L’homme moyen parle des faits,
L’homme de culture parle des idées »
Cette citation que j’ai choisie entre en résonance avec mon expérience de la vie, mais elle doit être expliquée et nuancée.
Je l’ai entendue citer et aussi trouvée à plusieurs reprises sur internet.
Force est de constater qu’on ne sait pas à qui l’attribuer. Même le journal « le Monde » l’attribue à Jules Romain <Ici> mais l’attribue à l’épouse de Franklin Roosevelt <Ici>
Quelquefois, les « faits » sont remplacés par le mot « les évènements ».
Mais ce qu’il y a de plus problématique c’est de désigner les hommes qui ne sont ni moyens, ni médiocres.
Les uns parlent « des grands esprits », d’autres « d’esprits supérieurs ou d’élite ».
Pour ma part, j’ai préféré utiliser le terme plus neutre et probablement plus juste d’homme qui s’inscrit dans une culture et donc qui cherche à comprendre, à expliquer, à mettre en perspective.
Si cette citation entre en résonance avec mon expérience, c’est que j’ai souvent entendu, notamment dans le monde professionnel, des collègues parler d’autres collègues, des collègues absents cela va de soi et en parler pour en dire du mal.
Un jour, j’ai même entendu une personne dire : « Moi si je ne peux pas dire de bien de quelqu’un, je m’abstiens d’en parler. Et notamment de X et Y je n’ai rien à dire ! ». Sorte de stratégie d’évitement.
Je n’ai pas la prétention d’avoir toujours échappé à cette faiblesse, je pense cependant que c’est devenu très rare aujourd’hui. Mais après de tels échanges, je n’ai jamais été satisfait.
D’autres parlent des faits, ils racontent ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu, ce qu’ils ont vécu et encore avec les plus infimes détails. Ce sont des conversations qui entraînent chez moi le plus grand des ennuis.
Ce qui me semble intéressant c’est de parler des faits en en tirant des enseignements donc d’aller vers le monde des idées. Ce qui me parait important c’est ce que l’on apprend des faits, ce qu’ils peuvent signifier.
Donc Oui je préfère échanger sur les idées.
Mais c’est là qu’il faut nuancer.
D’abord, je ne crois pas qu’il y ait trois populations distinctes : l’une des médiocres, l’autre des moyens et la dernière des idées.
Je pense plutôt que cette fracture se situe en chacun de nous, parfois nous sommes médiocres, parfois nous ne sommes que moyens et quelquefois nous arrivons à nous hisser au niveau des idées.
L’intelligence serait alors d’augmenter, dans nos conversations, la part des idées et de faire diminuer celle qui ne nous rend que moyen, voire médiocre.
Ensuite, il faut quand même se méfier des idées et des concepts qui peuvent conduire à des constructions hors sols et quelquefois à des résultats parfaitement inhumains. Par exemple, le soviétisme c’était des idées non confrontées à la réalité et à la critique et conduisaient à des aberrations.
Cette dérive que Brassens avait expliqué dans cette chanson : « Mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ».
Cela étant, je préfère parler des idées que de m’arrêter aux simples faits ou de parler des personnes.
Quand j’ai échangé avec Annie sur ce mot du jour, elle m’a simplement répondu avec son intelligence et sa sensibilité toujours vive : « Et le cœur et les sentiments dans cette énumération, où se trouvent-ils ?».
Car Oui, on peut exprimer brillamment des idées et ne pas savoir parler des sentiments, être incapable de laisser parler son cœur.
« L’intelligence ne sert à rien dans les rapports humains. » disait Françoise Giroud (mot du jour du 16 avril 2013)
Ou comme l’exhortait la famille de Yannick Minvielle, une des victimes du bataclan : «Dîtes aux gens que vous aimez, que vous les aimez.» (mot du jour du 11 décembre 2015)
Car en effet, dans la vie, les idées ne suffisent pas, il faut aussi savoir laisser parler son cœur.
J’espère qu’ainsi cette citation inspirante a été suffisamment nuancée pour insuffler un peu de sagesse.
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Parler « des » personnes ne présente pas un grand intérêt sauf pour relater de faits avérés par contre, savoir parler « aux » personnes nécessite un bon niveau de culture (pas forcément assimilable à l’instruction) et aussi des qualités de cœur.
Pour une fois, je ne suis pas d’accord avec la tonalité de ce billet d’humeur
Et ce, pour des raisons d’abord personnelles, je viens d’une famille de
médiocres, parfois moyens, et je suis moi même
très souvent moyen, tout en étant parfois médiocre. J’ai gardé tes termes,
bien que je suppose, te connaissant, qu’ils en sont pas péjoratifs.
Mes origines ont développé chez moi un autre regard sur les échanges
humains, en n’écoutant pas vraiment ce qui se dit, mais en essayant d’entendre
ce qui ne se dit pas. Le sujet de conversation ne m’importe pas toujours.
Les médiocres et les moyens expriment beaucoup de choses dans leurs
récits, au delà de ce qu’ils disent, qui peut être effectivement
répétitif ou ennuyeux
Mais, pour moi, l’échange verbal cache souvent d’autres enjeux
(je ne sais plus qui a dit que nous étions avant tout des singes ;))
dans les rapports humains. Et le récit, ou le partage des idées,
ne déroge pas à la règle.
il me semble d’ailleurs, qu’un des clivages actuels entre les classes populaires
et les élites se trouvent ici : les médiocres et les moyens fatiguent
les élites (certains les traitent même de fainéants qui foutent le bordel), mais
les médiocres et les moyens sont comme ils sont et perçoivent
ce dédain des élites.
Venant d’un milieu populaire, même si je dois avouer une certaine facilité
pour manier les idées, je m’en méfie énormément.
Une de mes phrases préférée est « il faut se méfier des explications
rationnelles qui masquent des raisons malhonnêtes » (je croies que c’est de moi 😉 )
je ne suis bien sur pas anti-élite , mais je me méfie toujours des
élites et des classements, comme par exemple entre « récit » et « idées ».
j’ai souvent remarqué que les personnes dites simples
trouvent leur vérité dans les autres et dans les faits, sans abstraction,
de manière un peu « brute », en ressenti. Cette vérité me touche souvent, elle me procure
beaucoup d’émotion car elle nous raconte beaucoup sur les gens.
j’ai parfois l’impression d’être au théâtre dans la vie.
Le récit, qui colle au fait, ne me gêne pas.
Il est un témoignage, avec toute sa subjectivité, mais sans abstraction.
Il laisse au final plus libre l’interlocuteur d’interpréter, il ne contraint pas.
J’aime aussi bien sur les débats d’idées, mais je besoin de réel, de concret,
ce que nous avons parfois perdu dans les débats d’idées, nous éloignant
des autres, ce dont profite les populistes en tout genre.
Pour moi, l’idéal est de pouvoir mélanger témoignages, ressenti, récits et idées,
pas de les opposer, et surtout pas de les classer.