Vendredi 1er Juillet 2016

Vendredi 1er Juillet 2016
«Les mots du jours inachevés»
Charlie Hebdo publie dans chaque numéro les couvertures auxquelles les lecteurs ont échappé, ce journal publie alors les différentes propositions qui avaient été créées par les dessinateurs pour être publiées en première page et qui n’ont pas été retenues.
Pour ce dernier mot avant un silence de 2 mois, 37 jours ouverts, je m’inspire de cette idée pour vous donner une liste de mots que j’avais imaginés écrire mais que je n’ai pas eu le temps, l’énergie et peut être l’inspiration de développer.
Je vous en offre 21 classés en 6 catégories, sans détailler, dans l’état de brouillon dans lequel ils sont.
En réalité il y en avait 20, jusqu’à hier. Et j’ai lu un article, mais il en existe beaucoup d’autres qui parlent du remarquable discours du DG de Danone lors de la remise des diplômes des étudiants d’HEC, le 24 juin. C’est le numéro 15 et il ne peut pas ne pas vous toucher.
Les 6 catégories sont les suivantes.
A – Philosophie – Société
B – Politique
C – Economie
D – Santé
E – Science et Technique
F – Consommation
Tous n’intéresseront pas tout le monde, mais je suis persuadé que de ci, de là cette énumération vous donnera l’occasion de picorer, butiner et approfondir.
Je voudrais encore ajouter un point essentiel. Aucun de ces mots, aucune de ces formules, aucune de ces analyses ne représentent « La Vérité ». Chacune de ces réflexions apporte un éclairage, une interpellation, des questions, des parties de réponses qui nous permettent de mieux aborder la complexité du monde.

A – Philosophie – Société

1 – « Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse » Alfred de Musset
2 – « Quelle terreur en nous ne veut pas finir ?» Frédéric Boyer
L’identité, en danger… ? C’est le thème du tout petit livre de l’écrivain français Frédéric Boyer, auteur de « Quelle terreur en nous ne veut pas finir? », publié chez P.O.L.
En à peine 100 pages, l’écrivain met la question de l’identité au cœur du débat sur l’immigration. Une identité qui se sentirait en danger, un patrimoine, un terroir, une mémoire en perte d’influence… A lire les gros titres de presse, à entendre les discours ambiants, c’est une civilisation entière qui est en danger face à l’Autre, et plus précisément. aux Autres.
« Nous défendons le droit à l’hospitalité (…) Et nous affirmons vouloir protéger un roman national, une histoire à nous, par le refus d’entendre la vie des autres. »
De quoi avons-nous peur, et surtout, pourquoi avons-nous peur ? C’est la question que pose Frédéric Boyer dans cet écrit.
D’un point de vue moral, éthique presque, comment coexistent une telle appréhension, une telle épouvante, et de tels discours sur l’hospitalité, la solidarité, la fraternité… l’humanité.
3 – «Les gens dans l’enveloppe» Isabelle Monnin
Au départ, c’est une idée gonflée et excitante. A l’arrivée, Les Gens dans l’enveloppe est un objet inédit, à la fois roman, enquête et disque : en 2012, la journaliste romancière Isabelle Monnin achète sur le Net un lot de vieilles photos d’une famille qu’elle ne connaît pas. Fascinée par ces portraits d’anonymes sortis d’une enveloppe, elle décide de leur inventer une vie. Son ami Alex Beaupain, séduit par l’aventure, suggère d’accompagner le récit de chansons. L’histoire, déjà peu banale, pouvait s’arrêter là… Mais c’est à ce moment qu’elle va prendre tout son sel : une fois son roman bouclé, Isabelle Monnin se lance sur la trace de ces inconnus familiers, les retrouvant dans le Doubs, et confrontant son imaginaire à leurs destins réels.
4 – «Les violences sournoises dans la famille» Isabelle Levert
Isabelle Levert est psychologue clinicienne et psychothérapeute. Après Les Violences sournoises dans le couple (Robert Laffont, 2011), Les Violence sournoises dans la famille est son deuxième livre.
Alors qu’ils auraient dû être protégés, choyés, ils se sont sentis rejetés, humiliés, méprisés… Tous les auteurs et presque toutes les victimes de violence domestique ont subi, dans leur enfance, une maltraitance.
Quand un mari dit à son épouse : « Quand je te vois, je vois juste une nana qui veut en foutre le moins possible, ça va vraiment pas le faire, nous deux » ; « Cette sculpture, c’est comme toi, ça sert à rien » ; quand un parent dit à son enfant : « Je ne t’ai pas sonné, tu parleras quand je te le dirai », « Ne fais pas ça, tu sais pas faire, tu vas tout casser », « Dégage, tu es la pire erreur de ma vie ! » ; quand une belle-mère dit à sa belle-fille : « Je peux être ta meilleure amie comme ta pire ennemie »… Quelles sont les paroles qu’ont entendues ces adultes dans leur enfance ?
Après les violences sournoises dans le couple, l’axe horizontal de sa recherche, Isabelle Levert reprend aujourd’hui la plume pour s’interroger sur les violences sournoises dans la famille, son pendant vertical. Elle met l’accent sur le vécu infantile des auteurs et des victimes, et se penche sur leurs enfants qui, frappés par la violence, sont en risque de la reproduire à l’âge adulte. Car il faut en comprendre les rouages et les ancrages, en parler et entreprendre un travail de psychothérapie, pour éviter que cette violence se transmette de génération en génération.
5 –  «Les musées envahis par les aveugles photographes» Eric Dupin
«Ils ont des yeux, mais ne voient pas», (Évangile selon Saint-Matthieu mais aussi, soyons œcuméniques, sourate 7 verset 179 du Coran). Leur index est incroyablement plus mobile et plus actif que leurs pupilles. Ce sont les touristes, fort peu regardants, qui préfèrent capturer une œuvre d’art à l’aide de leur smartphone plutôt que perdre leur temps à la contempler.
Ce spectacle fascinant s’observe dans la plupart des grands musées de la planète. Mais j’ai vu, cet été aux États-Unis, jusqu’à quelles extrémités ce phénomène pouvait aller. La visite du MET ou du MoMA de New York, pour ne citer qu’eux, s’apparente dès lors à une rude épreuve.
Appropriation technologique des œuvres
Ce n’est pas d’hier qu’un flot de touristes exténués par d’infernales cadences voyageuses tend à confondre salles de musées et halls de gare. Au bout d’un certain temps, les pauvres ne jettent plus que distraitement un coup d’œil aux œuvres majeures signalées par un pictogramme d’écouteur.
La magie technologique n’en a pas moins porté à un stade inégalé la possibilité de s’approprier un musée en se dispensant de regarder vraiment les œuvres exposées. On peut tout d’abord les mitrailler consciencieusement (les plus scrupuleux photographient aussitôt après leur cartel) avec son Réflex numérique équipé d’un gros zoom (alors qu’une reproduction de qualité suppose l’emploi d’une focale fixe moyenne à grande ouverture –mais passons). Pas le temps d’observer entre deux déclenchements. On verra tout ça tranquillement à la maison…
La majorité s’en tient néanmoins à l’usage d’un smartphone. Dans le meilleur des cas, pour photographier à la va-vite, généralement de biais et de travers, l’œuvre célèbre. Dans le pire, et c’est hélas de plus en plus fréquent, pour s’immortaliser soi-même devant l’une de ces manifestations du génie humain. Ou se faire prendre en photo, avec cet arrière-plan avantageux, par un ami ou un membre de sa famille.
 Ces diverses pratiques génèrent inévitablement leur lot de nuisances. Bipèdes au sourire forcé occultant une partie du tableau, bras inopinément tendus devant vos yeux, mouvements incessants destinés à mieux se placer avant de disparaître aussitôt le cliché pris: tout cela ne favorise guère l’observation sereine et attentive des œuvres d’art. Le visiteur qui reste plusieurs minutes immobile devant un tableau, pour l’analyser ou s’immerger dans son univers, est paradoxalement considéré comme un étrange gêneur par la majorité des touristes.
B – Politique
6 – « Hollande est dans un cul-de-sac politique » Thibaut Madelin / Correspondant à Berlin | Le 06/04
Grand reporter au sein de l’influent magazine allemand « Der Spiegel », Ullrich Fichtner connaît bien la France, où il vit depuis 2003. Il a fait sensation la semaine dernière en appelant publiquement à la démission de François Hollande.
Vous venez d’écrire que, politiquement, François Hollande était un homme mort qui devait démissionner. Pourquoi ?
Je pense qu’il est dans un cul-de-sac politique. S’il veut le bien de son pays, il serait temps de tirer les conséquences de ses erreurs et de démissionner. Je sais que ce n’est pas dans la culture française, mais je trouve cela déplorable. Gerhard Schröder était lui aussi dans une situation difficile après les réformes de l’Agenda 2010 et il a mis son mandat en jeu. Pourquoi serait-ce impossible en France ?
7 – «Après les pompiers, l’Europe attend les architectes.» Jacques Delors
« Ces dernières années, les dirigeants nationaux et européens ont connu une sorte de gestion de crise au quotidien, prenant des mesures dans l’optique de survivre. Si les efforts en vue d’empêcher l’effondrement de la zone euro sont bienvenus, notre Union doit impérativement poursuivre des objectifs à long terme. Des objectifs qui portent sur le progrès social et la prospérité pour tous. En effet, comme je l’ai déjà mentionné à plusieurs reprises, après les pompiers, l’Europe attend les architectes. Ces derniers sont essentiels pour trouver ce sens de l’intérêt commun qui peut mobiliser à la fois les États membres et leurs citoyens. Nous devrions tirer un enseignement de ces années de crise financière, économique et politique ? si l’élaboration des politiques européennes compromet la cohésion et sacrifie des normes sociales, le projet européen n’a aucune chance de recueillir le soutien des citoyens européens. Ce rapport identifie clairement les trois objectifs qui peuvent contribuer à l’intégration européenne et rétablir la confiance et la reprise économique. Premièrement, la convergence socio-économique au sein de l’UEM et de l’UE, qui doit être réalisée, par exemple, grâce à des mécanismes de stabilisation automatiques ; deuxièmement, un véritable marché du travail européen, avec une mobilité accrue au sein de l’UE et des droits sociaux accessibles dans toute l’Europe ; troisièmement, un élan vigoureux en faveur des investissements sociaux pour fixer la base de la croissance inclusive et de la compétitivité.
Créer un mécanisme de stabilisation sociale. »
8 – « Le but suprême pour les libéraux que nous incarnons est que le Droit empêche les gros de faire du mal aux petits, les petits de massacrer les gros, mais surtout que le Droit empêche l’État d’enquiquiner tout le monde. » – Charles Gave 
Le comble de cet étatisme : la loi Macron et son vote bloqué grâce au fameux article 49.3. L’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait estimé que l’utilisation de ce 49.3 était comparable à celle d’un « bulldozer pour faire des pâtés de sable », tellement cette loi de 300 articles et de plusieurs milliers de décrets d’application n’était au fond qu’une « loi toile d’araignée ». Quand on l’examine de près, en effet, on voit bien que son but n’est pas de réformer réellement mais de régenter et suradministrer encore plus des professions déjà écrasées de charges, de contraintes, de réglementations et de contrôles.
Emmanuel Macron, libéral ? C’est risible ! Au moment où il faudrait que l’État envahisseur recule, que les syndicats politisés reculent, que le Code du travail recule et que le communisme ambiant recule, le ministre ajoute une couche d’État supplémentaire – voyez Renault –, une couche de syndicalisme supplémentaire – pour ouvrir les magasins en soirée, par exemple, il faudra que les syndicats soient d’accord – et plusieurs couches de nouvelles contraintes qui vont finir par étouffer un pays déjà en respiration assistée.
Charles Gave, qui s’était fait connaître du grand public il y a une douzaine d’années avec son best-seller Des lions menés par des ânes (éd. Robert Laffont), estime que, si l’économie française va si mal et depuis si longtemps, c’est à cause de « cette évidence accablante : plus la part de l’État dans l’économie est forte, plus la croissance est faible. Plus la croissance est faible, plus le taux de chômage monte. Plus le taux de chômage monte, plus les dépenses de l’État augmentent… Un cercle vicieux dans toute son horreur. » Et vous, quelle est votre analyse, monsieur Macron ?
Le vrai libéralisme, en fait, n’est pas spécialement une théorie économique et n’a pas de couleur. Il n’est ni rouge ni bleu, ni de gauche ni de droite. C’est plutôt une philosophie. Les vrais libéraux sont des humanistes tolérants, opposés aux extrêmes et aux extrémistes. Ils sont avant tout des partisans de la liberté individuelle face à l’État quand celui-ci est envahissant. Ils veulent réduire les droits de l’État au profit d’un état de Droit. Ils veillent scrupuleusement à ce que le capitalisme, pour fonctionner à la satisfaction générale, soit régulé par des intervenants, à condition que ces derniers soient compétents.
En exergue de la première page du site de l’Institut des libertés qu’il a créé et qu’il préside, Charles Gave a gravé ces mots simples et clairs : « Le but suprême pour les libéraux que nous incarnons est que le Droit empêche les gros de faire du mal aux petits, les petits de massacrer les gros, mais surtout que le Droit empêche l’État d’enquiquiner tout le monde. » Qu’en dites-vous, monsieur Macron ?
9 – «La France peut évoluer vers un régime autoritaire » Yves Sintomer
Yves Sintomer, professeur de sciences politiques à Paris 8, spécialiste de la démocratie participative et délibérative, a surpris son auditoire mardi 9 février, lors d’une conférence sur l’avenir de la démocratie à l’UCL (University College of London), en affirmant qu’il n’était pas à exclure de voir la France évoluer rapidement vers un régime autoritaire. Il déroule ici son raisonnement.
Vous avez récemment déclaré, lors d’une conférence à Londres que, parmi les pays occidentaux, la France était celle qui risquait le plus de verser dans un régime autoritaire. Comment en arrivez-vous à une telle conclusion ?
– Notre conférence portait sur l’avenir des démocraties. Nos vieilles démocraties, en Europe et en Amérique du Nord, traversent une crise de légitimité profonde, marquée par une défiance de plus en plus importante vis-à-vis des gouvernements et des élites. L’idée que nos systèmes, inventés au XVIIIe siècle, pourraient résister sans changement à cette crise n’est pas crédible, compte tenu de l’ampleur des mutations auxquelles la politique doit aujourd’hui faire face.
Il est également illusoire de miser sur un retour en arrière, que ce soit vers un système fondé sur la compétition entre de grands partis de masse intégrant les couches populaires et dotés d’idéologies ou vers un système communiste, idée que caresse des philosophes en vogue comme Giorgio Agamben, Alain Badiou ou Slavoj Zizek. Ni statu quo, ni retour en arrière, nos démocraties représentatives vont donc muter.
Muter dans quel sens ? Quels sont les scénarios possibles ?
– Trois scénarios me semblent réalistes. Le premier est celui qu’on appelle « la post-démocratie », une notion développée par le sociologue et politologue britannique Colin Crouch. C’est un système dans lequel, en apparence, rien ne change : des élections libres continuent d’être organisées, la justice est indépendante, les droits individuels sont respectés. La façade est la même, mais la souveraineté réelle est ailleurs. Les décisions sont prises par les directions de grandes firmes, les acteurs des marchés, les agences de notation, ou par des organes technocratiques… En Europe, nous sommes déjà engagés dans cette direction.
Second scénario, plus heureux, celui d’une « démocratisation de la démocratie » : on vivrait alors un renforcement du politique face à l’économique, avec une participation citoyenne plus active. La démocratie se renforcerait sous des formes participatives et délibératives variées.
Troisième scénario, celui de l’autoritarisme. Il ne s’agit pas de dictature, mais de systèmes où, à la différence de la post-démocratie, la façade est remaniée : les élections existent mais la compétition électorale est restreinte ; les libertés (d’expression, d’association, d’aller et venir, de la presse…) sont amoindries par des lois liberticides ; la justice est moins indépendante… C’est la pente qu’ont pris les Russes, les Hongrois, les Polonais, les Turcs, et qu’on retrouve ailleurs, en Equateur ou au Venezuela par exemple. En Asie du Sud-Est, plusieurs régimes non-démocratiques sont allés ou vont, par une libéralisation très contrôlée, vers un tel modèle : je pense à Singapour ou à la Chine, deux pays où les droits y sont restreints.
10 – «Notre conception du monde nous interdit le monde de demain » Yannick Roudaut
Conférence de Yannick Roudaut, le 21/01/2013 à Nantes : https://www.youtube.com/watch?v=T6LODGLPR5U
Nous avons la chance exceptionnelle de vivre une période exceptionnelle de l’histoire de l’humanité : nous allons pouvoir changer le monde. Mais avant de changer le monde, ça c’est le côté enthousiasmant, je vais vous demander un petit effort. Il va nous falloir faire un travail de deuil, il faut tourner la page. Et tourner la page, c’est tourner la page du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui et ça pour le faire je vais m’appuyer sur les travaux d’un américain qui s’appelle Jared Diamond, qui a publié « collapse » et vous allez voir que les cinq facteurs d’effondrement d’une civilisation sont réunis aujourd’hui. Ca c’est la mauvaise nouvelle. Après nous passerons aux bonnes nouvelles.
Jared Diamond a identifié cinq facteurs que l’on retrouve dans l’effondrement des mayas, des vikings, des grandes civilisations de Mésopotamie. Et à chaque fois ces cinq facteurs étaient réunis.
La mauvaise nouvelle est qu’en ce début de 21ième siècle, ces cinq facteurs sont réunis mais cette fois-ci, ce n’est pas une civilisation qui est menacée, c’est le village monde, c’est l’humanité, c’est nous tous. Voilà pourquoi c’est important d’en prendre conscience.
Le premier facteur d’effondrement est le facteur environnemental : nous avons infligé depuis 2 siècles, surtout depuis une cinquantaine d’années, des dommages environnementaux parfois irréversibles.
Deuxième facteur : le dérèglement climatique. Toutes les grandes civilisations ont fait face à ces dérèglements. Cela affaiblit les écosystèmes et qui dit affaiblissement des écosystèmes dit pénurie de ressources, déstabilisation d’une société, conséquences économiques, géopolitiques, sociales, vous connaissez la suite.
Troisième facteur : la résurgence des conflits militaires qui découle des deux premiers facteurs. Quand les écosystèmes sont déstabilisés, quand la société manque de ressources, on renoue avec les conflits, on se fait la guerre et je vous rappelle qu’à l’heure actuelle la France est en guerre au Mali.
Quatrième facteur : le délitement des alliances diplomatiques et commerciales. Plus cela va mal, plus les alliances d’hier volent en éclat. Et aujourd’hui, nous sommes tous conscients que l’avenir de l’Europe est vraiment mis entre parenthèses. Nous ne savons pas ce que cela va devenir.
Et puis le cinquième facteur n’est pas le moins inquiétant : c’est l’aveuglement de nos élites. Dans tout effondrement de civilisation, les élites sont incapables d’expertiser la chute de leur monde, ils sont incapables de changer leurs prismes d’analyse. Résultat : elles mènent une politique de caste qui accentue, qui précipite l’effondrement d’un monde.
C – Economie
11 – «Les États-providence sont fondamentalement incompatibles avec la libre circulation des personnes d’un pays à l’autre» Hans-Werner Sinn
Hans-Werner Sinn, professeur d’économie et de finances publiques à l’université de Munich, également président de l’institut de recherche économique Ifo, siège au Conseil consultatif du ministère allemand de l’Économie. 
L’enjeu est essentiel. Les États-providence se définissent par le principe de redistribution : ceux dont les revenus sont au-dessus de la moyenne paient plus d’impôts et cotisent plus qu’ils ne reçoivent en retour des services publics, tandis que ceux dont la rémunération est inférieure à la moyenne paient moins qu’ils ne reçoivent. Cette redistribution, qui draine les ressources publiques nettes vers les ménages à faibles revenus, apporte une correction sensible à l’économie de marché, sorte d’assurance contre les vicissitudes de la vie et la dure loi du prix de la rareté, qui caractérise le marché et n’a que peu à voir avec la justice sociale.
Les États-providence sont fondamentalement incompatibles avec la libre circulation des personnes d’un pays à l’autre si les nouveaux arrivants ont immédiatement et pleinement accès aux prestations sociales de leur pays d’accueil. Lorsque tel est le cas, ce pays fonctionne en effet comme une trappe à allocataires, où l’on s’installe en raison des prestations ; il attire les migrants en plus grand nombre qu’il ne le serait économiquement souhaitable puisque ces derniers y reçoivent, outre leur salaire, une subvention sous forme de transferts publics. On ne peut espérer d’autorégulation efficace des migrations que dans la mesure où les migrants ne perçoivent que leur salaire.
12 – «L’économie sociale et solidaire pèse de plus en plus lourd»  Marie-Cécile Renault journaliste du Figaro
Mal connu du grand public, le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) regroupe les mutuelles, les associations, les coopératives et les sociétés commerciales à but social. Soit 200.000 entreprises au total, représentant 10% du PIB et 12% des emplois privés. Les entreprises de l’ESS emploient ainsi plus de 2,36 millions de salariés, soit un emploi privé sur 8 en France, selon un rapport de Bercy. L’entrepreneuriat social est une manière d’entreprendre qui place l’efficacité économique au service de l’intérêt général. «Quel que soit le statut juridique des entreprises, leurs dirigeants font du profit un moyen, non une fin en soi», explique le Mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves). Tout un esprit.
13 – «L’Homme inutile» Pierre-Noël Giraud
Qu’y a-t-il de commun entre un chômeur de longue durée espagnol, un jeune peu qualifié à la recherche d’un premier emploi en France, un travailleur pauvre  britannique, un précaire allemand, un habitant des favelas de Rio ou des bidonvilles de Bombay, et un paysan sans terre de
Madagascar ? Ils font tous partie des superflus, des inexploitables, des exclus, des hommes et des
femmes inutiles aux autres et à eux-mêmes, car condamnés à survivre de l’assistance (publique ou familiale) et privés de moyens d’améliorer leur sort.
Dix-neuf ans après la publication de L’Inégalité du monde (Folio, 1996), un livre fondateur dans lequel il prédisait que la globalisation accélérerait le rattrapage des « pays à bas salaires et à capacités technologiques », réduirait les inégalités entre les pays, mais accroîtrait les inégalités internes de revenus et laminerait les classes moyennes des pays riches, Pierre-Noël Giraud, professeur d’économie à Mines-ParisTech et à Dauphine, revient dans L’Homme inutile (Odile Jacob, 402 pages, 23,90 euros) sur son sujet de prédilection. La figure des « damnés de la terre » a changé, explique-t-il. Les colonisés et les surexploités des XIXe et XXe siècles ont cédé la place, au XXIe, aux hommes inutiles.
Forme particulièrement grave et résistante d’inégalité parce qu’elle enferme dans des trappes d’où il est très difficile de sortir », insiste l’économiste. Il montre, de manière saisissante, l’errance des conflits économiques sur le partage des revenus entre travail et capital du fait de la globalisation des firmes, qui mettent en compétition des « emplois nomades » dans le monde entier, par exemple ceux de trader, d’ingénieur aéronautique ou encore d’employé de centre d’appels.
Cette errance est dangereuse, « car elle pave la voie à d’autres conflits, identitaires, religieux, ethniques, qui renforcent les verrous des trappes d’inutilité et qui, organisés désormais par des partis politiques, menacent la paix civile », analyse Pierre-Noël Giraud.
14 – «  Le risqué et l’immoral font bon ménage avec la finance » Pierre-Yves Cossé  ancien commissaire au Plan
Les banques doivent elles prêter en devises à des particuliers? Faire croire à des emprunteurs des pays de l’Est qu’ils peuvent emprunter moins cher en devises, c’est immoral, et finalement risqué, comme le montrent les déboires actuels d’une filiale russe de la Société Générale. Par Pierre-Yves Cossé,

15 – «Après toutes ces décennies de croissance, l’enjeu de l’économie, l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale. Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie» Emmanuel Faber, DG de Danone

Le directeur général de Danone, Emmanuel Faber, s’est livré à un exercice de style émouvant le 24 juin dernier lors de la cérémonie de remise des diplômes aux étudiants de la grande école de commerce HEC. «Si vous attendez un discours de référence intellectuelle, vous allez être déçus», a lancé en guise de préambule ce patron du CAC 40, lui-même diplômé de HEC-Paris. Et c’est peu dire que ce fervent catholique a tenu sa promesse. Loin des thèses néolibérales régulièrement soutenues devant les futurs dirigeants des grands groupes français, Emmanuel Faber a, au contraire, prôné «la justice sociale» en se référant à son histoire personnelle, et plus particulièrement à son frère.
«Qu’est-ce qui m’a le plus marqué pendant mes trois ans ici [à HEC, NDLR]? C’est ce coup de fil que je n’aurais jamais voulu recevoir, à 21 heures (…) et où j’ai appris que mon frère venait d’être interné pour la première fois en hôpital psychiatrique, diagnostiqué avec une schizophrénie lourde. Ma vie a basculé», a confié devant une centaine d’étudiants le patron de Danone d’une voix emplie d’émotion. Si cet éminent chef d’entreprise parle de ce frère décédé il y a cinq ans, c’est qu’il lui a fait découvrir «la beauté de l’altérité», «l’amitié des SDF», et lui a prouvé «que l’on peut vivre avec très peu de choses et être heureux». Cette expérience a façonné sa vision du monde et de l’entreprise.
Emmanuel Faber indique ensuite aux étudiants présents qu’il est allé «séjourner dans les bidonvilles de Delhi, Bombay, Nairobi, Jakarta. Je suis également allé dans le bidonville d’Aubervilliers, pas très loin de Paris, et dans la ‘Jungle’ de Calais». Une expérience qui lui a inspiré une vision de l’économie qu’il décrit ainsi: «Après toutes ces décennies de croissance, l’enjeu de l’économie, l’enjeu de la globalisation, c’est la justice sociale. Sans justice sociale, il n’y aura plus d’économie». «Les riches, nous, les privilégiés, nous pourrons monter des murs de plus en plus haut (…) mais rien n’arrêtera ceux qui ont besoin de partager avec nous. Il n’y aura pas non plus de justice climatique sans justice sociale», poursuit-il.
Le patron de Danone en profite pour glisser, en anglais cette fois, une réflexion sur l’économie de marché en faisant référence à Adam Smith, un économiste du XVIIIe siècle. «Ce que je sais, après 25 ans d’expérience, c’est qu’on nous dit qu’il existe une main invisible, mais elle n’existe pas. Donc il n’y a que vos mains, mes mains, nos mains, pour changer les choses. Pour les améliorer. Et nous avons beaucoup de choses à améliorer».
«Le pouvoir n’a de sens que si vous vous en servez pour rendre service», poursuit Emmanuel Faber devant un auditoire silencieux. «Avec les intentions qui vous feront devenir celui que vous êtes vraiment, qui feront sortir le meilleur de vous et que vous ne connaissez pas encore». Son discours est ponctué par une salve d’applaudissements, tous les élèves se levant pour lui rendre hommage.
D – Santé
16 – « Apple approche les mutuelles pour divulguer le comportement des assurés » Guillaume Champeau – 22 août 2014 – Sciences
17 – « Le charme discret de l’intestin»  Giulia Enders
L’Allemande Giulia Enders est un petit miracle de l’édition. A 25 ans, cette étudiante en médecine a déjà vendu plusieurs millions d’exemplaires dans le monde de Darm mit Charme (le Charme discret de l’intestin), dont plus de 400 000 en France. Sorti dans l’Hexagone au printemps, l’ouvrage se classe depuis, semaine après semaine, sur le podium des meilleures ventes. Et pourtant, ce n’est pas une histoire à l’eau de rose légèrement érotique sur un intestin qui rencontrerait l’amour malgré les adversités, ou un récit scatologique rabelaisien, même s’il y a, de temps en temps, les mots «caca» et «prout». Non, Enders a écrit un ouvrage de vulgarisation scientifique, tout à fait sérieux, sur l’importance de l’intestin pour notre corps et notre mental avec l’idée que digestion bien ordonnée commence par soi-même.​
18 – «Toutes les affaires de santé publique ont été ouvertes contre l’avis du Parquet» Marie-Odile Bertella-Geffroy
Dans le livre « Le racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir » dont elle est co-auteur, Marie-Odile Bertella-Geffroy veut dénoncer le poids des géants de la santé sur la justice, l’administration et les associations. Entretien avec celle qui fut juge d’instruction, en charge des dossiers du sang contaminé et de l’amiante.
Pour contrôler le lobbying des « big pharmas » et en finir tout à la fois avec les conflits d’intérêts, les scandales sanitaires et l’opacité dans la fixation des prix du médicament, Marie-Odile Bertella-Geffroy, coauteur du tout récent « Le racket des laboratoires pharmaceutiques et comment en sortir »(*), réclame, entre autres solutions, la mise en place immédiate d’une haute autorité de l’expertise.
E – Science – Technique
19 – «Hannah Herbst,» Une inventeuse de 14 ans
Hannah Herbst, une collégienne américaine de 14 ans, a mis au point une turbine capable de collecter l’énergie des courants maritimes. Son invention lui a permis de remporter 25 000 dollars.
À cause du changement climatique, le courant océanique El Nino fait des ravages. Il pourrait notamment entraîner la plus grande extinction des récifs coralliens de l’histoire. Cependant, ce type de courant océanique peut également être la source de nouvelles alternatives énergétiques. C’est ce que Hannah Herbst, une collégienne américaine de 14 ans, a démontré lors du concours «Discovery Education et 3M Young Scientist».
Cette jeune Floridienne originaire de Boca Raton a mis au point un prototype de turbine qui permet de générer de l’électricité grâce aux courants océaniques. Le dispositif, appelé «Beacon», lui a valu le prix du meilleur scientifique junior américain avec les 25 000 dollars qui étaient mis en jeu. L’idée du projet, elle se souvient l’avoir eue à la réception d’une lettre de sa correspondante en Ethiopie. «Elle m’indiquait qu’elle n’avait plus accès à l’électricité, plus d’eau fraiche à boire, en plus d’autres choses nécessaires. Je savais que sa situation n’était pas unique et j’ai pensé que je pouvais utiliser mes connaissances pour agir et tenter d’atténuer la crise de l’énergie dans le monde», a-t-elle expliqué sur son blog.
F – La consommation
20 – « Le saumonstre ou le frankenfish »
21 – «Les traîtres qui vendent sur Amazon » Article de l’Expansion
Vous ne le savez peut-être pas, mais Amazon n’est pas le seul à vendre sur Amazon. Mieux, des librairies, et même des particuliers, un peu partout en France, vendent des livres via le site américain. En toute légalité. En bon français, on appelle ça le « marketplace » (le marché grand public) d’Amazon – il représenterait 40% des ventes totales du site, mais sans doute moins pour ce qui concerne les seuls livres (la société de Jeff Bezos n’a pas pour habitude de communiquer ses chiffres).
Méfiance, néanmoins, car, sur Amazon, certains noms omniprésents de librairies, qui fleurent bon la France – Les Livres du château, La Librairie du coin… – cachent en réalité de très puissantes officines, dont le siège social est en Irlande ou au Texas, et qui n’ont rien de librairies classiques. Une magistrate de la Cour des comptes, Laurence Engel, nommée depuis présidente de la Bibliothèque nationale de France, vient d’ailleurs d’achever une mission tendant à moraliser un peu cette jungle, via une charte que devait signer Amazon.
Evidemment, pour un libraire, vendre sur le marketplace d’Amazon a un coût: un abonnement de 50 euros par mois et 15% de commission sur chaque vente. Sans compter que vous passez pour un « traître » auprès de tous vos confrères. « C’est suicidaire! Seule une minorité de libraires français vendent sur Amazon, assure Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française. La profession dispose de toutes sortes de plates-formes Internet qui permettent d’éviter Amazon. » Réponse de Virginie Rigot: « Je suis aussi présente sur le site Libraires en Rhône-Alpes, mais j’y vends vingt fois moins que sur Amazon! »
Bonnes vacances, au 29 août, si vous le souhaitez !