Lundi 29 août 2016

Lundi 29 août 2016
« Revenir du silence »
Quelques pensées personnelles
Nous avions terminé, il y a deux mois sur l’«Histoire du silence» d’Alain Corbin.
J’avais à peine posé la plume, pardon le clavier, que Michel Rocard est entré dans le silence de la mort le 2 juillet. La première personne qui avait attiré mon attention bienveillante sur cet homme d’Etat fut la future épouse de mon frère Gérard. C’était au début des années 1970, j’étais encore bien jeune. Mais j’y reviendrai la semaine prochaine.
La peur du silence… Nous avons assisté au quart de finale de l’Euro entre l’Islande et la France chez mon neveu Grégory et son épouse. Pour celles et ceux qui ont fait comme nous, vous avez constaté qu’ il avait été décidé de rendre hommage aux victimes de différents actes de terrorisme en début de match par une minute ….d’applaudissements. On applaudit aujourd’hui, on n’ose plus faire silence.
L’Euro de football n’a pas été un moment de silence, surtout pas dans les fans zones et autour.
Pour une fois ce ne sont pas les équipes les plus riches qui ont gagné : Le Pays de Galles a éliminé la Belgique et surtout l’Islande a éliminé l’Angleterre.
Et il y a eu une suite de fin de bêtes noires, (certains disent chat noir)  c’est à dire la victoire sur une équipe contre laquelle on ne gagne jamais.
Ainsi L’Allemagne a été enfin vaincue par la France, effaçant ainsi les défaites de 1982, 1986 et 2014.
L’Allemagne n’a pas apprécié, mais a été bien contente, elle-même, de battre enfin l’Italie dans une phase finale, depuis la 1/2 finale épique de 1970 (4-3 pour l’Italie), les latins avaient toujours gagné.
Italie qui elle-même a battu l’Espagne qui depuis 2008 gagnait systématiquement.
A ce niveau de constance dans une règle, personne ne devait être étonnée que le Portugal vainque enfin la France, qui l’avait éliminé en 1/2 finale de l’Euro de 1984 et de l’Euro de 2000 et en 1/2 finale de la coupe du monde de 2006.(*)
L’Euro s’est terminé le 11 juillet et la France entière a poussé un soupir de soulagement, il n’y a pas eu de criminel qui s’est attaqué à la foule dans les fans zones ou ailleurs lors des rassemblements de supporters.
Et le 14 juillet, un homme violent, menant une vie très éloignée des préceptes moraux recommandés par les rigoristes islamiques a voulu mourir de manière médiatisée en assassinant le plus grand nombre possible d’êtres humains, qu’ils soient enfants ou âgés, femmes ou hommes, athées, chrétiens ou musulmans, peu importe. Tuer ! Massacrer ! Voilà le moyen de finir sa vie banale en apothéose médiatique. Et les fous de Dieu de DAESH ne sont plus très regardants sur ceux qui se réclament d’eux, pour revendiquer tout massacre qui tue des occidentaux ou d’autres, mais en terre croisée, comme ils disent.
Et puis, il y eut d’autres actes meurtriers en Europe et plus encore dans d’autres régions du monde. <323 morts à Bagdad><A Kaboul plus de 80-morts contre des chiites>, Mais on parle surtout des actes qui touchent des lieux qui sont proches de nous.
Les sociologues des médias ont ainsi inventé le concept de <loi du mort kilométrique> qui démontrent que les médias accordent de l’importance aux victimes d’un drame en fonction de la distance qui les sépare du téléspectateur, auditeur ou lecteur.
Des personnes, probablement révoltées par ce fait, ont créé une page sur <Wikipedia> qui recense tous les attentats importants dans leur ordre chronologique. Est-ce une bonne idée ?
Mais un autre évènement planétaire a chassé toutes ces informations : les jeux olympiques de Rio. Et le monde, et nous de nous passionner pour telle épreuve, tel dénouement, tel vainqueur glorieux ou tel perdant magnifique ou simplement malheureux.
Les jeux de Rio, les jeux de la paix se passent à côté des favelas que la police s’efforce de pacifier selon leurs éléments de langage <Quand le Brésil pacifie ses favelas, cela n’a rien de pacifique>.
Il y a bien longtemps, j’étais jeune et j’écoutais déjà beaucoup la radio, j’avais entendu une pièce de théâtre qui m’avait beaucoup impressionné : <La vie est un songe>, écrite en 1635 par Pedro Calderón de la Barca. Aujourd’hui si un grand auteur dramatique voulait décrire la métaphysique de ce temps il écrirait : « La vie est un jeu ». Dans tous les domaines on parle, en effet, aujourd’hui de « challenge », de «performance », de «compétition ».
Mais c’est l’arrivée dans notre pays, en juillet, d’un nouveau jeu créé par des ingénieurs issus de Google qui ont créé leur propre société qui m’a conduit à cette réflexion.
Les aveugles voient, les paralysés marchent … Enfin, pas tout à fait…
Mais des jeunes geeks, enfermés jusque-là tant qu’ils pouvaient dans leur chambre et devant leurs écrans, sortent à l’air libre, marchent, essayent de se repérer dans le monde réel pour trouver des objets virtuels. Ils rencontrent même d’autres jeunes pour échanger sur ce jeu avec ce moyen extraordinairement archaïque qu’est la parole en face à face.
De moins jeunes, j’en connais personnellement, sont tout aussi intéressés par ce jeu étonnant et surprenant pour les gens comme moi qui nous trouvons en dehors de ce monde-là.
J’ai vu l’une d’entre vous, passer devant moi à 2 mètres, un dimanche au parc de la tête d’or, sans me voir car happée par la vision virtuelle du monde.
Des maires deviennent fous : ils veulent éradiquer de leur territoire municipal ces objets virtuels : Effacer ce qui n’existe pas ! Quelle quête étrange !
Oui la vie est un jeu et <Pokemon Go> constitue l’ouvrage sacré du moment.
Et la France a inventé une nouvelle polémique sur le burkini. Aujourd’hui on s’indigne parce que des femmes se couvrent trop à la plage, hier on criait au scandale parce que les femmes se dévêtaient trop. Le bikini par exemple fut l’invention d’un ingénieur français Louis Réard qui parfaitement conscient du choc que produirait sa nouvelle invention apparue sur les plages françaises à partir de 1947, décida de la baptiser “bikini“, en référence à un atoll du Pacifique où les Américains réalisèrent des essais nucléaires en 1946.
Vous me direz, cela n’a rien à voir : le bikini était un progrès dans le sens de la liberté, alors qu’avec le burkini nous sommes en pleine régression de l’émancipation des femmes. On peut voir les choses comme cela, mais c’est une réflexion peut être trop centrée sur la minorité occidentale.
C’est difficile de revenir du silence.
Annick Cojean, la journaliste du monde qui parle si bien des combats des femmes dans le monde, elle que j’avais cité dans le mot du jour du  9 septembre 2014 : « C’est juste pas de chance d’être une femme dans la plupart des pays du Monde » a, pendant l’été, interviewé plusieurs femmes et quelques hommes, dans une série appelée : <je ne serais pas arrivé là si>
Par exemple, l’écrivaine Eve Ensler : « Ce monde est miné par les fondamentalistes de toutes sortes », ou l’actrice Nicole Kidman : « On n’avancera que si les femmes soutiennent aussi les femmes »
Parmi ces femmes il y a Joan Baez qui dit <Le silence m’est essentiel>
Je joins l’article de l’interview de cette merveilleuse chanteuse et remarquable femme et personne humaine à ce message.

(*) Je ne parle plus beaucoup de football, tant je trouve ce sport dévoyé par les pratiques financières voire mafieuses. Toutefois par ce développement je voulais signifier aux passionnés du ballon rond que je reste attentif à l’histoire de ce sport et de ses compétitions.