Vendredi 9 février 2018

« A quoi est utile le système hiérarchique ? »
Réflexions personnelles après des années de butinage.

Laurent Wauquiez, le chef que la droite s’est choisie, aime à rappeler cette injonction de Jacques Chirac : « Un chef c’est fait pour cheffer ! »

Mais un chef ne suffit pas à faire un système hiérarchique, il a fallu du temps aux humains et développer des sociétés sophistiquées pour que le système hiérarchique se mette en place.

Car dans un système hiérarchique, il n’y a pas qu’un chef, il faut une collection de chefs avec un numéro 1 et puis des grands chefs, des moyens chefs et des petits chefs.

L’organisation qui a développé les pyramides hiérarchiques les plus rigoureuses est bien sûr l’armée. L’Histoire comme on la raconte est souvent l’Histoire des grands chefs avec leurs collections de sous-chef, d’Alexandre le Grand jusqu’à Napoléon Ier. Et il faut bien reconnaître que cela a souvent plutôt bien fonctionné.

Et cela a pu aussi conduire à de terribles dévoiements des horreurs, comme seul homo sapiens, parmi les espèces, a pu provoquer.

Nous commémorons cette année, la dernière de la première guerre mondiale. Guerre qui a mis en œuvre une hiérarchie de fer du côté allemand, comme du côté français. Du général en chef, en passant par tous les niveaux hiérarchiques des ordres absurdes ont été donnés pour s’emparer de telle ou telle colline, au prix de milliers de morts. A l’époque déjà des soldats n’étaient pas convaincus de l’intérêt stratégique de beaucoup de ces lieux de combats qui passaient parfois d’un camp à l’autre dans la même journée. Aujourd’hui, les analyses le confirment, beaucoup de ces « boucheries » étaient parfaitement inutiles du point de vue stratégique, du point de vue humaniste la question ne se pose même pas. Il suffit de s’intéresser aux exploits du tristement célèbre Général Nivelle pour approcher cette réalité.

Mais Nivelle tout seul n’aurait rien pu faire. Il fallait une chaîne de commandement, où chacun à son niveau relayait l’ordre du supérieur et le mettait en œuvre sans jamais le remettre en cause.

Nous avons donc une première réponse à la question posée : Un système hiérarchique est utile pour mettre en œuvre des ordres terribles et pousser l’aveuglement jusqu’aux dernières extrémités.

N’oublions pas que les régimes nazis et communistes s’appuyaient aussi sur un système hiérarchique très dur, où le problème ne repose pas que sur le numéro un mais sur tous les sous chefs.

Le système hiérarchique, bien au-delà de l’armée s’est imposé dans toutes les organisations humaines qui comptaient un nombre important de membres

Loin de moi l’idée, de prétendre qu’un système hiérarchique n’a pas d’atout pour permettre à des organisations de bien fonctionner car il apporte, quand tout se passe correctement, de l’ordre, de la lisibilité et un cadre plutôt rassurant.

Dans un premier mot du jour <celui du 18 décembre 2014> il était question d’entreprises qui imaginaient que d’autres organisations étaient possible.

Mais c’est bien Frédéric Laloux avec son livre « Vers des communautés de travail inspirées », qui est le plus incisif.

Il parle de croyance :

« depuis la nuit des temps toute l’idéologie humaine tournait autour de cette croyance : pour qu’une organisation fonctionne il faut un « boss », un seul qui décide ! »

On pourrait peut-être émettre l’hypothèse que l’invention d’un Dieu monothéiste relève de cette même croyance, il faut un organisateur, un chef unique et omnipotent.

Il fait aussi son développement sur nos trois cerveaux pour en venir au fait principal qui a augmenté ma connaissance :

L’organisation hiérarchique gère très mal la complexité. Si notre corps humain fonctionnait selon un système hiérarchique, nous pourrions être très inquiets. Le corps humain fonctionne par la coopération entre tous les organes et à l’intérieur des organes par la présence d’autres corps vivants selon une symbiose. Nous savons aujourd’hui qu’il y a 100 fois plus de bactéries dans notre intestin que de cellules dans notre corps. Et il a été démontré dans de nombreuses études que ces bactéries, si elles ont bien un rôle dans notre bien-être digestif, seraient aussi responsables de la manière dont nous « digérons » nos émotions.

Peter Wolhlleben que j’ai cité dans le mot du jour du 22 décembre 2017 pour son merveilleux livre « La vie secrète des arbres » ne dit pas autre chose. En parlant de l’organisation de la forêt, il dit il n’y a pas hiérarchie :

« Cela fonctionnerait très mal dans la nature »

D’ailleurs quand les humains veulent vraiment organiser des réponses adéquates à la complexité ils agissent autrement. Car l’économie a démontré que l’organisation pyramidale, au niveau étatique, est bien trop rigide pour faire face aux défis de l’innovation et de l’efficacité. Ce fut le grand échec des systèmes soviétiques. Tout le monde a compris que la multiplication des acteurs et la décentralisation des centres d’initiatives que sont les entreprises et particulièrement aujourd’hui les start-up sont bien davantage en capacité de résoudre la complexité et de trouver des solutions qui fonctionnent. Or, des patrons qui vous expliquent cette capacité d’un marché libre à trouver des solutions innovantes et efficaces, dès qu’ils retournent dans leurs entreprises reviennent au dogme du cerveau unique et de l’organisation hiérarchique.

Frédéric Laloux évoque ainsi des entreprises qui ont fait le choix d’une organisation non hiérarchique, dans son développement.

Le système hiérarchique reste cependant toujours largement dominant et peut même dans certains cas, être efficace. C’est ce qu’affirme François Dupuy, sociologue des entreprises qui a publié plusieurs livres qui ont marqué, notamment « Lost in management ». Pourtant sur la 4ème page de couverture de cet essai, on lit :

« Dans de nombreuses entreprises, le problème est aujourd’hui de reconstruire une maîtrise minimale de la direction et de ses managers sur l’organisation et ses personnels en redécouvrant les vertus de la confiance et de la simplicité. »

Mais dans cet article, François Dupuy reconnait que l’organisation hiérarchique reste omniprésente dans le monde économique et le titre de l’article est assez péremptoire : « Pourquoi la hiérarchie reste la plus efficace des organisations du travail ». Il dit notamment :

« Les évolutions des modes d’organisation des entreprises sont très lentes. Ainsi, quoiqu’on en pense, le mode taylorien est encore dominant avec ses deux caractéristiques: le découpage en « territoires » et le fonctionnement hiérarchique. On a pu montrer que même les entreprises de la « nouvelle économie », dès lors qu’elles grandissent, ont tendance à se structurer comme toutes les autres.

On peut donc produire les technologies nécessaires à un fonctionnement plus « ouvert », ce n’est pas pour cela qu’on l’adopte.

Jeffrey Pfeffer, dans une étude relative à la place de la hiérarchie en entreprise, estime qu’il s’agit du modèle le plus efficace. […]

C’était aussi l’argument de Max Weber. Il y a donc longtemps que les vertus du système hiérarchique ont été mises en avant. L’idée est celle de la clarté et de la lisibilité des organisations ainsi que celle d’une définition connue des responsabilités. Mais la réalité est bien sûr plus complexe car il n’y a pas qu’un type de fonctionnement hiérarchique. Les organisations dites « plates » c’est à dire à niveaux hiérarchiques réduits sont en effet efficaces. Mais à l’inverse, plus on multiplie les niveaux et plus l’organisation se « brouille » et offre aux acteurs des multiples opportunités de jeu.

Pour autant, celui-ci peut poser problème dès lors qu’il doit faire face à de l’instantané. »

Vous constaterez que la dernière phrase de François Dupuy apporte une autre limite aux organisations hiérarchiques : elles ont du mal à faire face à de l’instantané. Autrement dit une organisation hiérarchique réagit lentement et a beaucoup de mal à faire face à l’imprévu.

Et lorsqu’on regarde le monde, qu’on en perçoit la complexité, et aussi un temps qui s’accélère avec des fractures disruptives qui entraînent de l’imprévu, on se dit que l’organisation hiérarchique n’est plus très adaptée.

Dans un monde stable et conservateur une organisation hiérarchique peut s’épanouir et fonctionner parfaitement.

Sommes-nous encore dans un tel monde ?

Mon expérience aussi de la hiérarchie montre que cette organisation a pour effet de déresponsabiliser les acteurs qui d’une part sont dans l’attente des décisions et des initiatives de la hiérarchie qui devient aussi le plus souvent le bouc émissaire commode pour expliquer toute difficulté ou désagrément.

Dans les solutions proposées par Frédéric Laloux, les acteurs sont bien davantage responsabilisés. Et pour tous ceux des acteurs qui ne joueraient pas le jeu, les pressions exercées contre eux seraient bien plus fortes que dans un système qui reposerait sur la hiérarchie.

Ainsi la deuxième réponse à la question, c’est qu’un système hiérarchique permet d’avoir des boucs émissaires commodes.

Alors bien sûr, cela remet en cause le concept et la notion de chef.

Souvent j’ai le soupçon que beaucoup pensent encore que « le responsable » est à la fois un manager et un expert qui connait mieux le métier que celui qu’il est censé commander.

Dans un monde de la complexité et de la technicité c’est une vaste blague.

A ce stade je crois utile, pour approcher la réalité du ressenti des personnes qui se trouvent dans un système hiérarchique de faire appel à une BD, et d’en tirer deux extraits :

D’abord le centurion explique tranquillement à son sous-chef, l’optione, qu’il comprend forcément moins bien que lui, son supérieur hiérarchique. L’optione accepte ce verdict.

Dans l’extrait suivant, l’optione va être confronté à un problème inverse, un légionnaire veut l’aider à comprendre parce qu’il a exprimé son incompréhension devant une question qu’il se pose.

L’optione est alors cohérent : si lui comprend moins que le centurion, le légionnaire ne peut pas comprendre ce que l’optione ne comprend pas

Quelquefois, j’ai le soupçon que des optiones contemporains sont encore dans cette croyance.

Il peut arriver que dans certains domaines l’optione en sache davantage, mais certainement pas dans tous les domaines du métier.

Mais même dans un système hiérarchique, il n’est pas interdit d’avoir de l’intelligence et de la lucidité.

Dans cette disposition d’esprit, on se rend compte qu’on n’a pas besoin de chef.

  • On a besoin de personnes capables de faire travailler des gens ensembles, que les compétences coopèrent et non s’affrontent, que la confiance augmente et que les tensions s’apaisent. Une personne qui joue le même rôle dans une équipe, qu’un catalyseur dans une réaction chimique.
  • On a aussi besoin de décideur, quand c’est difficile, quand la décision ne coule pas de source. A ce moment là pour faire avancer il faut que quelqu’un se dévoue comme serviteur de l’équipe pour faire un choix, pas comme un chef qui aurait la science infuse et toujours raison quelle que soit les circonstances.
  • On a enfin besoin de gens qui savent dégager ou comprendre les priorités et en tirer les conséquences dans l’attitude quotidienne.

Certains d’entre vous diront : mais c’est cela un bon chef. Peut-être, mais je ne crois pas très pertinent de conserver ce terme de « chef qui est là pour cheffer », je crois beaucoup plus intelligent de faire référence à ce que les américains appellent : « the servant leader » et que j’appellerai le responsable au service de l’équipe.

Et prenons comme une connaissance qu’un système hiérarchique n’est ni efficace pour gérer la complexité ni pour réagir rapidement devant l’imprévu.

Nous sommes au terme de cette semaine, où j’ai essayé de faire un point sur mon butinage de plus de 5 ans.

Ce fut difficile pour vous car les articles étaient très longs.

J’aurais encore eu le goût d’aborder le thème des sciences qui sont remises en question, la santé qui se trouve devant tant de choix exaltants et pourtant inquiétants, l’évolution de la société à l’égard des femmes, les réflexions sur le travail et l’emploi, la relation complexe entre les humains et la nature et tant d’autres sujets.

Mais si c’est difficile pour vous lecteurs, l’écriture aussi est astreignante, consommatrice d’énergie.

Lundi, je reprendrai un butinage plus ciblé et un peu moins ambitieux.

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Lundi 5 février 2018

« Augmenter nos connaissances, diminuer nos certitudes, accepter la complexité »
Réflexions personnelles après des années de butinage.

Mais finalement, au bout du bout, à quoi servent tous ces efforts pour trouver et écrire des mots du jour ?

Vous pourriez me poser cette question, mais Alain que retiens-tu de tout cela ? Qu’est-ce que tu as appris ? Compris ?

Quelle quête poursuis-tu ?

La quête est ambitieuse, je l’ai expliquée à plusieurs reprises : « Essayer de comprendre le monde ». Sur la page d’accueil de ce blog, une phrase est mise en exergue : «Comprendre le monde, c’est déjà le transformer !»

Cette phrase est celle de Guillaume Erner qui l’a prononcée pour le premier matin de France Culture qu’il a animé.

Je l’avais repris dans le mot du jour du 9 septembre 2015. Guillaume Erner avait ajouté :

«[Il faut lutter contre ceux] qui ont intérêt à la mésintelligence du monde.
C’est contre eux qu’il faut se réveiller pour interrompre le sommeil de l’intellect.
Tous les verbes qui nous arrachent à la nuit de la pensée : comprendre, expliquer, réfléchir sont des verbes militants.»

Comment faire concrètement ?

Quels sont les piliers de cette ambition ?

Rachid Benzine qui en même temps a été champion de France de kickboxing et qui est un intellectuel formé à l’école des sciences humaines, après avoir fait des études d’économie et de sciences politiques puis des études d’histoire et de philosophie peut donner des clefs.

Il est musulman il avait accédé à la notoriété en lançant avec le père Christian Delorme, le dialogue islamo-catholique aux Minguettes, dans la banlieue de Lyon, qui a donné lieu à un livre : Nous avons tant de choses à nous dire, paru en 1998.  »

En octobre 2016, il avait écrit un roman épistolaire <Nour, pourquoi n’ai-je rien vu venir ?>, dans lequel un père échange des lettres avec sa fille partie faire le djihad en Irak. Dans une des lettres, il écrit :

« Notre mission en tant qu’humains n’est pas de trouver des réponses, mais de chercher. Les musulmans sont appelés à être d’humbles chercheurs, et pas des ânes qui ânonneraient sans cesse des histoires abracadabrantes. Tu le sais bien, ma petite Nour :  Le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes. Ces certitudes qui vous mènent aujourd’hui tout droit en enfer. »

J’en avais tiré un mot du jour : « Le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance mais les certitudes. »

C’est en partant de là que probablement il existe un chemin :

  • Augmenter nos connaissances ;
  • Diminuer nos certitudes ;
  • Et finalement, accepter la complexité.

Pendant tout ce butinage quelles sont les connaissances qui ont augmenté ?

Certainement la compréhension de l’extraordinaire intelligence de la nature et du vivant.

Quand on se plonge dans le livre de Peter Wohlleben sur la vie secrète des arbres, on ne peut plus regarder les forêts de la même manière, on ne peut plus apprécier l’intervention des humains dans la forêt avec les mêmes critères.

Quand on écoute ou lit Franz de Waal on ne peut plus voir les animaux avec les yeux de l’humain qui fait à l’image de Dieu est maître de la nature. Il faut alors se rendre compte que la frontière entre l’homme et l’animal devient de plus en plus ténue, que ce qui permet de différencier l’un de l’autre devient de plus en plus faible.

La connaissance de l’asservissement et de la violence que les hommes ont par le passé et continuent encore trop à exercer à l’égard des femmes dans toutes les civilisations, tous les milieux sociaux a aussi énormément progressé grâce à mes lectures, recherches et aussi réflexions personnelles dans l’expérience de la vie.

Ma connaissance s’est aussi développée sur l’abus et la perversité de l’utilisation incontrôlée, irrationnelle, déshumanisante de la gouvernance par les nombres.

Ma compréhension qu’une des choses fondamentales qui est en train de se dérouler devant nos yeux est une remise en cause des avantages des classes moyennes et populaires occidentales qui étaient le fruit de l’hégémonie et disons-le de la prédation qu’exerçaient les pays occidentaux sur le reste du monde.

Et les certitudes qui ont diminué ?

La certitude qu’il existe des valeurs universelles que l’ensemble des humains partage : la liberté de penser, la démocratie, la valeur de la vie humaine et la prise en compte de l’individu. J’ai compris que ces valeurs universelles étaient issues de notre monde occidental.

Le mot du 17 juin 2015 donnait la parole à Jean-Louis Beffa qui expliquait :

«On a cru que les valeurs de type occidental, celles qui viennent de la révolution française, des vertus chrétiennes et des lumières avaient une valeur mondiale. on disait les droits de l’homme c’est [universel]. Je ne le crois pas. Je crois que le monde asiatique, en particulier, a des valeurs confucéennes qui sont des valeurs complétement différentes.»

Dans ma vision d’homme de gauche, beaucoup de certitudes issues de cette pensée ont été balayées :

  • Les conditions sociales expliquent une partie du fonctionnement de la société et des individus, mais pas tout. Il y a aussi les mythes, les religions, les affects, les cultures familiales qui ont une importance considérable dans l’explication des phénomènes sociaux.
  • La Loi ne peut pas tout, ne peut pas régler tous les problèmes, interdire tout ce que l’on rejette et par sa seule promulgation faire évoluer les mentalités et la société. »

La certitude aussi que le progrès technique entraîne forcément une amélioration de l’égalité des humains et de leur bien-être est mise à mal.

Accepter la complexité ?

La complexité est le grand mot d’Edgar Morin.

L’acceptation de la complexité doit aussi conduire à accepter qu’on ne peut pas tout comprendre tout maîtriser. L’Univers est infini, sommes-nous pauvres humains capable d’appréhender l’infini ?

De façon plus prosaïque, la complexité peut simplement se détecter dans le gouvernement des humains et le cadre légal de la société.

La GPA, gestation pour autrui, elle est interdite en France, mais pas aux Etats-Unis, ni au Canada, ni en Grande Bretagne.

Dès lors des parents français utilisent cette méthode pour avoir des enfants à l’étranger et ils reviennent en France.

Ces enfants n’existent pas, ils sont hors la Loi.

Si on les légalise, en réalité on accepte le principe de la GPA. Principe de la GPA qui va dans notre monde cupide aboutir forcément à ce que des femmes pauvres louent leur ventre à des riches pour que ces derniers puissent assouvir leur désir d’enfant.

Mais peut-on laisser ces enfants qui ne sont pas responsables de cette situation, ne pas accéder pleinement à la citoyenneté et aux droits sociaux ?

Celui qui dit que la réponse est simple, n’a rien compris à la question.

J’essaierai dans les prochains mots du jour de continuer sur des sujets particuliers à développer selon ces trois axes ce que toutes ces réflexions et lectures ont pu m’apporter.

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Mardi 23 janvier 2018

« C’était mieux avant »
Michel Serres

Michel Serres vient de publier un nouveau livre « C’était mieux avant » qui est présenté comme la suite de Petite poucette.

J’avais évoqué « Petite Poucette » lors d’un tout premier mot du jour, il portait le numéro 23 et avait été envoyé le 21 novembre 2012. A l’époque, mes mots étaient courts.

Le sous-titre de ce livre est le suivant :

« Dix Grands-Papas Ronchons ne cessent de dire à Petite Poucette, chômeuse ou stagiaire qui paiera longtemps pour ces retraités :  « C’était mieux avant. » Or, cela tombe bien, avant, justement, j’y étais.»

Bien sûr, Michel Serres ne croit pas un seul instant que c’était mieux avant, mais il a choisi comme titre ce qui se dit beaucoup par tous les nostalgiques qui se sentent étrangers dans le monde d’aujourd’hui.

Alain Finkielkraut est de ceux là

Je parlais, hier, d’Alain Finkielkraut et de son émission « Répliques », or justement il avait, ce samedi, invité Michel Serres.

Cette émission je l’ai écoutée et je vous conseille de faire de même. Vous la trouverez <ICI>

Par rapport, à ce que j’écrivais hier, vous entendrez un débat respectueux où deux intellectuels qui ont de grandes divergences, laissent s’exprimer l’autre, reconnaissent quand l’autre le convainc et surtout s’écoutent et dialoguent. Et non pas comme, si souvent, tiennent deux discours parallèles qui s’ignorent et même qui entrent dans une compétition pour savoir qui coupera le plus souvent la parole à l’autre.

Car Alain Finkielkraut, dès le départ se sent visé par la description de « Grand papa ronchon ».

Michel Serres explique simplement qu’avant il y était et qu’il peut dresser un bilan d’expert :

« Avant nous gouvernaient Franco, Hitler, Mussolini,  Staline, Mao… rien, que des braves gens ; avant, guerres et crimes  d’État laissèrent derrière eux des dizaines de millions de morts.  Longue, la suite de ces réjouissances nous édifiera. »

Michel Serres reprend son argumentation qui avait déjà été développée dans les mots du jour que je lui avais consacré en mars 2017 et notamment <le mardi 7 mars 2017> :

« Le premier âge est plus long qu’on ne le croit ;
Le deuxième pire qu’on ne le pense ;
Le dernier meilleur qu’on ne le dit. »

Mais ce qui a de nouveau grâce à cet entretien, c’est qu’Alain Finkielkraut lui donne la réplique et que Michel Serres lui répond.

Alain Finkielkraut reconnait qu’en ce qui concerne la santé il ne peut que lui donner raison, mais il parle de la violence dans les cités, sur les réseaux sociaux, sur la difficulté de faire classe aujourd’hui pour les professeurs.

Dialogue apaisé, intelligent fécond que je vous laisse écouter.

Evidemment ce n’était pas mieux avant !

J’ai consacré plusieurs mots du jour à cette évidence, plusieurs auteurs m’ont convaincu.

Le plus récent le 21 novembre 2017 où j’évoquais un livre de Steven Pinker : « La part d’ange en nous. Histoire de la violence et de son déclin » dans lequel l’auteur démontre que la violence n’a fait que régresser depuis les premiers temps de l’humanité, qu’il s’agisse de la violence guerrière ou de la criminalité.

Une année auparavant, le mot du jour du 19 décembre 2016 s’intéressait au livre du suédois Johan Norberg «Ten Reasons to Look Forward to the Future Progrès : dix raisons de se réjouir de l’avenir» qui dans un panorama plus large que la seule histoire de la violence montre que nous n’avons jamais vécu à un moment plus heureux de l’Humanité.

J’ai pensé un moment faire un mot du jour sur le livre de Jacques Lecomte : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! », mais je n’ai pas trouvé le temps de le faire.

Alors je sens évidemment la question irrépressible que vous souhaitez poser : « Enfin Alain, tu écris à longueur d’articles et à de rares exceptions comme ces deux mots que tu cites ci-dessus, que nous avons toutes les raisons de nous inquiéter sur le climat, sur les inégalités et les déséquilibres économiques, sur la limite des ressources terrestres, sur le retour des nationalismes, sur les projets fous des transhumanistes, et les délires tout aussi terrifiants des extrémistes religieux etc. Comment concilier tous ces avertissements avec ce constat optimiste ? »

C’est à peu près la question qu’Alain Finkielkraut pose vers la fin de l’émission à Michel Serres.

Et ce dernier répond :

« Mais mon cher Alain, je vous dis qu’aujourd’hui est mieux que hier, mais je n’ai jamais dit que demain serait mieux qu’aujourd’hui »

En effet le philosophe optimiste avoue son incapacité de prévoir de quoi demain sera fait.

Demain sera ce que nous et nos enfants en feront.

Michel Serres était aussi l’invité de la Grande Librairie pour parler de son petit ouvrage de 98 pages

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Vendredi 19 janvier 2018

« Encore une fois pas de mot du jour aujourd’hui, mais vous pouvez en lire 1000 déjà écrits »
L’après mille 5

Les mille mots du jour écrits depuis octobre 2012 sont répertoriés (exergue et auteur) sur cette page : <Liste des mots>.

Pour en signaler un dernier aujourd’hui : hier j’ai rappelé l’hommage au grand musicien classique Claudio Abbado, il m’est aussi arrivé de parler de musiciens qui n’étaient pas classiques.

Le 7 janvier 2014 j’ai cité John Lennon :

« Quand je suis allé à l’école, ils m’ont demandé ce que je voulais être quand je serais grand.
J’ai répondu « heureux ».
Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question,
j’ai répondu qu’ils n’avaient pas compris la vie. »

Evidemment, Jean-Philippe a raison, c’est une convention que de marquer un point particulier au niveau de 1000. Mais nous avons l’habitude de calculer en base 10 et de ce fait 1000 parait approprié. Il a fallu 5 ans pour arriver à mille, un quinquennat.

Alors cette première semaine, j’ai voulu faire un simple retour vers ces 5 ans, en reprenant des mots qui illustrent le 1000ème mot : venu du cœur…et rappeler qu’il existe une page qui les regroupe tous. J’avais participé à un stage de lecture rapide où on m’avait expliqué comment aborder un livre qui n’est pas un roman, mais un essai, un livre technique ou peut être un livre d’articles.  Il ne faut pas commencer à la première page et finir à la dernière. Il faut commencer par la table des matières, puis lire le début, puis la fin et quelques pages du milieu. Ensuite si ce test a été concluant on peut tout lire.

La page internet vers laquelle je vous incite à aller depuis le début de cette semaine ressemble à une table des matières…

<Article sans numéro>

Mercredi 17 janvier 2018

« Toujours pas de mot du jour aujourd’hui, mais vous pouvez en lire 1000 déjà écrits Exemple : Ne renoncez à rien ! surtout pas aux amis, surtout pas à la vie.»
L’après mille 3

Les mille mots du jour écrits depuis octobre 2012 sont répertoriés (exergue et auteur) sur cette page : <Liste des mots>

Parmi ces mille, je voudrai revenir sur celui du 23 novembre 2015, il portait le numéro 601.

Le 13 novembre 2015, de terribles actes terroristes commis par des fous de Dieu se réclamant de l’Islam ont tué 130 personnes et ont en blessé 413 (dont 99 grièvements). Des français et des étrangers présents à Paris, dans la salle de spectacle du Bataclan ou assis à des terrasses de café ou se trouvant au stade de France ont été la cible des obscurantistes qui veulent lutter contre la musique, la joie de vivre, la mixité, la liberté de penser, de croire ou non.

Le vendredi 20 novembre 2015, une semaine plus tard, à 8:58, sur France Inter, à la fin du 7-9, Patrick Cohen donne la parole à François Morel, sous les regards pleins d’émotions de Bernard Pivot, Pierre Arditi et Jérôme Garcin.

La musique de la romance sans parole opus 67 N° 4, appelée « la fileuse », de Mendelssohn démarre.

Et François Morel se lance dans une harangue, prononcée d’une seule traite, presque sans reprendre son souffle :

«Ne renoncez à rien !

Surtout pas au théâtre, aux terrasses de café, à la musique, à l’amitié, au vin rouge, aux feuilles de menthe et aux citrons verts dans les mojitos, aux promenades dans Paris, aux boutiques, aux illuminations de Noël, aux marronniers du boulevard Arago, aux librairies, aux cinémas, aux gâteaux d’anniversaire.

Ne renoncez à rien !

Surtout pas au Chablis, surtout pas au Reuilly, surtout pas à l’esprit. Ne renoncez à rien ! Ni aux ponts de Paris, ni à la Tour Eiffel, ni Place de la République à la statue de Marianne […].

Ne renoncez à rien !

Surtout pas à Paris, surtout pas aux titis, surtout pas à Bercy.

Ne renoncez à rien !

Ni à Gavroche, ni à Voltaire, ni à Rousseau, ni aux oiseaux, ni aux ruisseaux, ni à Nanterre, ni à Hugo.

Ne renoncez à rien !

Ni aux soleils couchants, ni aux collines désertes, ni aux forêts profondes, ni aux chansons de Barbara, ni à la foule des grands jours, ni à l’affluence des jours de fête, au Baiser de l’Hôtel de Ville, aux étreintes sous les portes cochères, ni aux enfants qui jouent sur les trottoirs, ni aux cyclistes, ni aux cavistes, ni aux pianistes.

Ne renoncez à rien !

Surtout pas aux envies, surtout pas aux lubies, surtout pas aux folies, ni aux masques, ni aux plumes, ni aux frasques, ni aux prunes, ni aux fiasques, ni aux brunes, ni aux écrivains, ni aux éclats de voix, ni aux éclats de rires, ni aux engueulades, ni aux files d’attente, ni aux salles clairsemées, ni aux filles dévêtues, ni aux garçons poilus, ni à la révolte, ni à la joie d’être ensemble, ni au bonheur de partager, au plaisir d’aimer, ni à la légèreté, ni à l’insouciance, ni à la jeunesse, ni à la liberté.

Ne renoncez à rien ! Ne renoncez à rien ! Ne renoncez à rien ! Ne renoncez à rien !
Surtout pas à Paris, surtout pas aux amis, surtout pas à la vie.»

Dans ce cas lire est bien mais écouter François Morel est encore mieux : http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-de-francois-morel-ne-renoncer-a-rien

Si vous voulez retrouver le mot du jour initial : le mot du jour du 23 novembre 2015


<Article sans numéro>

Jeudi 11 janvier 2018

« Les trois filtres de Socrate »
Attribué à Socrate ou à la sagesse Soufi

On trouve sur internet et dans beaucoup de livres cette histoire :

Un homme vient voir Socrate et veut impatiemment lui rapporter une nouvelle sur un de ses amis. Alors Socrate, l’interrompt et lui demande s’il a passé cette information par les trois filtres. Dans d’autres versions il est question de tamis ou de passoires en lieu et place de filtres.

Et Socrate énumère ces trois filtres :

1° Le filtre de vérité : As-tu vérifié cette information ? Es-tu certain que ce que tu vas me dire est vrai ?

2° Le filtre de l’intentionnalité : Est-ce que ce qui te pousse à me le dire est une intention bienveillante ou non ?

3° Le filtre de la nécessité ou de l’utilité : Ai je besoin de savoir cette information, est-elle utile pour moi ?

Souvent, pour le second filtre, les récits parlent du filtre de la bonté : Ce que tu veux m’apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bon ?

Cette version me semble stupide. Si vous avez un ami en qui vous avez toute confiance et qu’un tiers vient vous apporter une information qui passe par les deux autres filtres, c’est-à-dire qu’elle est vraie et qu’elle m’est utile, il peut s’agir d’une information qui n’est pas « bonne » au sens qu’elle décrit cet ami sous un jour qui ne lui est pas favorable. Mais si elle m’apporte un élément qui va me conduire à interroger ma confiance envers mon ami, elle m’est éminemment utile.

Donc le second filtre est bien celui de la bienveillance de l’intentionnalité et non celui du regard candide qui ne voit que ce qui est bon.

Une connaissance d’Annie m’a parlé un jour de ces trois filtres comme ayant pour origine la sagesse soufie.

Vérification faite, aucun écrit de Platon relatant les paroles de Socrate n’évoque cette histoire et cet enseignement du philosophe. Je n’ai pas poussé très loin la vérification concernant l’origine soufie de cet enseignement.

Me voilà bien embarrassé puisque je me trouve confronté à un acte contradictoire ou paradoxal :

D’une part je prétends que pour donner une information il faut d’abord s’assurer qu’elle est vraie et ensuite j’annonce que l’information concernant les trois filtres de Socrate n’est pas vérifiée puisqu’on ne trouve pas trace d’une source fiable qui permettrait d’affirmer que Socrate a bien tenu ces propos.

Sur le fond, ce conseil est pourtant très pertinent et cela devient une facilité de langage de parler des « trois filtres attribués à Socrate ».

Et il apparaît, dans ce monde où règne les « fake news » de non seulement examiner avec circonspection les informations qui nous sont apportées, mais aussi de ne pas les colporter plus loin.

J’ai trouvé sur le site du journal des Echos, un article intéressant dont le titre est : « Comment les trois filtres de Socrate peuvent-ils nous aider à traiter l’information ? »

L’auteur développe les idées suivantes :

« La société de l’information est aussi la société de la désinformation. Dans nos vies professionnelles et personnelles avec les NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), nous croulons sous l’information. Cela a notamment deux conséquences :

Paradoxalement, la surinformation, conduit à la sous-information, car nous n’avons pas la possibilité de tout traiter et nous laissons nécessairement filer des informations utiles, importantes parfois vitales. En fait, la surabondance informationnelle constitue un risque majeur, trop d’informations tuent l’information.

Pour les informations que nous captons, nous ne les traitons pas toujours avec suffisamment de rigueur et prenons pour argent comptant des informations non vérifiées, non analysées qualitativement… C’est sur ce deuxième aspect qualitatif que les filtres de Socrate interviennent.

Le filtre de la vérité […] On comprend aisément les risques liés à cette dérive informationnelle quand il faut prendre par exemple une décision d’investissement, de choix stratégique, ou tout simplement apporter une réponse. S’assurer de la véracité, de la fiabilité de l’information reste bien un impératif fondamental. Des questions basiques doivent être utilisées. Qui dit quoi ? Qu’est-ce qui est précisément dit, écrit, rapporté… ? D’où tient-on cette information ? Quelle est la source de cette information ? Quelle est la fiabilité de cette source ? Par quels canaux différents cette information est-elle passée ?… […]

Le filtre de l’intentionnalité […] nombre d’informations sont loin d’être neutres. Ce n’est pas forcément un hasard si une information sort à un moment donné, qu’elle soit vraie ou fausse. La récente campagne présidentielle est venue nous le rappeler avec force. Nous parlerons d’intentionnalité (plutôt que de bonté) de celui ou de ceux qui véhiculent l’information. Derrière la dimension informative apparente, l’information est aussi là pour convaincre, faire adhérer, choquer, faire agir… Elle peut donc se faire propagande, endoctrinement, manipulation, écran de fumée, dérivation… Il est donc essentiel, là aussi, de poser un certain nombre de questions. Pourquoi me communique-t-on cette information ? Pourquoi cette information sort-elle maintenant ? Qui la communique avec quelles intentions possibles ? Que vise cette information en termes d’action, de réactions… ?

Le filtre de l’utilité […] Sous réserve de la fiabilité de l’information et du décryptage de l’intentionnalité, il faut effectivement s’interroger sur l’utilité, la valeur ajoutée de cette information. À quoi cette information peut-elle nous servir ? Que nous apprend-elle que nous ne savions pas ? Que va-t-elle nous permettre de dire et/ou de faire que nous n’aurions pas fait sans elle ? Que va-t-elle nous éviter de faire que nous aurions fait ? Si nous n’en tenons pas compte quelles seront les conséquences ?… »

En conclusion, je pense que ces trois filtres attribués à Socrate sont surtout utiles pour nous quand nous voulons diffuser une nouvelle et donner une information à quelqu’un.

Albert Camus aurait dit « «  Mal nommer les choses, c’est ajouter aux malheurs du monde »

Mais après vérification ce n’est pas ce qu’il a écrit. Dans un essai de 1944, paru dans Poésie 44, (Sur une philosophie de l’expression), Albert Camus a écrit : «  Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde. »

Je suis persuadé que transmettre des informations dont on ne sait pas si elles sont exactes à quelqu’un qui n’en a pas l’utilité, c’est ajouter au malheur de ce monde.

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Mercredi 20 décembre 2017

« Mais je suis persuadé qu’on arrive dans l’âge de l’entraide parce que ce sont les plus individualistes qui crèveront les premiers. »
Pablo Servigne

Avant d’écrire le livre sur l’entraide évoqué lundi, Pablo Servigne associé à Raphaël Stevens avait écrit en 2015 : « Comment tout peut s’effondrer. Petit manuel de collapsologie à l’usage des générations présentes »

Ils avaient inventé à cette occasion le mot «collapsologie» du latin collapsus «qui est tombé en un seul bloc » et qui a pour définition : « Étude multidisciplinaire de l’effondrement des civilisations industrielles et de ses suites. »

Pablo Servigne et ses collègues voudraient en faire une discipline scientifique. Ils ont d’ailleurs consacré un site à cet effet : http://www.collapsologie.fr/

Pour poursuivre la réflexion de lundi et de mardi, je voudrai partager un article auquel Pablo Servigne a participé à la suite de la publication de son livre et de ses réflexions sur la collapsologie.

Dans cet article il écrit par exemple :

« On croit souvent que le progrès est naturel. En fait, ce sont des choix politiques. Des élites au pouvoir ont imposé le pétrole, par exemple. Ça a créé des monopoles et on a détruit les trains, les trams et les autres sources d’énergie. Un régime énergétique fait émerger un régime politique. C’est bien montré dans Petrocratia (Editions Ere, 2011), de Timothy Mitchell. Le charbon a permis l’émergence de la démocratie de masse et des mouvements ouvriers ; l’arrivée du pétrole a détruit ces mouvements par la qualité même de cette énergie et a mis au pouvoir une élite technocratique. Le changement climatique est connu depuis longtemps. Les élites ont décidé de l’ignorer pour faire plus d’argent. Par ailleurs, des théories disent que notre cerveau n’est pas façonné pour voir les problèmes à long terme et à grande échelle. »

Son propos parle d’effondrement et il l’analyse de la manière suivante :

« Certains scientifiques parlent de limits (« limites »), d’autres de boundaries (« frontières »). Prenons la métaphore de la voiture. Notre société ne va pas dans le mur, mais elle a deux problèmes. D’abord, le réservoir (les limites). Une fois qu’il n’y a plus d’essence, on ne peut pas aller plus loin. L’autre, ce sont les frontières, la transgression de certains seuils qui dérèglent le système-terre. Ça, c’est le bas-côté. On est sortis de la route goudronnée, on navigue à vue dans un monde incertain, avec la possibilité de grands chocs. On est sortis des conditions normales. C’est ça dont il faut prendre acte. Parmi les frontières, il y a le climat, la biodiversité, le cycle de l’azote, celui du phosphore… Les entomologistes parlent d’effondrement des insectes – pas seulement des abeilles –, il y a un effondrement des populations d’oiseaux, de poissons, des grands mammifères…

[…]

Il peut y avoir des étincelles climatiques ou dues au manque de ressources, mais il est plus logique de penser que les crises financières jouent un rôle moteur et qu’elles peuvent se transmettre à l’économie. Ça peut ensuite muter en effondrement politique. Avec une crise financière, il n’y a plus rien dans les distributeurs de billets ; avec une crise économique, plus rien sur les étalages. L’effondrement politique, c’est l’apparition de mafias, de l’économie informelle, de la corruption et la machine de l’Etat se déglingue. C’est le bloc soviétique dans les années 1990. »

Il explique aussi que les interconnexions de notre monde conduisent à sa fragilité :

« En un sens, notre monde est assez résilient : en cas de choc économique dans une région, il y a tellement de commerce et de réseaux qu’il est finalement rapidement absorbé. Mais on a découvert récemment que, quand un système devient hyperconnecté et très homogène, comme notre économie mondiale, il est résilient au début mais se fragilise en silence, jusqu’à dépasser un seuil qui provoque un effondrement brutal. Alors que les systèmes très peu connectés et très hétérogènes, comme ceux d’avant la mondialisation, encaissent moins bien les chocs, mais sont plus résilients à long terme. Avec la mondialisation est né le risque systémique global. Pour prendre un exemple, imaginons qu’un champignon ravage la production de blé d’une année dans la Beauce. Au Moyen-Age, ça n’aurait pas impacté beaucoup les autres régions, car elles étaient moins connectées et chacune avait ses céréales. Aujourd’hui, l’impact serait fort partout. Et il y a des effets en cascade. Il y a quelques années, des pluies torrentielles en Thaïlande ont provoqué l’explosion des cours des disques durs ! Notre système est beaucoup plus efficace… et plus fragile. »

Dès la rédaction de ce premier ouvrage, Pablo Servigne pensait que l’entraide devait être valorisée et prendre toute sa place dans notre imaginaire :

« On sait aussi que l’entraide et la coopération peuvent se créer contre un ennemi : une guerre, ça soude un peuple ! Mais je suis persuadé qu’on arrive dans l’âge de l’entraide parce que ce sont les plus individualistes qui crèveront les premiers. »

Lui-même a choisi de vivre dans un éco-hameau en Ardèche :

« Ce n’est pas la panacée ! J’ai fait ce choix du monde rural et du soleil parce que j’ai des jeunes enfants, que j’ai vécu vingt ans en Belgique et que j’en avais marre de la pluie ! Surtout, je voulais expérimenter la vie collective. C’est passionnant, mais c’est dur. Je pense qu’une grande partie de la résilience, c’est l’environnement affectif et social : la famille, les amis, les voisins, les élus communaux… C’est plus important que l’argent ou les stocks de nourriture. L’essentiel, c’est de retrouver du collectif. En ville ou à la campagne. La ville a des forces : beaucoup de gens, de culture… En temps d’incertitude, il n’y a pas un modèle à appliquer, c’est l’intuition qui compte. »

Je trouve préférable d’entrer dans la réflexion de Pablo Servigne par son dernier ouvrage centré sur l’entraide que par celui-ci qui explique l’effondrement possible de notre civilisation.

Rappelons cependant que le pire n’est jamais certain.

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Jeudi 14 décembre 2017

« Nous avons 3 cerveaux : le cerveau, l’intestin et le cœur »
Frédéric Laloux

Je partagerai demain des réflexions sur le management que fait Frédéric Laloux via cette vidéo où il présente son livre « Reinventing Organizations ».

Au début de cette vidéo, il pose la question à la salle : « Savez-vous combien vous avez de cerveaux ? ».
Cette question ne peut que nous interpeller alors qu’il y a peu, une semaine avait été consacrée à notre cerveau, celui qui est dans notre tête, et qu’on croyait unique.

Et puis il donne sa réponse : trois.

  • Le premier est évident, c’est celui qui se trouve dans notre boite crânienne et qui porte précisément le nom de cerveau.
  • Le second est désormais bien établi c’est l’intestin.
  • Et le troisième est plus surprenant, il s’agirait du cœur.

En premier lieu, il s’agit de définir ce que signifie le terme de « cerveau » dans la question : combien avez-vous de cerveaux ?

Dans cette question ce terme signifie, « un centre de décisions ». Plus prosaïquement cela signifie que l’organe concerné donne des ordres et que nous agissons en suivant cet ordre.

La sagesse populaire ancienne avait annoncé cette réalité :

  • On dit par exemple : « Cette décision, je l’ai prise avec mes tripes ! », donc l’intestin.
  • Et bien sûr, « C’est une décision que j’ai prise avec le cœur ».

Ainsi, selon Frédéric Laloux, nous avons trois cerveaux, parce que nous avons trois systèmes nerveux indépendants, trois  systèmes  neuronaux indépendants  et  complémentaires. L’un  piloté  par  le  cerveau  situé  dans  la  tête,  bien  connu. Un deuxième centre neuronal, de la taille de celui d’un rat de laboratoire, est logé dans le cœur, tandis que le troisième, de la taille de celui d’un chien, est logé dans les intestins.

Mais la communauté scientifique est-elle globalement convaincue ?

Pour les intestins la chose semble établie :

<Un livre a d’ailleurs pour titre : l’intestin notre deuxième cerveau> . C’est un ouvrage de Francisca Joly Gomez, gastroentérologue et professeur en nutrition à L’Université Paris VII Denis Diderot.

Un livre a fait encore plus de bruit, il est l’œuvre d’une jeune allemande : Giulia Enders « Le charme discret de l’intestin »

Certains pensent, à raison probablement que nous avons certainement « digéré » avant de « penser ». Parce que notre système digestif abrite 200 Millions de neurones soit approximativement le même nombre de cellules nerveuses que dans le cerveau d’un chien, comme écrit ci-avant, ou d’un chat  En outre, … il y a 100 fois plus de bactéries dans notre intestin que de cellules dans notre corps. Et il a été démontré dans de nombreuses études que ces bactéries, si elles ont bien un rôle dans notre bien-être digestif, seraient aussi responsables de la manière dont nous « digérons » nos émotions.

Je crois que c’est l’expérience de beaucoup que les émotions peuvent immédiatement impacter notre système digestif.

Mais concernant le cœur, il semble que selon mes recherches, les choses soient un peu moins établies.

Je n’ai pas trouvé de publication scientifique indiscutable.

Sur ce site : « alternative santé » qui est un site spécialisé dans la médecine non conventionnelle, il est affirmé que :

On a découvert que le cœur contenait un système nerveux indépendant et bien développé, avec plus de 40.000 neurones et un réseau complexe et dense de neurotransmetteurs, de protéines et de cellules d’appui. Grâce à ces circuits, il semble que le cœur puisse prendre des décisions et passer à l’action indépendamment du cerveau et qu’il puisse apprendre, se souvenir et même percevoir.

Il existe quatre types de connexions qui partent du cœur et vont vers le cerveau de la tête.

  • Première connexion : neurologique
    Entre cœur et cerveau il y a une communication neurologique au moyen de la transmission d’impulsions nerveuses. Le cœur envoie plus d’information au cerveau qu’il n’en reçoit, il est l’unique organe du corps doté de cette propriété, et il peut inhiber ou activer des parties déterminées du cerveau selon les circonstances. Cela signifie-t-il que le cœur peut influencer notre manière de penser ? Il peut influer sur notre perception de la réalité, et de ce fait sur nos réactions.
  • Deuxième connexion : biochimique
    Le cœur envoie des informations biochimiques au moyen des hormones et des neurotransmetteurs. C’est le cœur qui produit l’hormone ANF, celle qui assure l’équilibre général du corps : l’homéostasie. L’un de ses effets est d’inhiber la production de l’hormone du stress, et de produire et de libérer l’ocytocine, connue comme hormone de l’amour.
  • Troisième connexion : biophysique
    Elle se fait au moyen des ondes de pression. Il semble qu’au travers du rythme cardiaque et de ses variations, le cœur envoie des messages au cerveau et au reste du corps.
  • Quatrième connexion : énergétique
    Le champ électromagnétique du cœur est le plus puissant de tous les organes du corps, 5.000 fois plus intense que celui du cerveau. Et on a observé qu’il varie en fonction de l’état émotif. Quand nous avons peur, que nous ressentons une frustration ou du stress, il devient chaotique. Et se remet-il en ordre avec les émotions positives ? Oui. Et nous savons que le champ magnétique du cœur s’étend de deux à quatre mètres autour du corps, c’est-à-dire que tous ceux qui nous entourent reçoivent l’information énergétique contenue dans notre cœur.

Et l’article continue :

« À quelles conclusions nous amènent ces découvertes ?

Le circuit du cerveau du cœur est le premier à traiter l’information, qui passe ensuite par le cerveau de la tête. Ce nouveau circuit ne serait-t-il pas un pas de plus dans l’évolution humaine ? Il y a deux types de variation de la fréquence cardiaque : l’une est harmonieuse, avec des ondes amples et régulières, et prend cette forme quand la personne a des émotions. L’autre est désordonnée, avec des ondes incohérentes. Elle apparaît avec la peur, la colère ou la méfiance.

Mais il y a plus : les ondes cérébrales sont synchronisées avec ces variations du rythme cardiaque, c’est-à-dire que le cœur entraîne la tête. La conclusion en est que l’amour du cœur n’est pas une émotion, c’est un état de conscience intelligente… N’est-ce pas, finalement, une confirmation supplémentaire de la théorie de la Médecine Chinoise, qui dit que le Coeur est le centre du Shen (terme chinois qui englobe les émotions, la conscience, l’esprit et le psychisme). »

Un autre article développe aussi cette thèse : http://www.epochtimes.fr/le-coeur-fonctionnerait-il-comme-le-cerveau-25065.html

Certains membres de la communauté scientifique sont, pour l’instant, fermés à cette hypothèse. Ainsi Jean-Didier Vincent, neurobiologiste, professeur à l’Institut Universitaire de France et à la faculté de médecine de Paris-Sud affirme avec netteté

« Le cerveau c’est l’origine de l’individuation, nous n’avons qu’un cerveau et nous sommes ce qu’est notre cerveau. Tout se passe dans notre cerveau. Ce n’est pas la raison qui est là, ce sont les sentiments. Si on parle encore du cœur : « Il a du cœur« , c’est toujours le cœur qui garde la prééminence. Pourtant c’est dans le cerveau que tout se passe et pas ailleurs.. »

Pour l’instant, il me semble donc que dire que le cœur est notre troisième cerveau n’a pas encore convaincu toute la communauté scientifique. Mais attendons, peut être que de nouvelles découvertes donneront encore davantage corps à cette  belle théorie.

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Lundi 9 octobre 2017

«L’homme médiocre parle des personnes,
L’homme moyen parle des faits,
L’homme de culture parle des idées »
Citation attribuée quelquefois à Jules Romain d’autre fois à Eleanor Roosevelt

Cette citation que j’ai choisie entre en résonance avec mon expérience de la vie, mais elle doit être expliquée et nuancée.

Je l’ai entendue citer et aussi trouvée à plusieurs reprises sur internet.

Force est de constater qu’on ne sait pas à qui l’attribuer. Même le journal « le Monde » l’attribue à Jules Romain <Ici> mais l’attribue à l’épouse de Franklin Roosevelt <Ici>

Quelquefois, les « faits » sont remplacés par le mot « les évènements ».

Mais ce qu’il y a de plus problématique c’est de désigner les hommes qui ne sont ni moyens, ni médiocres.

Les uns parlent « des grands esprits », d’autres « d’esprits supérieurs ou d’élite ».

Pour ma part, j’ai préféré utiliser le terme plus neutre et probablement plus juste d’homme qui s’inscrit dans une culture et donc qui cherche à comprendre, à expliquer, à mettre en perspective.

Si cette citation entre en résonance avec mon expérience, c’est que j’ai souvent entendu, notamment dans le monde professionnel, des collègues parler d’autres collègues, des collègues absents cela va de soi et en parler pour en dire du mal.

Un jour, j’ai même entendu une personne dire : « Moi si je ne peux pas dire de bien de quelqu’un, je m’abstiens d’en parler. Et notamment de X et Y je n’ai rien à dire ! ». Sorte de stratégie d’évitement.

Je n’ai pas la prétention d’avoir toujours échappé à cette faiblesse, je pense cependant que c’est devenu très rare aujourd’hui. Mais après de tels échanges, je n’ai jamais été satisfait.

D’autres parlent des faits, ils racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu, ce qu’ils ont vécu et encore avec les plus infimes détails. Ce sont des conversations qui entraînent chez moi le plus grand des ennuis.

Ce qui me semble intéressant c’est de parler des faits en en tirant des enseignements donc d’aller vers le monde des idées. Ce qui me parait important c’est ce que l’on apprend des faits, ce qu’ils peuvent signifier.

Donc Oui je préfère échanger sur les idées.

Mais c’est là qu’il faut nuancer.

D’abord, je ne crois pas qu’il y ait trois populations distinctes : l’une des médiocres, l’autre des moyens et la dernière des idées.

Je pense plutôt que cette fracture se situe en chacun de nous, parfois nous sommes médiocres, parfois nous ne sommes que moyens et quelquefois nous arrivons à nous hisser au niveau des idées.

L’intelligence serait alors d’augmenter, dans nos conversations, la part des idées et de faire diminuer celle qui ne nous rend que moyen, voire médiocre.

Ensuite, il faut quand même se méfier des idées et des concepts qui peuvent conduire à des constructions hors sols et quelquefois à des résultats parfaitement inhumains. Par exemple, le soviétisme c’était des idées non confrontées à la réalité et à la critique et conduisaient à des aberrations.

Cette dérive que Brassens avait expliqué dans cette chanson : « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ».

Cela étant, je préfère parler des idées que de m’arrêter aux simples faits ou de parler des personnes.

Quand j’ai échangé avec Annie sur ce mot du jour, elle m’a simplement répondu avec son intelligence et sa sensibilité toujours vive : « Et le cœur et les sentiments dans cette énumération, où se trouvent-ils ?».

Car Oui, on peut exprimer brillamment des idées et ne pas savoir parler des sentiments, être incapable de laisser parler son cœur.

« L’intelligence ne sert à rien dans les rapports humains. » disait Françoise Giroud (mot du jour du 16 avril 2013)

Ou comme l’exhortait la famille de Yannick Minvielle, une des victimes du bataclan : «Dîtes aux gens que vous aimez, que vous les aimez.» (mot du jour du 11 décembre 2015)

Car en effet, dans la vie, les idées ne suffisent pas, il faut aussi savoir laisser parler son cœur.

J’espère qu’ainsi cette citation inspirante a été suffisamment nuancée pour insuffler un peu de sagesse.

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Mercredi 8 mars 2017

Mercredi 8 mars 2017
« La parabole du bon samaritain »
Evangile selon Luc Chapitre 10

Michel Serres utilise la parabole du bon samaritain comme le symbole de l’âge doux et du « prendre soin », ce qui constitue un absolu de notre époque actuel. Le médecin est omniprésent et sauf quelques irréductibles, dès le moindre ennui nous allons voir un ou des médecins pour qu’ils prennent soin de nous. Et pour tous nos proches, à la moindre inquiétude, nous conseillons : il faut aller voir le médecin.

Il y a bien longtemps maintenant j’avais acheté un livre de François Dolto qui avait pour titre, « L’Evangile au risque de la psychanalyse » et je me souviens encore de son explication de cette parabole et surtout du décalage absolu avec ce que j’avais compris des cours de religion et des différents curés qui avaient un jour parlé de cette parabole.

Et je crois que l’on soit croyant ou non, ce que Françoise Dolto a révélé par rapport à cette histoire qui s’inscrit dans notre culture judéo chrétienne et nos valeurs, me parait très intéressant.

D’abord voici cette parabole telle qu’elle est relatée dans la bible de Segond qui faisait autorité dans les années 80 dans les églises réformées.

Il y a au départ un docteur de la Loi qui selon cet évangile veut piéger Jésus, en lui posant une question :

« Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus: Et qui est mon prochain?

Jésus reprit la parole, et dit: Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de coups, et s’en allèrent, le laissant à demi mort.

Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre.

Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre.

Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit.

Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile et du vin; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à une hôtellerie, et prit soin de lui.

Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit: Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le rendrai à mon retour.

Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands?

C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit le docteur de la loi. Et Jésus lui dit: Va, et toi, fais de même. »

Pour celles et ceux qui n’ont aucune culture religieuse, il convient au minimum de dire que dans cette parabole qui s’adresse disons « aux juifs bien-pensant » les samaritains sont des mécréants qui ne suivent pas les préceptes que suivent les juifs bien-pensants. Et que les personnages de sacrificateur et de lévite sont plus que des juifs bien-pensants, l’élite des juifs bien-pensants.

Dans mes cours de religion on m’avait appris que le samaritain, bien que vilipendé par la bonne société juive avait bien agi car il avait aidé son prochain, contrairement aux bien-pensants. Et qu’en plus, il était formidable il s’était super bien occupé de ce pauvre blessé, ce que Michel Serres traduit par l’humanité souffrante.

Et Françoise Dolto m’a fait remarquer que ce n’était pas du tout ce qui était écrit. Et que si on considère cette parabole comme une parole de sagesse, elle présente les choses sous un tout autre angle.

La question était : « qui est notre prochain que nous devons aimer ? »

Et si vous relisez ce qui est écrit vous verrez que le texte chrétien dit : le prochain de celui qui était blessé est le samaritain, c’est-à-dire celui qui l’a secouru.

Peut-être qu’ailleurs il existe d’autres injonctions !

Mais dans cette parabole, il est écrit qu’il faut aimer ceux qui vous ont fait du bien, et peut être aussi, pas forcément les biens pensants, les élites de la hiérarchie sociale, mais ceux qui ont manifesté de la bienveillance… Il n’y a pas une injonction à aimer tout le monde.

Et puis le samaritain que fait-il ?

Il ne prend pas toute la charge sur ses épaules ! Il prodigue les premiers soins.

Et alors ?

Il amène le blessé dans une hôtellerie et il charge quelqu’un d’autre de s’occuper du blessé contre une rémunération qu’il paie !

Oui, il ne prend pas en charge tout le soin, il passe la main à quelqu’un qui va le faire pour de l’argent et lui continue sa route.

Je n’en dis pas plus, j’ai simplement voulu partager cette lecture qui m’avait beaucoup impressionné à l’époque.

J’ai trouvé cette page internet qui semble faire référence à cette même lecture :

<Extrait de l’Évangile au risque de la psychanalyse>

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