Mardi 8 février 2022

« Et chaque jour je remplis un peu davantage mes cuves d’humanité. »
Aurélie Silvestre

En ce moment se tient le procès des attentats du 13 novembre 2015. Initialement prévu à partir de janvier 2021, le procès fut reporté en raison de la pandémie de Covid-19.

Il s’est ouvert le 8 septembre 2021 et il est prévu qu’il se déroule jusqu’à fin mai 2022 devant la cour d’assises spéciale de Paris.

Ces attentats au Bataclan, contre des terrasses de café de Paris et au stade de France ont entraîné la mort de 131 personnes et 413 blessés.

Tous les terroristes à l’exception d’un seul ont été tués ou se sont suicidés.

Le terroriste survivant et 19 complices présumés sont jugés mais 6 d’entre eux sont « jugés en absence »

Présidée par Jean-Louis Périès, cinq magistrats professionnels composent la cour d’assises spéciale, trois avocats généraux représenteront l’accusation avec un dossier d’instruction de 542 tomes.

1 765 personnes physiques et morales sont constituées partie civile.

Parmi ces 1 765 personnes, il y a Aurélie Sylvestre.

Le 13 novembre 2015, Aurélie Sylvestre avait 34 ans, un enfant de trois ans Gary et un bébé dans le ventre. Son compagnon Mathieu Giroud, rencontré 15 ans plus tôt, était au Bataclan. Elle n’y était pas allée pour se reposer parce qu’elle portait son bébé.

Aurélie et Mathieu savent que ce sera une petite fille, une échographie l’a révélé le 6 novembre. Thelma naîtra quatre mois après les attentats.

Matthieu est prof à la fac en géographie et Aurélie travaille avec une amie, créatrice de bijoux.

Elle a livré un témoignage bouleversant que France Inter a restitué intégralement.

Elle raconte sa vie avant, pendant et après l’attentat,

Pendant, un appel téléphonique lui avait annoncé que Mathieu était vivant. Elle n’apprendra officiellement sa mort que le 14 novembre au soir.

Et elle finit son récit en disant qu’elle n’osait pas venir à ce procès, qu’elle avait peur. Mais elle a trouvé la force d’y aller le premier jour et elle a pensé ne pas revenir.

Et puis elle raconte :

« Mais je suis revenue le lendemain, et le jour d’après aussi.
Quasiment tous les jours en fait. Et petit à petit j’ai compris. Je viens ici pour entendre ce qu’il se dit – et c’est souvent très dur – mais je repars plus souvent encore galvanisée par ce qu’il s’y passe. Il y a dans cette salle des mains qui se touchent, des familles qui s’étreignent, des amis qui se réconfortent.
On décrit l’horreur et au milieu – souvent involontairement – se glisse l’amour, la grande amitié, les verres partagés sur une terrasse, le bonheur d’écouter du son ensemble.

C’est assez subtil mais par moments suffisamment puissant pour que j’arrive à sentir quelques notes du parfum de la vie d’avant. Ça ne dure souvent qu’une seconde mais nous le savons mieux que personne ici : il y a des secondes qui contiennent des vies.

 C’est assez fou mais je crois qu’il y a ici tout ce qui faisait de nous une cible : l’ouverture à l’autre, la capacité d’aimer, de réfléchir, de partager et c’est incroyable de constater qu’au milieu de tout ce qui s’est cassé pour nous ce soir-là, ça – ce truc là – est resté intact je crois.
Alors je continue à venir ici.
Et chaque jour je remplis un peu davantage mes cuves d’humanité.
J’entends des histoires de héros de coin des rues et je les rapporte à mes enfants le soir. Je leur raconte ce frère qui a sauvé sa sœur en la plaquant au sol.
Je leur dis cet homme qui a décidé de rester avec mon amie Edith quand son corps lui empêchait de se sauver et moi je ne suis pas près de me remettre de l’histoire de ce policier qui s’est couché sur le terroriste pour que les otages puissent passer après l’assaut.
Je dis aussi à mes enfants qu’un soir, quand il se faisait tard, des parties civiles ont fait passer de la nourriture aux accusés.
Et même, que les avocats se sont cotisés pour payer une bonne défense aux “méchants”. Je peux expliquer à mes enfants qu’il n’y a que ce qui est équitable qui est juste.
L’autre jour une de mes amies m’a dit que cette salle était le pays dans lequel on voulait vivre.
Je crois qu’elle a raison.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de m’écouter. ».

Des hommes, car c’étaient des hommes, souvent anciens délinquants, ont adhéré à un récit religieux fanatique et violent.

En se référant à une organisation et des décisions prises par des criminels religieux venant du Moyen-Orient et se réclamant de l’Islam, ces monstres ont tiré avec des armes de guerre sur des civils désarmés qui vivaient une vie paisible et conviviale.

Notre réponse ne peut pas, ne doit pas se situer dans le même registre de violence et de vengeance de ces égarés en voie de déshumanisation.

Notre réponse doit être celle du droit et de notre humanisme.

C’est ce que les mots d’Aurélie Sylvestre expriment avec une clarté et une émotion saisissantes.

L’intégralité de son témoignage se trouve sur le site de France Inter <Je suis devenue une athlète du deuil>

Elle a écrit un livre : <Nos 14 novembre>

« L’Humanité » a consacré un article à ce livre : <La leçon de vie d’Aurélie Silvestre>

« Elle » a réalisé une interview à l’occasion de la sortie du livre : <leçon de survie>

Dans cet interview, elle dit puiser sa force dans la beauté de ce monde. :

« C’est ce qui me sauve. J’ai palpé la folie du monde, à défaut de la comprendre et de pouvoir l’arrêter. Le lendemain, alors que l’homme de ma vie venait de mourir sous les balles des terroristes, j’ai traversé Paris pour me rendre au centre de crise de l’École militaire. Ce matin-là, j’aurais pu ne rien voir. Et pourtant, j’ai vu le soleil se lever sur la grande roue, place de la Concorde, c’est un résidu de beauté qui m’a fait basculer. À ce moment précis, j’ai décidé que j’allais continuer à vivre.

[…] Tout cela aurait pu me terrasser, m’abattre définitivement, mais non. Mes enfants vont bien, je vais bien. Mon quotidien est loin d’être simple, mais je suis « debout » et je sais que ma capacité à aimer est intacte. Elle est même décuplée. »

Sur France 2, elle avait témoigné sur le plateau du <20 heures> et a aussi été interviewée dans le cadre de l’émission : <La Maison des maternelles>.

Vous pouvez aussi lire le témoignage d’Aurélie Sylvestre devant la Cour d’Assises derrière ce <Lien>

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