Mercredi 7 mai 2014

« Je me suis concentré sur la vie,
sur continuer à croitre, à grandir,
intellectuellement, émotionnellement, spirituellement,
j’ai essayé de continuer à aller de l’avant, là où je pouvais. »
Damien Echols

Damien Echols a été accusé par erreur du meurtre de trois enfants aux Etats-Unis, alors qu’il avait 18 ans.

Il a été condamné à mort et a passé 18 ans dans le couloir de la mort.

Aujourd’hui, il raconte son cauchemar dans un livre, « La vie après la mort » (éditions Ring).

Damien Echols était l’invité de Clara Dupont-Monod, sur France Inter le 27/03/2014 dans son émission de 7h50.

Le mot du jour est la réponse de cet homme à la question de Clara Dupont-Monod :

« Quand on est condamné à mort, est ce qu’on vit chaque jour comme le dernier ? »

Les faits remontent à 1993. Trois enfants de huit ans sont retrouvés sauvagement assassinés à West Memphis, dans l’Etat de l’Arkansas. Très vite, trois jeunes marginaux sont soupçonnés : Jessie Misskelley Jr, Jason Baldwin et Damien Echols.

Au terme d’un procès arbitraire qui accumule faux témoignages et preuves falsifiées, les « Trois de West Memphis », comme on les surnomme alors, sont lourdement condamnés : Misskelley et Baldwin à la prison à perpétuité, Echols à la peine capitale.

Finalement, en 2011, à la faveur d’une longue campagne de soutien (des personnalités comme Johnny Depp y ont participé), la justice accepte de rouvrir le dossier et examine de nouvelles preuves scientifiques. Les trois hommes obtiennent leur libération mais ne sont pas totalement innocentés. Ils restent coupables aux yeux de la justice.

Pour être libéré, il fallait qu’ils ne puissent attaquer l’Etat qui les avait condamné parce que sinon il pouvait réclamer 60 000 000 de dollars de dommages-intérêts. Alors ils ont dû conclure un accord avec la justice qui acceptait de les libérer mais sans reconnaître leur innocence. S’ils avaient voulu faire reconnaître leur innocence ils auraient dû se lancer dans une longue procédure contre l’Etat et continuer à rester en prison pendant ce temps.

 <La page de l’émission de France Inter où Damien Echols est interviewé en outre il y a un documentaire sur le destin de cet homme>

Rester concentré sur la vie, continuer à grandir et aller de l’avant partout où c’est possible, quel beau programme !

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Mercredi 19/03/2014

Mercredi 19/03/2014
«La collusion entre la haute finance publique et la haute finance privée aujourd’hui, paralyse notre société.»
Gaël Giraud
Gaël Giraud est Jésuite et directeur de recherche au CNRS.
Au niveau du cursus français des Etudes c’est le summum : diplômé de l’Ecole normale supérieure d’Ulm et de l’Ensae et docteur en mathématiques appliquées de l’Ecole polytechnique.
En 2009, il est sélectionné pour le Prix du meilleur jeune économiste, remis par le Monde et le Cercle des économistes.
Dans un article à Marianne, il dit tout le mal qu’il pense de la Loi qui aurait dû séparer les activités spéculatives des activités traditionnelles des banques, engagement de campagne du Président actuel..
Et il donne son explication de cette situation, c’est le mot du jour.
L’article de Marianne se trouve <ICI>
Ci-après un extrait :
G.G. : A l’origine, il y a l’excellent engagement du candidat Hollande à séparer les banques de crédit des banques de marché afin de protéger les Français des turbulences des marchés financiers. Les banques, cependant, ont largement rédigé le projet de loi durant l’été 2012. Résultat : le préambule de la loi affirme séparer alors que le corps du texte ne sépare rien.
En pratique, la loi Moscovici-Berger [Karine Berger, rapporteuse du projet de loi, l’a défendu bec et ongles] «contraint» les banques à filialiser au plus 1, 5 % de leurs activités de marché. Or, primo, filialiser ne suffit pas à protéger la maison mère : l’américain American International Group (AIG, le premier assureur au monde) a été mis en faillite, en septembre 2008, par une microfiliale parisienne. Secundo, l’essentiel des activités à risques (trading haute fréquence, trading pour compte propre, transactions avec les hedge funds) reste localisé dans la maison mère. Tertio, la loi bancaire française fusionne le fonds de garantie des dépôts des Français avec le fonds de sauvetage du système bancaire. Banques et fonds spéculatifs peuvent donc puiser dans le fonds de garantie des déposants pour se sauver en cas de crise. Les déposants français ne sont donc plus assurés.
A Dublin, le gouvernement, sous la pression de la troïka [Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international] a osé vider le fonds de financement des retraites des Irlandais pour payer les dettes de ses banques naufragées. Nous, nous légalisons à l’avance un hold-up analogue.
En décembre 2012, j’ai pris l’initiative d’écrire un rapport pour éclairer les parlementaires sur le projet de loi. Bercy a immédiatement produit une contre-note, puis m’a imposé des participants à une table ronde que j’organisais à la Sorbonne sur le sujet, avant de réclamer, en vain, la suppression d’une note de la fondation Terra Nova que j’avais écrite avec une collègue, Laurence Scialom. Un banquier, que je connaissais par ailleurs, a aussi cherché à faire pression sur moi pour me faire taire.
On peut imaginer que vos choix de vie soient difficiles à comprendre pour un banquier. Ils ont opté pour les millions, vous avez fait vœu de pauvreté !
G.G. : Ils craignaient surtout que le débat ne devienne public. Si les Français s’étaient intéressés au projet de loi Moscovici-Berger, il y a fort à parier qu’ils eussent massivement réclamé une authentique séparation. C’est en tout cas l’expérience que je fais toutes les fois que je donne une conférence grand public. Tout a donc été fait, y compris dans l’organisation du calendrier parlementaire, pour que la loi bancaire fût effacée du débat public. Elle a ainsi pu être votée en juillet dernier dans l’indifférence quasiment complète du grand public.
Faut-il comprendre qu’à vos yeux le pouvoir socialiste est plus ou moins à la solde des banques ?
G.G. : En partie, oui. Il est vrai que, sous Sarkozy, les banquiers venaient en visiteurs du soir expliquer à l’Elysée la politique de la France. A présent, le gouvernement simule la mise en œuvre de ses propres promesses.
L’histoire de cette loi bancaire vient d’être racontée par trois journalistes, et elle n’est pas close : récemment, le commissaire européen Michel Barnier a proposé une directive de séparation bancaire qui, si elle reste insuffisante à mes yeux, est nettement plus sérieuse que la loi française. Or, le jour même, le gouverneur de la Banque de France, M. Christian Noyer, a publiquement déclaré cette proposition «irresponsable». Voilà un haut fonctionnaire qui préside l’instance de régulation du secteur bancaire français et qui se permet de déroger au devoir de réserve auquel ses responsabilités le soumettent, afin de défendre de manière outrancière le seul intérêt des banques.
Ce dérapage, parmi beaucoup d’autres, trahit la collusion entre la haute finance publique et la haute finance privée qui, aujourd’hui, paralyse notre société. Comment s’étonner, ensuite, si l’article 60 du projet de loi de finances 2014 prononce l’amnistie généralisée du secteur bancaire en interdisant aux collectivités locales, éventuellement ruinées, de porter plainte contre les banques qui leur ont vendu des actifs financiers pourris ?
Peut-on dire que le pouvoir des banques est plus important que celui du monde politique aujourd’hui ?
G.G. : Le bilan de BNP Paribas est supérieur au PIB français (en gros, 2 000 milliards d’euros). La course au gigantisme confère à ces banques un pouvoir de chantage considérable, car la France a d’autant moins les moyens d’absorber la faillite d’un tel monstre que le projet européen d’union bancaire, s’il voit le jour, ne permettra pas de sauver nos mégabanques en cas de détresse. Les banques tentent donc de neutraliser les initiatives régulatrices en faisant valoir que tout ce qui nuit à leurs intérêts immédiats les fragilise et que, si elles meurent, nous mourrons tous avec elles. Les règles prudentielles de Bâle III, par exemple, sont peu à peu rendues inoffensives par les amendements que les banques parviennent à arracher au comité de Bâle.
Autre exemple : en janvier 2012, quand il fut enfin question de restructurer la dette publique grecque, il y avait quatre négociateurs au chevet d’Athènes : Merkel, Sarkozy et deux patrons, Pébereau pour BNP Paribas et Ackermann pour Deutsche Bank. La raison immédiate de la présence de ces banquiers, discutant d’égal à égal avec des chefs d’Etat et de gouvernement du sort de la Grèce, est claire : les principaux détenteurs de dette publique grecque n’étaient autres que des banques françaises et allemandes. Et c’est essentiellement pour sauver nos banques que nous avons détruit la société grecque. Confier un tel pouvoir de négociation à des banquiers en dit long sur l’état de la démocratie en Europe : vous imaginez JP Morgan réglant les détails du traité de Versailles ?
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Lundi 2 septembre 2013

«Le silence des chagos»
Shenaz Patel

Le mot du jour fait référence à un livre qui montre le manque de crédibilité des occidentaux à vouloir se poser en défenseur et gardien des droits de l’homme.

L’archipel des Chagos fait partie géographiquement de l’Ile Maurice et de ses dépendances.

Ces îles étaient colonisées par la Grande Bretagne.

Les Etats Unis ont trouvé pertinent d’installer sur l’archipel des Chagos une grande base militaire.

Ils se sont mis d’accord avec le colonisateur et ont signé un bail avec la Grande Bretagne mais avec une condition : que ces iles soient vides d’habitants. La Grande Bretagne a scrupuleusement respecté la condition dans un premier temps en limitant le commerce avec les iles pour finalement en 1973 embarquer de force les habitants qui étaient restés, dans un bateau pour les déporter dans ce paradis du tourisme occidental : l‘ile Maurice, à plus de 2000 km, où ils vivent misérablement leur vie de déportés.


L’armée des Etats-Uniens a donc pu, en toute discrétion, installer une base et des équipements militaires sur l’île de « Diego Garcia »

Dans un premier temps aucune compensation financière n’avait été proposée.

Dans un second temps parce que des bonnes âmes occidentales ont dénoncé ce scandale, quelques compensations furent distribuées.

C’est l’émission « Interception » de France Inter » de hier qui m’a rappelé opportunément cette histoire au moment où les États-Unis veulent punir la Syrie : <Chagos : les déracinés de l’Océan Indien>

La page de l’émission présente le sujet ainsi :

« C ‘est l’histoire des Chagos, un archipel de carte postale, un point sur la carte du monde quelque part dans l’Océan indien juste au sud des Maldives. C’est l’histoire d’îles tropicales aux lagons poissonneux, aux plages de sable blanc parsemées de cocoteraies. C’est l’histoire de descendants d’esclaves originaires du Mozambique et de Madagascar, esclaves débarqués sur ces îles par des navigateurs français pour y récolter le coprah qui fait l’huile de coco.

L ‘histoire de ces Chagossiens que l’on appelait aussi « îlois » aurait pu s’arrêter là jusqu’à ce que l’Empire britannique -qui avait annexé les Chagos à l’issue des guerres napoléoniennes- décide dans les années 60 d’y construire la base militaire de Diego Garcia et de la louer aux Etats-Unis d’Amérique. Les avions de l’US Air Force ont utilisé cette plateforme pour aller bombarder l’Afghanistan et l’Irak… L’Iran est à moins de 4000 kms de là.

Évidemment, une installation aussi stratégique est vouée au secret total. C’est pour cette raison que, de 1966 à 1973, les navires britanniques ont déporté les habitants des Chagos vers l’Ile Maurice, à plus d’un millier de kilomètres de chez eux. Les Chagossiens ont été débarqués sur les quais de Port-Louis sans une explication et sans espoir de retour. »

Mais c’est une autre émission, toujours très instructive, « Rendez-vous avec X » qui me l’avait fait découvrir. C’était l’émission du 22 juin 2013 :

< Les Chagos ou les oubliés de la guerre froide >

« Ce sont des oubliés de la Guerre froide … Des oubliés et des victimes. Un petit peuple purement et simplement expulsé de son habitat traditionnel pour faire place à une gigantesque base militaire. Et comme si cela ne suffisait pas, ces malheureux qui ont dû quitter leurs îles en toute hâte, sans même avoir le temps de rassembler leurs maigres biens, ont ensuite été relogés très loin dans des considérations misérables, sans réelles indemnités. Et avec interdiction de revenir chez eux !  »

Depuis j’ai lu un article de libération de Jean-Michel LE CLEZIO, le prix Nobel de littérature, d’origine Mauricienne qui parle de cette triste et honteuse histoire occidentale à l’occasion d’une décision qui ne fait pas honneur à la Cour européenne des droits de l’homme.

<Les îlois des Chagos contre le Royaume-Uni, suite et fin ?>

J’en tire l’entame et la conclusion dans lesquelles, le Prix Nobel exprime son indignation :

« La décision rendue en décembre 2012, par la Cour européenne des droits de l’homme, de ne pas recevoir la plainte des Chagossiens contre le gouvernement du Royaume-Uni restera comme une des grandes hontes et un déni de justice de l’époque contemporaine. Cette décision est loin d’être courageuse. Elle n’est sans doute pas non plus définitive, car le peuple chagossien a pris conscience depuis de nombreuses années de la solitude dans laquelle il doit livrer combat afin que soient reconnus ses droits au retour dans sa patrie d’origine. […]

Rappelons que la position du gouvernement britannique n’a pas changé depuis la création des Territoires de l’océan Indien, et que Colin Roberts, qui fut Commissionner desdits Territoires ne cacha pas son dédain pour la population chagossienne, (WikiLeaks publia en décembre 2010 son commentaire sur les îlois : «On ne verra plus les traces des pieds des Man Fridays – des sauvages – sur les plages de Diego Garcia.»).
Il affirmait aussi que la création éventuelle d’un parc marin aux Chagos pourrait servir à empêcher définitivement le retour des habitants sur les lieux.
Quant aux Etats-Unis, partenaire du Royaume-Uni dans la création de la base militaire de Diego Garcia, ils n’ont cessé de masquer l’iniquité du traitement infligé aux Chagossiens par les mesures prises en faveur des déportés – mesures qui ne servent qu’à farder la triste vérité. La réalité de la politique menée par les États puissants du monde s’affirme avec un certain cynisme dans la réponse que le gouvernement présent des États-Unis a donnée aux plaignants chagossiens (réponse de la Maison Blanche à la pétition We The People sur les torts infligés aux Chagossiens, 21 décembre 2012) : cette réponse qui reprend les arguments de la Cour européenne, conclut par la promesse du gouvernement américain de continuer à soutenir, comme par le passé, la compensation britannique pour les torts subis par les habitants des Chagos.
Il n’est pas indifférent que la réponse provienne, entre autres signataires, de M. Andrew Shapiro, adjoint au ministre des Affaires politiques et militaires. Ainsi la boucle est bouclée, et l’archipel des Chagos continuera sans doute, sauf élément imprévisible actuellement, à être le porte-avions de l’armée américaine au Proche et Moyen-Orient.

La Cour européenne des droits de l’homme a rendu sa décision, dans l’indifférence des puissants de ce monde. Qu’importe une poignée d’îlois, petits agriculteurs, pêcheurs à la ligne dans leur lagon, quand les intérêts stratégiques et militaires sont en jeu, et que ces îles lointaines, perdues au milieu de l’océan Indien, peuvent être transformées à vil prix en une des bases les plus opérationnelles du monde – comme elle le fut pour les bombardiers de la guerre du Golfe ? Et que dire du soupçon de tortures infligées aux détenus de Diego Garcia, comme à Guantánamo ?

Certains des habitants se souviennent encore du jour tragique où ils durent embarquer de force sur le navire qui les déportait, sans pouvoir emmener avec eux leur bétail, ni même leurs chiens restés à aboyer sur la rive.

Les grands de ce monde qui ont rendu cette décision inique, le président David Björgvinsson et ses six assesseurs, devraient pourtant se soucier des gens qu’ils condamnent ainsi au non-retour et à l’exil éternel.
Peut-être devraient-ils – mais cette proposition sans doute amènera un sourire ironique sur leurs lèvres – visiter un jour la modeste maison à Gros-Caillou, un quartier déshérité de Maurice, qui sert en quelque sorte de refuge et de mémoire au peuple des îlois, où sur les murs, les enfants des Chagossiens nés en exil peuvent regarder les images de leur petite patrie qu’ils ne pourront jamais connaître, fût-ce pour fleurir les tombes de leurs ancêtres. »
J.M.G. Le Clezio

L’émission de France Inter donne un certain nombre de liens pour approfondir cette triste histoire dans laquelle l’Occident joue un rôle indigne :

Les Chagos, l’archipel convoité
Article d’Emmanuel Grégoire, géographe, directeur de recherche à l’IRD, membre du Centre d’études africaines (CEAf) de l’EHESS, paru dans la revue Politique africaine en 2005 (n°97). En ligne sur le portail Cairn.info.

Diego garcia : enjeux de la présence américaine dans l’océan indien
Article d’André Oraison, professeur de droit à l’université de la Réunion, paru dans la revue Afrique contemporaine, n° 207, automne 2003. En ligne sur le portail Cairn.info.

Des îles britanniques de l’océan Indien disputées : Diego Garcia et l’archipel des Chagos
Article d’Emmanuel Grégoire, géographe, directeur de recherche à l’IRD, paru dans la revue Hérodote, 2ème trimestre 2010. En ligne sur le portail Cairn.info.

The UK Chagos Support Association
Supporting the Chagos islanders in their struggle against British injustice

Chagos conservation trust
Organisation non gouvernementale britannique œuvrant pour la préservation de l’écosystème de l’archipel.

Cour européenne des droits de l’Homme
Décision d’irrecevabilité de la Cour européenne des droits de l’Homme dans l’affaire Habitants des îles Chagos contre le Royaume-Uni (décembre 2012).

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Mercredi 28 août 2013

« Je fais le rêve qu’un jour cette nation se lève et vive la vraie signification de sa croyance : nous tenons ces vérités comme évidentes que tous les hommes naissent égaux. Et si l’Amérique est une grande nation ceci doit se faire…»
Martin Luther King « I have a dream » 28 août 1963, il y a 50 ans.

Ce discours, prononcé le 28 août 1963, devant le Lincoln Memorial, à Washington D.C., est généralement considéré comme l’un des plus grands et des plus marquants du XXe siècle.

Selon le député américain John Lewis, qui prit également la parole ce jour-là au nom du Comité de coordination des étudiants non violents : « En parlant comme il l’a fait, il a éduqué, il a inspiré, il a guidé non pas simplement les gens qui étaient là, mais les gens partout en Amérique ainsi que les générations à venir » (source Wikipedia)

Le journal <Les Echos> raconte les secrets de ce discours : « Ce 28 août 1963, en s’avançant face au public massé pour le plus grand rassemblement pour les droits civiques jamais organisé, Martin Luther King sait qu’il doit marquer les esprits. La veille, des heures durant et jusque tard dans la nuit, il préparera son discours avec l’aide de ses fidèles compagnons de lutte.

Pourtant, le lendemain, aucune mention du passage mythique « I have a dream » ne figure sur ses notes. Et pour cause, la veille, son chef de cabinet, Wyatt Tee Walker, lui avait dit de ne pas utiliser cette expression : « Elle est banale, c’est un cliché. Tu l’as déjà utilisée trop de fois ». Car contrairement à une idée reçue, si Martin Luther King a bien improvisé ce passage, il avait employé cette expression, et les développements associés, lors de précédentes prises de parole publiques.

Mais, ce jour-là, à la douzième minute de son intervention, quand Mahalia Jackson, la chanteuse et amie de Martin Luther King, située debout derrière lui, crie « Martin, raconte-leur l’histoire à propos de ce rêve », le discours bascule dans la légende.

Sur les images télévisées, on observe très distinctement le moment où il se détache de ses notes et où sa tête se relève en affirmant : « Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve ». A partir de ce moment, il regarde l’audience droit dans les yeux et se concentre non sur un effort de lecture mais sur le message qu’il souhaite faire passer.

Au début de son intervention, grâce à une métaphore filée, il évoque ainsi l’image d’un chèque de banque que les Noirs américains sont venus demander à l’Etat américain, chèque sur lequel figure le droit inaliénable à la vie, à la liberté et à la poursuite du bonheur. Cette proximité avec les besoins de l’audience fait écho à la vision et aux idéaux qu’il poursuit depuis son enfance. En partageant cette promesse de justice sociale, il appelle à changer le cours des choses et faire de ce rêve une réalité.

Sur la forme, le discours est aussi un chef-d’œuvre avec l’utilisation de procédés rhétoriques qui mettent parfaitement en valeur ses propos. Martin Luther King savait que la répétition, notamment via le procédé de l’anaphore qui consiste à répéter un ou plusieurs mots en début de phrase, permettait de marquer les esprits.

Ainsi, comme s’il récitait une poésie, il prononce huit fois de suite « I have a dream » ainsi que l’expression « Let freedom ring » (« Que la liberté retentisse », en français) à la fin de son discours. Provoquant le même effet qu’un refrain, ces mots rythment le discours et favorisent ainsi sa mémorisation. »

Vous pouvez retrouver le texte intégral de ce discours sur ce site : <Jeune Afrique>

« I have a dream » (extraits)

«Retournez dans le Mississippi, retournez en Alabama, retournez en Caroline du Sud, retournez en Georgie, retournez en Louisiane, retournez dans les taudis et les ghettos des villes du Nord, sachant que de quelque manière que ce soit cette situation peut et va changer. Ne croupissons pas dans la vallée du désespoir.

Je vous le dis ici et maintenant, mes amis, bien que, oui, bien que nous ayons à faire face à des difficultés aujourd’hui et demain je fais toujours ce rêve : c’est un rêve profondément ancré dans l’idéal américain.

Je fais le rêve qu’un jour cette nation se lève et vive la vraie signification de sa croyance : nous tenons ces vérités comme évidentes que tous les hommes naissent égaux.

Je rêve qu’un jour sur les collines rousses de Georgie les fils d’anciens esclaves et ceux d’anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité.

Je rêve qu’un jour, même l’Etat du Mississippi, un Etat où brûlent les feux de l’injustice et de l’oppression, sera transformé en un oasis de liberté et de justice.

Je rêve que mes quatre petits-enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés sur la couleur de leur peau, mais sur la valeur de leur caractère. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour, même en Alabama, avec ses abominables racistes, avec son gouverneur à la bouche pleine des mots  » opposition  » et  » annulation  » des lois fédérales, que là même en Alabama, un jour les petits garçons noirs et les petites filles blanches pourront se donner la main, comme frères et sœurs. Je fais aujourd’hui un rêve !

Je rêve qu’un jour toute la vallée sera relevée, toute colline et toute montagne seront rabaissées, les endroits escarpés seront aplanis et les chemins tortueux redressés, la gloire du Seigneur sera révélée à tout être fait de chair.

Telle est notre espérance. C’est la foi avec laquelle je retourne dans le Sud.

Avec cette foi, nous serons capables de distinguer dans la montagne du désespoir une pierre d’espérance. Avec cette foi, nous serons capables de transformer les discordes criardes de notre nation en une superbe symphonie de fraternité.

Avec cette foi, nous serons capables de travailler ensemble, de prier ensemble, de lutter ensemble, d’aller en prison ensemble, de défendre la cause de la liberté ensemble, en sachant qu’un jour, nous serons libres. Ce sera le jour où tous les enfants de Dieu pourront chanter ces paroles qui auront alors un nouveau sens :  » Mon pays, c’est toi, douce terre de liberté, c’est toi que je chante. Terre où sont morts mes pères, terre dont les pèlerins étaient fiers, que du flanc de chacune de tes montagnes, sonne la cloche de la liberté !  »

Et si l’Amérique est une grande nation ceci doit se faire….

Que la cloche de la liberté sonne du haut des merveilleuses collines du New Hampshire !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des montagnes grandioses de l’Etat de New-York !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des sommets des Alleghanys de Pennsylvanie !
Que la cloche de la liberté sonne du haut des cimes neigeuses des montagnes rocheuses du Colorado !
Que la cloche de la liberté sonne depuis les pentes harmonieuses de la Californie !

Mais cela ne suffit pas.

Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Stone de Georgie !
Que la cloche de la liberté sonne du haut du mont Lookout du Tennessee !
Que la cloche de la liberté sonne du haut de chaque colline et de chaque butte du Mississippi ! Du flanc de chaque montagne, que sonne le cloche de la liberté !

Quand nous permettrons à la cloche de la liberté de sonner dans chaque village, dans chaque hameau, dans chaque ville et dans chaque Etat, nous pourrons fêter le jour où tous les enfants de Dieu, les Noirs et les Blancs, les Juifs et les non-Juifs, les Protestants et les Catholiques, pourront se donner la main et chanter les paroles du vieux Negro Spiritual :  » Enfin libres, enfin libres, grâce en soit rendue au Dieu tout puissant, nous sommes enfin libres ! « . »

<Et voici la vidéo de ce discours mythique>

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Mardi 07 mai 2013

« Ce sont toujours les hommes en troupeau qui gagnent les batailles, et les hommes libres qui gagnent la guerre »
John Steinbeck « Lune Noire »

Nous fêtons la défaite de l’Allemagne nazi le 8 mai.

Cette date est la conséquence de la volonté de l’URSS de faire signer la capitulation allemande à Berlin.

Mais la véritable capitulation des autorités nazi a eu lieu le 7 mai 1945 à 2h41 du matin à Reims, l’acte de reddition de l’armée allemande étant signé par le général Jodl.

Pour l’anniversaire de la défaite de la barbarie nazi je cite la conclusion du livre de John Steinbeck : « Lune Noire » :

« Un sifflement strident hurla du côté de la mine. Une rafale de vent pulvérisa de la neige sur les fenêtres. Orden joua avec sa médaille et déclara d’une voix sourde :
– Vous voyez, colonel, on ne peut rien y changer. Vous serez écrasés et expulsés. Les gens n’aiment pas être conquis, colonel, et donc ils ne le seront pas.
Les hommes libres ne déclenchent pas la guerre, mais lorsqu’elle est déclenchée, ils peuvent se battre jusqu’à la victoire.
Les hommes en troupeau, soumis à un Führer, en sont incapables, et donc ce sont toujours les hommes en troupeau qui gagnent les batailles et les hommes libres qui gagnent la guerre. Vous découvrirez qu’il en est ainsi, colonel.
Lanser se redressa avec raideur. »

Lune noire (The Moon Is Down) est un roman de John Steinbeck écrit en 1942, il décrit une petite ville occupée par une armée étrangère.

Les habitants se mobilisent peu à peu pour faire comprendre aux occupants qu’ils ne sont pas les bienvenus. Ceux-ci ressentent le rejet de la part des autochtones et commencent à craindre pour leur vie. Les actes de sabotage se multiplient et finalement certains occupants viennent individuellement supplier les habitants de les épargner.

La force de cette œuvre est de montrer que même dans une situation d’occupation, l’individu peut rester libre s’il est en accord avec sa conscience.

Les occupants quant à eux sont aliénés au régime auquel ils obéissent.

À la fin de l’histoire, les occupants, cernés par les explosions provoquées par la résistance qui s’est organisée dans la ville, prennent le maire en otage.

Le titre est inspiré d’un dialogue de Macbeth.

Au début du deuxième acte Banquo et Fleance rencontrent Macbeth qui est sur le point d’assassiner Duncan.

Banquo demande à son fils :

« How goes the night, boy? » (Où en sommes-nous de la nuit, mon garçon ?), celui-ci répond: « The moon is down; I have not heard the clock. » (La lune est couchée ; je n’ai point entendu sonner l’heure.). »

La citation suggère que les ténèbres ne vont pas tarder à s’abattre sur le royaume.

Par analogie, Steinbeck voulait montrer que l’Allemagne nazie faisait descendre sur l’Europe des ténèbres similaires.

L’ouvrage est traduit et publié clandestinement dans la plupart des pays européens occupés. (France, Editions de Minuit).

Il est traduit en Allemand par Humanitas Verlag à Zurich et le groupe du Schauspielhaus (composé en partie d’Allemands, communistes et antifascistes ayant fui l’Allemagne dans les années 1930, comme Wolfgang Langhoff) de cette ville le joue à presque deux cents reprises.

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