Mardi 3 avril 2018

« La liberté se confond avec le bonheur et le courage avec la liberté ! »
Périclès rendant hommage aux morts athéniens pendant la guerre du Péloponnèse

Le Président de La République, Emmanuel Macron a décrit, dans son hommage aux Invalides, les conditions dans lesquelles le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a accepté de prendre la place de l’otage que détenait le terroriste islamiste :

«Il était environ onze heures ce vendredi 23 mars 2018, lorsque le lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME s’est présenté avec ses hommes devant la grande surface de Trèbes dans l’Aude. Un quart d’heure seulement leur avait suffi pour être sur les lieux. Que savait-il à ce moment-là du terroriste qui s’y était retranché ? Il savait qu’il avait un peu plus tôt tué le passager d’un véhicule, Jean-Michel MAZIERES, et grièvement blessé son conducteur Renato GOMES DA SILVA.  Qu’il avait fait feu sur des CRS aux abords de leur caserne et blessé l’un d’entre eux à l’épaule, le brigadier Frédéric POIROT. Que dans ce commerce où il s’était retranché il avait abattu deux hommes à bout portant : Hervé SOSNA, un client, et Christian MEDVES, le chef boucher.  Nous pensons en cet instant à ces blessés, à ces morts, nos morts, et à leurs familles dans le recueillement.

Il savait aussi que le terroriste détenait une employée en otage. Qu’il se réclamait de cette hydre islamiste qui avait tant meurtri notre pays. Qu’avide de néant ce meurtrier cherchait la mort. Cherchait sa mort. Cette mort que d’autres avant lui avaient trouvée. Une mort qu’ils croyaient glorieuse, mais qui était abjecte : une mort qui serait pour longtemps la honte de sa famille, la honte des siens et de nombre de ses coreligionnaires ; une mort lâche, obtenue par l’assassinat d’innocents.

L’employée prise en otage était de ces innocents. Pour le terroriste qui la tenait sous la menace de son arme, sa vie ne comptait pas, pas plus que celle des autres victimes. Son sort sans doute allait être le même.  Mais cette vie comptait pour Arnaud BELTRAME. Elle comptait même plus que tout car elle était comme toute vie la source de sa vocation de servir.

Accepter de mourir pour que vivent des innocents, tel est le cœur de l’engagement du soldat. Être prêt à donner sa vie parce que rien n’est plus important que la vie d’un concitoyen, tel est le ressort intime de cette transcendance qui le portait. Là était cette grandeur qui a sidéré la France.  Le lieutenant-colonel BELTRAME avait démontré par son parcours exceptionnel que cette grandeur coulait dans ses veines. Elle irradiait de sa personne. Elle lui valait l’estime de ses chefs, l’amitié de ses collègues et l’admiration de ses hommes.

A cet instant toutefois d’autres, même parmi les braves, auraient peut-être transigé ou hésité. Mais le lieutenant-colonel BELTRAME s’est trouvé face à la part la plus profonde et peut-être la plus mystérieuse de son engagement.  Il a pris une décision qui n’était pas seulement celle du sacrifice, mais celle d’abord de la fidélité à soi-même, de la fidélité à ses valeurs, de la fidélité à tout ce qu’il avait toujours été et voulu être, à tout ce qui le tenait. »

Arnaud Beltrame est un héros.

Certains voudraient faire de toutes les victimes du terrorisme des héros, mais ce n’est pas le cas. Les victimes sont des victimes, elles sont assassinées parce que les terroristes islamistes les considèrent comme faisant partie de la communauté de leurs ennemis.

La nation française doit leur rendre hommage parce que c’est en raison de leur appartenance à notre nation qu’elles ont été tuées, qu’à travers leur mort chacun de nous a été atteint. Il faut entourer leurs proches, aider les blessés, accompagner positivement les uns et les autres dans la compassion, dans l’entraide et dans la fraternité de notre devise, car elles ont été atteints dans leur chair en tant que frère dans la nation.

Mais ce ne sont pas des héros. Arnaud Beltrame est un héros.

C’est un héros, parce que sachant ce qu’il savait, il a agi pour prendre la place d’une otage et connaissant l’instinct de mort de l’ignoble individu qui se trouvait dans le supermarché, il savait que le risque pour lui de mourir était immense.

Il a accepté ce risque, parce qu’il croyait à des valeurs qui étaient plus importantes que sa vie, que la conservation de sa vie.

<Mohammed Merah a dit : moi la mort je l’aime comme vous aimez la vie>

Il semblerait que Ben Laden dans une de ses diatribes contre l’Occident aurait écrit : « Nous vous avons préparé des hommes qui aiment la mort autant que vous aimez la vie. »

Toujours est-il que dans l’idéologie de ces criminels illuminés leur premier objectif est de donner la mort fusse-ce au prix de leur mort. Ils prétendent aimer la mort.

Arnaud Beltrame aimait la vie jusqu’au point de donner la sienne pour en sauver une autre. C’est une réponse immense, extraordinaire à la folie de nos ennemis : « Vous recherchez la mort pour donner la mort, il en est parmi nous qui sont capable de mourir pour sauver des vies ».

Parce qu’il existe des combats qui sont plus grands que nous, des causes plus grandes que notre vie.

Nous ne savons pas individuellement si nous serions capables de ce courage dans de telles circonstances.

Celui qui prouve ce courage est un héros.

C’est pourquoi le Colonel Arnaud Beltrame en est un.

C’est Thierry Pech, directeur général du think tank Terra nova, lors de l’émission l’Esprit Public du dimanche de Pâques qui a cité les mots de Périclès mis en exergue de ce mot du jour :

« La réponse que cet homme a apportée aux islamistes est la plus terrible qui ait été apportée jusqu’à présent.Ils croient que nous ne croyons en rien. Ils pensent qu’eux seuls ont le courage de sacrifier leur vie pour leur cause.
Et ils ont eu devant eux un sacrifice démocratique. Ils ont eu un martyr pour la vie, non pas un martyr pour la mort.
Il faut bien sûr célébrer le courage de cet homme.
Il faut célébrer cette idée que la démocratie est plus grande que nous et qu’elle mérite qu’on aille jusqu’à là, jusqu’au sacrifice ultime. »

Et il cite Périclès qui rend hommage aux morts athéniens :

« Sachez que chez nous la liberté se confond avec le bonheur, et le courage avec la liberté ! »

Propos rapportés par le grand historien grec, Thucydide, dans la Guerre du Péloponnèse.

Et vous pouvez trouver l’intégralité de la traduction de la Guerre du Péloponnèse de Thucydide sur Internet.

L’extrait dont parle Thierry Pech se trouve dans le Livre II au chapitre XLIII. Voici ce chapitre : . –

« C’est ainsi qu’ils se sont montrés les dignes fils de la cité. Les survivants peuvent bien faire des voeux pour obtenir un sort meilleur, mais ils doivent se montrer tout aussi intrépides à l’égard de l’ennemi ; qu’ils ne se bornent pas à assurer leur salut par des paroles. Ce serait aussi s’attarder bien inutilement que d’énumérer, devant des gens parfaitement informés comme vous l’êtes, tous les biens attachés à la défense du pays. Mais plutôt ayez chaque jour sous les yeux la puissance de la cité ; servez -la avec passion et quand vous serez bien convaincus de sa grandeur, dites-vous que c’est pour avoir pratiqué l’audace, comme le sentiment du devoir et observé l’honneur dans leur conduite que ces guerriers la lui ont procurée. Quand ils échouaient, ils ne se croyaient pas en droit de priver la cité de leur valeur et c’est ainsi qu’ils lui ont sacrifié leur vertu comme la plus noble contribution. Faisant en commun le sacrifice de leur vie, ils ont acquis chacun pour sa part une gloire immortelle et obtenu la plus honorable sépulture. C’est moins celle où ils reposent maintenant que le souvenir immortel sans cesse renouvelé par les discours et les commémorations. Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau. Ce qui les signale à l’attention, ce n’est pas seulement dans leur patrie les inscriptions funéraires gravées sur la pierre ; même dans les pays les plus éloignés leur souvenir persiste, à défaut d’épitaphe, conservé dans la pensée et non dans les monuments. Enviez donc leur sort, dites-vous que la liberté se confond avec le bonheur et le courage avec la liberté et ne regardez pas avec dédain les périls de la guerre. Ce ne sont pas les malheureux, privés de l’espoir d’un sort meilleur, qui ont le plus de raisons de sacrifier leur vie, mais ceux qui de leur vivant risquent de passer d’une bonne à une mauvaise fortune et qui en cas d’échec verront leur sort complètement changé. Car pour un homme plein de fierté, l’amoindrissement causé par la lâcheté est plus douloureux qu’une mort qu’on affronte avec courage, animé par l’espérance commune et qu’on ne sent même pas. »

Jean-Luc Melenchon a eu des paroles lumineuses, comme il sait parfois les porter, à l’Assemblée nationale :

« Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a remis le monde humain en ordre. Il a assumé la primauté d’un altruisme absolu : celui qui prend pour soi la mort possible de l’autre, illustrant ainsi les valeurs de foi et de philosophie auxquelles il était attaché personnellement. En ce sens, le lieutenant-colonel Beltrame est un héros de la condition humaine. »

Robert Badinter, du haut de la sagesse de ses 90 ans a rendu cet hommage au Colonel Beltrame

« Que le colonel Beltrame soit mort en héros, les hommages et les larmes de tant de Français de toutes origines et de toutes conditions l’ont proclamé. Un héros est en effet celui qui accepte de donner sa vie pour servir son idéal. Mais au-delà de cette grandeur, on doit s’interroger sur le sens de ce sacrifice, sur la cause pour laquelle il choisit de mourir, car il est des causes qui font horreur.

Ainsi en est-il du terrorisme. Le jihadiste qui se fait exploser au milieu de ces victimes innocentes commet un acte monstrueux. Mais pour les partisans de son idéologie, il est un martyr. Assassin pour nous, martyr pour les siens : c’est pourtant du même homme et du même acte dont il s’agit.

Dès lors, s’agissant de notre héros le colonel Beltrame, il faut, pour prendre la mesure de son sacrifice, dégager le sens de son action. Le colonel Beltrame est mort parce qu’il a donné sa vie pour sauver d’autres vies. C’est la plus noble expression de la fraternité. Son sacrifice est à l’opposé du crime du jihadiste, qui meurt pour que d’autres êtres humains périssent avec lui ou à cause de lui.

Comme les fascistes espagnols, hurlant jadis dans les ruines de Tolède “Viva la muerte !”, c’est au culte de la mort que le jihadiste se voue. Le colonel Beltrame, lui, agit à l’opposé. C’est pour épargner la vie d’innocents qu’il a donné la sienne. Que son souvenir demeure vivant à travers les générations. Il a servi la cause de l’humanité toute entière. Merci, mon colonel ! »

Oui Merci mon colonel, d’avoir remis le monde humain en ordre.

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Une réflexion au sujet de « Mardi 3 avril 2018 »

  • 3 avril 2018 à 19 h 38 min
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    « Accorde à ton serviteur un cœur intelligent pour juger de ton peuple, pour discerner le bien et le mal… » demande Salomon à l’éternel dans la Bible, le livre des rois.
    Assurément, ce vœu n’ été exhaussé que pour quelques élus

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