Mercredi 17 juin 2015

Mercredi 17 juin 2015
«On a cru que les valeurs de type occidental, celles qui viennent de la révolution française, des vertus chrétiennes et des lumières avaient une valeur mondiale.
On disait les droits de l’homme c’est [universel]
Je ne le crois pas.
Je crois que le monde asiatique, en particulier, a des valeurs confucéennes qui sont des valeurs complétement différentes.»
Jean-Louis Beffa
Dans l’émission un jour dans le monde du 8 avril vers 3:30
Jean-Louis Beffa est un grand patron français, il a surtout été le PDG de Saint Gobain de 1986  jusqu’en 2007.
Il a publié en avril 2015 un livre : «Les clés de la puissance». Dans cet ouvrage il s’attache à montrer sur quoi se fonde la co-domination mondiale de la Chine et des États-Unis, et pour quelles raisons elle n’est pas prête de finir. Tandis que la Chine continue sa progression sans relâche, que les États-Unis se recentrent sur leurs forces, les autres grands émergents ne tiennent pas leurs promesses : la Russie s’isole, le Moyen-Orient s’enferre et le continent africain ne voit aucun futur géant éclore. Seule l’Europe pourrait s’imposer comme troisième puissance, mais elle ne cesse de reculer.
Dans un article joint, Le Monde écrit :  «Beffa passe la planète en revue et évalue les quatre « facteurs de puissance » des grands pays à l’aube d’une nouvelle phase de la mondialisation : « l’industrie exportatrice, les nouvelles technologies couplées au système d’innovation, l’énergie, et les capacités militaires ». Résultat ? Un monde étrange : l’hégémonie américaine a certes disparu, mais sans faire émerger un monde multipolaire. En fait, seuls deux grands ont vraiment soif de pouvoir et dominent tous les débats : Les Etats-Unis et la Chine.
Les Etats-Unis et la Chine s’enferment dans un face-à-face, ou plutôt une rivalité exclusive, un « G2 », faute de combattants pour élargir le cercle. A leur plus grand regret, surtout pour le second, dont la dépendance à l’égard des Etats-Unis inquiète les élites dirigeantes. Derrière ? Personne ou presque. Les puissances moyennes semblent toutes habitées par un grand renoncement. « Une troisième puissance n’est pas prêt d’émerger », regrette l’auteur.
La Russie s’est enfermée avec ses démons et rumine ses vieux rêves de puissance. Le Japon a baissé les bras, il s’abandonne à sa richesse, plus encore à sa vieillesse. L’Inde est « une puissance qui ne s’éveille jamais » : trop repliée sur son marché, trop bureaucratique, trop décentralisée pour décoller comme la Chine. Le Brésil n’est qu’un géant régional aux pieds d’argile, incapable de fédérer autour de lui le sous-continent sud-américain ; quant à l’Afrique, la croissance y est désormais plus forte qu’en Asie, mais le continent souffre de trop de maux pour qu’une puissance globale sorte du lot.
Reste l’Europe, le cas le plus anachronique. « Elle recule depuis plus de dix ans et génère elle-même les moyens de son déclin », juge Beffa. Déjà les Britanniques sont ailleurs, et la tentation mortifère du repli sur soi gagne les esprits partout dans l’Union. Le couple franco-allemand n’a plus d’inspiration, ni de direction.»
Pour parler de son livre il a été l’invité d’Anne Sinclair : <http://www.europe1.fr/emissions/l-interview/jean-louis-beffa-linterview-integrale-939922>
«[Il y a désormais ] des valeurs différentes.
On a cru que les valeurs de type occidental, celles qui viennent de la révolution française, des vertus chrétiennes et des lumières avaient une valeur mondiale.
On disait les droits de l’homme, c’est mondial !
Je ne le crois pas.
Je crois que le monde asiatique en particulier a des valeurs confucéennes qui sont des valeurs complétement différentes.
Dans les valeurs confucéennes, ce n’est pas la démocratie, ce n’est pas la liberté de l’individu qui est primordiale.
C’est une autre méthode : le chef doit diriger ceux qui sont sous ses ordres, ces derniers doivent lui obéir d’une manière disciplinée.
Le chef a la charge cependant de protéger les autres et de veiller à leurs bien être.
Il s’agit d’un équilibre tout à fait différent.»
Je crois que nous autres occidentaux et particulièrement nous français n’arrivons pas à comprendre ou à accepter cette réalité : L’Occident n’a plus le monopole de dire ce qui est le Bien et ce qui est le Mal. Nos valeurs qui sont les droits de l’individu, de la liberté quasi absolu, de la démocratie libérale, de l’égalité ne sont pas partagées.
C’est une grande surprise car la mondialisation économique s’est réalisée sur le modèle occidental : production et consommation de masse, mobilisation de plus en plus importante de capitaux, innovation technologique, explosion de la publicité qui vous pousse à acheter  des choses ou gadgets dont vous n’imaginiez même pas avoir besoin quelques instants avant, généralisation du tourisme de masse.
La pensée d’un monde linéaire en constante croissance avec l’ambition ou l’illusion d’un progrès sans fin est une création de l’Occident.
La plupart des autres civilisations pensait plutôt un monde en stabilité et évoluant selon une logique de cycle.
C’est le modèle occidental qui s’est imposé, la mondialisation est une occidentalisation du Monde : toujours plus haut, toujours plus grand comme le montre par exemple cette inflation de tours de plus en plus hautes à Dubaï, Shanghai, La Mecque, Canton, Taipei, Hong Kong, Kuala Lumpur.
Mais parallèlement, au niveau sociétal et politique les valeurs occidentales ne se sont pas imposées et même sont de plus en plus contestées.
Il faut assimiler cela si l’on veut essayer de comprendre un peu mieux le Monde.