Mardi 23 janvier 2018

« C’était mieux avant »
Michel Serres

Michel Serres vient de publier un nouveau livre « C’était mieux avant » qui est présenté comme la suite de Petite poucette.

J’avais évoqué « Petite Poucette » lors d’un tout premier mot du jour, il portait le numéro 23 et avait été envoyé le 21 novembre 2012. A l’époque, mes mots étaient courts.

Le sous-titre de ce livre est le suivant :

« Dix Grands-Papas Ronchons ne cessent de dire à Petite Poucette, chômeuse ou stagiaire qui paiera longtemps pour ces retraités :  “C’était mieux avant.” Or, cela tombe bien, avant, justement, j’y étais.»

Bien sûr, Michel Serres ne croit pas un seul instant que c’était mieux avant, mais il a choisi comme titre ce qui se dit beaucoup par tous les nostalgiques qui se sentent étrangers dans le monde d’aujourd’hui.

Alain Finkielkraut est de ceux là

Je parlais, hier, d’Alain Finkielkraut et de son émission « Répliques », or justement il avait, ce samedi, invité Michel Serres.

Cette émission je l’ai écoutée et je vous conseille de faire de même. Vous la trouverez <ICI>

Par rapport, à ce que j’écrivais hier, vous entendrez un débat respectueux où deux intellectuels qui ont de grandes divergences, laissent s’exprimer l’autre, reconnaissent quand l’autre le convainc et surtout s’écoutent et dialoguent. Et non pas comme, si souvent, tiennent deux discours parallèles qui s’ignorent et même qui entrent dans une compétition pour savoir qui coupera le plus souvent la parole à l’autre.

Car Alain Finkielkraut, dès le départ se sent visé par la description de « Grand papa ronchon ».

Michel Serres explique simplement qu’avant il y était et qu’il peut dresser un bilan d’expert :

« Avant nous gouvernaient Franco, Hitler, Mussolini,  Staline, Mao… rien, que des braves gens ; avant, guerres et crimes  d’État laissèrent derrière eux des dizaines de millions de morts.  Longue, la suite de ces réjouissances nous édifiera. »

Michel Serres reprend son argumentation qui avait déjà été développée dans les mots du jour que je lui avais consacré en mars 2017 et notamment <le mardi 7 mars 2017> :

« Le premier âge est plus long qu’on ne le croit ;
Le deuxième pire qu’on ne le pense ;
Le dernier meilleur qu’on ne le dit. »

Mais ce qui a de nouveau grâce à cet entretien, c’est qu’Alain Finkielkraut lui donne la réplique et que Michel Serres lui répond.

Alain Finkielkraut reconnait qu’en ce qui concerne la santé il ne peut que lui donner raison, mais il parle de la violence dans les cités, sur les réseaux sociaux, sur la difficulté de faire classe aujourd’hui pour les professeurs.

Dialogue apaisé, intelligent fécond que je vous laisse écouter.

Evidemment ce n’était pas mieux avant !

J’ai consacré plusieurs mots du jour à cette évidence, plusieurs auteurs m’ont convaincu.

Le plus récent le 21 novembre 2017 où j’évoquais un livre de Steven Pinker : « La part d’ange en nous. Histoire de la violence et de son déclin » dans lequel l’auteur démontre que la violence n’a fait que régresser depuis les premiers temps de l’humanité, qu’il s’agisse de la violence guerrière ou de la criminalité.

Une année auparavant, le mot du jour du 19 décembre 2016 s’intéressait au livre du suédois Johan Norberg «Ten Reasons to Look Forward to the Future Progrès : dix raisons de se réjouir de l’avenir» qui dans un panorama plus large que la seule histoire de la violence montre que nous n’avons jamais vécu à un moment plus heureux de l’Humanité.

J’ai pensé un moment faire un mot du jour sur le livre de Jacques Lecomte : « Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! », mais je n’ai pas trouvé le temps de le faire.

Alors je sens évidemment la question irrépressible que vous souhaitez poser : « Enfin Alain, tu écris à longueur d’articles et à de rares exceptions comme ces deux mots que tu cites ci-dessus, que nous avons toutes les raisons de nous inquiéter sur le climat, sur les inégalités et les déséquilibres économiques, sur la limite des ressources terrestres, sur le retour des nationalismes, sur les projets fous des transhumanistes, et les délires tout aussi terrifiants des extrémistes religieux etc. Comment concilier tous ces avertissements avec ce constat optimiste ? »

C’est à peu près la question qu’Alain Finkielkraut pose vers la fin de l’émission à Michel Serres.

Et ce dernier répond :

« Mais mon cher Alain, je vous dis qu’aujourd’hui est mieux que hier, mais je n’ai jamais dit que demain serait mieux qu’aujourd’hui »

En effet le philosophe optimiste avoue son incapacité de prévoir de quoi demain sera fait.

Demain sera ce que nous et nos enfants en feront.

Michel Serres était aussi l’invité de la Grande Librairie pour parler de son petit ouvrage de 98 pages

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2 réflexions au sujet de « Mardi 23 janvier 2018 »

  • 23 janvier 2018 à 8 h 35 min
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    Si on remplace « c’était mieux avant » par « je comprenais mieux le monde d’avant » la réplique retrouve du sens. Je crois qu’il y a rien de plus déstabilisant que de ne pas comprendre le monde dans lequel on vit au regard sa propre culture et de ses valeurs fussent-elles très relatives, ne pas savoir quel sera son avenir même très proche dans un contexte d’emballement du changement, d’entendre quotidiennement tout et son contraire… il y a largement de quoi masquer les bienfaits de la nouvelle société

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  • 26 janvier 2018 à 16 h 49 min
    Permalink

    J’y était aussi, et vraisemblablement j’ai peu de chance de participer à un avenir au delà d’une dizaine d’années en étant optimiste.
    Mais quand même ce qui est curieux, c’est que les partisans d’un futur différent ( forcément différent si avant ce n’était pas mieux) nous proposent les solutions du dix neuvième siècle, avant les premières mises en pratiques des avancées sociales, comme si le progrès était dans la régression.
    C’était tout de même mieux quand on ne licenciait pas à pleine porte au nom du progrès, quand on transformait les cochers pour les former en chauffeurs d’automobiles, ( beaucoup plus d’emplois à l’époque, la destruction créatrice à fond)
    on nous dit, et je le crois, que le nombre de pauvres diminue globalement dans le monde, sur la base d’un seuil minimum, mais en même temps s’étend une grande pauvreté relative , telle que quelqu’un en France aujourd’hui, qui gagne sa vie en travaillant mais pas suffisamment pour être accepté dans une location , peut être amené à coucher dehors, ou dans sa voiture , ce qui est la même chose.
    J’ai connu un temps ou on disait qu’il fallait aider les vieux dont les retraites était maigres, mais ils avaient au moins un toit,
    même si leur logement n’était pas toujours de qualité.
    j’aimerai que ce soit mieux maintenant..
    Merci encore,

    Lucien.

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