Jeudi 23 juin 2022

« Le Portsmouth Sinfonia : le pire orchestre du monde. »
Un ensemble de musique créé par Gavin Bryars

La constitution d’un gouvernement en France est devenue délicate depuis dimanche…

Prenons un peu de recul et parlons d’autre chose.

Quoique, je me demande s’il n’est pas possible de trouver des correspondances entre notre situation politique française et le sujet du mot du jour d’aujourd’hui.

Commençons par un exemple audio qui nous met dans l’ambiance.

Même celles et ceux qui n’ont aucune affinité avec la musique classique connaissent le début du poème symphonique de Richard Strauss : « Ainsi parlait Zarathoustra ». Cette œuvre a été souvent utilisée dans la publicité et dans les films et notamment en ouverture du film « 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick », illustrant l’alignement entre la Lune, la Terre et le Soleil, ainsi que dans L’aube de l’humanité et dans la scène finale du film.

Je vous invite donc à écouter le début de cette œuvre, après avoir subi la publicité qui permet la gratuité, dans l’interprétation de l’orchestre du <Portsmouth Sinfonia : « Also sprach Zarathustra »>

C’est un moment décapant, absolument unique dont on sort par une espèce de sidération : C’est un disque qui a été enregistré et que des gens ont acheté !

<Portsmouth> est une ville portuaire de la côte sud de l’Angleterre qui compte 205 400 habitants et qui est la deuxième plus grande ville du Hampshire, après Southampton.

Et c’est dans cette rieuse cité qu’a commencé, en 1970, cette histoire étonnante que l’émission de « France Musique » : Maxxi Classique a raconté, le jour de la fête de la musique, le 21 juin 2022.

L’histoire est celle d’une initiative baroque du compositeur Gavin Bryars : créer le Portsmouth Sinfonia

Cet orchestre dispose d’une page Wikipedia : <Portsmouth Sinfonia>

Et aussi d’un site qui lui est dédié : https://www.portsmouthsinfonia.com/

On trouve de nombreuses références sur internet qui parle de cette expérience disruptive. Par exemple : « Je vous assure que cet orchestre joue faux ! »

Mais revenons à l’émission de France Musique < Le Portsmouth Sinfonia : Le pire orchestre du monde >

Le musicologue Max Dozolme narre cette histoire incroyable

« Mai 1970. Dans la cantine du College of Art de Portsmouth, des étudiants et des professeurs d’art prennent le thé. Ensemble, ils imaginent comment ils pourraient participer à une émission anglaise populaire qui doit avoir lieu dans quelques jours au sein de leur école. Cette émission qui porte le nom d’Opportunity Knocks est un télécrochet, une sorte d’ancêtre du programme La France a un incroyable talent. Ce jour-là, un professeur invité qui anime un cours sur la musique expérimentale a une idée ! Et si nous formions un orchestre symphonique qui réunirait des étudiants musiciens et non-musiciens ? Et si pour plus d’égalité, on demandait à tous ces étudiants de choisir un instrument qu’il ne maîtrise pas du tout ? Ça pourrait être une bonne idée non ?

Le professeur à l’origine de la fondation du Portsmouth Sinfonia se nomme Gavin Bryars. Il a 26 ans, il est compositeur, très bon contrebassiste mais dans cet orchestre qu’il vient de créer il a décidé de jouer de l’euphonium, l’instrument le plus grave du pupitre de cuivres. Comme de nombreux étudiants de l’orchestre ne savent pas lire de partitions et connaissent mal le répertoire symphonique, la première oeuvre que le Portsmouth Sinfonia a choisi d’apprendre est un tube de la musique classique. Un air que l’on entend dans des publicités, des dessins animés et des westerns qui a l’avantage d’être connu de tous. Il s’agit de l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini !

Parce que même dans cette version saccagé le public a tout de suite reconnu le thème musical de Rossini et probablement parce le concept de cet orchestre a été jugé particulièrement original, le Portsmouth Sinfonia a été désigné grand vainqueur de l’émission Opportunity Knocks ! Ce succès a sans doute donné des ailes aux musiciens car après cette première expérience, la formation a donné plusieurs concerts dont un mémorable au prestigieux Royal Albert Hall de Londres en 1974 !

Pour la petite histoire, c’est grâce aux contacts de Brian Eno, membre éminent de l’orchestre que le Portsmouth Sinfonia a pu enregistrer son tout premier disque en 1973. Suivront un album de reprises de chansons salué par le chanteur des Who Pete Townshend et de nombreux autres concerts jusqu’à une dernière représentation donnée à Paris en 1980. Depuis cette représentation parisienne, le Portsmouth Sinfonia n’a plus jamais joué ensemble mais il a inspiré la création d’autres formations similaires et qui sait, peut-être qu’un jour cet orchestre se reformera, pour le meilleur et surtout pour le pire ! »

L’émission est enrichie par plusieurs extraits musicaux, interprétés ou plutôt massacrés par cet orchestre fantasque.

Max Dozolme résumait cet orchestre ainsi :

« le Portsmouth Sinfonia répétait avec sérieux, donnait des concerts au Royal Albert Hall et enregistrait des œuvres symphoniques. Problème, aucun musicien ne savait jouer de son instrument. […]

Toutefois, l’article cité : « Je vous assure que cet orchestre joue faux ! » précise : « Il n’y avait pas d’audition préalable , le seul critère d’admission était que le musicien ait une connaissance, au moins minimale, d’un instrument y compris pas du tout. Plus en détail, le processus était le suivant. Les musiciens les plus capables, disons crédibles, échangeaient leurs instruments avec d’autres, tandis que quelques interprètes d’un niveau « décent », conservaient le leur afin de préserver une certaine «cohérence» à minima. »

Libre à vous de trouver un lien entre ces instants de cacophonie et ce qui se passe actuellement dans les cercles du pouvoir à Paris.

<1686>

Mercredi 22 juin 2022

« La réalité du pouvoir minoritaire de Macron est [enfin) apparue. »
Jérôme Sainte-Marie, politologue

Depuis deux jours, des commentateurs politiques se désolent du fait qu’il n’y ait pas de majorité absolue à l’Assemblée Nationale.

Tout tourne autour de cette question.

Certains supporters de la NUPES expriment l’idée qu’ils sont passés à côté d’une victoire possible et de l’objectif d’envoyer Melenchon à Matignon pour mettre en œuvre son programme.

Et tout le monde de s’étonner qu’après une victoire nette à l’élection présidentielle, les français n’aient pas confirmé leur vote en envoyant une majorité confortable à ce président réélu.

D’autres dissertent ensuite sur les erreurs que Macron a commises depuis son élection et qui expliquent cette déconvenue.

Dans l’émission de France 5 « C en l’air » du 20 juin, on apprend que Macron au lendemain du second tour plutôt que de consacrer son temps et son énergie à nommer une Première Ministre et préparer le futur gouvernement pour mener la bataille électorale, a passé son précieux temps à examiner dans le détail la liste de 577 candidats de sa coalition « Ensemble » aux élections législatives. Il semble que cet exercice devait lui permettre de s’assurer, personnellement, de la fidélité de chacune et chacun d’entre eux. L’objectif étant d’essayer de dénicher des candidats susceptibles de rejoindre, par la suite, son allié Edouard Philippe dont il se méfie. On dit que son ancien premier ministre occupe beaucoup de son temps de cerveau disponible.

Tout ceci ne me convenait pas.

Je pensais à cette pensée de la sagesse chinoise :

« Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt »

Quel est le problème ?

Le problème est qu’un mouvement politique qui a obtenu 28 % des voix exprimés aux Présidentielles et 26 % aux législatives puisse vouloir prétendre obtenir la majorité absolue à l’Assemblée Nationale, puis appliquer son programme comme si la majorité du corps électoral avait fait ce choix.

Et encore, nous avons constaté pendant les derniers cinq ans où ce mouvement politique était au pouvoir que les députés de la majorité jouait un rôle accessoire sur l’élaboration des textes et de la politique mise en œuvre. La seule vraie mission de cette majorité était de voter sans discuter ce que la petit équipe de l’Elysée avait décidé.

Je m’empresse d’ajouter que la prétention de la NUPES de gouverner seule était encore plus insensée : Le corps électoral français qui s’exprime penche à droite.

Alors j’ai enfin été rassuré quand j’ai regardé l’émission « C ce soir » du lundi 20 juin : « Macron : le grand saut dans le vide »

Karim Rissouli avait invité Franz-Olivier Giesbert, Géraldine Muhlmann, Jérôme Sainte-Marie, Gilles Finchelstein et Céline Calvez, députée LREM.

Ce débat correspondait aux questions qui me semblaient importantes à poser.

Et c’est le politologue Jérôme Sainte Marie qui a avancé cette analyse :

« Un pouvoir qui était structurellement minoritaire depuis 5 ans, avait gagné massivement, en 2017, au second tour face à une de ses oppositions.

Parce que les autres oppositions préféraient encore voter pour Macron que pour Marine Le Pen.

Cela a duré pendant 5 ans et puis cela a duré encore pendant l’élection présidentielle de 2022 : 28% au premier tour puis 58 % au second Tour.

Mais là la machine s’est grippée.

Ce dimanche, les différentes oppositions ne se sont pas mobilisées les unes contre les autres.

Et la réalité du pouvoir minoritaire d’Emmanuel Macron apparait et nous place au Parlement dans une situation inextricable. »

Après 10 min d’émission

Voilà c’est dit !

Je l’exprime autrement : Un pouvoir minoritaire a pu obtenir un pouvoir majoritaire parce que ses oppositions se combattaient les unes les autres.

Alors il faut bien gouverner ?

Certes !

Mais il ne faut pas gouverner en faisant semblant de croire qu’une majorité de français approuvait la politique poursuivie.

Dans un élan de bienveillance on peut encore admettre que pendant 5 ans « on a donné sa chance au produit » comme dirait mon neveu.

Mais au bout de 5 ans, il faut arrêter les faux semblants.

Un quart du corps électoral, les nantis, les seniors et retraités, les gagnants de la mondialisation et ceux qui espèrent en faire partie, soutiennent ce mouvement politique. Tous les autres n’ont pas voté Macron mais ont voté contre Melenchon et contre Le Pen .

Et puis tout repartait comme avant : « Les Français m’ont fait confiance et maintenant il me faut une solide majorité pour mettre en œuvre mon programme ».

Les français ont dit non à cette prétention.

Ils ont donné au mouvement dominant le nombre de députés le plus important mais n’ont pas donné la majorité absolue.

Et c’est bien et normal ainsi.

Il faut gouverner autrement.

Cela devient certes plus compliqué, mais il est beaucoup plus sain que les débats aient lieu au Parlement, plutôt qu’ailleurs.

Gilles Finchelstein a fait ce constat :

« C’est une crise politique : incapacité de trouver une majorité.

C’est une crise française, pour tous les autres pays européens cette situation est normale et ne conduit pas à une crise mais à une coalition.

C’est une crise inédite, elle n’a rien de comparable avec le gouvernement minoritaire de Rocard en 1988 qui disposait sur ses deux ailes d’opposants moins vindicatifs qu’aujourd’hui.

C’est une crise sérieuse parce que nous ne voyons pas le chemin d’une solution. »

On ne voit pas, mais il faut chercher.

C’est la responsabilité de la majorité présidentielle, mais c’est aussi la responsabilité des oppositions.

Mais l’émission est restée dans une tonalité optimiste : peut être que de cette crise sortira du mieux.

La 5ème république dérivait de plus en plus vers un pouvoir de l’extrême centre sans opposition en capacité d’alternance. Cette situation créait des tensions de plus en plus fortes dans la société.

La crise politique actuelle ne vient pas d’un vote « fantasque » des français.

Elle est le révélateur d’une situation politique devenue intenable.

La promesse de Macron de dépasser les clivages s’est heurtée au mur des réalités et des tensions internes de la société française.

<1685>

Mardi 21 juin 2022

«Pause (surlendemain du second tour des législatives) »
Un jour sans mot du jour nouveau

Le 21 juin 2022 est le jour du solstice d’été. Il a aussi été choisi, il y a 40 ans pour être le jour de la fête de la musique.

Je me suis perdu dans les chiffres du second tour des élections législatives et ne trouve rien de pertinent à écrire sur ce sujet.

<France Info> présente de pertinentes infographies sur ces élections. Vous apprendrez qu’à Paris il n’y a plus aucun député LR, le parti de Chirac, ni de député PS le parti de Delanoé. Les 18 circonscriptions de Paris se partage entre 9 NUPES (écologistes et insoumis) à l’est et 9 Ensemble à l’ouest. Vous apprendrez aussi que la NUPES a perdu plus de duels contre tous les autres Partis et coalition qu’elle en a gagné. Elle a perdu 53% des 62 duels contre le RN, 66% des 270 duels contre la coalition macroniste et 92 % des 26 duels contre les LR.

Le parti de Marine Le Pen a beaucoup mieux résisté à la coalition présidentielle. Dans les 108 duels entre Ensemble et RN, il y a eu 55 victoires pour Ensemble, et 53 pour le Rassemblement national.

<Harris Intervactive> a publié une enquête sur les reports de voix.

J’en retiens trois points :

  • En cas d’affrontement NUPES/ Rassemblement National, une majorité d’électeurs ayant voté pour Ensemble au premier tour ne se sont pas exprimés. Les autres se sont répartis pour 34% pour la NUPES et 18% pour le RN.
  • En cas d’affrontement NUPES/ Ensemble, une majorité d’électeurs ayant voté pour le Rassemblement national au premier tour ne se sont pas exprimés. Les autres se sont répartis pour 24% pour la NUPES et  25% pour Ensemble .
  • En revanche dans le cas d’un affrontement Ensemble/RN une majorité d’électeurs de la NUPES se sont exprimés, à 31% pour Ensemble et 24% pour le RN.

 

<Mot du jour sans numéro>

Lundi 20 juin 2022

«Pause »
Un jour sans mot du jour nouveau

Pour pleinement me concentrer sur la soirée électorale du second tour des élections législatives je me suis mis en pause.

Pour accompagner ces pauses je mets la photo d’un chat.

J’ai trouvé cette photo d’un chat qui s’est invité dans un bureau de vote !

<Mot du jour sans numéro>

Vendredi 17 juin 2022

« Nous vivons un avant-goût de notre futur climatique. »
Christophe Cassou, chercheur CNRS au Centre européen de recherche et de formation avancée en calcul scientifique

Nous vivons une canicule dont le pic est prévu samedi 18 juin.

J’ai trouvé cette carte sur le site de <Oise Hebdo>

Météo-France a annoncé, jeudi 16 juin, que douze départements ont été placés en vigilance rouge canicule et 25 départements en vigilance orange canicule à partir de vendredi 14 heures, lors de la canicule la plus précoce jamais enregistrée en France. Au total, trente-sept départements sont en vigilance, soit un tiers du pays, et 18 millions de personnes sont concernées.

Les départements en vigilance rouge se situent principalement le long de la façade atlantique :

  • Le Tarn, la Haute-Garonne, le Gers, le Tarn-et-Garonne, le Lot-et-Garonne, les Landes, la Gironde, la Charente, la Charente-Maritime, les Deux-Sèvres, la Vienne et la Vendée.

Quant aux vingt-cinq départements en alerte orange, ils se situent des Pyrénées au sud de la Bretagne, à la Drôme et à l’est du pays :

  • Morbihan, Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique, Mayenne, Maine-et-Loire, Sarthe, Loir-et-Cher, Indre-et-Loire, Indre, Cher, Creuse, Haute-Vienne, Dordogne, Corrèze, Puy-de-Dôme, Cantal, Lot, Haute-Loire, Aveyron, Ardèche, Drôme, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Ariège, Aude.

<Le Monde> nous apprend qu’il s’agit de la quatrième fois que la vigilance rouge canicule est activée depuis 2003, date de la mise en place du dispositif, après les leçons tirées de la canicule historique qui avait causé, cette année-là, la mort de plus de 15 000 personnes en France.

Mais, cette fois-ci, le phénomène survient plus tôt dans la saison que d’ordinaire.

Le thermomètre a grimpé, jeudi, à 40°C à Saint-Jean-de-Minervois, dans l’Hérault – un record de précocité pour la France métropolitaine hors Corse. Ce record a été enregistré à 16 h 32, a précisé Météo-France

Le ministère de la santé a activé un numéro gratuit Canicule info service (08.00.06.66.66) afin de répondre aux interrogations et donner des conseils.

Grâce à <Libération> nous apprenons que ce qui nous arrive est une « plume de chaleur » et non un « dôme de chaleur » .

Le « dôme de chaleur » nous avait été expliqué, l’été dernier, lors de l’épisode record de chaleur au Canada.

Les deux phénomènes peuvent causer des canicules infernales, mais ils sont différents.

Le dôme de chaleur d’abord :

« Il est statique : une masse d’air chaude se bloque sur un territoire à cause de fortes pressions en altitude, qui la plaquent vers le sol. Comprimée, elle monte ensuite en température sur place comme si elle était dans une cocotte-minute. Là, l’épisode de fortes chaleurs peut durer plusieurs semaines, jusqu’à ce que des vents chassent la bulle d’air. »

C’est ce phénomène qui était en œuvre lors de la canicule d’août 2003, évoquée ci-dessus.

La plume de chaleur se déplace :

« La plume de chaleur, qui va faire grimper le thermomètre en France jusqu’à ce week-end, ressemble à un panache, un coup de chalumeau, une langue ou encore un tentacule. Elle vient du sud du globe. La bande d’air chaud s’est formée au Sahara, puis s’est détachée et est montée en latitude à cause de vents puissants. La vagabonde est d’abord passée sur l’Espagne avant de gagner l’Hexagone. Elle est tractée vers le Nord par une dépression, une « goutte froide », située au large de la péninsule ibérique, qui l’aspire tel un engrenage ou une pompe à chaleur en tourbillonnant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Les plumes de chaleur, très mobiles, ont cependant tendance à ne pas s’éterniser sur un même territoire. L’épisode devrait durer cinq jours en France. »

Le journal écologiste « Reporterre » nous raconte que « La canicule est un avant-goût de notre futur climatique » :

« Cette vague inédite, si tôt dans la saison, alarme les spécialistes. L’exception devient peu à peu la norme. En 2019, une canicule avait déjà frappé la France, en juin, et battu des records absolus de température. Cette année, la canicule arrive deux semaines en avance par rapport à 2019. Pour le climatologue Christophe Cassou, « nous vivons un avant-goût de notre futur climatique ».

La situation actuelle doit être replacée dans un contexte plus général de réchauffement climatique. Les sept dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. Tout s’accélère et s’intensifie. Nous avons connu autant de vagues de chaleurs entre 1960 et 2005 (en 45 ans) que de 2005 à 2020 (en 15 ans) : on compte 4 vagues de chaleur avant 1960, 4 entre 1960 et 1980, 9 entre 1980 et 2000, et enfin 26 depuis 2000. En ce début du XXIe siècle, les épisodes caniculaires sont devenus sensiblement plus nombreux que ceux de la période […] Dans son dernier rapport, le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) est formel sur le sujet. L’ampleur des extrêmes de température augmente plus fortement que la température moyenne mondiale. Et l’influence humaine favorise l’émergence de phénomènes d’ordinaire très rares et exceptionnels.

Ce n’est qu’un début, selon une étude publiée par la revue Science en septembre 2021, les enfants nés en 2020 subiront 7 fois plus de vagues de chaleur, 2 fois plus de sécheresses et incendies de forêt, 3 fois plus d’inondations et de mauvaises récoltes qu’une personne née en 1960.

Et Reporterre partage les prévisions des scientifiques :

« Les sécheresses s’aggravent, alerte l’ONU. Notre quotidien est bouleversé. En France, la fréquence des canicules devrait doubler d’ici à 2050. Selon Météo France, « en fin de siècle, les vagues de chaleur pourraient être non seulement bien plus fréquentes qu’aujourd’hui mais aussi beaucoup plus sévères et plus longues » et « se produire de mai à octobre ». »

À court terme, la vague de chaleur qui s’abat sur la France pourrait déjà avoir de graves conséquences : accélérer la maturité des cultures et en brûler une partie, accélération de la pénurie d’eau sur certaines parties de notre territoire

Alors que le climatologue Christophe Cassou sonne l’alerte :

« Les faits sont clairs. Ne pas être à la hauteur est aujourd’hui irresponsable. Il faut réduire nos émissions de gaz a effet de serre de manière immédiate, soutenue dans le temps et dans tous les secteurs. Pas dans trois ans, maintenant ! »

Le gouvernement manifeste des ambitions plus modestes : Il y a une semaine, sur LCI, la ministre de Transition écologique, Amélie de Montchalin avait seulement invité les Français à « être sobres » et à « ne pas surutiliser leur climatiseur pour lutter contre le dérèglement climatique ».

Dans ce contexte, le truculent Willy Schraen a fait une déclaration remarquée dans ce haut lieu de la culture et de l’émulation intellectuelle qu’est l’émission de RMC « Les grandes gueules ».

Je connais des chasseurs sympathiques et intelligents.

Chaque corporation, chaque famille possède son lot de « cas particulier » qu’on essaye de réguler et de cacher un peu.

L’ennui, c’est quand la corporation met ce type de personnage à sa tête !

Car M Willy Schraen qui a déclaré avoir voté pour Emmanuel Macron dès le premier tour est le président de la Fédération nationale des chasseurs depuis août 2016.

Qu’a-t-il dit ?

Nous lisons sur le <site de l’Obs> ses propos :

«  Il faut reconnaître qu’il va faire chaud pendant trois jours. Bizarre, on est entre le premier et le deuxième tour […]

On nous explique du matin jusqu’au soir depuis deux jours « Attention, l’écologie machin… » Bon, dites-le carrément au niveau de la météo : votez la Nupes ! On va gagner du temps, on a bien compris, on est quand même pas débile !»

La canicule serait donc selon cet homme vigilant qui refuse de se laisser abuser, une stratégie de la NUPES pour obtenir des voix !

Il fallait y penser.

Il fallait oser le dire.

Mais les c.. ça ose tout c’est à cela qu’on les reconnait. Il y a bien longtemps, le 6 décembre 2013, j’avais publié la version originale de ce mot d’Audiard. Elle est de Saint Thomas d’Aquin et se décline ainsi : « Tous les imbéciles et ceux qui ne se servent pas de leur discernement, ont toutes les audaces. »

<1684>

Jeudi 16 juin 2022

« Le délit de clameur. »
Délit prévu par l’article L98 du Code électoral

Il se passe des choses étranges en France.

Il y a déjà eu le fiasco du Stade de France pour la finale de la Ligue des Champions de football qui a montré des difficultés d’organisation, des lacunes pour rapidement prendre la mesure de ce qui se passe et réagir et enfin l’incapacité de nos gouvernants a reconnaître simplement que les choses se sont mal passées et s’en excuser. J’y reviendrai peut-être

Mais aujourd’hui, je voudrais narrer simplement ce qui s’est passé, lors du premier tour des élection législatives, dans le bureau de vote nº 13, de la 9e circonscription de Paris, place Jeanne-d’Arc dans le quartier de la Gare du 13ème arrondissement.

Plusieurs journaux ont narré cette histoire, le journaliste Stéphane Foucart, dans « Le Monde » l’a décrit de manière assez détaillée : <Une nuit en garde à vue pour avoir alerté d’une confusion possible>.

Je reprends ses explications

Dans cette 9ème circonscription, la NUPES avait présenté l’écologiste Sandrine Rousseau que tout le monde connait depuis qu’elle a failli battre Jadot à la primaire écologiste et qu’elle a multiplié des déclarations qui ont interpellé et surpris par leur radicalité.

Cette femme politique irrite beaucoup de monde notamment le Mouvement de la ruralité qui est le nouveau nom de ce parti politique qui avait pour objet de lutter contre les tentatives trop modernistes  «  Chasse, pêche, nature et traditions ».

Ce mouvement, dans le but évident de nuire à Sandrine Rousseau, a investi dans la même circonscription une « novice » écrit le Monde, je comprends une parfaite inconnue mais qui avait pour singularité de porter le même nom et prénom que la candidate écologiste.

Un retraité de l’enseignement supérieur (université Paris-I), historien d’art, Patrick de Haas, vote dans ce bureau :

« C’est en arrivant dans le bureau de vote nº 13, place Jeanne-d’Arc à Paris, que M. de Haas et sa compagne remarquent que, sur la table de décharge, le premier bulletin disposé au nom de Sandrine Rousseau, « sans photographie de la candidate », dit-il, n’est pas celui de la candidate écologiste investie par la Nupes. « Les bulletins de la candidate de la Nupes se trouvaient à l’autre bout de la table et j’ai été abusé par cette disposition, raconte-t-il. Il était évident que des votants allaient se tromper et prendre le premier bulletin au nom de Sandrine Rousseau sans réaliser qu’il s’agissait de la candidate investie par le Mouvement de la ruralité.

L’historien demande alors de meilleures indications aux assesseurs et au président du bureau de vote. Une signalétique spéciale est refusée au motif qu’elle serait irrégulière, risquant de créer un régime de faveur pour les deux Sandrine Rousseau. Choqué, M. de Haas décide alors de prévenir les votants à leur arrivée au bureau de vote, que deux piles de bulletins au nom de Sandrine Rousseau sont disposées. « Je ne suis pas militant politique, je n’ai, à aucun moment, dit à quiconque quoi faire ou comment voter, explique-t-il. Tout se passait dans le plus grand calme. J’avais le sentiment d’accomplir un devoir citoyen en avertissant les autres de la situation. »

M de Haas pensait faire œuvre utile pour informer les électeurs de la confusion possible.

Ce n’était pas ainsi que le député sortant macroniste, Buon Tan analysait la situation :

« En milieu de journée, le député sortant, Buon Tan (La République en marche), passe dans le bureau de vote : il signale, lui aussi, la présence d’une personne sur la voie publique alertant les votants du piège homonymique. Mécontent, le parlementaire demande que l’information soit consignée dans le procès-verbal des opérations de vote. M. Tan n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde. Craignant une irrégularité, le président du bureau appelle alors le service ad hoc de la Mairie de Paris pour s’informer sur la marche à suivre. Il lui est conseillé de contacter la police nationale, pour demander une intervention. »

Et c’est ainsi qu’une voiture de la police nationale s’arrête devant le bureau de vote. Trois gardiens de la paix lui intiment de s’éloigner.

« Je leur ai demandé s’il m’était possible de me mettre à une cinquantaine de mètres du bureau et ils n’y ont pas vu d’inconvénient », raconte-t-il. Mais, alors qu’il s’est éloigné et qu’il continue à alerter les personnes qui se dirigent vers le bureau, les trois gardiens de la paix changent d’avis.

Ils sont revenus vers moi un quart d’heure plus tard pour me dire qu’ils s’étaient trompés et que même à 50 mètres du bureau de vote je n’avais pas le droit de prévenir les gens, poursuit-il. Je n’ai pas protesté, ni même discuté, et je suis rentré chez moi, à 150 mètres de là. » Les trois mêmes gardiens de la paix, changeant manifestement une nouvelle fois d’opinion, le retrouvent au pied de son immeuble, le cueillent et lui disent qu’il doit passer devant un officier de police judiciaire (OPJ). « Une fois au commissariat, je n’ai alors pas pu dire un mot, j’ai eu le sentiment d’être traité comme un criminel de guerre. [L’OPJ] a refusé de m’entendre et m’a signifié que j’étais placé en garde à vue pour des faits de « clameurs, attroupement et menaces », raconte l’historien. Tout cela étant complètement faux, j’ai refusé de signer le procès-verbal. »

Au matin, après une nuit de garde à vue et une demi-heure d’entretien avec un avocat commis d’office, M. de Haas est entendu par un autre OPJ qui ne conserve que les faits de « clameurs », prévu par l’article L98 du code électoral, qui punit « les atteintes à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote ».

Le Monde précise que

« Contactée lundi 13 juin en début d’après-midi, la préfecture de police de Paris n’avait pas donné suite, mardi en fin de matinée, aux sollicitations du Monde. »

Je suis donc allé consulter l’article L98 du code électoral sur le site de <Legifrance> Je le cite intégralement :

« Lorsque, par attroupements, clameurs ou démonstrations menaçantes, on aura troublé les opérations d’un collège électoral, porté atteinte à l’exercice du droit électoral ou à la liberté du vote, les coupables seront punis d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros. »

On comprend bien que si on suit la description des faits il ne saurait être question de « démonstration menaçante » ni « d’attroupement », il restait donc « la clameur ».

A ce stade j’ai trouvé judicieux de chercher la définition exacte de clameur.

« Le Larousse » après avoir précisé qu’il s’agissait d’un nom féminin le définit ainsi :

« Cris violents et tumultueux indiquant, en particulier, une véhémente protestation, un grand enthousiasme, etc. : Les clameurs de la foule. »

Et donnent pour synonymes :

« huée – hurlement – tollé – tumulte – vocifération »

Il ne me semble pas que le comportement du professeur retraité puisse être décrit par cette définition.

Il tentait au contraire d’instiller de la clarté, là où régnait la confusion.

La Préfecture de Police ne me semble pas avoir agi avec discernement dans cette affaire, je n’en dirai pas davantage.

Dans cette 9ème circonscription, la participation a été de 54,80%, donc supérieure à la moyenne nationale

Malgré ces manœuvres Sandrine ROUSSEAU est arrivée largement en tête avec 42,90% des voix devant le député sortant Buon TAN 26,77%.

La manœuvre du Mouvement de la ruralité ne semble pas avoir d’effet.

Quoique ! L’autre Sandrine Rousseau a quand même reçu 1,88% des voix devançant 6 autres candidats.

Sans aucune notoriété, aurait-elle eu le même résultat sans la confusion dénoncée par M De Haas ?

<1683>

Mercredi 15 juin 2022

« Représentation du corps électoral français. »
Ce que vote ou ne vote pas les français

Un dessin ou un schéma valent mieux qu’un long discours.

C’est doublement positif : c’est facile à lire et à appréhender et c’est facile à écrire. C’est du gagnant / gagnant comme disent les « winners ».

Revenons d’abord à la représentation des bulletins exprimés lors du premier tour des législatives.

Je reprends les mêmes chiffres qu’hier, ceux qui ont été publiés par le journal « Le Monde »


On voit deux quartiers qui dominent, mais qui si on regarde de près ne représente guère qu’un plus de la moitié du disque. Mais quand on montre les choses ainsi, on omet une grande partie de la réalité.

Ce décompte doit d’abord être complété des bulletins Blancs. Puis il faut aussi y ajouter les bulletins nuls dont on ne sait jamais si l’électeur pensait voter blanc ou a commis une erreur de votation. Ensuite pour que l’image du corps électoral soit plus conforme à la réalité il faut aussi ajouter les abstentionnistes.

Et pour enfin disposer d’une vision complète il faut aussi prendre en compte toutes les personnes en âge de voter et qui ne sont pas inscrites sur les listes électorales. J’ai trouvé un article de  « Libération » : <Combien de personnes en âge de voter ne sont pas inscrites sur les listes électorales ?> qui narre cela :

« Les dernières données mises à jour datent de mai 2021. A ce moment-là, «47,9 millions de personnes sont inscrites sur les listes électorales françaises hors Nouvelle-Calédonie, dont 1,4 million résidant hors de France et inscrites sur une liste consulaire», indique l’Insee dans un focus consacré à ce sujet. Soit 94 % des Français en âge de voter. Au total, seulement 6 % des personnes concernées n’étaient donc pas inscrites sur les listes électorales en mai 2021. Les données devraient être réactualisées à la fin du mois de mars, une fois que la date limite pour l’élection présidentielle sera passée, d’après l’Insee. »

Donc nous connaissons une estimation, c’est 6 % du corps électoral. Le reste est un simple calcul arithmétique et nous arrivons au tableau et à la représentation de ce que le corps électoral français a vraiment exprimé et non exprimé ce dimanche.


Dans cette représentation NUPES ou Ensemble représente chacun environ 11,5% du corps électoral. Et cette représentation montre que c’est vraiment peu !

<1682>

 

Mardi 14 juin 2022

« Que se passerait-il à l’Assemblée Nationale s’il y avait un autre mode de scrutin ?»
Un exercice intellectuel et spéculatif

Si vous avez lu le mot du jour d’hier, vous avez pu comprendre que nous utilisons en France un mode de scrutin que peut être tout le monde nous envie (quoique ce n’est pas certain) mais que personne n’utilise (ça c’est un constat).

Alors je tente aujourd’hui un exercice intellectuel et spéculatif qui consiste à partir des résultats de ce dimanche d’imaginer le résultat en nombre de sièges si nous appliquions un autre mode de scrutin.

Je veux insister sur le fait que cette démarche est spéculative et n’a aucune vocation à prédire ce qui se passerait si on changeait de mode de scrutin.

Tant il est vrai que le mode de scrutin induit des organisations et des comportements politiques qui sont très différents les uns des autres.

Autrement dit, si nous avions un autre mode de scrutin les acteurs politiques auraient un comportement différent.

S’il fonctionne bien, ce qui n’est plus le cas en France, le scrutin uninominal à deux tours induit une organisation de blocs de Partis, idéalement deux blocs, et une multiplication de Partis. Au premier tour, il y a de nombreux partis qui se présentent dans chaque circonscription. Et puis au second tour, il reste un candidat par bloc, celui qui était le mieux placé au premier tour, tous les autres partis du même bloc se désistant pour lui. Cela fonctionnait très bien quand il y avait un bloc de gauche et un bloc de droite

Si on reprend le tableau que j’ai présenté hier auquel j’ajoute une colonne pour faire la somme des voix du vainqueur et du second, 9 scrutins sur 16 sont dans ce cas avec deux blocs qui représentent 75% des votants


En 1981, les deux blocs représentaient 97,23% des Voix.

Le scrutin uninominal à 1 tour induit l’existence de très peu de Partis, 2 ou 3 avec quelques partis régionalistes. Parce qu’au-delà il n’y a aucune chance d’être élu, puisqu’il faut être premier dès le premier tour. L’organisation par Bloc n’a pas de sens pour ce mode de scrutin. En réalité, dans ce cas les blocs se réunissent tout de suite en Parti. C’est le cas en Grande Bretagne et aux États-Unis.

Le scrutin par liste à la proportionnelle peut prend plusieurs formes selon la circonscription qui peut être nationale ou infra nationale et selon l’existence d’un seuil en deçà duquel on ne peut avoir d’élu.

Ainsi en Israël, il n’y a pas de seuil. Cette situation a pour conséquence la création de beaucoup de petits partis, surtout religieux qui en contrepartie d’une ou deux concessions pour satisfaire les fantasmes de leurs électeurs acceptent de se joindre à une coalition pour lui apporter la majorité nécessaire pour appliquer sa politique. Cela peut créer des relations et des coalitions assez toxiques pour l’intérêt général du pays.

Mais le plus souvent le mode de scrutin est assorti comme en Allemagne d’un seuil, ce qui élimine la tentation des petits partis et favorise les coalitions de quelques Partis sérieux.

Avec toutes ces précautions, commençons cet exercice intellectuel.

1/ Si La France votait comme les britanniques ou les américains.

Nous sommes donc en présence du scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Celui qui arrive en tête gagne l’élection.

« Le Monde » a publié cette carte accompagnée de la liste des Tendances politiques arrivées en tête au premier tour des législatives.


Donc en reprenant ces chiffres et en faisant quelques regroupements envisageables, voilà ce que cela donnerait :


2/ Si la France votait comme les allemands

Cette fois il s’agit d’un scrutin proportionnel sur une liste nationale avec la nécessité d’un seuil de 5% des voix.

Il faut savoir que les allemands aux législatives votent deux fois : une fois pour un député et une seconde fois pour la liste d’un Parti.

Cette manière de faire permet à chaque allemand d’avoir un député dédié.

Mais la règle fondamentale est bien la proportionnelle intégrale.

Autrement dit c’est la répartition selon le scrutin par liste qui détermine la répartition des sièges. Les listes présentées par les Partis complètent les députés élus sur leur nom pour arriver à une stricte répartition proportionnelle.

Reprenons « Le Monde » et les Résultats officiels qu’il a publié :

Le Monde ne reprend pas les résultats du Ministère de l’intérieur qui donnent un peu d’avance à Ensemble, la coalition macroniste.

Je ne rentrerais pas dans cette querelle qui consiste à écarter certains candidats de la coalition NUPES.

Tout ceci n’est que spéculatif et n’a qu’une vocation à donner une idée du fonctionnement d’un mode de scrutin.

On constate que si on applique le seuil des 5%, Reconquête, le parti de Zemmour n’aurait pas de députés.

Je pense que cet exemple montre toutes les nuances et limites à apporter à ma démonstration.

Il est vraisemblable que des électeurs qui se sentaient plus proche de Reconquête que du Rassemblement National, ont pourtant voté pour le second choix en pratiquant un vote utile. Le mode de scrutin français est très exigeant pour arriver au second tour. Pour ne pas risquer qu’il n’y ait pas de candidat d’extrême droite au second tour, ils ont voté pour le candidat de cette tendance ayant le plus de chance d’accéder au tour suivant.

Il est donc probable que si ce mode de scrutin existait en France, le parti Reconquête aurait atteint les 5%. Mais tenons-nous strictement aux résultats.

On aboutit alors ce résultat


3/ Mais la France vote à la manière des Français

Donc il y aura un second tour.

5 députés sont déjà élus : 4 NUPES et 1 Ensemble.

Nous savons qui sera présent au second tour dans chacune des 572 circonscriptions qui restent à pouvoir.

Des analystes politiques se sont donc risqués à faire des prévisions pour le second tour.

On trouve cette projection dans « Le Monde »

A partir de ces éléments, je peux donc tenter une troisième répartition.

Les analystes proposent des fourchettes.

Je reste simple, je prends le milieu de la fourchette.

Et on comprend donc, par le dessin, le système français.

Les députés macronistes flirtent avec la majorité absolue, ce sera un peu en dessous ou un peu au dessus.

Certains diront peut-être que les deux premières représentations correspondent à des situations ingouvernables, alors qu’ici gouverner reste possible.

C’est un argument assez risqué.

La démocratie est aussi la gestion de la conflictualité.

Si on insiste sur l’efficacité et la capacité de gouverner, je crains que le régime chinois qui repose sur les décisions d’un petit comité de 7 responsables répond mieux à ce désir

Dans cet exemple français, nous avons un gouvernement qui a pour opposant 75% des électeurs qui se sont prononcés et dont le pouvoir de prendre des décisions et très peu limité.

Tout ceci reste une spéculation intellectuelle.

Et le mode de scrutin qui est un vrai problème en France n’est pas le seul problème de notre démocratie.

L’hyper présidentialisation en est une autre.

Et puis, et peut être surtout les contraintes des interdépendances, la mondialisation, la financiarisation de la Société laissent peu de marge de manœuvre au Politique, surtout à l’échelle d’un petit pays comme la France…

<1681>

 

Lundi 13 juin 2022

« Les 16 élections législatives de la Vème République. »
Un regard historique sur un scrutin qui se délite

Nous avons donc vécu, ce dimanche, le premier tour de l’élection première, c’est à dire celle des députés à l’Assemblée Nationale, siège du pouvoir de faire la Loi.

C’était la 16ème élection de ce type pour la Vème République

Les français ne savaient pas qu’il s’agissait du moment le plus important de notre vie démocratique.

Ils ne se sont jamais autant abstenus.

Voici l’évolution de la participation au cours de ces 16 élections.

Je voudrais aborder un second sujet dans ce mot du jour écrit un soir d’élection.

Et pour introduire ce point je commence par l’élection de 1958.

Les élections législatives françaises de 1958 ont lieu les 23 et 30 novembre 1958. Il s’agit des premières élections de la Cinquième République.

La constitution de la cinquième république vient d’être approuvée par le référendum du 28 septembre 1958.

À l’issue du scrutin, 579 parlementaires ont été élus. La majorité de l’assemblée est conforme à la majorité présidentielle.

Cette dernière a obtenu 43 % des voix au premier tour et 402 députés.

Le second de cette élection est le Parti Communiste dirigé par Maurice Thorez qui obtient au premier tour 18,90 % des voix et 10 députés.

Nous voyons là, dès la première élection l’effet totalement déformant du scrutin uninominal à deux tours.

Pour élire un député dans une circonscription, il faut au premier tour qu’il puisse rassembler 50% des votants +1. Sinon il y a un second tour qui rassemble au moins les deux premiers et d’autres candidats s’ils ont obtenu au moins un seuil de voix qui a évolué. Aujourd’hui il faut au minimum avoir obtenu 12,5% des inscrits. Ce qui signifie qu’en présence de 50% d’abstention, le candidat doit obtenir 25% des votants.

Les défenseurs de ce mode de scrutin expliquent qu’il permet de favoriser les candidats ou Partis capables de rassembler au second tour des électeurs qui n’avaient pas voté pour eux au premier tour.

En 1958, le Parti Communiste avait un socle électoral de citoyens convaincus mais au second tour il avait du mal à trouver des électeurs non communistes acceptant de voter pour eux.

En chiffre cela donne les résultats suivants :


Vous comprenez que la majorité gaulliste est passé de 43,10% des votants à 69,43 % des députés. Le mode de scrutin a « optimisé » son résultat par 1,6

En comparaison le Parti communiste a divisé son résultat par 10.

Si on veut s’intéresser à deux autres Partis de cette élection :

L’autre Parti de Gauche était à l’époque le SFIO de Guy Mollet qui s’intégrera en 1971 dans le PS de Mitterrand. Il obtient 17,20% des voix au premier tour et 40 députés soit 6,91% de la chambre, l’effet multiplicateur est de 0,40, C’est mieux que le PCF mais cela correspond à un résultat divisé par 2,5.

Et le grand parti du centre le MRP qui avait dominé la IVème république et dont le chef était le maire de Strasbourg, Pierre Pflimlin qui était surtout l’avant dernier premier ministre de la IVème république (le dernier étant De Gaulle qui fera passer le régime à la Vème République)

Le MRP avait obtenu 9,10% des voix au premier tour, donc à peu près la moitié de la SFIO mais avec presque autant de députés 35, soit 6,04%. Il ne dispose donc pas d’une optimisation comme la majorité présidentielle, mais sa moins-value est moindre que celle des deux partis de gauche : 0,66 = 9,10/6,04

Le mode de scrutin qui donne un tel effet est-il utilisé ailleurs ?

Si on observe les principaux pays qui nous sont comparables :

  • La Grande Bretagne pratique le scrutin uninominal à un tour : Le candidat arrive en tête au premier, quel que soit son score, est élu. Le type de déformation qui existe entre la répartition en voix et la répartition en sièges dans le scrutin uninominal à deux tours ne se retrouve évidemment pas dans ce type de scrutin.
  • Les autres Pays de l’Union européenne utilise tous, le scrutin de liste avec élections à la proportionnelle. Ce mode de scrutin selon les modalités d’application (par exemple souvent les listes obtenant moins de 5% n’ont pas d’élus) ont un effet multiplicateur proche de un : la chambre des députés ressemble à la répartition des voix.

J’ai fait des recherches, je n’ai pas trouvé une démocratie sérieuse qui pratique ce mode de scrutin à l’exception peut-être de la Louisiane qui est le seul État des USA qui pratique le scrutin uninominal majoritaire à deux tours, tous les autres États suivent l’exemple britannique du scrutin uninominal majoritaire à un tour.

Je pose une question : La France a-t-elle raison contre le monde entier ou conserve t’elle une singularité incongrue ?

J’ai appliqué la même grille d’analyse à l’ensemble des 16 scrutins :


On constate qu’en moyenne quand la droite gagne elle bénéficie d’un effet multiplicateur, plus important que celle de la gauche.

L’extrême centre a réalisé en 2017 un hold-up avec un effet multiplicateur de 1,88 avec le plus petit pourcentage de voix de tous les scrutins : 32,32%.

Hier, c’est encore pire avec un peu plus de 25% des voix : ¼ des voix. Pour arriver à la majorité absolue des députés de la Chambre, il faudrait un effet multiplicateur de 2 !

Mais ce n’est pas mieux pour NUPES qui se réjouit d’être devant la majorité présidentielle, mais qui prétend vouloir la majorité absolue avec même pas 26% des voix.

Nos élections ne correspondent plus qu’à un vague processus de désignation de députés visant à donner, à n’importe quel prix, une majorité à un parti.

Tout cela pose un problème énorme à la démocratie représentative française.

Il n’est pas possible de continuer ainsi : 4 tours de scrutin pour un tel résultat, une telle déformation du corps électoral !

Ce n’est pas ainsi qu’on peut gouverner un pays de manière apaisée et le réformer.

<1680>

 

Vendredi 10 juin 2022

« On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va. »
Jacques Prévert

Le Magazine « Le Un Hebdo » que j’ai plusieurs fois sollicité pour écrire des mots du jour fête son 400ème numéro. Et cela fait huit ans qu’il existe.

Pour ce numéro anniversaire il a choisi comme sujet une question : « Existe-t’il un bonheur français ?».

C’est, en effet, une question qui se pose, tant les enquêtes d’opinion renvoie l’image de français « fâchés » avec le bonheur, surtout le bonheur collectif.

Eric Fottorino dans son billet <nos « 400 » coups> introduit le sujet ainsi :

« Entre la guerre en Ukraine, les désenchantements de la politique et les questionnements qui ne manquent pas sur l’avenir de nos sociétés, il peut paraître surprenant, voire provocateur, de s’intéresser au bonheur, et en particulier au bonheur dans notre pays. D’autant que le paradoxe régulièrement observé par les sondages ad hoc depuis le milieu des années 1970 montre que si les Français sont plutôt heureux, ils sont moins enclins à le dire que la plupart de leurs voisins. Et semblent toujours vouloir opposer un certain bonheur individuel, qui existe, à un malheur collectif, sans doute exprimé comme un signe de lucidité ou de propension à se rebeller contre un ordre – ou un désordre – qui viendrait d’en haut. Dans ce contexte, il nous a paru fructueux d’interroger cette notion du bonheur « ici et maintenant » pour mesurer combien cette quête, loin d’être dominante au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s’est imposée au fil du temps comme une norme, une injonction à être heureux, pour ne pas dire une conversion quasi religieuse dans une société abandonnée par toute idée de transcendance. »

Et il finit son propos par cette phrase de Jacques Prévert que j’ai mis en exergue : « On reconnaît le bonheur au bruit qu’il fait quand il s’en va. »

Cette phrase qui sonne comme un avertissement ou un conseil : Soyez présent au bonheur que vous vivez, car s’il venait à s’interrompre vous vous rendrez compte de la violence de son absence.

L’écrivain Philippe Delerm, le père du chanteur Vincent Delerm, dans son article <Ce n’est pas drôle d’être heureux> tente des variations avec les mots qui tournent autour du bonheur : « Plaisir, allégresse, harmonie, joie etc… » mais il revient au mot central :

« Bonheur est plus qu’un mot. Il est tout le soleil et toute l’ombre. On peut espérer le bonheur ou en garder la blessure et la nostalgie. Mais dire « je suis heureux », le nommer au présent est un risque majeur. Je continue à penser : « Le bonheur c’est d’avoir quelqu’un à perdre. » J’ai cette chance infinie d’avoir quelqu’un à perdre, quelques-uns à perdre. Mais Camus avait raison : « Il n’y a rien de plus tragique que la vie d’un homme heureux. »

Pourtant, il y a aujourd’hui une injonction à être heureux, il existe même des coachs autoproclamés en bonheur : <coachs du bonheur >.

Cet impératif se décline jusque dans les entreprises. On parle par exemple de <coach bien être entreprise>

Cela a conduit Eva Illlouz à écrire un livre dénonciation : <Happycratie – Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies >

Le Un a convoqué un historien Rémy Pawin, pour un grand entretien
qui essaie de revenir sur l’histoire de ce sentiment : <« Le bonheur est devenu une norme religieuse »>

Rémy Pawin est un historien né en 1982 qui enseigne à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et qui a écrit « L’Histoire du bonheur en France depuis 1945 »

L’historien fait remonter la quête du bonheur au temps des lumières :

« Les Lumières parlent du bonheur. Une thèse de Robert Mauzi l’analyse dans les années 1960, à travers les écrits de Rousseau et d’autres intellectuels aujourd’hui oubliés.»

Et il cite aussi la déclaration de Saint-Just, en 1794, selon laquelle « le bonheur est une idée neuve en Europe ».

Selon lui le XIXème siècle ne poursuit pas dans cette recherche

« Au XIXe siècle […] Le bonheur devient même négatif et suspect, égoïste. Nul ne peut dire à titre personnel qu’il cherche à être heureux. On retrouve chez les moralistes et les écrivains de cette époque des propos acerbes. Le bonheur nous rendrait faibles. « Le bonheur est comme la vérole », écrit Flaubert. « La bêtise, c’est l’aptitude au bonheur », dira plus tard Anatole France. […] C’est une valeur de seconde zone, […] qu’on réserve éventuellement aux femmes »

La religion et la politique ne font pas commerce du bonheur :

« La morale religieuse ne propose pas de recette du bonheur ici-bas. On sera heureux au paradis, si on a respecté dans sa vie terrestre les préceptes de l’Église. Quant à la morale républicaine, elle n’accorde pas non plus une grande place au bonheur. […] Elle vante la force, la puissance, le devoir. Si de grands hommes vont au Panthéon, c’est qu’ils ont sacrifié leur bonheur pour la patrie. »

Et contrairement à ce que l’on croit, le bonheur ne commence pas en 1945 avec le programme du CNR, intitulé « Les Jours heureux » :

« On est alors dans des jours malheureux et on pense aux jours à venir. C’est le bonheur différé, renvoyé à demain, quand on aura battu les Allemands. […] Pour le PCF, qui est alors le premier parti de France, le bonheur est une morale bourgeoise et même petite-bourgeoise, emplie d’égoïsme. Les communistes, pour susciter l’engagement, ont besoin de labourer la terre de la souffrance. À ce moment, les récits heureux n’existent pas. Leur structure narrative est celle du malheur dont on va se défaire progressivement, comme dans les contes, pour vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants à la fin… »

Selon Rémy Pawin le bonheur tend à devenir une norme dans les années 1960 :

« Au sein de la gauche alternative, certains vont revendiquer un bonheur plus immédiat. C’est aussi le cas de mouvements de jeunes, les Yéyé et la culture Salut les copains, qui construisent un bonheur individuel et consumériste. »

Il s’agit d’un bonheur individuel qui repose beaucoup sur la consommation :

« Des acteurs sociaux proposent plutôt un bonheur individuel fait de consommation »

Et il cite Edgar Morin : « Le bonheur est une religion de l’individu moderne. »

« C’est une croyance commune qui donne du sens à la vie. Une des causes de ce sacre, c’est que le bonheur est une transcendance dans l’immanence. Il est immanent, donc il est là et pas au-dessus de nous, mais il nous dépasse. On va le rechercher, donc il nous transcende. C’est une sorte de norme religieuse. C’est pourquoi il est devenu une injonction. Il faut être heureux. Sinon on a raté la direction cardinale qu’on nous assigne. On subit une double peine : non seulement on n’est pas heureux, mais on est coupable de ne pas l’être. »

Selon lui la période se referme en 1975, « avec des blocages politiques, le chômage de masse, la vague de désenchantement à l’égard de l’idéal communiste. La société de consommation montre aussi ses limites et la question sociale dans les banlieues commence à se faire jour. On assiste alors à une baisse des courbes du bonheur subjectif »

Et Rémy Pawin conclut sur la recherche du bonheur par les Français d’aujourd’hui  :

« Les ingrédients du bonheur n’ont pas fondamentalement changé. Les gens cherchent des liens avec les autres, des liens amoureux, conjugaux, amicaux. De l’argent pour faire ce qu’ils veulent. Un travail qui leur plaît. Une difficulté à se dire heureux vient de l’influence des grands récits peu optimistes. L’extrême droite propose un récit craintif et haineux. La sobriété ne fait pas rêver. Le récit de la mondialisation heureuse n’est plus crédible. Il est difficile de croire à un récit joyeux qui nous accroche. »

Dans ces jours bien sombres de guerre, de crise alimentaire et de tous les défis écologiques qui font l’objet de tant de débats et de si peu d’actions, il est salutaire que Le Un nous invite à réfléchir, pour son 400ème numéro, au bonheur.

Le bonheur qui n’est pas dans la consommation nous en sommes conscients intellectuellement et espérons-le dans les actes.

Surtout quand l’acte de consommation est basé sur le l’inhumanité comme tous ces produits envoyés de Chine et qui sont les fruits de l’esclavage des ouïghours par le pouvoir chinois. Terrible réalité que la dessinatrice Coco a synthétisé par un dessin dans Libération.

Le 13ème mot du jour de cette liste qui en compte désormais plus de 1600 citait Michel Rocard :

« Dans les cinq plus beaux moments d’une vie, il y a un (ou des) coup(s) de foudre amoureux, la naissance d’un enfant, une belle performance artistique ou professionnelle, un exploit sportif, un voyage magnifique, enfin n’importe quoi, mais jamais une satisfaction liée à l’argent. »

Probablement que le bonheur est surtout lié à notre capacité d’accéder à nos richesses intérieures, de les faire affleurer la surface et aux liens que nous avons su créer, approfondir et partager.

Liens qu’Alain Damasio a magnifiés par <ces mots> de l’indicible :

« Une puissance de vie !
C’est le volume de liens, de relations qu’un être est capable de tisser et d’entrelacer sans se porter atteinte.
Ou encore c’est la gamme chromatique des affects dont nous sommes capables
Vivre revient alors à accroitre notre capacité à être affecté.
Donc notre spectre ou notre amplitude à être touché, changé, ému.
Contracter une sensation, contempler, habiter un instant ou un lieu.
Ce sont des liens élus. »

<1679>