Vendredi 10 décembre 2021

« C’était une situation effrayante tendue et triste. »
Anna von Hausswolff

Il a suffi de quelques dizaines de catholiques intégristes pour bloquer, mardi soir, l’accès de l’église « Notre-Dame-de-Bon-Port » à Nantes pour que le concert soit annulé.

Le concert était celui d’une artiste suédoise : Anna von Hausswolff

Son patronyme allemand signifie « le loup de la maison », les intégristes lui reprochaient de tenir des propos « satanistes ». Dans un morceau évoquant la drogue, Anna von Hausswolff chante avoir « fait l’amour avec le diable ». Probablement que ces esprits simples et théo-centrés ne savent pas ce qu’est une métaphore.

<Libération> présente ainsi cette chanteuse :

« Sombre, mais lumineuse. L’argutie […] vaut absolument pour la musique d’Anna von Hausswolff, artiste née dans le rock, à la voix puissante et timbrée, proche de celles de Kate Bush, Grace Slick ou PJ Harvey, au toucher unique sur les grandes orgues, son instrument fétiche, et qu’adorent autant les amateurs de sucreries pop suédoises que les fous de musique sombre voire de metal extrême. […]

Adepte des formes à rallonge, indescriptibles avec les vieux mots du rock, Anna von Hausswolff a développé son œuvre indifféremment dans le cadre traditionnel de la chanson à texte, inspirée par ses lectures, la nature, les lieux hantés par l’occulte et le vieux monde finissant, et celui d’une musique liturgique inventée, enracinée nulle part ailleurs que dans son imaginaire, lieu de musique inattendu, et merveilleux, où méditer et se ressourcer. Le plus naturellement du monde, elle a aussi doublé sa quête sonore d’une quête spirituelle qui n’appartient qu’à elle, écumant les églises les plus reculées pour y expérimenter avec les instruments les plus rares[…]

« Ma musique est faite pour les églises et mon instrument principal est l’orgue. », nous expliquait-elle, sonnée, au lendemain de l’annulation de son récital à Notre-Dame-de-Bon-Port, la première de sa carrière, quand elle joue dans des lieux de culte depuis plus de dix ans.

« Je respecte leurs traditions et toutes les cérémonies qui s’y déroulent. Nous avons toujours travaillé en bonne entente, jamais l’un contre l’autre. Ça s’est toujours bien passé, chaque partie satisfaite, avec beaucoup d’amour et de respect. Grâce à ma musique, tout un public vient à l’église alors qu’il n’y viendrait pas autrement, ce que les prêtres et les évêques reconnaissent volontiers. Dire que ma musique est blasphématoire est non seulement faux, mais blessant.»

Aussi une aberration, pour qui s’est déjà perdu dans ses chansons pleines d’ombres, certes, mais surtout remplies de grâce, de doute et d’humanité. »

Je ne connaissais pas cette artiste. J’ai écouté certaines de ses productions qu’on trouve sur Internet. Pour ce que j’en ai entendu, ce n’est pas une musique qui me fait vibrer pour l’instant.

Mais mon appréciation de cette musique n’a aucune importance. Ce qui est important c’est qu’un groupe d’exaltés l’a empêché, sans aucune raison sérieuse, de chanter. Les autorités ecclésiastiques avaient donné leur accord.

Dans « TELERAMA » : <Vade retro, satanas ! À Nantes, des catholiques intégristes bloquent un concert>, la journaliste Elise Racque rapporte :

« Cette poignée de catholiques a bloqué les entrées du lieu de culte en chantant des prières pour empêcher l’artiste suédoise Anna von Hausswolff de s’y produire […]. « C’était une situation effrayante, tendue et triste », a-t-elle dit sur son compte Instagram.
[…] Les fidèles ayant réussi à faire annuler le concert sont issus vraisemblablement de la communauté traditionaliste de Nantes, qui a ses habitudes latines à l’église Saint-Clément, où devait originellement se tenir l’événement. Face aux protestations des paroissiens, le diocèse de Nantes avait publié un communiqué dans la journée de mardi, actant le déplacement du concert dans une autre église, tout en soulignant que « rien », dans la programmation, ne s’opposait « à la foi et aux mœurs ». Et remarquant au passage que les chansons de l’artiste « entre lumière et ténèbres, manifestent une quête existentielle – comme l’expriment à leur manière les psaumes dans la Bible ». »

L’artiste suédoise devait jouer jeudi soir dans l’église Saint Eustache dans le quartier des Halles, à Paris. Ce concert a aussi été annulé. Le curé de cette paroisse a prise cette décision après avoir été informé que ce concert agitait sur Internet des réseaux catholiques intégristes.

Le journal de Nantes « OUEST France » a bien sûr relaté cet acte de censure et d’atteinte à la liberté : <À Nantes, des catholiques intégristes empêchent la tenue d’un concert> :

« Ils étaient nombreux à s’être déplacés pour venir écouter Anna Von Hausswolf. Parfois de loin, comme Benjamin et Anaïs, venus de Rennes. « Ce qu’il s’est passé ce soir est hallucinant », réagit le couple, curieux « d’entendre cette femme qu’on ne connaît pas. Ça nous semblait sympa d’entendre de la musique jouée avec des instruments originaux, comme l’orgue. »
Mais ce mardi soir 7 décembre, le public n’a pas pu entrer dans l’église Notre-Dame-de-Bon-Port, à Nantes. Ils en ont été empêchés par des catholiques, qualifiés d’intégristes par des élus nantais et certains religieux. Ces derniers étaient bien décidés à entraver la tenue du concert de l’artiste suédoise dont la tournée européenne faisait étape à Nantes. « Elle s’est déjà produite dans une quarantaine d’églises ou cathédrales et il n’y a jamais eu de problème », soupire Eli Commins, directeur du Lieu unique, [organisateur du concert].
La foule a bien tenté de pénétrer dans le lieu de culte en forçant le passage. « Mais c’était impossible, c’était cadenassé », racontent des spectateurs.[…] On a compris qu’ils ne voulaient pas de la tenue d’un concert dans une église. Et il y a une grosse incompréhension, parce qu’ils pensent que cette artiste crée de la musique sataniste, ésotérique », prolongent des participants, dont la tenue n’évoque pas du tout les habituels vêtements des amateurs de ce genre artistique.
Eli Commins s’étrangle : « Il n’y a aucune inspiration religieuse, aucune violence ! Simplement, elle joue de l’orgue et les orgues se trouvent dans les églises. C’est une musique d’influence post-métal. Il n’y avait même pas de paroles dans la représentation prévue. » Certaines pochettes d’album auraient blessé ses détracteurs. »

« LIBERATION » a fait de cette annulation sa Une du 8 décembre, jour de la fête des lumières à Lyon. Lumières qui devraient être en capacité de chasser les ténèbres et l’obscurantisme.

Ce journal explique :

« Bref, un vent mauvais souffle sur le pays des Lumières et si Libé y consacre sa une, c’est parce que, plus encore que d’habitude, il va falloir être vigilant. Les mois à venir jusqu’à la présidentielle s’annoncent à haut risque, une frange significative de la droite et de l’extrême droite se montrant réceptive aux revendications identitaires des chrétiens traditionalistes. Qu’une poignée d’intégristes puisse provoquer l’annulation de deux concerts à Nantes et Paris est source d’inquiétude. Et crée un précédent dangereux. »

Libé décrit cette mouvance polymorphe qui aime la messe en latin, est en désaccord total avec le pape actuel. Car François, en juillet, a ouvert les hostilités, en publiant, un motu proprio (un décret personnel) pour limiter drastiquement l’usage de la messe en latin.

Le journal rappelle que le noyau de ce mouvement se trouve dans les catholiques qui ont suivi, en 1988, Mgr Marcel Lefebvre dans son schisme avec Rome. Défenseur de la messe en latin, le prélat français rejetait également en bloc les réformes du concile Vatican II. La « cathédrale » des intégristes est l’église parisienne Saint-Nicolas-du-Chardonnet, conquise, en 1977, par un véritable coup de force. Malgré des décisions de justice, « la Fraternité Saint-Pie-X n’a jamais été délogée. »

Selon Libé, en France, la galaxie tradi compte à peine quelques dizaines de milliers de personnes. Selon les derniers chiffres disponibles, il y aurait entre 50 000 et 70 000 fidèles qui se rendraient, chaque dimanche, dans des lieux de culte liés à la mouvance traditionaliste ou intégriste.

C’est un temps mauvais, en effet, quand les intégristes de tous bords essayent d’imposer leurs archaïsmes et leurs régressions.

Toutes les religions en génèrent en leur sein et sur certains combats contre les libertés : l’avortement, l’orientation sexuelle, de ne pas croire, la culture, ils deviennent des alliés objectifs, s’encourageant les uns les autres.

La liberté religieuse est essentielle, mais je crois profondément que nous avons globalement été trop faible avec les intégristes de toutes les religions.

Sur cette page de <France Inter> on apprend finalement que l’organisateur du concert de Paris a trouvé une autre église, non catholique, précise t’il, dans laquelle le concert pourra avoir lieu.

Sur la même page, il y a aussi une vidéo montrant la musique qu’interprète Anna von Hausswolff.

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Lundi 29 novembre 2021

« Le chlordécone »
Un scandale sanitaire français

C’est un nom qui sonne phonétiquement mal : « Le chlore déconne !  »

En réalité, il s’agit d’une molécule qui associe 10 atomes de Chlore, 10 atomes de Carbone et un atome d’oxygène.

Cette molécule « la chlordécone » entre dans la constitution d’un insecticide qui est communément appelé par ce nom « Le chlordécone ».

En ce moment, il y a des heurts très violents dans les Antilles françaises avec utilisation de la part des manifestants d’armes à feu. Le grief qu’on entend le plus souvent est lié à la campagne de vaccination de la COVID19 et au pass sanitaire. Selon ce que je comprends, les revendications dépassent de beaucoup ces seuls sujets.

Mais j’ai entendu à plusieurs reprises des journalistes et même Marine Le Pen dirent qu’en Guadeloupe et en Martinique, le rejet de la vaccination est dû à une grande méfiance par rapport à l’autorité publique et que cette méfiance trouve sa source dans ce que la plupart appelle : « le scandale du chlordécone ».

J’ai même entendu dans l’émission « C dans l’air » du 27 novembre un antillais dire « Ils nous ont empoisonnés une première fois, il n’arriveront pas à le faire une seconde fois.»

Cette accusation m’a conduit à essayer de comprendre ce sujet.

Le chlordécone est un pesticide qui a été utilisé massivement dans les bananeraies en Guadeloupe et en Martinique pendant plus de vingt ans à partir de 1972 pour lutter contre le charançon de la banane, un insecte qui détruisait les cultures.

Mais dans l’émission « La méthode scientifique » du 9 septembre 2021 <Chlordécone : classée secret toxique ?>, Luc Multigner, médecin, épidémiologiste, directeur de recherche Inserm au sein de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail à Rennes et Point-à-Pitre explique :

« Cette molécule avait très mauvaise réputation, c’est pour cela que son usage a été très restreint. Les Antilles ont débuté son usage modestement dans les bananeraies en 1972/1973, c’est le début de l’histoire. La seconde période c’est à partir de 1981, et les Antilles Françaises deviennent pratiquement les seules utilisatrices de cette molécule dans le monde »

Bref, c’est un pesticide que la journaliste « du Monde » Faustine Vincent définit comme « ultra-toxique », dans son article du 6 juin 2018 : <qu’est-ce que le chlordécone ?> dont on connait la toxicité et qui va être utilisé sur le territoire français, dans les Antilles.

La première autorisation, on parle d’AMM, autorisation de mise sur le marché, est signé le 18 septembre 1972, par le ministre de l’agriculture : M Jacques Chirac. Il a l’excuse que les États-Unis n’ont pas encore formellement interdit la molécule.

Ce sera fait en 1975. Car, en 1975, les ouvriers de l’usine Hopewell (Virginie), qui fabriquait le pesticide, ont développé de sévères troubles neurologiques et testiculaires après avoir été exposés à forte dose : troubles de la motricité, de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire immédiate, mouvements anarchiques des globes oculaires…Ces effets ont disparu par la suite, car le corps élimine la moitié du chlordécone au bout de 165 jours, à condition bien sûr de ne pas en réabsorber. Mais l’accident fut si grave que les États-Unis ont fermé l’usine

Wikipédia précise que :

« La toxicité du produit était alors connue sous trois angles : cancérogénèse, risques de stérilité masculine et écotoxicité »

L’article de « Libération » du 1er avril 2021 : <Aux Antilles, les vies brisées du chlordécone> raconte une prise de conscience dans les Antilles préalable à 1975 :

«Il est souvent affirmé que les premières alertes vinrent des Etats-Unis, rappelle, en 2019, devant une commission parlementaire, Malcom Ferdinand, chercheur au CNRS. C’est faux. Elles furent émises par les ouvriers agricoles martiniquais en février 1974. Deux ans après l’autorisation officielle du chlordécone, les ouvriers de la banane entament l’une des plus importantes grèves de l’histoire sociale de la Martinique et demandent explicitement l’arrêt de l’utilisation de cette molécule parce qu’ils ont fait l’expérience de sa toxicité dans leur chair.»

En 1981, la ministre de l’agriculture avait pour nom Edith Cresson, le premier Ministre était Pierre Mauroy et le président de la République François Mitterrand.

C’est donc, en pleine connaissance, qu’Edith Cresson délivre à la société Laurent de Laguarigue une seconde AMM pour le chlordécone

L’autorité politique estime qu’il faut accorder une dérogation, bien que le produit soit très dangereux, parce que c’est l’intérêt de l’industrie de la banane.

Je continue le récit de Wikipedia, confirmé par d’autres médias :

« Le 1er février 1990, la France retire l’AMM du chlordécone pour tout le territoire français. Mais Guy Lordinot (alors Député de la Martinique) relayant de gros planteurs de bananes, fait une demande de dérogation qui permettrait une prolongation jusqu’en 1995, de l’utilisation du chlordécone, à la suite de sa question écrite le 23 avril appuyée par sa lettre au ministre de l’Agriculture du 30 avril 1990. Cette demande est refusée le 5 juin 1990 par Henri Nallet, alors ministre de l’Agriculture. Mais ce dernier précise qu’il y a un délai de 2 ans à partir du retrait d’autorisation, ce qui permet déjà d’utiliser le produit jusqu’en 1992.

En 1992 (mars) Louis Mermaz, nouveau ministre de l’Agriculture et des Forêts, proroge d’un an la dérogation pour l’utilisation du pesticide.

Et en février 1993, Jean-Pierre Soisson, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, répond favorablement à une demande de la SICABAM demandant à pouvoir utiliser le reliquat de stocks de chlordécone (stocks qui avaient été largement réapprovisionnés en août 1990 alors que la décision de retrait d’homologation de février 1990 avait été notifiée à la société Laguarigue qui commercialisait le chlordécone . Le frère ainé de Bernard Hayot, Yves Hayot (mort en 2017) qui était président du groupement des producteurs de bananes de Martinique (SICABAM), et aussi directeur général de Laguarigue a reconnu qu’il avait fait du lobbying auprès de J.-P. Soisson pour l’obtention des dérogations. »

Le 30 septembre 1993, ce pesticide est officiellement interdit à la vente aux Antilles françaises.

Pour être juste je donne aussi le nom du Ministre de l’agriculture à cette date : Jean Puech, le premier ministre étant Edouard Balladur.

C’est le récit factuel d’une non prise en compte d’un danger pour garantir les intérêts des producteurs de bananes.

La journaliste, Faustine Vincent, dans un autre article : <Chlordécone : les Antilles empoisonnées pour des générations> détaille les conséquences de ces « largesses coupables à l’égard de l’industrie de la banane » :

« Des années après, on découvre que le produit s’est répandu bien au-delà des bananeraies. Aujourd’hui encore, le chlordécone, qui passe dans la chaîne alimentaire, distille son poison un peu partout. Pas seulement dans les sols, mais aussi dans les rivières, une partie du littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés, les légumes-racines… et la population elle-même.

Une étude de Santé publique France, lancée pour la première fois à grande échelle en 2013 […] fait un constat alarmant : la quasi-totalité des Guadeloupéens (95 %) et des Martiniquais (92 %) sont contaminés au chlordécone. Leur niveau d’imprégnation est comparable : en moyenne 0,13 et 0,14 microgrammes par litre (µg/l) de sang, avec des taux grimpant jusqu’à 18,53 µg/l. Or, le chlordécone étant un perturbateur endocrinien, « même à très faible dose, il peut y avoir des effets sanitaires », précise Sébastien Denys, directeur santé et environnement de l’agence. Des générations d’Antillais vont devoir vivre avec cette pollution, dont l’ampleur et la persistance – jusqu’à sept cents ans selon les sols – en font un cas unique au monde, et un véritable laboratoire à ciel ouvert. »

[Une étude] publiée en 2012 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), montre que le chlordécone augmente non seulement le risque de prématurité, mais qu’il a aussi des effets négatifs sur le développement cognitif et moteur des nourrissons.

Le pesticide est aussi fortement soupçonné d’augmenter le risque de cancer de la prostate, dont le nombre en Martinique lui vaut le record du monde – et de loin –, avec 227,2 nouveaux cas pour 100 000 hommes chaque année. C’est justement la fréquence de cette maladie en Guadeloupe qui avait alerté le professeur Pascal Blanchet, chef du service d’urologie au centre hospitalier universitaire (CHU) de Pointe-à-Pitre, à son arrivée, il y a dix-huit ans. Le cancer de la prostate est deux fois plus fréquent et deux fois plus grave en Guadeloupe et en Martinique qu’en métropole, avec plus de 500 nouveaux cas par an sur chaque île. »

Bien sûr, le combat pour faire reconnaître la responsabilité des auteurs et donc l’obligation d’indemniser constitue un long combat incertain.

L’article de « Libération » du 1er avril 2021 : <Aux Antilles, les vies brisées du chlordécone> explique

« Le procès pourrait pourtant bien se terminer en non-lieu du fait d’une possible prescription des faits. Le 15 mars, Rémy Heitz procureur de la République au tribunal judiciaire de Paris, précisait : «Nous pouvons comprendre l’émoi que cette règle suscite, mais nous, magistrats, devons l’appliquer avec rigueur.». »

Les responsables semblent assez simples à désigner (article du Monde) :

« Le Monde a pu consulter le procès-verbal de synthèse que les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) ont rendu, le 27 octobre 2016. Un nom très célèbre aux Antilles, Yves Hayot, revient régulièrement. Il était à l’époque directeur général de Laguarigue, la société qui commercialisait le chlordécone, et président du groupement de producteurs de bananes de Martinique. Entrepreneur martiniquais, il est l’aîné d’une puissante famille béké, à la tête d’un véritable empire aux Antilles – son frère, Bernard Hayot, l’une des plus grosses fortunes de France, est le patron du Groupe Bernard Hayot, spécialisé dans la grande distribution.

[…] Surtout, l’enquête judiciaire révèle que son entreprise, Laguarigue, a reconstitué un stock gigantesque de chlordécone alors que le produit n’était déjà plus homologué. Elle a en effet signé un contrat le 27 août 1990 avec le fabricant, l’entreprise Calliope, à Béziers (Hérault), « pour la fourniture de 1 560 tonnes de Curlone [le nom commercial du chlordécone], alors que la décision de retrait d’homologation [le 1er février 1990] lui a été notifiée », écrivent les enquêteurs. Ils remarquent que cette quantité n’est pas normale, puisqu’elle est estimée à « un tiers du tonnage acheté sur dix ans ». De plus, « au moins un service de l’Etat a été informé de cette « importation » », puisque ces 1 560 tonnes « ont bien été dédouanées à leur arrivée aux Antilles » en 1990 et 1991.»

L’article cite aussi un rapport de l’Institut national de la recherche agronomique, publié en 2010 qui, s’étonne du fait que la France a de nouveau autorisé le pesticide en décembre 1981.

« Comment la commission des toxiques a-t-elle pu ignorer les signaux d’alerte : les données sur les risques publiées dans de nombreux rapports aux Etats-Unis, le classement du chlordécone dans le groupe des cancérigènes potentiels, les données sur l’accumulation de cette molécule dans l’environnement aux Antilles françaises ?, s’interroge-t-il. Ce point est assez énigmatique car le procès-verbal de la commission des toxiques est introuvable. »

Sur ce sujet, il est aussi possible d’écouter l’émission de France Inter « Interception » de 2018 <Chlordécone, le poison des Antilles>

Je pense qu’il nous appartient de connaître cette histoire de politique et de bananes et de comprendre de quoi il en retourne quand un compatriote de Guadeloupe ou de Martinique évoque le chlordécone.

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Mercredi 17 novembre 2021

« Silence »
Poème d’Albert Samain

On ne sort pas de ce cheminement, le long de la route de Lhasa, au bout de l’émotion, sans être troublé et profondément marqué.

Passer immédiatement à un autre sujet est difficile.

Il faut probablement franchir une étape qui s’apparente à un sas de décompression.

Alors je me suis souvenu d’avoir entamé cette nouvelle saison en évoquant le silence des moines du couvent de la chartreuse.

Le silence !

Le silence ne se limite pas à se taire.

Deux êtres humains, assis côte à côte, absorbés par leur smartphone, se taisent, mais ne sont pas dans le silence.

Pour être dans le silence, il faut d’abord être présent, simplement être là.

Et puis, il faut être ouvert à la beauté, à l’univers dans lequel nous sommes un petit corps vivant, à l’autre, à sa joie, sa douleur, son émotion, ses questionnements.

Le silence est accueil.

En butinant sur la toile, j’ai accueilli ce poème d’Albert Samain : « Silence »

Je me souviens d’avoir appris, à l’école primaire, certaines de ses poésies.

Il vivait au XIXème siècle.

Il n’a pas connu la première année du XXème siècle puisqu’il est mort en 1900, à l’âge de 42 ans.

C’est la tuberculose qui était très meurtrière dans ce temps-là, qui l’a emporté.

Son poème parle de silence, certes pas du silence des moines. Un silence davantage tourné vers l’humain que vers le divin :

Le silence descend en nous,
Tes yeux mi-voilés sont plus doux ;
Laisse mon cœur sur tes genoux.

Sous ta chevelure épandue
De ta robe un peu descendue
Sort une blanche épaule nue.

La parole a des notes d’or ;
Le silence est plus doux encor,
Quand les cœurs sont pleins jusqu’au bord.

Il est des soirs d’amour subtil,
Des soirs où l’âme, semble-t-il,
Ne tient qu’à peine par un fil…

Il est des heures d’agonie
Où l’on rêve la mort bénie
Au long d’une étreinte infinie.

La lampe douce se consume ;
L’âme des roses nous parfume.
Le Temps bat sa petite enclume.

Oh ! s’en aller sans nul retour,
Oh ! s’en aller avant le jour,
Les mains toutes pleines d’amour !

Oh ! s’en aller sans violence,
S’évanouir sans qu’on y pense
D’une suprême défaillance…

Silence !… Silence !… Silence !…
Albert Samain.
Recueil : Au jardin de l’infante (1893).

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Lundi 8 Novembre 2021

« Si elle ne se saignait pas à chaque représentation, elle croyait qu’elle trompait le public. »
Rick Haworth, guitariste sur le deuxième album de Lhasa

Le premier album, entièrement chanté en espagnol, est un succès. Lhasa va faire une tournée mondiale pour le présenter. En France elle sera très bien accueillie, la critique musicale qui fait autorité dans le domaine de la chanson, Anne-Marie Paquotte et qui écrit dans « TELERAMA », l’a entendue à Montréal et en fait l’éloge par un article laudatif. Elle la signale à Vincent Frèrebeau, patron de Tôt ou Tard, qui va devenir son distributeur en Europe. Elle viendra, auréolée de cette renommée au Printemps de Bourges 1997.

Seul les États-Unis seront insensibles à cette artiste née aux États-Unis et qui ne chante pas en anglais.

Son éditeur canadien, Audiogram, est comblé et attend avec impatience qu’elle continue sur cette voix et prépare rapidement un deuxième Album. Mais Lhasa n’est pas de cet avis, elle a besoin de faire une pause.

« J’étais rendue paranoïaque, j’avais l’impression de ne plus avoir d’espace pour vivre. Je perdais tout estime de moi-même ». Un jour, elle a stupéfait l’équipe d’Audiogram, Yves Desrosiers et ses autres musiciens en leur annonçant qu’elle quittait Montréal pour se joindre à la troupe de cirque de ses sœurs en France. Quand reviendrait-elle ? Qui sait, peut-être jamais. »
Fred Goodman : « Envoutante Lhasa » page 87

Elle dira plus tard :

« Avec le recul, je me suis dit que c’était assez extrême. Mais quand je suis partie pour la France, c’était presque comme si j’allais vers la mort. J’ai tout abandonné. J’ai tout essayé sauf me raser la tête et me faire moine. »
même référence.

Sa sœur Miriam explique que leurs parents leur ont transmis cette quête que la vie est recherche intérieure qu’il est important de poursuivre. Il fallait donc être à l’écoute de ses intuitions et faire confiance à la vie.

Et c’est ainsi que Lhasa va venir dans notre pays rejoindre ses sœurs. Elle restera en France 4 ans et s’installera à Marseille pendant deux ans et demi et fera des tournées avec le cirque de ses sœurs. Elle chantera pendant le spectacle de cirque dans des conditions simples et même précaires, bien loin des standards auxquels elle s’était habituée pendant la tournée avec Yves Desrosiers et les autres musiciens.

Mais le désir de recomposer de nouvelles chansons la reprendra à Marseille.

Cette fois les chansons seront toujours en espagnol mais aussi en français, langue de Marseille et de Montréal et en anglais, sa langue maternelle.

Elle dit : « Pour mon deuxième album, je voulais créer quelque chose d’intime, de personnel »
Elle commencera à Marseille, mais il lui faut des musiciens.

Arthur H, qu’elle connait depuis qu’elle a chanté au Bataclan, la met en contact avec un groupe de musiciens parisiens. Mais l’osmose ne se fait pas, elle ne retrouve pas la relation qu’elle avait avec Yves Desrosiers.

Alors cette nomade dans l’âme retourne vers la ville qui sera son port d’attache dans sa courte vie : Montréal.
Dès son retour, en 2002, Lhasa va retrouver Yves Desrosiers. Mais l’alchimie ne fonctionne plus. Ce site canadien cite le guitariste :

« Ça commençait à être difficile entre elle et moi. Avec du recul, je crois qu’elle était tannée qu’il y ait tout le temps quelqu’un derrière elle. Depuis le début, je symbolisais celui qui la parrainait et je crois qu’elle en avait son casse. Elle ne voulait pas qu’on se sépare, mais elle voulait prendre les rênes.»

Yves Desrosiers met donc un terme à son aventure artistique avec Lhasa de Sela : «J’me disais qu’il était temps qu’elle fasse ses choses toute seule, qu’elle contrôle entièrement son univers artistique. Je voyais que c’est ça qu’elle avait envie de faire. C’était écrit dans le ciel qu’un jour, ça allait arriver.» »

Quelques mois après sa mort, Yves Desrosiers confiera au même journal son regret :

« La raison pour laquelle on a décidé de se séparer musicalement, elle n’est plus importante… mais, dans ma tête, je me disais que, dans 10 ou 15 ans, j’allais rejouer avec elle sur scène. Pas nécessairement pour refaire un disque, mais pour renouer avec le plaisir que j’avais d’être à côté d’elle, de jouer pour elle», confie-t-il, encore sous le coup de l’émotion. « Malheureusement, c’est pas arrivé… et j’ai jamais été capable de lui dire avant qu’elle parte. »

Elle va se tourner vers François Lalonde (batteur) et Jean Massicotte (pianiste) qui avaient déjà participé au premier album.

S’y ajoutera le guitariste Rick Haworth qui jouera sur l’album et participera à la tournée qui a suivi. Il fera, à Fred Goodman cette confidence que je reprends, en partie, comme exergue de ce mot du jour :

« Si elle ne se saignait pas à chaque représentation, elle croyait qu’elle trompait le public. Elle creusait plus profondément dans une chanson que quiconque avec qui j’ai joué. C’était ça, son défi. J’ai dû changer la façon dont j’abordais les chansons, nous l’avons tous fait. Tu devais la suivre, sinon, tu ne faisais plus partie de la chanson. Il n’y avait pas de compromis. Tu devais toi aussi saigner. »

Ce deuxième album aura pour titre « Living road »

La pochette sera à nouveau réalisé graphiquement par Lhasa.

Il est encore question de route, la route vivante.

Cette expression se trouve dans la dernière chanson du disque

<Soon this space will be too small>

Bientôt cet espace sera trop petit
Et j’irais dehors
Sur l’immense flanc de colline
Où soufflent les vents sauvages
Et brillent les étoiles froides

Je poserai mon pied
Sur la route vivante
Et je serai portée
Jusqu’au cœur du monde
[…]

<Vous trouverez ici> une description et analyse de l’ensemble des chansons de cet album qui commence par « Con toda palabra » déjà citée lors du premier mot du jour de la série.

Elle chante donc cette fois aussi en français.

Je vous propose d’écouter « Marée Haute » dont <elle dit>

« Je travaille mes chansons d’une façon très visuelle, et vice versa: mes grandes peintures abstraites sont des partitions. Il m’arrive de dessiner un point rouge, juste pour le plaisir. Ce point, c’est comme un son, il crée un équilibre dans la toile. La peinture m’inspire des chansons. […] Et la chanson La Marée haute a été marquée par l’exposition sur les surréalistes à Beaubourg. Les influences sont souvent perçues comme quelque chose qui vient de l’extérieur. Je pense au contraire qu’on les digère et qu’il faut plonger à l’intérieur de soi pour les retrouver.»

Les paroles sont les suivantes :

La route chante
Quand je m’en vais
Je fais trois pas…
La route se tait

La route est noire
À perte de vue
Je fais trois pas…
La route n’est plus

Sur la marée haute
Je suis montée
La tête est pleine
Mais le coeur n’a
Pas assez

Et puis il y a cette chanson extraordinaire : La frontera » (la frontière).

Dans cette <interprétation au Grand Rex> déjà sa présentation est un moment d’émotion.

Les mots sont tous simples. Elles parlent de nuages qui s’affrontent, puis dansent, puis il ne se passe plus rien.

Mais quand Lhasa dit cela, on voit des migrants qui s’approchent de la frontière qui ont peur, mais qui espèrent aussi une vie meilleure et qui attendent.

C’est l’émotion dont parle Rick Haworth, c’est indescriptible.

Dans cette vidéo on entend aussi Lhasa expliquer son expérience sur scène.Et puis <ICI> elle répond plus longuement sur TV5 à une interview concernant cet album.

Living Road est sorti en novembre 2003, 6 ans après le premier album.

En 2004 et 2005, Lhasa entreprend une longue tournée et donne un total de plus de 180 représentations : elle parcourt l’Europe, puis elle chante aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Cette tournée remporte un grand succès auprès du public et les salles sont bondées un peu partout.

<1618>

Mardi 2 novembre 2021

« Mise à feu »
Clara Ysé

Clara Ysé a fait l’objet du mot du jour du 16 octobre 2019 « Ce matin il est arrivé une chose bien étrange. Le monde s’est dédoublé ». Cette phrase est le début d’une chanson envoutante, comme je la qualifiais alors.

Elle avait été écrite par la chanteuse suite au décès brutal de sa mère, la philosophe Anne Dufourmantelle qui était morte d’un arrêt cardiaque suite aux efforts qu’elle avait fournis pour porter secours à deux enfants qui étaient en train de se noyer dans la mer. J’avais narré cette histoire dans le mot du jour du 26 septembre 2019 « Puissance de la douceur »

Fin août 2021, elle était <l’invité des matins de France culture>, parce qu’elle venait de publier son premier roman : « Mise à feu ».

Et comme il en va quelquefois quand on entend l’auteure d’un livre, le désir de le lire jaillit.

J’ai acheté ce livre le lendemain et je l’ai lu immédiatement.

C’est un livre qui comme la chanson <Le monde s’est dédoublé> parle de la séparation et de l’absence.

Gaspard, 8 ans et Nine 6 ans vivent avec leur mère qu’ils appellent l’Amazone. C’est Nine qui est la narratrice. Voici comment elle décrit sa mère :

« L’Amazone, Gaspard et moi on inspirait la joie quand on passait quelque part. Je me souviens de la façon dont on s’accrochait à ses jambes. Le soir pendant qu’elle travaillait ou qu’elle faisait la cuisine. Elle était bijoutière. […] L’Amazone portait en elle un magnétisme qui planait au-dessus de tout ce qu’n vivait. Une forme de grâce, en plus charnel. Depuis petits, ça nous inquiétait. Comme si au creux de ce pouvoir qu’elle avait d’enchanter les êtres, résidait un pacte mortel avec le monde. Un poids que tous ses gestes tentaient désespérément de dissimuler et qui résonnait autour d’elle comme un bourdon, cette note tenue, quasi imperceptible, qui charge un morceau d’orage.
Gaspard et moi, on savait, mais on ne disait rien. »
page 12

L’Amazone est donc une femme et une mère assez étrange.

Ce roman est initiatique : le frère et la sœur vont au long des pages grandir et s’émanciper. Il constitue aussi un conte fantastique qui commence ainsi :

« Avant mes six ans, c’est le soleil. Quelque chose de pur, de frais, de vivant. Gaspard, l’Amazone, Nouchka et moi. Unis. »

Il y a Nouchka.
Nouchka est une pie Gaspard et Nine comprennent son langage et peuvent échanger avec elle :

« On l’a découverte un jour sur le bord e la route, dans le Sud. Elle avait une aile cassée. On l’a recueillie, on lui a donné à boire, à manger, tant et si bien que Nouchka nous a déclaré, au bout de quelques mois, que nous étions sa nouvelle famille. Je dis « déclaré » oui […] elle nous a appris, elle, à parler oiseau. […] On lui répondait. On lui parlait. Ca me parait étranger aujourd’hui, mais l’amazone avait ce genre de dons. Elle avait fait advenir la langue du vol, de l’air, de la liberté, entre nos bouches

Dans l’émission de France Culture, Clara Ysé confie que :

« Le langage des oiseaux est celui des poètes »

C’est un monde de l’imaginaire, dans lequel Gaspard, plus que Nine, est immergé :

«  Gaspard, mon frère, mon aîné de deux ans. Il portait des lunettes rondes et vivait dans un univers parallèle, dont l’Amazone, Nouchka et moi avions la clé. »

Et puis, il y a l’incendie. L’Amazone a invité beaucoup de monde chez elle, pour fêter le tournant du deuxième millénaire. Les adultes s’étourdissent de musique et d’alcool, et un gigantesque incendie se déclare dans la maison et l’embrase.

Au bout de la nuit de cauchemar, Nine se rend compte que l’Amazone a disparu.

Les deux enfants sont confiés à leur oncle, surnommé le Lord.

La plus grande partie du roman se déroule dans la maison de cet homme, trouble, alcoolique, violent qui invite dans sa maison des hommes et des femmes dans une ambiance malsaine pour les enfants et une sourde menace à leur égard notamment de Nine, protégée autant que possible par son frère et l’intelligence de Nouchka.

Dans une atmosphère de crainte, les enfants sont confrontés à l’absence, à la perte. Mais de temps en temps, une lettre de l’Amazone arrive, dans laquelle elle les assure de son amour et raconte qu’elle fait des travaux dans une maison de campagne où elle s’est réfugiée et qu’ils pourront venir la rejoindre quand le chantier aura suffisamment avancé. Dans la longue attente qui les conduira jusqu’à la sortie de l’adolescence, les enfants se réfugient dans l’imaginaire.

Puis des rencontres vont permettre à Nine de se libérer, revenir vers le réel, rencontrer l’amour, fuir la maison du Lord pour aller à la recherche de l’Amazone et aller vers la vie..

Gaspard ne parviendra pas à réaliser le même parcours, son monde imaginaire le tient trop fort.

Clara Ysé explique dans l’émission de France Culture :

« La symbolique de Nouchka à une double lecture puisque c’est à la fois le symbole de leur langage à deux, puis lorsque Nine ne va plus la comprendre, elle symbolise le retour au réel, l’entrée dans le monde des adultes. Gaspard à l’inverse, refuse tout rapport au réel et se laisse avaler par l’imaginaire. »

L’écriture de Clara Ysé est subtile, elle suggère plus qu’elle ne décrit.

Je trouve très juste l’avis de la journaliste Sophie Joubert dans <L’Humanité> :

«  Elle transfigure la perte et la violence par l’art, les mots, un dialogue secret avec les oiseaux. »

Dans ce même article Clara Ysé dit :

« J’ai puisé le matériel d’écriture dans la relation très forte que j’ai avec mon petit frère, à qui le livre est dédié. À deux, Gaspard et Nine forment une entité, ils ont un rapport sensible au monde et un langage commun, celui de l’oiseau, qu’ils sont les seuls à comprendre. Je voulais montrer la puissance vitale des mondes imaginaires qu’on crée à cet âge-là pour rendre le réel vivable. »

Et revient vers son histoire personnelle :

« Je n’ai jamais vécu de vrai incendie, mais, tel qu’il est présenté dans le roman, c’est un événement qui détruit tout d’une seconde à l’autre. Et ça, je l’ai vécu. »

La Nouvelle République consacre aussi un article élogieux à ce livre : « L’incandescente Clara Ysé désormais aussi écrivaine»

Elle y révèle que la musique et l’écriture l’ont accompagné depuis longtemps :

« La musique et l’écriture, ça a toujours été mes deux langues […] La musique, je l’ai partagée très vite alors que l’écriture est longtemps restée intime ».

Et Sophie Rosemont dans <Madame Figaro> écrit :

« Avec « Mise à feu », son premier roman, Clara Ysé embrase la rentrée littéraire, […] C’est un premier roman et c’est une révélation : déjà chanteuse et performeuse de haut vol, l’artiste française nous emporte dans une belle histoire d’amour et de ténèbres.

Pour ce livre, elle a reçu le <prix littéraire de la Vocation 2021>

Et elle reviendra à la chanson en 2022, un album est annoncé au printemps.

<1615>

Lundi 25 octobre 2021

« J’aime la chanson, j’aime les mots, j’aime les notes, je gratte sur une guitare, je raconte des histoires à des amis. »
Georges Brassens

Il y a cent ans le 25 octobre 1921, Georges Brassens était âgé de quatre jours, puisqu’il était né à Sète, le samedi 22 octobre 1921.

Il est né la même année qu’Edgar Morin qui, lui, vit toujours.

Mon enfance a été bercée par les chansons de cet artiste qui avait pourtant eu énormément de difficultés à s’imposer sur la scène française avant d’en devenir un des piliers.

Cent ans, c’est une invitation à un hommage à ce poète, ce mélodiste, ce chanteur qui savait être paillard, ironique, tendre et profond.

En juin, me promenant sur les bords de Saône, lieu où se trouve les bouquinistes à Lyon, mon regard c’est arrêté sur un livre « Brassens, toute une vie pour la chanson ». Je l’ai acheté et je viens de le lire.

C’est ainsi que j’ai appris qu’il n’a pas achevé ses études au collège Paul-Valéry à Sète. Influencé par une bande de petits casseurs qui cherchaient à bon compte de l’argent de poche, il est compromis dans des vols de bijoux auxquels il n’a d’ailleurs pas participé, flirtant seulement avec la bande et avec le risque. Il se retrouve au commissariat où son père se hâte d’aller le voir.

Brassens a tiré de cet épisode une de ses plus belles chansons : <Les Quatre bacheliers>

« Nous étions quatre bacheliers
Sans vergogne,
La vraie crème des écoliers,
Des ecoliers.

Pour offrir aux filles des fleurs,
Sans vergogne,
Nous nous fîmes un peu voleurs,
Un peu voleurs. »

<suite>

Chanson dans laquelle il rend hommage à son père bienveillant :

« Mais je sais qu’un enfant perdu, […]
A de la chance quand il a,
Sans vergogne,
Un père de ce tonneau-là »

Ce livre a été écrit par un de ses amis : André Sève, son aîné de 8 ans puisqu’il est né en 1913 à Crest (Drôme) mais qui lui a survécu de 20 ans.

Brassens l’appelait « Frère André » parce qu’il était un religieux assomptionniste. Il a surtout écrit des livres spirituels et religieux mais il voulait écrire un livre d’interview de ce chanteur dont il aimait tant les chansons … sauf quelques-unes…

Car évidemment la Foi et la religion les conduisaient à des disputes fréquentes. Et quelquefois des chansons pouvaient être des objets de dispute.

Ainsi <La religieuse> qui commence ainsi :

« Tous les cœurs se rallient à sa blanche cornette
Si le chrétien succombe à son charme insidieux
Le païen le plus sûr, l’athée le plus honnête
Se laisseraient aller parfois à croire en Dieu
Et les enfants de chœur font tinter leur sonnette

Il paraît que, dessous sa cornette fatale
Qu’elle arbore à la messe avec tant de rigueur
Cette petite sœur cache, c’est un scandale
Une queu’ de cheval et des accroche-cœurs
Et les enfants de chœur s’agitent dans les stalles

Il paraît que, dessous son gros habit de bure
Elle porte coquettement des bas de soie
Festons, frivolités, fanfreluches, guipures
Enfin tout ce qu’il faut pour que le diable y soit
Et les enfants de chœur ont des pensées impures »
Brassens par André Sève page 50

Mais cet épisode permet à Brassens de donner cette leçon de vie :

« Quand tu fais quelque chose qui m’agace, par exemple quand tu as écouté la religieuse ça t’a contrarié et tu ne voulais plus me voir, ça m’a refroidi à ton égard, tu comprends, mais j’ai fait un effort, j’ai essayé de me dire : « C’est normal que cette chanson ne plaise pas à Frère André, ce n’est pas une raison pour lui en vouloir à ce point. » Quand on fait cet effort, on s’aperçoit souvent que les raisons de se refroidir ne sont jamais de vraiment bonnes raisons, c’est dû au caractère, à l’égoïsme du moment. Parce que je ne trouvais pas dans mon Frère André, à ce moment-là, ce que j’espérais y trouver je me refroidissais, mais dans l’amitié il ne faut pas penser uniquement à ce que l’autre, d’après nous, doit nous apporter. Il ne faut pas prendre, prendre. Il faut donner, et dans ces moments-là, ce qu’on peut donner de mieux, c’est d’être très intelligent, pas puéril. »
Brassens par André Sève page 98

Ce livre a été écrit alors que Brassens avait 54 ans, il lui restait 6 ans à vivre.

Ce livre ne fut pas simple, Brassens bourru passa son temps à rabrouer son ami. Il l’obligea d’abord à abandonner la liste de questions qu’il avait patiemment préparées pour laisser le dialogue plus naturel et moins formaté. Après il lui reprocha de ne pas le laisser aller au bout de sa pensée et de l’interrompre pour enfin lui reprocher qu’il ne le comprenait pas ou qu’il ne l’écoutait pas.

Frère André a scrupuleusement rapporté ces rebuffades, comme celle lorsqu’il n’était pas convaincu que Brassens, qui avait écrit de si beaux textes, puisse prétendre que dans ses chansons le plus important était la mélodie :

« Est-ce que tu me suis bien ? Est-ce que j’arriverai à te faire comprendre que j’attache plus d’importance à la musique qu’aux paroles
Brassens par André Sève page 30
[…]
« C’est pour cela qu’en disant que tu aimes mes chansons sans tenir compte des musiques, tu fais preuve d’une incompétence rare en matière de chanson, et ça me fait de la peine. […]
Puisque tu les aimes, mes chansons, la musique te pénètre et te plaît sans que tu te rendes bien compte. »
Brassens par André Sève page 30

Et quand André Sève veut donner la liste de des 10 chansons préférées, il lui rétorque :

« Dis-les donc tes préférences. Mais si tu aimais la chanson et si tu aimais Brassens, tu n’aurais pas de préférences. »
Brassens par André Sève page 51

André Sève parvient cependant à lui faire avouer son amour des mots :

« Oui, j’aime bien me faire une petite fête avec les mots. Il y en a qui servent admirablement une pensée, une image. « Ventripotent…le regard oblique…Elle viendra faire sa niche entre mes bras… Le parti des myosotis… Au bois de mon cœur…Des grâces roturières… » Certains mots sont beaux par eux-mêmes, d’autres jouent bien entre eux : « Un grain de sel dans tes cheveux » »
Brassens par André Sève page 50

Il galéra pour être reconnu. Il proclame : je dois tout à Patachou :

« Je me suis fait trois amis qui m’ont dit : « On va te présenter à Patachou » Un soir on m’a amené à son cabaret-restaurant à Montmartre et après le spectacle j’ai chanté mes chansons. Je pensais n’en donner qu’une ou deux, mais Patachou m’a tout fait chanter. Elle m’a pris immédiatement plusieurs chansons et m’a demandé de revenir pour les lui apprendre. »
Brassens par André Sève page 39

La première fois qu’on a entendu en public une chanson de Brassens, c’était par Patachou.

Patachou chante <Les amoureux des bancs publics>

Mais elle ne voudra pas chanter certaines chansons comme « le Gorille », « la Mauvaise réputation » et elle le convainquit de les chanter lui-même. Elle le laissa chanter après son spectacle en le lançant ainsi :

« Je vous ai chanté la Prière, Bancs publics. Je vous ai dit que c’était d’un nommé Brassens. Il est là, Brassens. Il ne sait pas tellement bien chanter, il ne sait pas tellement bien jouer de la guitare, il ne sait pas tellement bien se tenir en public, visiblement il n’aime pas ça, mais si vous voulez passer un moment agréable, restez. »
Brassens par André Sève page 40

Et les gens sont restés.

« Tout ensuite, est allé très vite, et je le dois à Patachou, je ne cesserai jamais de le dire. Parce que tu sais à ce moment-là, j’étais un peu perdu, j’avais 31 ans et j’étais un peu désespéré, je commençais à penser que ça ne marcherait jamais. »
Brassens par André Sève page 40

<Mini interview de Patachou, très vieille, qui parle de sa rencontre avec Brassens>

La vie de Brassens décrite dans le livre : il écrivait des chansons, recevait des amis et lisait beaucoup surtout les poètes. Il se levait très tôt vers 2, 3 ou 4 heures du matin après 6 heures de sommeil.

C’était un bosseur !

« Je vis selon les chansons que j’écris, si j’en ai vraiment entrain je ne m’occupe que de ça. Je reste parfois deux heures assis à chercher un mot, un accord. Je peux travailler jusqu’à douze heures dans la journée. »
Brassens par André Sève page 79

Il écoutait parfois de la musique classique :

« Oui mais je préfère le jazz […] J’aime ce rythme »
Brassens par André Sève page 79

Et quand André s’étonne que lui homme de la ville ait pu écrire une merveille comme <Bonhomme> il répond :

« Eh bien, j’avais peut être lu quelque chose qui m’a fait vibrer. Et ce qui m’est d’abord venu, c’est « mort naturelle ». J’ai vu un vieil homme qui mourait, sa vieille femme qui allait pour chauffer Bonhomme « qui va mourir de mort naturelle ». J’ai réussi cette chanson, que j’aime beaucoup, c’est une de mes préférées, parce que j’avais dû être fortement ému/ […] c’est la mort du grand-père d’un ami qui m’avait frappé. »
Brassens par André Sève page 50

Les paroles qui débute cette chanson :

« Malgré la bise qui mord
La pauvre vieille de somme
Va ramasser du bois mort
Pour chauffer Bonhomme
Bonhomme qui va mourir
De mort naturelle

Mélancolique, elle va
À travers la forêt blême
Où jadis elle rêva
De celui qu’elle aime
Qu’elle aime et qui va mourir
De mort naturelle »
Brassens par André Sève page 50

Il aimait les chats :

« Dans ma vie, il me faut des chats. De toute façon, je respecte les animaux, je ne suis ni chasseur ni pêcheur à cause de ça. Je dois aimer les chats parce qu’ils sont très indépendants. Je respecte leur indépendance, je ne les caresse que lorsqu’ils ont envie, je ne les habille pas, je ne les mets pas dans une boîte. Je les regarde vivre. »
Brassens par André Sève page 69

J’ai lu sur le web que l’anarchiste qu’il était, aurait dit qu’il préférait les chats aux chiens parce qu’il n’y avait pas de chat policier.

Et il va encore se révolter quand Frère André veut lui faire dire qu’il y a un message, une morale, des valeurs dans ses chansons :

« Mais prends-moi comme je suis : j’aime la chanson, j’aime les mots, j’aime les notes, je gratte sur une guitare, je raconte des histoires à des amis. Il se trouve que j’ai beaucoup lu, que j’ai rencontré certaines idées, que j’ai vu des choses qui m’ont plu, d’autres qui m’ont déplu, tout ça est entré en moi et ça ressort un jour dans une chanson. Comme une vache qui se met à paître de l’herbe et ça devient du lait. Ne lui demande pas d’expliquer son lait, bois-le »
Brassens par André Sève page 49

Voilà comment était Brassens qui est né à Sète, il y a 100 ans.

<1611>

 

Vendredi 22 octobre 2021

« La victoire en pleurant»
Daniel Cordier

Daniel Cordier est mort le 20 novembre 2020, à 100 ans. J’ai écrit trois mots du jour le concernant début décembre 2020.

J’étais revenu notamment sur son extraordinaire destin et sur son livre « Alias Caracalla »

Je racontais alors que, pendant l’été 2016, j’avais lu ou plutôt dévoré ce livre extraordinaire qui narre le récit précis des faits auxquels Daniel Cordier a participé entre le 17 juin 1940 et le 23 juin 1943.

La première date correspond au jour du discours de Pétain, dans lequel se trouve cet appel insupportable à Daniel Cordier :

« C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat.
Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après la lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. »

La seconde date est le lendemain de l’arrestation de « Rex », Jean Moulin, le 22 juin 1943, à Caluire.

Et entre ces deux dates, le tout jeune Daniel Cordier s’est embarqué sur un navire qui l’a emmené en Angleterre pour continuer le combat. Il s’est alors engagé corps et âme dans « la France libre » sous les ordres du Général de Gaulle. Il a ensuite été parachuté sur la France et a rejoint Lyon où les circonstances vont faire de lui le secrétaire de Jean Moulin alors que ce dernier va tenter d’organiser et de rassembler toutes les chapelles de la résistance sous l’autorité de De Gaulle.

« La victoire en pleurant » est la suite de ce récit, jusqu’à la fin de la guerre et la démission de De Gaulle.

Daniel Cordier abandonnera alors le service de la défense nationale pour le chemin de l’art dans lequel il excellera en tant que marchand d’art, collectionneur et organisateur d’expositions.

Il retrouvera beaucoup plus tardivement cette période, à travers son travail d’historien pour réhabiliter et défendre Jean Moulin attaqué par d’anciens résistants obstinés et vindicatifs.

En particulier, il répondra aux accusations d’Henri Frenay qui prétendait que Jean Moulin était un agent crypto-communiste.

Et c’est à la fin de sa vie qu’il écrira ce que beaucoup appellent ses Mémoires en deux tomes, alors qu’il s’agit d’une toute petite période de sa vie, même si elle fut intense.

Il parvint à finir le récit de cette seconde partie avant sa mort, mais sans avoir le temps de relire et de corriger quelques éléments imprécis.

C’est Bénédicte Vergez-Chaignon, qui a longtemps travaillé avec Cordier dans son travail sur Moulin, qui a finalisé l’ouvrage, l’a préfacé et annoté

La lecture de cet ouvrage, bien plus court qu’Alias Caracalla, constitue un devoir indispensable à tout honnête homme qui s’intéresse à l’Histoire de France.

J’ai profité de la pause estivale pour lire ce livre bouleversant et très instructif sur la France qui est sortie de la seconde guerre mondiale.

Pourquoi la victoire en pleurant ?

Parce Daniel Cordier a perdu beaucoup d’amies et d’amis dans ce combat terrible contre l’ennemi nazi. Certains ont été tués, torturés à mort, se sont suicidés, sont morts dans les camps ou sont revenus dans un tel état physique qu’ils sont morts de la suite de leur déportation.

Il explique qu’il ne se doutait pas de ce que ses camarades avaient enduré dans les camps. Dans son esprit de l’époque, il pensait que si les camarades avaient résisté à la torture, la vie au camp marquait la fin des souffrances et de la lutte contre la mort.

A la fin de la guerre, il va chercher des camarades revenant des camps à la gare :

« Je le fixe intensément pour ajuster ce visage squelettique à un visage connu…Heureusement son regard vif et moqueur me permet de le reconnaître : « Montet ». Il s’agit de Maurice Montet qui dirigeait le service d’évasion vers l’Espagne et qui a été arrêté quelques jours avant Rex (Jean Moulin). Nous nous embrassons. Je n’ose lui demander comment il va. Je suis horrifié de ce que je découvre d’un coup et je me sens d’autant plus coupable d’avoir échappé à la déportation, mais surtout d’avoir imaginé la vie paisible des déportés.
Rompant le silence, il me dit « Ça a été dur, mais on les a eus ». […] Il pèse trente-cinq kilos.
Pages 204-205

Le courage et la détermination de ces femmes et hommes et aussi de leur famille étaient inouïs, incroyable à notre vécu d’aujourd’hui.

Les arrestations de la Gestapo désorganisent les réseaux que Cordier anime. Et voilà ce qu’il écrit page 64 :

« Je reçois un mot des parents de Limonti, à qui j’ai annoncé l’arrestation de leur fils : ils me proposent d’embaucher leur fille Dominique pour remplacer son frère. J’accepte avec émotion et je suis comblé de découvrir qu’elle est dactylo. »

Le frère est tombé aux mains de l’ennemi, la sœur le remplace et les parents encouragent cette montée vers le danger.

Rien n’illustre mieux la vérité de ce vers du chant des partisans

« Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place. »

«En pleurant», aussi à cause des divisions entre les résistants, entre la France libre et la résistance, à l’arrivée massive dans le camp de la victoire des français de Vichy qui se sont révélés tardivement résistants.

Tout cela créant une atmosphère pesante et bien loin du récit d’une France unie derrière De Gaulle.

Daniel Cordier avait révélé à Paulin Ismard dans De l’Histoire à l’histoire en 2013 :

« Après le 21 juin 1943, j’ai vécu la fin de la guerre en somnambule. »

Bien sûr il sera, à partir de cette date, orphelin de Rex, son chef tellement admiré et dans lequel il avait une confiance absolue. Il ne retrouvera plus cette relation avec un autre.

Pour illustrer le panier de crabes qu’est devenu la France de Londres à la fin de la guerre, un fait écrit révèle cette triste situation. Cordier doit fuir la France, quasi l’intégralité de son réseau a été arrêté suite à la maladresse d’un de ses membres qui gardait à son domicile le nom et l’adresse de tous les membres du réseau.

Et quand il revient ainsi, en avril 1944, en Angleterre, le protocole veut qu’il soit soumis à un interrogatoire d’abord du contre-espionnage britannique puis français.

La conclusion du britannique est :

« Un homme très intelligent et intéressant. J’aurais tendance à considérer ses informations comme fiables. […] J’ai remarqué qu’il prenait grand soin de ne pas donner d’informations dont il ne soit pas certain. […] Ne pose pas de problème de sécurité. »

La conclusion du français est

« L’intéressé a de toute évidence « préparé » son interrogatoire. Il était au courant des critiques formulées contre lui et s’est volontairement retranché dans un vague peu compromettant. Ces quelques lignes font néanmoins ressortir le désordre, la prétention et le manque de franchise de cet agent qui en aucun cas ne devra retourner en France où il serait un véritable danger public »

75 ans après, l’Histoire ayant fait son œuvre, on peut affirmer tranquillement que c’est l’officier britannique qui disait la vérité. L’autre était influencé par les milieux résistants hostiles à jean Moulin.

Un livre qui dit la grandeur de certains humains et la moindre grandeur de certains autres, loin des récits mythiques pour les croyants.

Bénédicte Vergez-Chaignon était l’invité <des matins de France Culture> pour parler de ce livre.

Elle était aussi invitée par <Public Sénat> accompagné de l’historien Emmanuel De WARESQUIEL.

<1610>

Jeudi 21 octobre 2021

« Essaie et cours ta chance ! »
Paul Belmondo à son fils Jean-Paul après qu’un acteur de théâtre ait démoli son rêve de faire de la comédie

Mon neveu Grégory l’avait verbalisé, ce qu’il y a de spécifique dans cet article quotidien que j’écris c’est que je suis libre de choisir le sujet que je veux.

Je l’avais déjà cité lors du mot du jour du <du 4 décembre 2018>

Cette règle est particulièrement vraie pour les hommages.

Il faut que quelque chose me touche, que je pense savoir l’exprimer pour pouvoir le partager.

C’est le cas pour Jean-Paul Belmondo qui est décédé le 6 septembre 2021.

Il a été un acteur flamboyant, populaire, avec un succès incroyable. Il a également tourné, avec un même bonheur, des films d’auteur. Il fut aussi un grand acteur de théâtre.

Mais ce que je voudrais partager, c’est le début et la fin.

Augustin Trapenard était allé lui rendre visite en novembre 2016, chez lui pour son émission <Boomerang>

Et Jean-Paul Belmondo a rappelé ses débuts : Il est né dans un milieu favorisé, à Neuilly sur Seine. Son père était un sculpteur reconnu Paul Belmondo et sa mère une artiste peintre : Madeleine Rainaud-Richard

Mais à l’école il n’y arrivait pas vraiment et il raconte :

« Comédien, je crois que j’ai voulu l’être tout de suite. A 10 ans, je faisais le clown. Ça amusait beaucoup ma mère. Et petit à petit, j’ai pensé que je pourrais être un comédien  »

Ses parents étaient un peu inquiets, mais sont toujours restés positifs. Et devant le désir du petit Jean-Paul, son père qui avait évidemment beaucoup de relations dans le monde des arts et du spectacle lui dit :

« Je vais te présenter à un ami qui est à la Comédie Française et il nous dira ce qu’il pense de toi. »

Cet acteur de théâtre avait pour nom André Bruno. Cela se passa très mal. Le professionnel du théâtre condamna sans appel le jeune enfant ému :

« Arrête. Fais autre chose ! »

Il pleura et c’est là qu’on trouve une leçon de vie donnée par son père. Leçon qu’il gardera toute sa vie.

Sans rien sous-estimer des difficultés et des immenses efforts nécessaires, son père ne l’arrête pas dans la poursuite de son rêve, mais l’encourage à y aller :

« On n’a jamais perdu, il faut garder le moral.
Je te suppose, assez clairvoyant pour envisager les difficultés que tu vas rencontrer. Essaie et cours ta chance. »

Essaie et cours ta chance !

Je trouve cette réaction très inspirante dans les circonstances telles que Jean-Paul Belmondo les décrit.

Il a été largement commenté que Jean-Paul Belmondo, lors de ses études au conservatoire de Paris, tout en faisant l’admiration de ses camarades, ne sera pas  apprécié et valorisé par ses professeurs.

Son premier professeur, qui s’appelle René Simon, lui dit qu’il n’est pas fait pour le métier. Un autre qui s’appelle Pierre Dux lui dit qu’il est moche, que jamais il ne prendra une belle femme dans ses bras.

Ce même professeur, lorsqu’il passait des scènes au conservatoire lui renvoyait :

« Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise. Asseyez-vous ».

Belmondo moche ! Sur ce point, il aura aussi une revanche éclatante :

« Et un jour, je me promenais sur les Champs-Elysées avec la femme avec qui je vivais, Ursula Andress, je le [Pierre Dux] rencontre et il me dit : ‘on fait ce qu’on peut.’ »

Cela c’était le début,

Mais la fin est tout aussi remarquable.

Le 8 août 2001, dans sa 68ème année, alors qu’il se trouve en vacances en Corse chez son ami Guy Bedos à Lumio, près de Calvi, Belmondo est victime d’un accident vasculaire cérébral. Il est héliporté d’urgence à l’hôpital Falconaja de Bastia.

Cet AVC va transformer le sportif, l’étincelant parleur en un vieil homme s’exprimant avec beaucoup de difficultés.

Quand Augustin Trapenard l’interviewe, il porte cette infirmité depuis 15 ans et pourtant il reste merveilleusement positif. Son élocution malhabile n’empêche pas le sourire et la joie.

ll explique à Trapenard, qu’être un bon acteur, ce n’est pas être naturel. Naturel, tout le monde peut l’être, mais c’est d’avoir un petit peu plus que ça. Et ce petit plus pour lui c’est :

« La bonne humeur, parce que même dans mes rôles difficiles, je riais quand même. »

Et quand Augustin Trapenard lui demande :

« Cette liberté, cette allégresse, cette joie de vivre, ça vient d’où ? »

Il explique :

« Je suis né comme ça. Ma mère, ou mon père, m’ont toujours élevé comme ça. Cela vient peut-être de l’époque qui était beaucoup plus gaie, beaucoup plus libre. […] On sortait de la guerre, et il y avait la joie de recommencer à vivre. »

Emmanuel Macron lui a rendu un magnifique hommage aux Invalides : <Hommage à JP Belmondo>

Pour ce genre d’exercice, il faut reconnaître qu’il a du talent.

Et il est passionnant d’écouter Clément Viktorovitch décortiquer sur <franceinfo> ce discours. C’est très instructif d’analyser ainsi la rhétorique. Vous apprendrez, en outre, des mots savants :

  • Un discours épidictique, le discours de louanges.
  • Une épiphore, qui consiste à terminer une succession de phrases par le même mot ou le même groupe de mots,
  • Une synecdoque, qui consiste à parler d’une partie pour évoquer le tout ou inversement. Emmanuel Macron l’a beaucoup fait dans tout son discours, il a narré la vie de Belmondo pour célébrer à travers elle, l’histoire de France et l’histoire du cinéma.

Mais j’ai regretté que dans la partie de son discours dans laquelle, le Président utilise Jean-Paul Belmondo comme anaphore, il s’arrête à 50 ans :

« Jean-Paul BELMONDO était nos 30 ans. Ce Don Quichotte des temps modernes, capable de repousser les limites de l’ivresse en même temps que celle de la tendresse, tel un singe en hiver.

Jean-Paul BELMONDO était nos 40 ans. Ce commissaire aussi athlétique, intrépide que tous, nous aurions rêvé d’être pour nous battre contre la peur sur la ville.

Jean-Paul BELMONDO était nos 50 ans. Cet entrepreneur à succès qui, soudain, choisit, dernière étape de l’itinéraire d’un enfant gâté, de larguer les amarres vers sa liberté et vers son destin. Il fut l’ami que chacun aimerait avoir. »

Car il aurait pu dire « Jean-Paul BELMONDO était nos 70 ans, fragile, touché, meurtri mais toujours joyeux, debout et grand. »

Pour finir, je reprendrai la conclusion du discours du Président de la République qui a rappelé que dans ses dernières années, quand ne pouvant plus exercer sa verve gouailleuse, son verbe étincelant, sa langue éblouissante, il prononçait un mot pour signifier tous les autres qu’il n’arrivait plus à dire :
« Voilà.»

<1609>

Vendredi 06 août 2021

« La dignité […] est ce qui nous permet de traverser la vie en se sentant digne de cette petite parenthèse qui est l’existence. »
Gael Faye

Gaël Faye est tutsi. Enfin, sa mère est rwandaise et tutsi. Son père est français et natif de Lyon.

Il est né en 1982 à Bujumbura au Burundi, l’état voisin du Rwanda.

Il avait 12 ans, en 1994 quand le génocide et les massacres des tutsis par l’ethnie majoritaire des hutus se sont réalisés.

Il fuit son pays natal pour la France, à l’âge de treize ans.

Il a raconté son histoire partiellement dans un roman autobiographique « Petit Pays »

Ce roman publié en août 2016, reçoit de nombreux prix :

  • Le prix Goncourt des lycéens
  • Le Prix du roman Fnac
  • Le Prix du premier roman français,
  • Le prix du roman des étudiants France Culture-Télérama

Ce livre va permettre à Gaël Faye de gagner en notoriété.

Mais sa première passion est la musique. Il est y entré par le rap.

Le rap est un moyen d’expression assez éloigné de ma sensibilité.

Mais Gael Faye a dans son dernier album « Lundi méchant » fait beaucoup de chemin vers ma sensibilité.

Je l’ai entendu dans les matins de France Culture du 15 juillet 2021 invité par Chloë Cambreling <Les mots ont toujours été mes petites armes dérisoires pour résister>

J’ai aimé sa voix douce et l’intelligence de ce qu’il disait.

La profondeur et la beauté des textes qu’il chante m’ont touché.

Et pour la musique, il a expliqué pour cet album qui est son deuxième, qu’il a d’abord commencé par la musique avant de poser des paroles, le contraire de ce qu’il faisait jusqu’alors. Et il a ajouté :

« Cela a apporté plus de musicalité que j’avais l’habitude de faire. Cela a apporté plus de respiration. J’ai eu moins peur des silences. Il y a un travail avec le temps pour apprivoiser le silence. Je viens d’une musique qui est une transe de mots. Le rap c’est une transe de mots. Plus le temps passe, plus je me rapproche d’une façon de composer qui ressemble à ce qu’on peut faire quand on écrit une chanson. J’ai l’impression de me renouveler. De redonner un souffle à mon envie de fabriquer des chansons. […] On peut dire autant de chose en creux que de façon frontale. Et les silences qui peuvent exister, les instruments qui peuvent s’exprimer cela peut raconter une histoire. […] Il y a quelques années, j’aurais pris les quatre temps pour mettre des mots, et ça c’est un travail qui m’intéresse de plus en plus. [ne pas saturer le temps par des mots] »

Ne pas saturer l’espace et le temps par des mots.

Laisser la place au silence, car le silence est aussi musique.

Schubert et Beethoven ne disaient pas autre chose.

Il a donc présenté pendant cette émission son album paru le 6 novembre 2020, mais qu’il n’a pu commencer à chanter en public que récemment,  pour les motifs que vous connaissez.

J’ai d’abord été séduit par cette chanson « Respire »

Le texte stimulant qui exprime toutes les agressions et aussi les défis auxquels nous sommes soumis et cet appel à la sérénité qui passe par le souffle, la respiration.

« Respire, respire, respire, espère…

Encore l’insomnie, sonnerie du matin
Le corps engourdi, toujours endormi, miroir, salle de bain
Triste face-à-face, angoisse du réveil
Reflet dans la glace, les années qui passent ternissent le soleil (OK)

Aux flashs d’infos : les crises, le chômage
La fonte des glaces, les particules fines…

Courir après l’heure, les rames bondées
Les bastons d’regards, la vie c’est l’usine
Hamster dans sa roue
P’tit chef, grand bourreau
Faire la queue partout, font la gueule partout
La vie c’est robot

T’as le souffle court (respire)
Quand rien n’est facile (respire)
Même si tu te perds (respire)
Et si tout empire (espère) »

Il dit que son album est un album tendre :

« La tendresse c’est pour l’idée d’un amour qui est ancré dans le quotidien. Qui ne s’use pas. Qui se renouvelle tous les jours, avec de petits gestes. Et chalouper c’est tout à fait la chanson qui résume cet album. Parce qu’on veut reprendre du plaisir et pas oublier la fugacité des instants et leur importance. D’ailleurs j’aime terminer les concerts par la chanson chalouper »

Cette chanson qui évoque la vieillesse, la tendresse et ce besoin jamais rassasié d’être ensemble de se toucher, de bouger ensemble :

«Un jour viendra le corps tassé
Les parchemins sur nos visages
Ceux qui racontent la vie passée
Tous les succès et les naufrages
Et nos mains qui tremblent au vent
Comme des biguines au pas léger
Continueront de battre le temps
Sous des soleils endimanchés
Un jour viendra on f’ra vieux os
Des bégonias sur le balcon
Un petit air de calypso
Photo sépia dans le salon
Malgré la vie, le temps passé
Malgré la jeunesse fatiguée
Personne ne pourra empêcher
Nos corps usés de chalouper

Chalouper, chalouper
Chalouper, chalouper
Chalouper, chalouper
…»

J’ai été séduit par la musique, mais ce qui frappe d’abord c’est la qualité des textes.

Il avait aussi été l’invité le 19 novembre de Tewfik Hakem dans son émission « le Réveil culturel » : Parler de choses graves avec des musiques douces> vient de la culture de la retenue dans laquelle j’ai grandi au Rwanda »

Sur la page du site, il est cité :

« J’écris pour garder une trace. Tout disparaît à une vitesse incroyable, la mémoire efface tout. Ma famille a connu des génocides, on a disparu en masse. Des pans entiers d’histoires humaines ont été anéantis. Mon père est français, ma mère est rwandaise mais j’ai grandi avec mon père dans un petit pays d’Afrique Centrale, où être métis n’a pas de réalité : j’étais un petit Blanc. Puis subitement en France je suis devenu Noir. C’est sans doute à cause de ce sentiment de me sentir perpétuellement à la marge que je me suis bâti sur l’écriture. »
Gaël Faye

S’il y a de la tendresse, il y aussi de la révolte. Et s’il écrit ses textes il accepte aussi de prendre des textes écrits par d’autres, notamment ce poème de Christiane Taubira  : « Seuls et vaincus ». Il explique que la révolte est aussi indispensable que la tendresse

« Je cite souvent un professeur d’espérance, René Depestre, qui m’a appris cet équilibre important chez l’être humain entre la révolte et la tendresse. Je pense qu’il ne peut pas y avoir de la tendresse, s’il n’y a pas aussi de la révolte en face du monde tel qu’il ne va pas.

On peut déployer son amour que si on est aussi révolté par les injustices, dans ce monde qui nous met en position de dominé. Il faut ce balancier. C’est pourquoi je voulais collaborer avec des gens qui ont œuvré toute leur vie entre ces deux positions comme Harry Belafonte et Christiane Taubira. »

L’ancienne ministre dans son texte fustige les xénophobes et tous ceux qui mènent selon elle un combat d’arrière-garde.

«Vous finirez seuls et vaincus
Sourds aux palpitations du monde
À ses hoquets, ses hauts, ses bas
Ses haussements d’épaules veules
Au recensement des ossements
Qui tapissent le fond des eaux

Vous finirez seuls et vaincus
Aveugles aux débris tenaces
De ces vies qui têtues s’enlacent
De ces amours qui ne se lassent
Même lacérées de se hisser
À la cime des songeries
[…]
Et vos enfants joyeux et vifs
Feront rondes et farandoles
Avec nos enfants et leurs chants
Et s’aimant sans y prendre garde
Vous puniront en vous offrant
Des petits-enfants chatoyants

Vous finirez seuls et vaincus
Car invincible est notre ardeur
Et si ardent notre présent
Incandescent notre avenir
Grâce à la tendresse qui survit
À ce passé simple et composé »

A la fin de l’émission il donne ce chemin :

« La dignité c’est une valeur qui m’importe beaucoup, c’est ce qui nous permet de traverser la vie en se sentant digne de cette petite parenthèse qui est l’existence. La fête permet de transcender la rage en une énergie plus grande. »

Et il finit son album par cette sublime chanson dans laquelle le texte est d’une finesse et d’une poésie à se pâmer :

C’est une chanson en mémoire du Rwanda, de son Rwanda :

« Au-dessus d’ces collines s’élève ma voix à jamais
Ô mon petit pays, ô Rwanda bien-aimé
Un million de gouttes d’eau qui tombent de terre en ciel
Un million de nos tombes en trombes torrentielles

De nos fosses profondes à nos points culminants
Nous sommes debout maintenant les cheveux dans le vent
À conjurer le sort qu’un désastre engloutit
À se dire qu’on est fort, qu’on vient de l’infini

Je rêve de vous (kwibuka)
I’m dreamin’ of you (kwibuka)

Je rêve de vous, chanson d’un soir d’ivoire
Je rêve de vous, mes mots sont dérisoires
Je rêve de vous quand l’Histoire nous égare
Je rêve debout au jardin des mémoires
Et vu que je renais déjà de nos abysses
Je fais de nos sourires d’éternelles cicatrices

[…]

Je rêve de vous
Vous mes lumières invaincues
Mon souvenir
Mes silences nus
Je rêve de vous
Dissipe les ténèbres
Je n’oublie pas
Je m’habille de vos rêves »

C’est un moment de grâce.

J’ai bien sûr acheté cet album de cet artiste, de ce poète, de cet humaniste qui a pour nom Gael Faye et qui nous vient du Rwanda.


<1604>

Lundi 5 juillet 2021

« La musique officielle du festival de Cannes. »
Camille Saint-Saëns

Le festival international de film de Cannes va débuter demain, le 6 juillet 2021.

Initialement prévu du 12 au 23 mai 2020, le festival 2020 a été annulé en raison de la pandémie de la Covid-19

Et comme les années précédentes, avant la diffusion de chaque film dans la salle du palais des Festivals une musique sera jouée: <Cette musique>

Musique pétillante, scintillante, qui incite à la rêverie.

C’est une musique de Camille Saint Saëns. C’est un des morceaux d’une de ses œuvres les plus connues : « Le Carnaval des animaux ».

Et ce morceau s’appelle <aquarium>

<France Musique> explique le lien de cette musique avec le cinéma.

Nous apprenons ainsi que Terrence Malick, a utilisé cette musique dans son film « Les Moissons du Ciel ».

Et, c’est après avoir vu ce film que Gilles Jacob, l’ancien délégué général et président du Festival de Cannes a choisi cette musique comme identité sonore du Festival de Cannes depuis 1990.

Alan Menken, compositeur de la musique du film « La Belle et la Bête » des studios Disney sortie en 1991 s’est inspiré de l’aquarium de Saint-Saëns.D’autres ont utilisé ou se sont inspirés de cette petite pièce magique, par exemple le célèbre Ennio Morricone.

Max Dozolme l’animateur de France Musique décrit

«  Une musique composée en 1886 et qui évoque le ballet des poissons avec ces notes de piano comme des bulles et surtout un procédé totalement magique de Camille Saint-Saëns : chaque note du thème joué par les violons et la flûte dans les aiguës est répétée par un glass-harmonica au son cristallin, comme pour évoquer le scintillement de l’eau et des écailles de ces animaux muets…»

Camille Saint-Saëns est mort, il y a 100 ans en 1921.

Plus précisément le 16 décembre 1921. Je rendrai plus longuement hommage à ce musicien un peu oublié et qui a écrit des œuvres splendides.

Vous pourrez voir « aquarium » joué par les sœurs Labèque et l’orchestre philharmonique de Berlin dirigé par Simon Rattle derrière ce lien <Aquarium joué par la Philharmonie de Berlin>

France Musique propose un arrangement pour deux pianos : <L’aquarium de Saint Saens arrangé pour deux pianos>

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