le contemporain. Les questions politiques qui nous agitent ne peuvent pas se comprendre sans au préalable une philosophie de l’Histoire. »

Ceci est un début, demain Michel Serres nous expliquera que pour faire une philosophie de l’Histoire, il faut définir ce qu’est l’Histoire.

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