Vendredi 14 septembre 2018

« Changer d’histoire pour changer l’Histoire »
Cyril Dion – Chapitre 3 du livre : « Petit manuel de résistance contemporaine »

Beaucoup d’émissions très intéressantes ont été diffusées ces dernières semaines sur le sujet du défi écologique qui se pose à l’espèce humaine.

Une première « Economie / écologie l’impossible conjugaison ? » du 1er septembre 2018 dans laquelle l’invité Gaël Giraud a rappelé cette évidence :

« Le dérèglement climatique est un problème créé par les riches dont les premières victimes sont les pauvres. »

Et puis une deuxième : « Comment rendre crédible la catastrophe écologique ? » du 8 septembre 2018, dans laquelle étaient invités la journaliste Jade Lindgaard qui insistait sur les initiatives locales (l’économie sociale et solidaire, les AMAP, l’agriculture biologique), Yves Cochet ancien ministre de l’Environnement de Jospin, et le philosophe Dominique Bourg qui faisait ce constat :

« Ça fait des siècles qu’on a dit aux gens qu’on dominait la nature, que le progrès était forcément linéaire et absolument cumulatif. Après on leur a raconté que l’économie pouvait permettre de tout comprendre et qu’il n’était pas question de nature parce que toute la technique était là pour la biffer et s’y substituer… Ça fait des siècles qu’on raconte ce genre d’âneries, vous n’attendez quand même pas, parce qu’il y a un soubresaut climatique, que les gens vont remettre ça en cause ! »

Et aussi une troisième ou au moins la première moitié de l’émission Esprit Public de dimanche dernier qui portait pour titre humoristique : « La vacance de Monsieur Hulot ». La seconde partie était consacrée à la Chine pour laquelle on apprenait que pour réaliser son ambition projet « Les routes de la Soie » elle envisageait de construire une cinquantaine d’aéroports et d’autres infrastructures qui ne vont pas dans le sens d’une atténuation de l’impact écologique humaine.

A partir de ces 3 émissions, j’envisageais d’écrire un mot du jour de synthèse qui aurait eu pour exergue : « Entre le déni et le catastrophisme » pour démontrer que l’un comme l’autre conduisent à l’inaction, le premier parce qu’il amène les gens à penser qu’il n’y a rien à faire et le second parce que dans ce cas les gens se persuadent qu’il n’y a plus rien à faire. Ce contre quoi je m’insurge, l’Histoire n’est pas écrite.

Mais j’ai préféré finir cette semaine par un extrait du dernier livre de Cyril Dion, le réalisateur du film documentaire : « Demain ». J’y avais consacré le mot du jour du lundi 11 janvier 2016.

Ce livre s’intitule : « Petit manuel de résistance contemporaine »

J’y reviendrai peut-être plus longuement dans une série ultérieure.

Aujourd’hui je m’arrêterai au chapitre 3 qui s’intitule « Changer d’histoire pour changer l’Histoire » et dans lequel, il cite plusieurs fois Yuval Noah Harari.

Il prend comme exemple les réseaux sociaux modernes et notamment Instagram. Et, il compare un article qu’on appelle « Post » dans ce monde-là dans lequel Kim Kardashian appelle à acheter son nouveau gloss à paillettes et un autre où Greenpeace appelle à agir pour le climat.

Si on lit la biographie de Kim Kardashian elle est décrite comme une femme d’affaires, productrice, styliste et animatrice de télévision américaine. On ajoute c’est une personnalité médiatique.

Mais son vrai métier est d’être une influenceuse.

Elle porte une robe, et se prend en photo, elle exhibe un sac à main et se prend en photo, elle se met du rouge à lèvres et se prend en photo.

Puis elle met cette photo sur Instagram et rapidement deux millions d’internautes cliquent pour dire qu’ils aiment cette photo, ce sont des « like ». Et plus que cela, le produit avec lequel elle s’est fait prendre en photo, voit immédiatement une augmentation de ses ventes…

En face des 2 millions de like pour un post de K.K., celui de Greenpeace arrive péniblement à 10 000.

Yuval Noah Harari explique que la formidable capacité de coopérer d’homo sapiens, sa supériorité sur les autres espèces provient de son génie de créer des mythes, des fictions, des histoires qui fédèrent des groupes extrêmement vastes et les poussent à agir ensemble.

Nous sommes aujourd’hui dans la fiction que rien n’est plus important que la vie humaine et sa recherche du bonheur et du bien-être. Et que dans cette quête la consommation est un outil extraordinaire pour se faire du bien, se sentir mieux et réaliser sa vie. Et c’est cette histoire fictionnel qui pousse les femmes et les hommes à acheter des vêtements, des produits de beauté, des voitures, des voyages, des chaines hifi, des consoles de jeu, des repas gastronomiques, des objets Hi Tech et tant d’autres choses, en écoutant leurs désirs.

Et parce qu’une foule innombrable adhère à cette histoire, à cette fiction, Kim Kardashian peut être une influenceuse et gagner énormément d’argent avec cette activité… futile si l’on y songe vraiment.

Mais les fictions humaines évoluent et alors c’est encore une caractéristique des hommes ils considèrent la fiction précédente incompréhensible, une folie…

En l’année 1000, un père chrétien européen était fier que son fils choisisse de se « croiser », c’est-à-dire devenir « croisé » pour aller combattre en Palestine contre les infidèles musulmans, « libérer Jérusalem » et probablement mourir jeune, au combat ou même de maladie dans ces contrées lointaines. Il y avait un objectif, une quête qui correspondait à un mythe, une histoire.

Aujourd’hui, quand un père voit son fils embrasser la foi musulmane pour aller faire le jihad en Syrie ou dans un autre pays proche de la Palestine, pour y aller mourir pour sa Foi, il pense que son fils est fou. Ce n’est plus la fiction d’aujourd’hui pour ce père, ce n’est pas l’histoire à laquelle il croit et qui le fait avancer.

Alors, il faut changer d’histoire, pour que plus personne ne croit que la consommation rend heureux, que l’individualisme et le culte du moi sont des valeurs qui méritent autant d’attention de notre part.

Quand nous aurons trouvé ce nouveau récit, l’hyperconsommation, acheter un nouveau smartphone tous les ans, nous passionner pour la dernière keynote d’Apple nous paraîtra une folie comme se faire tuer pour aller libérer le tombeau fantasmé et mythique du Christ.

Alors, oui il faut « Changer d’histoire pour changer l’Histoire » de l’Humanité sur terre.

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Mardi 11 septembre 2018

« L’urbanisation a transformé radicalement la société française »
Michel Lussault

Michel Lussault, est Géographe et professeur d’études urbaines à l’École Normale Supérieure de Lyon (ENS). Il dirige l’École Urbaine de Lyon (EUL) qui a été créée en juin 2017 dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir (PIA2) par le Commissariat Général à l’Investissement (CGI).

Sur la page d’accueil du site de cette école on lit la description suivante :

« A travers son projet interdisciplinaire expérimental de recherche, de formation doctorale et de valorisation économique, sociale et culturelle des savoirs scientifiques, l’École Urbaine de Lyon innove en constituant un domaine nouveau de connaissance et d’expertise : l’urbain anthropocène.

Aux défis mondiaux de l’urbanisation et de l’entrée dans l’anthropocène correspondent en effet à la fois de nouveaux champs de recherche et de formation, de nouvelles professions et compétences, mais aussi une mutation profonde de la pensée, des représentations, des pratiques et des métiers de la ville. »

Il a été interrogé par la revue : Horizons publics
qui se présente comme ayant pour objet d’étudier la transformation de l’action publique. Elle est éditée par la maison d’édition Berger-Levrault.

Le titre de l’article est : « L’urbanisation a transformé radicalement la société française »

Dans cet article il est question de l’anthropocène, cette ère géologique qui succède à l’holocène et à partir de laquelle l’influence de l’homme marque le système Terre dans son ensemble. Le changement climatique est des manifestations les plus prégnantes de l’anthropocène.

Michel Lussault explique :

« L’urbanisation a transformé radicalement la société française en même temps que le monde. C’est un changement qui a la particularité d’être local et global. L’entrée dans l’anthropocène est également un changement global. D’ailleurs, en américain, on disait « global change » avant de parler d’anthropocène. Ces deux changements ont des conséquences simultanées sur toutes les sociétés et à toutes les échelles. Mon souci est de penser l’entrecroisement de ces deux changements globaux : comment s’alimentent-ils l’un l’autre ? Quels effets ont-ils sur les individus, sur les territoires, en fait sur le monde et toutes les échelles intermédiaires ? Il n’y a pas de plus grande urgence que de penser ces grands changements pour comprendre ce qu’ils produisent aux plans économique, politique, culturel, environnemental, social, paysager, architectural, urbanistique, etc.

D’ailleurs, plus que de changement, il faut parler de véritables mutations, qui non seulement imposent de reconsidérer les manières classiques de penser les réalités sociales et territoriales, mais aussi les façons d’agir, d’habiter les espaces et d’envisager notre futur.

Les instituts Convergence [dont fait partie l‘EUL] qui se comptent au nombre de 10 en France ont été créés [pour] rassembler sur un même site des scientifiques de haut niveau pour traiter de manière innovante des questions d’intérêts scientifique et sociétal majeurs.

Chacune des thématiques traitées par ces instituts est dite de sciences-frontières : elles imposent de sortir des cadres académiques institués, de poser les problèmes scientifiques autrement en recourant par exemple à une interdisciplinarité radicale.

Celui de l’école urbaine de Lyon consacré aux mondes urbains anthropocènes en est une parfaite illustration.

On doit y fonder des types de savoirs pertinents pour rendre intelligibles les évolutions urbaines et anthropocènes contemporaines. Nous pensons que les sciences classiques, constituées depuis deux siècles, n’offrent plus les ressorts suffisants pour saisir convenablement la complexité des systèmes urbains anthropocènes. »

Vous pourrez vous reporter à l’intégralité de l’article.

Mais j’ai trouvé cette approche intéressante et positive par rapport aux questions que nous nous posons : comment continuer à vivre sur cette planète en acceptant ses limites tout en trouvant des solutions pour permettre d’élargir le champ des possibles.

La science d’aujourd’hui doit se différencier de la science d’hier, en portant aussi la même considération aux réalités humaines et non humaines que nous observons, dans le sens de certaines anthropologies inspirées de la sociologie des sciences de Bruno Latour.

La réalité est composée d’une grande variété de modes d’existence qui oblige à sortir de notre posture anthropocentrique.

Comment écouter les voix de l’ensemble des opérateurs d’une situation données et évitant que celle du chercheur autorisé ne couvre les autres ?

« Notre projet de recherche échouera si nous ne parvenons pas à embarquer le plus grand nombre de protagonistes pour produire des savoirs différents, dans toute leur richesse et leur pluralité, des savoirs qui changeront radicalement l’intelligibilité des réalités sociales. Mais nous échouons également si nous ne répondons pas aux questions « qu’est-ce que agir, quels sont les modes de faire, quels sont les modes d’action à inventer dans l’urbain anthropocène ? » Ce sont des questions auxquelles nous nous pourrons répondre qu’avec les acteurs territoriaux, des professionnels jusqu’aux quidams si je puis dire. « Qu’est-ce que agir ? » ne relève plus dans l’anthropocène de la seule professionnalité mais fondamentalement du politique. Cela débouche sur une double interrogation : comment un individu à travers ses actions contribue-t-il à rendre intelligible la réalité du monde urbain anthropocène ? Comment un même individu à travers ses actions contribue à faire en sorte que les sociétés humaines soient capables d’affronter les défis de l’urbain anthropocène ? »

Je retiendrai aussi cette invitation de « sortir de notre posture anthropocentrique »

Grâce à Nicolas Copernic nous avons pu sortir de la théorie erronée du géocentrisme qui pensait que notre terre était au centre de l’Univers pour entrer dans l’héliocentrisme qui montrait que la terre tournait autour du soleil.

Il reste que pour beaucoup ce géocentrisme a subsisté sous la forme de l’anthropocentrisme, la terre n’est peut-être pas au centre du monde, mais l’homo sapiens peut-être ?

En tout cas, un doute subsiste pour certains… Les religions monothéistes y ont beaucoup contribué.

Cette vision est totalement déraisonnable.

Homo sapiens ne peut rien sans la nature, sans les produits et ressources de notre terre.

Parler d’environnement n’est pas qu’une erreur, c’est une faute. Je veux dire une faute morale.

Parler d’environnement c’est justement se placer dans la croyance de l’anthropocentrisme où homo sapiens est au centre et ce qui l’entoure est l’environnement.

C’est une théorie aussi erronée que le géocentrisme.

Nous sommes dans la nature et la nature est en nous.

Cela n’enlève rien au génie de notre espèce mais si nous ne parvenons à nous réconcilier avec la nature et la terre et à rendre notre société des hommes compatible avec les ressources et l’équilibre de la nature, nous disparaîtrons.

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Mercredi 6 juin 2018

«Il faudrait enseigner à douter y compris du doute…»
Edgar Morin

Je suis abonné aux tweets d’Edgar Morin. Souvent en quelques mots il écrit des choses fondamentales.

Tel est le cas de cette phrase : « Il faudrait enseigner à douter » et il ajoute et même douter du doute.

Probablement que cette réflexion a été inspirée par cette incongruité de l’annonce par les services officiels de l’Ukraine du meurtre du journaliste russe Arkadi Babtchenko. Nous savons désormais qu’il s’agissait d’une <fausse information> (fake news en globish)

J’avais consacré un mot du jour au doute : «Nous devons combiner la graine fertile de la curiosité et l’esprit fécond du doute»

Plus récemment j’avais rappelé le propos du mathématicien Henri Poincaré : « Douter de tout ou tout croire, ce sont deux solutions également commodes qui l’une et l’autre nous dispensent de réfléchir.»

Alors je trouve particulièrement important, dans un monde de fausses nouvelles et de théories du complot, de se reprendre à douter et même à douter du doute.

Par exemple :

  • Douter des théories économiques.
  • Douter du doute sur l’apport des vaccinations.
  • Et même douter du libre-échange et douter du doute du libre-échange.

 

Nous sommes le 6 juin 2018. Ce blog a donc un an…

Le mot du jour introductif du blog, le mot du jour existait sous une autre forme depuis 2012, se trouve derrière ce lien <6 juin 2017>

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Vendredi 4 mai 2018

« Et, j’ai décidé que j’allais consacrer ma vie à aimer mon prochain par contraste avec ce que je voyais !»
Danielle Mérian

Le monde de l’information est en plein bouleversement. Il doit se réinventer, trouver de nouveaux formats et arriver à trouver un public.

BRUT est un de ces médias.

C’est un média en ligne français fondé en novembre 2016 et exclusivement diffusé sur les réseaux sociaux.
Au départ le choix était de s’intégrer à Facebook, mais désormais on le trouve aussi sur Youtube, sur Dailymotion, Instagram etc..
Le format est toujours vidéo et les reportages sont très courts.

Wikipedia nous apprend que BRUT a été fondé par :

« Renaud Le Van Kim, Guillaume Lacroix et Laurent Lucas. Guillaume Lacroix est le fondateur de Studio Bagel et Renaud Le Van Kim l’ancien producteur du Grand Journal de Canal+ d’où vient également le directeur des rédactions de Brut Laurent Lucas. Une quarantaine de personnes travaillent pour Brut et produisent deux heures de direct diffusées sur Facebook Live et des courtes vidéos d’analyse et d’entretiens. […] Selon Lacroix, les fondateurs voulaient « créer un média qui soit un point d’entrée sur l’actualité pour toute une génération qui s’éloigne des acteurs traditionnels ». Selon lui, 80 % de ceux qui les suivent sur Facebook ont moins de 35 ans.

Entre le lancement en novembre 2016 et février 2017, les vidéos de Brut ont été visionnées plus de 100 millions de fois dont 29 millions pour le seul mois de février. À cette date, Brut ne gagne pas encore d’argent. »

Souvent ces courtes vidéos me paraissent intéressantes.

Et je voudrais aujourd’hui en partager une avec vous.

Peut-être vous souvenez vous de Danielle Mérian, vieille dame très digne qui avait été interviewée, par hasard, par une chaine de télévision le lendemain du massacre du bataclan du 13 novembre 2015 alors qu’elle venait déposer un bouquet de fleurs devant la salle de spectacles ?

Elle avait alors dit :

« C’est très important d’apporter des fleurs à nos morts.

C’est très important de voir [lire] plusieurs fois « Paris est une fête » d’Hemingway. Parce que nous sommes une civilisation très ancienne et nous porterons au plus haut nos valeurs.

Et nous fraterniserons avec 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et gentiment. Et nous nous battrons contre les 10 000 barbares qui tuent soi-disant au nom d’Allah. »

Après la diffusion de ce petit entretien, la vente de « Paris est une fête » a explosé.

Aidé par Tania de Montaigne, elle a, suite à ce bref moment où un micro s’est approché d’elle et où elle a trouvé les mots qui devaient être dits en cet instant, écrit un livre racontant sa vie : « Nous n’avons pas fini de nous aimer ».

Car ces mots ne sont pas venus par hasard. Ils étaient à la conclusion d’une vie, d’expériences, de réflexions et de combats.

BRUT reprend cet extrait devant le bataclan, mais ajoute que Danielle Mérian a encore des choses à dire :

« J’ai été très contente de voir se lever « Me Too », « Balance ton porc ».
Ce n’est pas élégant « balance ton porc », n’est-ce pas ?
Mais le viol est ce élégant ? Et la main à la cuisse est ce que c’est élégant ? Et les propos salaces est ce que c’est élégant ?

Je suis une féministe depuis l’enfance, pourquoi ?
Parce que je suis née en 1938, à une époque où on préférait les garçons aux filles.
Donc mes parents quoique forts intelligents, préféraient mon frère aîné à moi-même.
Je me disais : nous sommes dans un monde de fou, il va falloir changer tout ça.
Donc si vous voulez, j’étais déjà une révoltée de naissance, du fait qu’il n’y avait pas égalité entre mon frère et moi, ce que je trouvais aberrant.

Et il se trouve que mon père […] qui était journaliste comme mon grand-père a terminé la guerre comme correspondant de guerre dans l’armée canadienne et a ouvert les camps de concentration. Il avait une grande enveloppe dans les mains et il dit à ma mère : « Il ne faut pas que les enfants voient ça »

Donc dès qu’il a eu le dos tourné, j’ai fouillé son bureau. Je suis tombé sur les photos de l’abomination et j’en suis émue encore quand j’y pense…

Et, j’ai décidé que j’allais consacrer ma vie à aimer mon prochain par contraste avec ce que je voyais que l’homme est un loup pour l’homme »

Aujourd’hui son grand combat est celui de la lutte contre l’excision.

C’est encore Wikipedia qui nous apprend que Danielle Mérian est née Danièle Savarit, en 1938 et qu’elle est avocate honoraire au barreau de Paris. Elle se revendique comme militante chrétienne et féministe. Elle étudie le droit durant la guerre d’Algérie et se fiance à cette période. À partir de 1975, elle milite avec son mari au sein de l’ACAT, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, notamment en soutien aux Grands-mères de la place de Mai ou pour l’abolition des exécutions capitales, ainsi que pour la libération ou l’amélioration des conditions de détention des prisonniers politiques.

Après la mort de son mari en 1995 , elle continue à militer ; ses principaux terrains d’engagement sont outre l’ACAT, avec PRSF (PRisonniers Sans Frontières) l’amélioration des conditions de détention en Afrique de l’Ouest, avec PARCOURS D’EXIL le soin aux torturés, avec SOS Africaines en Danger la lutte contre l’excision et le mariage forcé.

Encore une belle âme qui donne confiance en l’humanité.

Pour retrouver cette vidéo, je donne à dessein le lien vers le site français dailymotion plutôt que vers la créature de Google : Youtube.

<Danielle Mérian sur Dailymotion>

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Jeudi 5 avril 2018

« Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant, car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne. Je ne m’inquiète plus. »
Martin Luther King, le 3 avril 1968 à Memphis

Il s’en est passé des choses en 1968…

Le 4 avril 1968 à18h01, Martin Luther King est assassiné à Memphis dans le Tennessee. Il avait 39 ans.

Un article de Wikipedia est consacré à cet assassinat dont on n’a jamais trouvé les vrais coupables :

« Fin mars 1968, Martin Luther King se déplace à Memphis (Tennessee) pour soutenir les éboueurs noirs locaux qui sont en grève depuis le 12 mars afin d’obtenir un meilleur salaire et un meilleur traitement. Les Afro-Américains étaient payés 1,70 dollar de l’heure et n’étaient pas payés quand ils ne pouvaient pas travailler pour raison climatique, contrairement aux travailleurs blancs. Des violences éclatent autour des marches pacifiques, un jeune Afro-Américain est tué.

Le 3 avril, au Mason Temple, Martin Luther fait le discours prophétique « I’ve Been to the Mountaintop » (« J’ai été au sommet de la montagne ») devant une foule euphorique. […]

Le 4 avril 1968 à 18 h 1, Martin Luther King est assassiné alors qu’il se trouve sur le balcon du Lorraine Motel à Memphis dans le Tennessee.[…] Il est déclaré mort au St. Joseph’s Hospital à 19 h 05.

L’assassinat provoque une vague d’émeutes raciales dans 60 villes des États-Unis (125 au total5) qui fait de nombreux morts et nécessite l’intervention de la Garde nationale.

Cinq jours plus tard, le président Johnson déclare un jour de deuil national, le premier pour un Afro-Américain, en l’honneur de Martin Luther King. 300 000 personnes assistent à ses funérailles. […]

[…] La ville de Memphis négocie la fin de la grève d’une manière favorable aux éboueurs après l’assassinat.

D’après le biographe Taylor Branch, l’autopsie de King révéla que bien qu’il ait seulement 39 ans, son cœur paraissait celui d’un homme âgé de 60 ans, montrant physiquement l’effet du stress de 13 ans dans le mouvement des droits civiques. Entre 1957 et 1968, King avait voyagé sur [des] millions de kilomètres, parlé en public plus de 2 500 fois, été arrêté par la police plus de vingt fois et agressé physiquement au moins quatre fois. »

Beaucoup d’émissions et d’articles ont été consacrés à la commémoration de cet évènement. Notamment les matins de France Culture du 4 avril ont été consacrés à Martin Luther King.

La situation des noirs a un peu évolué depuis 1968, mais il reste aux Etats-Unis toujours d’immenses inégalités dont les noirs sont les victimes, comme ils sont les victimes de la violence des blancs et des policiers. Le titre de l’émission était : « 50 ans après l’assassinat de Martin Luther King, le retour de la question noire ? »

Une des invités de l’émission a dit justement :

« La représentation du corps noir comme source d’angoisse et de criminalité est permanent dans l’histoire américaine. Le problème n’est pas le policier qui tue, le problème est l’ensemble des Blancs derrière leur bureau qui considèrent qu’il n’y a pas d’injustice. »

Christiane Taubira qui était une des invités de cette émission a expliqué :

« L’Amérique est toujours travaillée par ses vieux démons. On a cru que l’élection de Barack Obama correspondrait à une Amérique postraciale, lui-même a reconnu s’être trompé »

Mais ce qui m’a marqué lors de cette émission c’est d’avoir entendu un extrait du dernier discours de Martin Luther King : « J’ai été au sommet de la montagne », prononcé un jour avant son assassinat.

Ce discours vous le trouverez en intégralité traduit en français sur ce site : https://nofi.fr/2018/02/suis-alle-jusquau-sommet-de-montagne-dernier-discours-de-martin-luther-king/37614

<Vous trouverez ici une version audio de ce discours>

<Ici un extrait vidéo de la fin de ce discours>

Martin Luther King est un militant de la non-violence, il est révolté par les injustices et il est du côté de celles et ceux qui combattent pour leurs droits sociaux.

Mais il est aussi un Pasteur, il est croyant et sa Foi chrétienne se rencontre souvent dans son discours dont je voudrais partager quelques extraits aujourd’hui :

« Notre nation est malade. Le pays est en proie à des troubles. La confusion règne partout. C’est là une demande bizarre. Mais d’une façon ou d’une autre, vous ne voyez les étoiles que s’il fait assez noir pour cela. Et je vois Dieu à l’œuvre, en cette période du XXè siècle.

Quelque chose est en train d’arriver à notre monde. Les masses populaires se dressent. Et partout où elles s’assemblent aujourd’hui – que ce soit à Johannesburg, en Afrique du Sud, à Nairobi, au Kenya, à Accra, au Ghana, dans la ville de New York, à Atlanta, en Géorgie, à Jackson, au Mississippi, ou à Memphis, dans le Tennessee – le cri est toujours le même: « Nous voulons être libres. » Et une autre raison pour laquelle je suis heureux de vivre à notre époque, c’est que nous nous trouvons, par force, à un point où il faudra nous colleter avec les problèmes que les hommes ont tenté d’empoigner pendant toute leur histoire, sans que l’urgence soit telle qu’ils s’y trouvent forcés. Mais il y va maintenant de notre survie. Les hommes depuis des années déjà parlent de la guerre et de la paix.

Désormais, ils ne peuvent plus se contenter d’en parler; ils n’ont plus le choix entre la violence et la non-violence en ce monde; c’est la non-violence ou la non-existence. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Il en va de même pour ce qui concerne la révolution en faveur des droits de l’homme: si rien n’est fait de toute urgence dans le monde entier pour sortir les peuples de couleur de leurs longues années de pauvreté, des longues années pendant lesquelles ils ont été maltraités et laissés à l’abandon, c’est le monde entier qui ira à sa perte. Aussi suis-je heureux que Dieu m’ait permis de vivre à notre époque pour voir ce qui s’y passe. Et je suis heureux qu’il m’ait accordé de me trouver aujourd’hui à Memphis.»

Et puis il évoque le sujet pour lequel il se trouve à Memphis : la défense des éboueurs noirs et il en appelle au combat social :

« Nous devons nous donner à ce combat jusqu’au bout. Rien ne serait plus désastreux que de nous arrêter en chemin, à Memphis.

Nous devons en finir. Quand nous aurons notre manifestation, il faut que vous y participiez. Même si cela signifie que vous devez planter là votre travail, même si cela signifie que vous devez sécher l’école, soyez présents. Pensez à vos frères. Vous pouvez ne pas faire grève.

Mais ou bien nous progresserons tous ensemble, ou bien nous coulerons tous ensemble. »

Puis il évoque la parabole du bon samaritain à laquelle j’avais consacré le mot du jour du 8 mars 2017. Et il conclut à la fin du récit évangélique :

«  Vous savez, il est possible que le prêtre et le lévite aient vu cet homme allongé et se soient demandé si les brigands n’étaient pas encore dans les parages. Peut-être même ont-ils cru que l’homme faisait seulement semblant. Qu’il feignait d’avoir été dévalisé et blessé pour les piéger sur-le-champ, les tromper pour se saisir d’eux tout soudain et plus aisément. (Oh oui.) Aussi la première question que le lévite avait posée était-elle: «Si je m’arrête pour aider cet homme, que va-t-il m’arriver? »

Mais le Bon Samaritain était alors passé. Et il avait posé la question à l’envers: «Si je ne m’arrête pas pour aider cet homme, que va-t-il lui arriver ? » Telle est la question qui se pose à vous ce soir. Ce n’est pas: «Si je m’arrête pour aider les éboueurs, que va-t-il en être de mon travail ?» Ce n’est pas: «Si je m’arrête pour aider les éboueurs, que va-t-il en être de toutes ces heures que j’ai l’habitude de passer à mon bureau de pasteur chaque jour et chaque semaine? » La question n’est pas: «Si je m’arrête pour aider cet homme dans le besoin, que va-t-il m’arriver ? » Elle est: «Si je ne m’arrête pas pour aider les éboueurs, que va-t-il leur arriver? » Voilà la question.

Dressons-nous ce soir avec plus encore d’empressement. Levons-nous avec une plus grande détermination. Marchons, en ces jours décisifs, en ces jours de défi, pour faire de l’Amérique ce qu’elle doit être. Nous avons une chance de faire de l’Amérique une nation meilleure. Et je veux remercier Dieu, une fois encore, de m’avoir permis d’être ici avec vous. »

Il raconte alors un épisode de sa vie, une des premières tentatives d’assassinat et une lettre d’une jeune fille qui l’a ému :

« Vous savez, il y a plusieurs années, j’étais à New York, en train de dédicacer le premier livre que j’avais écrit. Et pendant que j’étais assis, en train de dédicacer des livres, une femme noire, une démente, a surgi. La seule question que j’ai entendue de sa bouche a été: «Êtes-vous Martin Luther King? » Sans lever les yeux de ce que j’étais en train d’écrire, j’ai répondu: «Oui. » Et la minute d’après j’ai senti un coup dans la poitrine. Avant même de m’en rendre compte, j’avais été poignardé par cette démente.

J’ai été rapidement expédié à l’hôpital de Harlem. C’était par un sombre après-midi de samedi. Et cette lame m’avait traversé. Et les rayons X ont révélé que la pointe de la lame avait frôlé l’aorte, la principale artère. Une fois que celle-ci est perforée, votre propre sang vous étouffe; c’en est fini de vous. Le New York Times du lendemain matin disait que si j’avais éternué, je serais mort.

Eh bien, quatre jours plus tard environ, après l’opération, après que ma poitrine eut été ouverte et que la lame eut été extraite, on me permettait déjà de me promener dans une chaise roulante à l’intérieur de l’hôpital. On me permettait de lire une partie du courrier qui me parvenait; de tous les États-Unis et de toutes les parties du monde me parvenaient des lettres pleines de gentillesse. J’en ai lu un bon nombre, mais il en est une que je n’oublierai jamais. J’avais reçu des messages du président et du vice-président. J’ai oublié ce que disaient ces télégrammes. J’avais reçu la visite et une lettre du gouverneur de l’État de New York, mais j’ai oublié ce que disait sa lettre.

Mais il y avait une autre lettre qui venait d’une petite fille, d’une jeune fille, une élève du lycée de White Plains. Et j’ai regardé cette lettre, et je ne l’oublierai jamais. Elle disait seulement: «Cher pasteur King, je suis en seconde au lycée de White Plains. » Elle disait: « Bien que cela ne devrait pas compter, je voudrais mentionner que je suis blanche. l’ai appris par le journal le malheur qui vous est arrivé et combien vous souffrez. Et j’ai lu que si vous aviez éternué vous seriez mort. Et je vous écris simplement pour vous dire que je suis bien heureuse que vous n’ayez pas éternué. » Je veux vous dire que je suis heureux, moi aussi, de ne pas avoir éternué. Car si j’avais éternué, je n’aurais pas été là en 1960 quand les étudiants ont commencé à occuper, dans tout le Sud, les comptoirs des lieux de restauration. Et je savais que s’ils s’asseyaient devant ces comptoirs, ils n’en étaient pas moins debout, dressés pour ce qu’il y avait de meilleur dans le rêve américain; et je savais qu’ils ramenaient toute la nation aux grandes sources de la démocratie, profondément creusées dans le sol par les pères fondateurs, auteurs de notre Déclaration d’indépendance et de notre Constitution. »

Et enfin, il conclut dans un message prophétique et prémonitoire quand on sait ce qui va se passer un jour après :

« J’ai quitté Atlanta ce matin; au moment du décollage de l’appareil, nous étions six, le pilote nous a dit par l’interphone: «Nous sommes désolés d’avoir du retard, mais nous avons le pasteur Martin Luther King à bord. Et pour être sûrs que tous les sacs avaient été examinés, pour être sûrs que rien de mal n’arriverait à l’avion, il nous a fallu tout vérifier soigneusement. Nous avons fait surveiller l’appareil toute la nuit. » Et je suis arrivé à Memphis. Certains commençaient à énumérer ou à commenter les menaces qui circulaient. Et ce que voulaient me faire certains de nos frères blancs dont l’âme était malade.

Eh bien, je ne sais pas ce qui va arriver maintenant. Nous avons devant nous des journées difficiles. Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant, car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne. Je ne m’inquiète plus. Comme tout le monde, je voudrais vivre longtemps. La longévité a son prix. Mais je ne m’en soucie guère maintenant. Je veux simplement que la volonté de Dieu soit faite. Et il m’a permis d’atteindre le sommet de la montagne. J’ai regardé autour de moi. Et j’ai vu la Terre promise. Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre promise. Ainsi je suis heureux, ce soir. Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. »

C’est admirable ! Ce combat continue.

Aujourd’hui c’est probablement le mouvement « Black Lives Matter »(BLM), qui se traduit en français par « les vies des Noirs comptent » qui poursuit le chemin entamé par ce grand homme qu’était Martin Luther King.

Tombe de Martin Luther King et de son épouse Coretta à Atlanta sur laquelle on peut lire « Free at last » (Enfin libre).

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Mardi 3 avril 2018

« La liberté se confond avec le bonheur et le courage avec la liberté ! »
Périclès rendant hommage aux morts athéniens pendant la guerre du Péloponnèse

Le Président de La République, Emmanuel Macron a décrit, dans son hommage aux Invalides, les conditions dans lesquelles le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a accepté de prendre la place de l’otage que détenait le terroriste islamiste :

«Il était environ onze heures ce vendredi 23 mars 2018, lorsque le lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME s’est présenté avec ses hommes devant la grande surface de Trèbes dans l’Aude. Un quart d’heure seulement leur avait suffi pour être sur les lieux. Que savait-il à ce moment-là du terroriste qui s’y était retranché ? Il savait qu’il avait un peu plus tôt tué le passager d’un véhicule, Jean-Michel MAZIERES, et grièvement blessé son conducteur Renato GOMES DA SILVA.  Qu’il avait fait feu sur des CRS aux abords de leur caserne et blessé l’un d’entre eux à l’épaule, le brigadier Frédéric POIROT. Que dans ce commerce où il s’était retranché il avait abattu deux hommes à bout portant : Hervé SOSNA, un client, et Christian MEDVES, le chef boucher.  Nous pensons en cet instant à ces blessés, à ces morts, nos morts, et à leurs familles dans le recueillement.

Il savait aussi que le terroriste détenait une employée en otage. Qu’il se réclamait de cette hydre islamiste qui avait tant meurtri notre pays. Qu’avide de néant ce meurtrier cherchait la mort. Cherchait sa mort. Cette mort que d’autres avant lui avaient trouvée. Une mort qu’ils croyaient glorieuse, mais qui était abjecte : une mort qui serait pour longtemps la honte de sa famille, la honte des siens et de nombre de ses coreligionnaires ; une mort lâche, obtenue par l’assassinat d’innocents.

L’employée prise en otage était de ces innocents. Pour le terroriste qui la tenait sous la menace de son arme, sa vie ne comptait pas, pas plus que celle des autres victimes. Son sort sans doute allait être le même.  Mais cette vie comptait pour Arnaud BELTRAME. Elle comptait même plus que tout car elle était comme toute vie la source de sa vocation de servir.

Accepter de mourir pour que vivent des innocents, tel est le cœur de l’engagement du soldat. Être prêt à donner sa vie parce que rien n’est plus important que la vie d’un concitoyen, tel est le ressort intime de cette transcendance qui le portait. Là était cette grandeur qui a sidéré la France.  Le lieutenant-colonel BELTRAME avait démontré par son parcours exceptionnel que cette grandeur coulait dans ses veines. Elle irradiait de sa personne. Elle lui valait l’estime de ses chefs, l’amitié de ses collègues et l’admiration de ses hommes.

A cet instant toutefois d’autres, même parmi les braves, auraient peut-être transigé ou hésité. Mais le lieutenant-colonel BELTRAME s’est trouvé face à la part la plus profonde et peut-être la plus mystérieuse de son engagement.  Il a pris une décision qui n’était pas seulement celle du sacrifice, mais celle d’abord de la fidélité à soi-même, de la fidélité à ses valeurs, de la fidélité à tout ce qu’il avait toujours été et voulu être, à tout ce qui le tenait. »

Arnaud Beltrame est un héros.

Certains voudraient faire de toutes les victimes du terrorisme des héros, mais ce n’est pas le cas. Les victimes sont des victimes, elles sont assassinées parce que les terroristes islamistes les considèrent comme faisant partie de la communauté de leurs ennemis.

La nation française doit leur rendre hommage parce que c’est en raison de leur appartenance à notre nation qu’elles ont été tuées, qu’à travers leur mort chacun de nous a été atteint. Il faut entourer leurs proches, aider les blessés, accompagner positivement les uns et les autres dans la compassion, dans l’entraide et dans la fraternité de notre devise, car elles ont été atteints dans leur chair en tant que frère dans la nation.

Mais ce ne sont pas des héros. Arnaud Beltrame est un héros.

C’est un héros, parce que sachant ce qu’il savait, il a agi pour prendre la place d’une otage et connaissant l’instinct de mort de l’ignoble individu qui se trouvait dans le supermarché, il savait que le risque pour lui de mourir était immense.

Il a accepté ce risque, parce qu’il croyait à des valeurs qui étaient plus importantes que sa vie, que la conservation de sa vie.

<Mohammed Merah a dit : moi la mort je l’aime comme vous aimez la vie>

Il semblerait que Ben Laden dans une de ses diatribes contre l’Occident aurait écrit : « Nous vous avons préparé des hommes qui aiment la mort autant que vous aimez la vie. »

Toujours est-il que dans l’idéologie de ces criminels illuminés leur premier objectif est de donner la mort fusse-ce au prix de leur mort. Ils prétendent aimer la mort.

Arnaud Beltrame aimait la vie jusqu’au point de donner la sienne pour en sauver une autre. C’est une réponse immense, extraordinaire à la folie de nos ennemis : « Vous recherchez la mort pour donner la mort, il en est parmi nous qui sont capable de mourir pour sauver des vies ».

Parce qu’il existe des combats qui sont plus grands que nous, des causes plus grandes que notre vie.

Nous ne savons pas individuellement si nous serions capables de ce courage dans de telles circonstances.

Celui qui prouve ce courage est un héros.

C’est pourquoi le Colonel Arnaud Beltrame en est un.

C’est Thierry Pech, directeur général du think tank Terra nova, lors de l’émission l’Esprit Public du dimanche de Pâques qui a cité les mots de Périclès mis en exergue de ce mot du jour :

« La réponse que cet homme a apportée aux islamistes est la plus terrible qui ait été apportée jusqu’à présent.Ils croient que nous ne croyons en rien. Ils pensent qu’eux seuls ont le courage de sacrifier leur vie pour leur cause.
Et ils ont eu devant eux un sacrifice démocratique. Ils ont eu un martyr pour la vie, non pas un martyr pour la mort.
Il faut bien sûr célébrer le courage de cet homme.
Il faut célébrer cette idée que la démocratie est plus grande que nous et qu’elle mérite qu’on aille jusqu’à là, jusqu’au sacrifice ultime. »

Et il cite Périclès qui rend hommage aux morts athéniens :

« Sachez que chez nous la liberté se confond avec le bonheur, et le courage avec la liberté ! »

Propos rapportés par le grand historien grec, Thucydide, dans la Guerre du Péloponnèse.

Et vous pouvez trouver l’intégralité de la traduction de la Guerre du Péloponnèse de Thucydide sur Internet.

L’extrait dont parle Thierry Pech se trouve dans le Livre II au chapitre XLIII. Voici ce chapitre : . –

« C’est ainsi qu’ils se sont montrés les dignes fils de la cité. Les survivants peuvent bien faire des voeux pour obtenir un sort meilleur, mais ils doivent se montrer tout aussi intrépides à l’égard de l’ennemi ; qu’ils ne se bornent pas à assurer leur salut par des paroles. Ce serait aussi s’attarder bien inutilement que d’énumérer, devant des gens parfaitement informés comme vous l’êtes, tous les biens attachés à la défense du pays. Mais plutôt ayez chaque jour sous les yeux la puissance de la cité ; servez -la avec passion et quand vous serez bien convaincus de sa grandeur, dites-vous que c’est pour avoir pratiqué l’audace, comme le sentiment du devoir et observé l’honneur dans leur conduite que ces guerriers la lui ont procurée. Quand ils échouaient, ils ne se croyaient pas en droit de priver la cité de leur valeur et c’est ainsi qu’ils lui ont sacrifié leur vertu comme la plus noble contribution. Faisant en commun le sacrifice de leur vie, ils ont acquis chacun pour sa part une gloire immortelle et obtenu la plus honorable sépulture. C’est moins celle où ils reposent maintenant que le souvenir immortel sans cesse renouvelé par les discours et les commémorations. Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau. Ce qui les signale à l’attention, ce n’est pas seulement dans leur patrie les inscriptions funéraires gravées sur la pierre ; même dans les pays les plus éloignés leur souvenir persiste, à défaut d’épitaphe, conservé dans la pensée et non dans les monuments. Enviez donc leur sort, dites-vous que la liberté se confond avec le bonheur et le courage avec la liberté et ne regardez pas avec dédain les périls de la guerre. Ce ne sont pas les malheureux, privés de l’espoir d’un sort meilleur, qui ont le plus de raisons de sacrifier leur vie, mais ceux qui de leur vivant risquent de passer d’une bonne à une mauvaise fortune et qui en cas d’échec verront leur sort complètement changé. Car pour un homme plein de fierté, l’amoindrissement causé par la lâcheté est plus douloureux qu’une mort qu’on affronte avec courage, animé par l’espérance commune et qu’on ne sent même pas. »

Jean-Luc Melenchon a eu des paroles lumineuses, comme il sait parfois les porter, à l’Assemblée nationale :

« Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a remis le monde humain en ordre. Il a assumé la primauté d’un altruisme absolu : celui qui prend pour soi la mort possible de l’autre, illustrant ainsi les valeurs de foi et de philosophie auxquelles il était attaché personnellement. En ce sens, le lieutenant-colonel Beltrame est un héros de la condition humaine. »

Robert Badinter, du haut de la sagesse de ses 90 ans a rendu cet hommage au Colonel Beltrame

« Que le colonel Beltrame soit mort en héros, les hommages et les larmes de tant de Français de toutes origines et de toutes conditions l’ont proclamé. Un héros est en effet celui qui accepte de donner sa vie pour servir son idéal. Mais au-delà de cette grandeur, on doit s’interroger sur le sens de ce sacrifice, sur la cause pour laquelle il choisit de mourir, car il est des causes qui font horreur.

Ainsi en est-il du terrorisme. Le jihadiste qui se fait exploser au milieu de ces victimes innocentes commet un acte monstrueux. Mais pour les partisans de son idéologie, il est un martyr. Assassin pour nous, martyr pour les siens : c’est pourtant du même homme et du même acte dont il s’agit.

Dès lors, s’agissant de notre héros le colonel Beltrame, il faut, pour prendre la mesure de son sacrifice, dégager le sens de son action. Le colonel Beltrame est mort parce qu’il a donné sa vie pour sauver d’autres vies. C’est la plus noble expression de la fraternité. Son sacrifice est à l’opposé du crime du jihadiste, qui meurt pour que d’autres êtres humains périssent avec lui ou à cause de lui.

Comme les fascistes espagnols, hurlant jadis dans les ruines de Tolède « Viva la muerte ! », c’est au culte de la mort que le jihadiste se voue. Le colonel Beltrame, lui, agit à l’opposé. C’est pour épargner la vie d’innocents qu’il a donné la sienne. Que son souvenir demeure vivant à travers les générations. Il a servi la cause de l’humanité toute entière. Merci, mon colonel ! »

Oui Merci mon colonel, d’avoir remis le monde humain en ordre.

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Mardi 27 mars 2018

« Nier la mort »
Tentative de certains humains à l’aide d’outils numériques et d’intelligence artificielle

C’est le journal <Les Echos> dans son édition du 5 mars 2018 qui l’écrit : « L’intelligence artificielle commence à faire parler les morts »

C’est ainsi qu’un américain et qu’une russe ont programmé des « chatbots » à partir d’anciennes conversations avec leurs proches décédés :

John James Vlahos est mort d’un cancer en février 2017. Son fils, James, continue pourtant de discuter avec lui via Facebook Messenger. Il a intégré sur le réseau social une intelligence artificielle (IA) de sa confection, le « dadbot ». Pour le programmer, ce journaliste américain a profité des derniers mois de vie de son père pour enregistrer leurs conversations. Sa passion pour le football américain, les origines grecques de sa famille, l’histoire de son premier chien… Les souvenirs de John James Vlahos, comme son sens de l’humour et sa façon de lui demander « How the hell are you ? », lui survivent désormais artificiellement dans le « dadbot », sollicitable à chaque instant, comme n’importe quel contact Facebook.

Et une femme russe a eu une idée analogue, elle habite San Fransisco. Cela reste donc une histoire américaine :

« Alors qu’elle pleurait son meilleur ami, décédé brutalement dans un accident de voiture,  Eugenia Kuyda a tenté de l’immortaliser dans une IA baptisée « Replika ». Ce robot conversationnel, qu’elle a mis en route en 2016, s’est nourri des milliers de messages que les deux amis s’échangeaient en ligne. »

C’est un sociologue Patrick Baudry auteur de « La Place des morts, enjeux et rites » (L’Harmattan, 2006) qui dit :

« Avec ces technologies, on fait comme si la personne pouvait encore être là. C’est une tendance assez logique de notre culture contemporaine dans ses relations à la mort et aux morts ».

Perdre un être cher, c’est se retrouver face à une absence radicale, irréversible. James Vlahos et Eugenia Kuyda ont tous deux bricolé des « chatbots » pour se soustraire à cette réalité insupportable. Patrick Baudry explique :

« On a tous un penchant naturel à nier qu’une personne est partie […].

Mais là où, jadis, des rites funéraires accompagnaient la mort d’une personne, où les conventions sociales nous imposaient d’entrer en deuil et d’en sortir, notre société contemporaine laisse chacun se débrouiller à sa manière, et même rapproche de plus en plus le vivant et le mort. Bientôt, dans les entreprises de pompes funèbres, on proposera des hologrammes ! »

Les Echos donnent aussi la parole à une psychologue spécialiste du deuil : Véra Fakhry :

«  Après une période de choc liée au décès, la phase suivante est de rechercher la personne décédée. On va croire qu’on la croise dans la rue, on va relire ses messages… Cette phase est normale la première année, mais si elle continue, elle devient pathologique »

Le réseau social Facebook avait déjà semé les germes de cette immortalité artificielle. En effet des profils de personnes défuntes, changées en mémorial sur Facebook, sont quotidiennement inondés de messages.

James Vlahos  se fixe pourtant une limite à ce jeu bizarre :

« Pour moi, il y a une limite morbide à ne pas dépasser. Il ne faut pas essayer de créer quelque chose de trop réaliste »

Mais il avoue cependant :

« Essayer d’améliorer ‘dadbot’ tous les jours ».

Il comprend que son invention virtuelle ne remplacera jamais son père mais il voit dans cette technologie un bon moyen de « se souvenir de lui » et de transmettre ce souvenir à ses enfants.

Il est toujours compliqué de faire son deuil, mais être à la limite de nier la mort et se créer une illusion virtuelle simulant la présence de l’absent, me parait une réponse inappropriée et peu sage.

Il est à craindre cependant que dans l’avenir, des entreprises avides de business nouveaux proposent de telles béquilles virtuelles pour simuler la continuation de la présence d’un être cher en profitant de la détresse de celles et ceux qui sont dans le deuil.

Parfois, je viens à me demander si la religion n’est tout compte fait pas une solution plus sage que ces délires numériques.

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Lundi 19 mars 2018

«Un sentiment de lassitude et de souffrance » »
Martin Hirsch directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, parlant des personnels hospitaliers

Vous trouverez en commentaire le témoignage de Florence qui apporte la réalité du vécu à cet article issu du travail de journalistes

Dans le journal le Monde du 17/03/2018 j’ai lu un article : « Les urgences hospitalières confrontées à une surchauffe inhabituelle sur l’ensemble du territoire »

Et voici ce que j’ai lu :

« Confrontées à un afflux de patients âgés et à un manque de lits d’hospitalisation, les urgences explosent.

Selon des chiffres fournis par le ministère de la santé vendredi 16 mars, 97 hôpitaux sur les 650 – publics ou privés – comportant une structure d’urgences avaient, au 13 mars, activé le plan « hôpital en tension », un dispositif qui permet notamment de libérer des lits dans les différents services en reportant des opérations programmées. Une saturation inhabituelle à cette époque de l’année.

Depuis le début du mois, dans les services d’urgences adultes des établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux d’occupation est aussi en augmentation, selon l’heure de la journée, de 15 % à 25 % par rapport au taux moyen en 2016, soit « pratiquement le niveau observé au pic des épidémies hivernales ». Par comparaison, ces deux dernières années, le taux d’occupation en mars était proche du taux moyen annuel (soit + 5 % environ).

Un autre indicateur a également viré au rouge : le nombre de passages de personnes de plus de 75 ans dans les hôpitaux de l’AP-HP a enregistré ces sept derniers jours des hausses comprises entre 8 % et 20 % par rapport à la même période l’année dernière. Dans un prestigieux hôpital parisien, un médecin urgentiste explique avoir été ce mois-ci « en situation de crise permanente ». « Nous n’avons plus de salle d’examen disponible et nous examinons donc les patients dans les couloirs », raconte-t-il sous le couvert de l’anonymat.

Le phénomène touche toute la France. « On a l’impression de revivre la canicule de 2003, témoigne Pierre Mardegan, le responsable des urgences à l’hôpital de Montauban. Devoir hospitaliser entre 25 et 30 personnes âgées par jour, je n’ai jamais connu ça en vingt ans d’exercice. » Signe de la gravité de la crise, au centre hospitalier de Bourges, il a été expressément demandé aux habitants « de ne venir aux urgences qu’en cas de nécessité absolue ».

A Strasbourg, les syndicats FO et CFTC ont dénoncé une situation « extrêmement critique » et ont lancé un appel à la grève à partir du 20 mars.

« Depuis une semaine, c’est la catastrophe », assure Mathias Wargon, le chef des urgences de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « On ne prend pas de risque vital avec les patients, mais ce n’est pas de la bonne médecine », regrette-t-il.

« Ça craque de partout, l’hôpital est en train de s’écrouler », juge Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France et membre de la CGT.

« Cette situation est le signe que le modèle hospitalier est au bout du bout et qu’il doit se réorganiser », abonde François Braun, le président de Samu-Urgences de France. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, son organisation a mis en place un dispositif de comptage quotidien – sur la base du volontariat – du nombre de personnes admises aux urgences ne trouvant pas de lits d’hospitalisation.

Le résultat est édifiant : entre le 10 janvier et le 9 mars, sur une centaine de services d’urgences (sur un total de 650), plus de 15 000 patients ont passé la nuit sur un brancard, faute de lit d’hospitalisation. « En extrapolant à tous les services, cela représente près de 100 000 patients en deux mois », précise M. Braun. Cette surcharge « entraîne une augmentation de la mortalité de 9 % pour tous les patients et de 30 % pour les patients les plus graves », affirme Samu-Urgences de France, dans un communiqué. La médiatisation de décès survenus ces derniers jours dans plusieurs services d’urgences saturés ont d’ailleurs mis en lumière la situation de crise dans ces hôpitaux. A Reims et à Rennes, des enquêtes judiciaires ont même été ouvertes.

A quoi attribuer cette fréquentation inhabituelle ? La direction de l’AP-HP fait valoir que « ces derniers jours, l’épidémie de grippe saisonnière, marquée par une proportion plus importante de souche virale B, impacte davantage la population âgée, ce qui a entraîné une augmentation des hospitalisations pour pathologies respiratoires ».

L’hypothèse d’un effet grippe ne suffit pas aux urgentistes. « Le pic de l’épidémie était mi-janvier », assure M. Braun. « On est en dehors de tout épisode épidémique, la situation n’est donc pas liée uniquement à cela », complète M. Mardegan, à Montauban. Pour ces médecins, un tel degré d’engorgement est d’abord la conséquence de toute une série de « dysfonctionnements » de l’hôpital. Alors que la population est vieillissante et que les médecins de ville sont de moins en moins nombreux et accessibles, ils font valoir que l’hôpital ne s’est pas réorganisé en conséquence et ne dispose pas de suffisamment de lits d’hospitalisation générale pour accueillir des personnes âgées polypathologiques. »

Frédéric Pommier qui a consacré une grande partie de sa revue de presse de dimanche à ce sujet, a commenté : « Les services des urgences sont donc au bord de l’explosion, et les hôpitaux parisiens sont à bout de souffle eux-aussi. Le personnel soignant, comme les chefs de service dénoncent un manque de moyens. »

Et Martin Hirsch, le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris reconnaît lui-même dans le même journal « un sentiment de lassitude et de souffrance ». Il appelle à une transformation profonde de l’hôpital. Sachant qu’on est sans doute au-delà de la lassitude.

Et puis le Monde a publié un autre article : <« Ras-le-bol », « découragement », « perte de sens » : le malaise de l’AP-HP>

On lit :

L’hôpital public, pour elle, c’est terminé. A la fin du mois, après douze années comme infirmière de bloc opératoire dans un hôpital de la banlieue parisienne de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Agathe (tous les prénoms ont été modifiés) va raccrocher la blouse. A 43 ans, elle se dit « fatiguée » et « triste » d’avoir dû se résoudre à ce choix. Il y a huit ans, le service d’obstétrique où elle travaille effectuait 2 800 accouchements par an. Il en fait aujourd’hui 900 de plus, à effectif constant. « Ils ont fait de notre service une usine, raconte-t-elle. On nous presse, on nous stresse, on nous demande du rendement… La chef de service nous rappelle constamment que, si on ne fait pas tel chiffre d’activité, on nous réduira les postes… »

A quelques kilomètres de là, dans un établissement parisien de l’AP-HP, Pascale, une aide-soignante de 35 ans, songe, elle aussi, parfois, à démissionner. Elle dénonce l’évolution « négative et dangereuse » du métier qu’elle exerce depuis treize ans. « Pour payer mes études, j’avais bossé à McDo. Toute la journée, on entendait : « On y va ! On y va ! » J’ai retrouvé ça au bloc ces dernières années. On n’a plus le temps de discuter avec les patients angoissés avant une opération… »

Et pendant ce temps, où les infirmières n’ont plus le temps de s’occuper vraiment des malades, de leur parler, de les toucher, bref exprimer de l’humanité, les scientifiques nous disent :

«  Des études de plus en plus nombreuses prouvent les bienfaits du contact corporel.
La dernière en date publiée la semaine dernière dans la revue PNAS a étudié les effets analgésiques induits par le toucher. […]

Parce qu’on sait à quel point le lien tactile est important dans les interactions entre les humains. Le toucher pouvant diminuer le stress et l’anxiété et renforcer l’attachement à tous les âges de la vie.
C’est le cas bien sûr entre le bébé et sa maman avec les effets du « peau à peau » qui sont bien connus mais aussi chez les personnes âgées dont le corps est pourtant souvent repoussé et mis à distance. Des études ont montré que le toucher faisait baisser la peur et l’angoisse de la mort chez des patients en fin de vie.

Le philosophe du corps Bernard Andrieu regrette cette perte du lien tactile dans nos sociétés.

Il observe que le toucher et ce besoin d’être touché, disparaissent au profit du virtuel et de l’immatériel. Et il nous invite sans tarder à une reconquête sensorielle pour découvrir ces pouvoirs immenses. »

Ces informations vous les trouverez dans cette émission : <le pouvoir du toucher> dans la chronique de Mathieu Vidard du 15 mars 2018.

Une émission de Mathieu Vidard plus ancienne, de 2016, expliquait tout cela plus longuement <La tête au carré du 3 février 2016>. Et il suggérait :

« Le toucher pourrait bien être celui de nos cinq sens qui nous connecte le plus directement à nos semblables. »

A force de rendement, de compétition, de productivité nous allons vers plus d’inhumanité.

Dans le mot du jour qui parlait des abeilles qui pollinise avant de produire du miel, Yann Moulier Boutang rappelait :

« Qu’est-ce que fait l’humain principalement ? Un output marchand à partir de marchandise ?
Non ! il produit essentiellement du vivant à partir du vivant.

L’humain ne fait pas que se reproduire, il met au monde des enfants mais qu’il élève et en cela il crée quelque chose de nouveau !

Il produit son environnement, il produit des relations, il produit du lien etc.

Mais pour des humains, en dehors des sociologues qui faisait de grandes déclarations qui disaient « le lien social c’est important », les assistantes sociales qui disaient « il ne faut pas couper dans les dépenses publiques », « il ne faut pas couper dans l’éducation parce que c’est la base de la société, parce que c’est la richesse de la société ». Parce que c’est aussi la possibilité pour les entreprises de ne pas avoir des employés qui sont totalement malades ou totalement handicapés sur tous les plans. »

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Jeudi 22 février 2018

« Modifier son rapport au temps, pour beaucoup d’entre nous, c’est d’abord réinvestir le présent. »
Christophe André

Je poursuis et termine mon butinage du numéro 185 du mercredi 17 janvier du « le un » qui posait cette belle question : « Est-il urgent de ralentir ? »

Ce numéro m’a appris aussi que la réflexion féconde qu’avait jadis popularisée François Mitterrand : « Il faut laisser du temps au temps » est de Miguel de Cervantés.

<Cette recherche érudite confirme que cette expression se trouve bien dans le Don Quichotte de Cervantés>

Mais c’est sur un article de Christophe André que je m’arrêterai aujourd’hui : « Renoncer et savourer »

Christophe André, commence d’abord par une histoire vécue :

« La scène se passe en il y a quelques années. Nous avons fait halte dans un hôtel, au petit déjeuner, je fais la queue avec d’autres clients pour obtenir une omelette double. Un cuistot les prépare sous nos yeux, et elles ont l’air délicieux. Mais que l’attente est longue ! Je m’impatiente et je me penche pour comprendre. C’est clair : le cuisinier est très minutieux, ajoute de nombreux ingrédients, épices, les uns après les autres, bavarde avec les clients…

Mais un détail me frappe : alors qu’il dispose de deux feux : devant lui, il n’en utilise qu’une. « Il pourrait aller deux fois plus vite, s’il se servait des deux feux », me chuchote mon cerveau d’occidental pressé.

Aussitôt, je réalise à quel point je suis intoxiqué : je suis en vacances, je n’ai pas d’horaires à respecter ce matin-là, et me voilà agacé d’attendre une délicieuse omelette, souhaitant que ce brave cuisinier accélère, ne parle plus aux clients, bâcle son travail, pour servir mon appétit absurde de vitesse et d’accélération !

Cet auto-allumage spontané de mon logiciel cérébral d’accélérite me montre à quel point le mal est profond, en moi, comme en beaucoup de mes contemporains…

Il fait alors une analyse et utilise ce nouveau concept « d’accélérite »

Nous souffrons d’accélérite, ce besoin que tout aille vite, ce sentiment constant que nous n’avons pas de temps à perdre. […]

Il y a ce constat simple et terrifiant : le monde est d’une richesse inépuisable, et une vie humaine entière ne suffira jamais à en explorer et à en savourer toutes les merveilles. Nous ne pouvons jamais lire tous les livres, visiter tous les lieux, rencontrer toutes les personnes, satisfaire toutes nos curiosités. Ce jamais nous fait trembler, et induit en nous ce sentiment absurde qu’en accélérant le pas, nous en ferons au moins un petit peu plus qu’en prenant notre temps. Notre monde est infini, nous sommes mortels, alors nous accélérons…

Puis, il nous incite à prendre garde et à interroger la notion d’« opportunité » ou de « potentialité » que le monde moderne nous conditionne à ne jamais laisser passer :

« [Dans notre] société de consommation : une société de pléthores et d’incitation, qui nous pousse à avaler le plus grand nombre possible de nourritures, de loisirs, d’informations, de distractions, de rencontres, de voyages…

Toutes ces potentialités comme les nomme le jargon moderne (plutôt que possibilités, plus paisible, moins excitant) sont des incitations à ne rien laisser passer : aucun achat, aucun plaisir, aucune opportunité (ah ! L’angoisse du consommateur de rater une opportunité !) »

Et il remet en cause de la même manière le terme de « réactivité » qui semble unilatéralement positif dans notre univers contemporain :

« Si la réactivité est devenue une valeur, au lieu de rester un simple comportement, parfois adapté et utile, mais parfois aussi stupide : réagir vite conduit souvent à faire ou dire des bêtises. »

Et c’est donc vers cette sagesse qui est de renoncer parfois que nous incite Christophe André : renoncer et savourer

« La pression du temps est désormais l’un des grands facteurs de stress moderne. […] Nous avons alors à le dégager de son emprise, en apprenant notamment à renoncer. Renoncer ? Cela semble tout bête : se dire qu’on n’aura jamais le temps de tout faire et de tout voir. Et pas seulement celui de se le dire, mais s’y entraîner.

[…] Savourer ? Trop souvent, nous regardons ailleurs : vers d’autres choses que celles que nous possédons, vers d’autres temps (passés ou futurs) que ceux que nous vivons. Modifier son rapport au temps, pour beaucoup d’entre nous, c’est d’abord réinvestir le présent. Non que le présent soit supérieur au passé ou au futur, mais il est tout aussi précieux et important. Or, c’est lui qui est en général bousculé et rongé par le consumérisme, qui souffle sur les braises de nos désirs et de nos regrets. »

Et puis il conclut par une réflexion sur notre finitude :

« La conscience que nous avons de notre mortalité est à l’origine de beaucoup de nos angoisses et de nos comportements aberrants. Pourtant en psychologie expérimentale, quand on écarte l’idée de mort de l’esprit des gens, en induisant chez eux l’idée qu’ils ont encore beaucoup de temps à vivre, il se montre désireux de faire le plus grand nombre possible de nouvelles expériences. Mais si on leur rappelle que leur vie aura un terme, il se montre alors beaucoup plus désireux de savourer ce qui existe déjà (relations, source de satisfaction), d’approfondir plus que de courir. Ainsi, la solution à nos angoisses humaines de mort n’est pas dans la fuite de l’accélération ou de la dispersion, mais dans la lucidité du ralentissement et de l’approfondissement. […]

En terme de règles de vie, c’est remplacer le : « Pourquoi courir ? Parce que je vais mourir ! » Par : « Pourquoi courir, puisque je vais mourir ? »

La lucidité du ralentissement et de l’approfondissement.

Réinvestir notre présent, quelle savoureuse leçon de vie !

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Mardi 20 février 2018

« Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons. »
Jean Giono « rondeur des jours »

L’hebdomadaire « le Un » du mercredi 17 janvier 2018 posait cette question d’une grande actualité : « est-il urgent de ralentir ? »

Julien Bisson, Rédacteur en chef du UN introduisait le sujet, en citant Jean Giono dans un livre appelée « Rondeur des jours » :

« Les jours commencent et finissent dans une heure trouble de la nuit.

Ils n’ont pas la forme longue, cette forme des choses qui vont vers des buts : la flèche, la route, la course de l’homme.

Ils ont la forme ronde, cette forme des choses éternelles et statiques : le soleil, le monde, Dieu.

La civilisation a voulu nous persuader que nous allons vers quelque chose, un but lointain.

Nous avons oublié que notre seul but, c’est vivre et que vivre nous le faisons chaque jour et tous les jours et qu’à toutes les heures de la journée nous atteignons notre but véritable si nous vivons.

Tous les gens civilisés se représentent le jour comme commençant à l’aube ou un peu après, ou longtemps après, enfin à une heure fixée par le début de leur travail ; qu’il s’allonge à travers leur travail, pendant ce qu’ils appellent « toute la journée »; puis qu’il finit quand ils ferment les paupières.

Ce sont ceux-là qui disent : les jours sont longs. Non, les jours sont ronds. »

Jean Giono oppose donc à la flèche du temps une expression de rondeur, la « rondeur du jour », autrement dit un cycle.

Julien Bisson explique :

« Cette forme éternelle et statique qui seule nous offre un sentiment de complétude ».

Et il conclut son article par cette injonction : « il est urgent de ralentir ».

Probablement a-t-il raison.

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