Mercredi 21 avril 2021

« [La sanction contre Madoff] montre qu’aux Etats Unis, on a le droit d’escroquer les pauvres, mais on n’a pas le droit d’escroquer des riches »
Dominique Manotti

Bernard Madoff purgeait une peine de 150 ans de prison. C’est la justice américaine, en France il n’est pas possible d’être condamné à de telles peines. En outre, il y a toujours des remises de peine lorsque le prisonnier se comporte convenablement en prison. Ce n’est pas le cas aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis même vieux on meurt en prison.

Madoff a fini ses jours dans un pénitencier de Caroline du Nord ce mercredi 14 avril 2021.

Est-ce que je vais plaindre ou défendre Madoff ?

Certes non !

Toutefois il convient quand même de s’interroger sur ce que le cas Madoff révèle du monde, et notamment du monde des États-Unis.

Pour ceux qui ne le saurait pas, pendant de longues années, Madoff a escroqué les gens en mettant en place une chaine de Ponzi. C’est-à-dire qu’il incitait des gens à lui confier leur argent et promettait, en sortie, une rémunération de 12 % par an. Quand un des clients demandaient sa mise, Madoff lui versait la rémunération promise à partir du versement en capital de nouveaux entrants.

L’argent n’était pas investi et Madoff vivait grand train avec l’argent dont il disposait grâce à tous les dépôts.

La crise financière lui sera fatale et provoquera sa chute en accélérant la révélation inéluctable de son escroquerie. En effet, la crise incitera un plus grand nombre de ses clients à demander le retour de leur placement et Madoff ne sera pas en mesure d’honorer sa promesse.

Cette chute va entraîner le suicide de l’un de ses fils Mark qui se pendra en décembre 2010. Et Andrew Madoff, son fils cadet, décédera le 3 septembre 2014 d’un cancer.

En janvier 2020, Bernard Madoff déposera une demande de libération anticipée pour raison médicale, indiquant qu’il souffre d’une maladie terminale des reins et n’aurait plus que 18 mois à vivre. Âgé de 81 ans, il ne se déplaçait plus qu’en fauteuil roulant et avec un corset. Mais il ne fut pas libéré et mourut donc en prison.

Guillaume Erner a invité Dominique Manotti, écrivaine, ancienne professeure de l’histoire économique du XIXe siècle parce qu’elle avait écrit un livre : « Le rêve de Madoff » paru en 2013 aux éditions Allia.

Dominique Manotti a expliqué son parcours :

« Il débute très modestement, puis épouse la fille d’un courtier bien installé, dont il hérite du carnet d’adresse. Ensuite, il devient un des principaux acteurs de la nouvelle économie. Lorsque la crise éclate, il a le plus gros cabinet de courtage des Etats-Unis. Il est sur la liste des cinq présélectionnés pour devenir le président de la SEC,  l’organe de contrôle de la Bourse. Et ce n’est pas finit : il a créé le Nasdaq, qui est la deuxième Bourse américaine, entièrement informatisée. C’est une idée géniale qu’il a eu très tôt : dès qu’il a vu arriver les ordinateurs, il a inventé une machine qui couple l’ordinateur sur le téléphone et permet à tout moment d’avoir l’information des Bourses dans l’ensemble du monde. Il a l’intuition que cela va changer la vie financière, et c’est le cas. Enfin, il est devenu le Président du Nasdaq pendant 10 ans ! »

Mais le plus intéressant est la réflexion que cette écrivaine va faire, suite à la question de Guillaume Erner pour savoir pour quelle raison elle s’était intéressée à Madoff.

Le déclic a eu lieu quand elle a entendu le procureur qui s’était occupé de la négociation dans l’affaire Madoff dire :

« C’est le pire criminel que je n’ai jamais rencontré. »

Comme souvent aux États-Unis, il n’y a pas eu procès mais négociation. Madoff a accepté de plaider coupable et il a été condamné à 150 ans de prison. Normalement la négociation a pour but d’accélérer le processus judiciaire et comme contrepartie une peine plus clémente pour celui qui accepte de plaider coupable.

On se demande à quoi il aurait été condamné s’il y avait eu procès ?

Donc pour le procureur c’est le pire criminel !

Alors Dominique Manotti dit la chose suivante :

« C’est le pire criminel que je n’ai jamais rencontré. »

Et là franchement j’ai eu un coup de sang, un coup de colère. Et je me suis du coup beaucoup intéressé au personnage.

Cela arrive quand même en 2012. Il vient d’y avoir la crise de 2008.

On a des millions d’américains, entre 5 et 6 millions d’américains qui ont perdu leurs jobs, perdu leurs maisons dans la crise des subprimes.

Et Madoff n’a escroqué que des riches, environ 30 000 personnes.

En gros, il n’y a absolument aucune sanction contre les responsables des subprimes.

Mais Madoff va se retrouver en prison.

Et donc cette façon de le voir comme le pire des criminels, signifie qu’aux Etats Unis, on a le droit d’escroquer les pauvres, mais on n’a pas le droit d’escroquer des riches. »

C’est une conclusion à laquelle, il faut hélas se résigner. C’est révoltant !

Dominique Manotti ajoute par ailleurs :

« La chaine de Ponzi consiste à avoir continuellement de nouveaux adhérents : l’argent ne produit rien, car on paie les intérêts des anciens avec l’argent des nouveaux arrivants. A mon avis, ce n’est absolument pas ça qui a fonctionné. La réalité est très supérieure à ce qu’on raconte habituellement. La pyramide de Ponzi est une escroquerie très simple, je n’imagine pas un personnage comme Madoff pratiquer une entourloupe aussi simple. D’autant que le taux pratiqué par Madoff était de 12%, c’est énorme pendant 20 ans ! Les gens savaient que de toutes façons il y avait quelque chose d’illégal derrière. »

Ceux qui donnaient leur argent à Madoff et pensait pouvoir récupérer 12% d’intérêt sans fluctuation et sans risque ne pouvait pas ignorer qu’il y avait un problème. Ils ne pensaient pas être victime d’une escroquerie, ils devaient donc penser autre chose.

Dominique Manotti suppose qu’il devait penser à des activités illégales. J’ai lu par ailleurs, sans que Madoff ne l’avoue ou qu’une preuve n’ait pu être établie, que ce système servait aussi à recycler de l’argent sale.

Le destin de Madoff nous dit beaucoup de la manière dont notre société fonctionne.

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Vendredi 5 mars 2021

« Ne recherchez pas les récompenses, l’argent ou la gloire. Faites de votre mieux et soyez satisfaits. Dans cette société de l’apparence, ce n’est pas votre look qui doit compter, mais bien la valeur que vous générez. »
Katalin Kariko, chercheuse conseillant des jeunes chercheuses et chercheurs

Aujourd’hui je vais parler d’une femme scientifique assez extraordinaire. Elle possède bien sûr l’intelligence qui lui permet l’efficacité, mais aussi la persévérance qui lui a permis de poursuivre sa route malgré l’indifférence, quelquefois l’hostilité et aussi la trahison. Maintenant, au bout de la réussite et du succès elle exprime des valeurs que je trouve convaincantes.

Mais pour raconter cette histoire et en comprendre certains aspects,  il faut revenir un peu dans le passé

Au départ, il y a eu la découverte de l’ADN. Il existe encore des livres ou des sites qui écrivent sans sourciller que l’ADN a été découverte par le biochimiste américain James Watson et le biologiste britannique Francis Crick. C’est une affirmation triplement fausse.

Premièrement parce que on parlait d’ADN avant eux et que de très nombreux scientifiques ont travaillé sur ce sujet avant que ces deux scientifiques publient leur article célèbre, en 1953, dans la revue Nature.

<Wikipedia> cite avant 1953 :

«  L’ADN a été isolé pour la première fois en 1869 par le biologiste suisse Friedrich Miescher sous la forme d’une substance riche en phosphore.»

Et on apprend aussi qu’en 1878, le biochimiste allemand Albrecht Kossel isola un des composants essentiels : «  les acides nucléique ». En 1919, le biologiste américain Phoebus Levene suggéra que l’ADN consistait en une chaîne de nucléotides unis les uns aux autres. En 1937, le physicien et biologiste moléculaire britannique William Astbury montra grâce aux rayons X que l’ADN possède une structure ordonnée. Et probablement qu’il y en eut encore beaucoup d’autres qui participèrent à cette découverte majeure de l’organisation de la vie.

Donc ils ne furent pas les premiers.

Deuxièmement, l’article de 1953 ne relate pas la découverte de l’ADN mais la description de sa structure en double hélice.

Et troisièmement, ce n’est même pas eux qui découvrirent la structure en double hélice.

Ce fut une femme avec d’autres collaborateurs qui peut être créditée de cette découverte : Rosalind Franklin. Je cite encore Wikipedia :

« En mai 1952, l’étudiant britannique Raymond Gosling, qui travaillait sous la direction de Rosalind Franklin dans l’équipe de John Randall, prit un cliché de diffraction aux rayons X (le cliché 51181) d’un cristal d’ADN fortement hydraté. Ce cliché fut partagé avec Crick et Watson à l’insu de Franklin et fut déterminant dans l’établissement de la structure correcte de l’ADN. Franklin avait par ailleurs indiqué aux deux chercheurs que l’ossature phosphorée de la structure devait être à l’extérieur de celle-ci, et non près de l’axe central comme on le pensait alors. Elle avait de surcroît identifié le groupe d’espace des cristaux d’ADN, qui permit à Crick de déterminer que les deux brins d’ADN sont antiparallèles. .[

Rosalind Franklin mourut en 1958 d’un cancer et ne reçut donc pas le prix Nobel de physiologie ou médecine décerné en 1962, « pour leurs découvertes relatives à la structure moléculaire des acides nucléiques et leur importance pour le transfert de l’information génétique dans la matière vivante », à Francis Crick, James Watson et Maurice Wilkin, qui n’eurent pas un mot pour créditer Franklin de ses travaux ; le fait qu’elle n’ait pas été associée à ce prix Nobel continue de faire débat. »

J’avais déjà évoqué cette histoire, le destin de Rosalind Franklin morte à 37 ans, d’un cancer de l’ovaire, probablement lié à la surexposition aux radiations lors de ses recherches lors d’un mot du jour de 2018 : « Ni vues ni connues »

ADN signifie Acide DésoxyriboNucléique, et constitue la molécule support de l’information génétique héréditaire.

Et les biologistes ont alors poursuivi ce plan de recherche extraordinaire décortiquer totalement le génome humain, c’est-à-dire la séquence de gène qui se trouve sur la macromolécule d’ADN et qui est reproduit à l’identique pour chaque individu dans chacune de ses cellules.

Et c’est ainsi que fut lancé le projet génome humain (en anglais, Human Genome Project ou HGP) fin 1988 pour établir le séquençage complet de l’ADN du génome humain. Ce projet s’acheva en 2004.

Le génome humain était connu dans son intégralité.

Et les scientifiques qui savaient à quoi servait chaque gène et savaient modifier un gène ont cru que en travaillant sur l’ADN ils pourront guérir de très nombreuses maladies.

Tous allaient dans ce sens, sauf quelques-uns comme Katalin Kariko, la femme qui est au centre de ce mot du jour..

J’ai acheté et lu avec beaucoup d’intérêt le magazine « Le Point » du 28 janvier 2021 : « Comment l’ARN va changer nos vies »

Ce numéro essaie d’expliquer de manière assez savante ce que fait ce qu’est l’ARN.

Mon propos n’est pas d’expliquer l’aspect technique de ces découvertes mais plutôt de m’intéresser au destin de cette formidable hongroise.

Et aussi de m’interroger de manière assez philosophique sur cet aveuglement de ces scientifiques qui pensaient qu’en ayant décrypter le génome humain et en ayant la possibilité de le modifier grâce aux « ciseaux génétiques », dont le petit nom est « CRISPR associated protein 9 » abrégé en <Cas9> et qui est une protéine qui possède la capacité à couper l’ADN, ils avaient fait le plus grand pas vers … vers quoi d’ailleurs ? Probablement vers « homo deus » pour reprendre le concept de Yuval Noah Harari.

Je me souviens encore de cette parole désabusée d’une scientifique le matin, à France Inter, qui a dit « Finalement on n’a pas beaucoup avancé »

Je me permets une petite explication personnelle.

Dans l’esprit hiérarchisé d’homo sapiens, cet inventeur du Dieu tout puissant, trouver l’élément central autour duquel toutes les caractéristiques humaines sont définies devaient permettre de tout maîtriser. Comme dans un ordinateur maîtriser le code.

Mais visiblement cela ne marche pas comme cela. Car il y a énormément d’interactions entre les gènes et même au-delà avec l’environnement qui explique le fonctionnement de l’être humain. Les scientifiques explorent une autre discipline qui a pour nom « L’épigénétique ».

C’est en fait que notre système humain n’est pas très hiérarchique, mais plutôt transversale.

Et l’acide ribonucléique (ARN) qui est très proche chimiquement de l’ADN et si je comprends bien une copie d’une partie de l’ADN intervient pour créer de l’interaction à l’intérieur de notre corps.

Il existe plusieurs types d’ARN mais celui sur lequel a travaillé Katalin Karibo est l’ARN messager, abrégé en ARNm.

Mais comme je l’ai annoncé et aussi pour ne pas me retrouver au-delà de mon seuil de compétence, je n’entrerai pas davantage dans les détails techniques.

Certaines explications se trouvent dans le Point du 28 janvier 2021.

Pour lire ce numéro du Point il faut l’avoir acheté en version papier comme moi ou être abonné à la version en ligne.

Mais sur cette page une vidéo qui explique en moins de 5 minutes le lien entre l’ADN et l’ARN : <Il y a beaucoup de fantasmes autour du vaccin contre la COVID>

Bruno Pitard directeur de recherche au CNRS ose cette histoire que je comprends :

« Vous prenez un bon vieux livre en papier, lui c’est l’ADN, et puis vous lisez un chapitre à voix haute. Les paroles qui sortent de votre bouche, c’est l’ARN messager. Si quelqu’un entend vos paroles, il reçoit le message, mais une fois entendues, ces paroles disparaissent et en aucun cas les paroles prononcées ne changeront le texte de votre livre en papier. »

Cet autre article du Point décrit de manière assez compréhensible : «Pourquoi le vaccin à ARN est une véritable révolution » par rapport aux autres techniques vaccinales et son processus de fonctionnement.

Mais revenons à Katalin Karibo qui ne veut pas travailler sur l’ADN et préfère l’ARN. Elle trouvait dangereux de travailler directement sur le code génétique

Un article de <l’Obs>Publié le 17 décembre 2020 précise :

« A la fin des années 1980, la communauté scientifique n’avait d’yeux que pour l’ADN, qu’on voyait potentiellement capable de transformer les cellules et, de là, soigner des pathologies comme le cancer ou la mucoviscidose.

Katalin Kariko, elle, s’intéressait à l’ARN messager, l’imaginant fournir aux cellules un « mode d’emploi » leur permettant ensuite de fabriquer elles-mêmes les protéines thérapeutiques. Une solution permettant d’éviter de modifier le génome des cellules, au risque d’introduire des modifications génétiques incontrôlables. »

Elle est chercheuse dans un laboratoire de recherche, en Hongrie communiste. Elle a une vie confortable mais les moyens dont elle dispose pour poursuivre ses recherches sur l’ARN sont trop limités.

Dans son entretien au Point elle déclare

« Quitter la Hongrie en 1985 a été une décision difficile, j’adorais mon labo. »

Elle a voulu venir en France, on ne comprend pas bien pourquoi cela n’a pas eu lieu.

« J’ai été candidate à un poste en France, à Montpellier, au sein du laboratoire de Bernard Lebleu, mais il était encore très difficile, à l’époque d’accéder à des centres de recherche d’Europe de l’Ouest depuis la Hongrie »

Et quand les journalistes posent cette question disruptive : « Que pensez-vous du paysage de la biotech en France ? », sa réponse est douloureuse pour nous les français :

« La France, c’est un beau pays pour les vacances d’été. Mais essayez donc de comprendre pourquoi les français ont dû venir ici, aux Etats-Unis ? Pourquoi Stéphane Bancel, le PDG de Moderna, ne dirige pas une entreprise française en France pour mettre au point les vaccins ? Pourquoi il n’y a plus de sociétés comme BioTech en France ? Je pense que c’est à cause du financement. [Aux Etats-Unis] avec le capital-risque on donne davantage aux petites entreprises. C’est sans doute une question de culture, qui n’existe peut-être pas en Europe. Ici, les gens investissent plus dans les biotechnologies, parfois dans 30 entreprises différentes, et si une réussit, tant mieux. Quand une piste mérite d’être explorée, on poursuit. »

Elle est donc partie avec sa famille aux Etats-Unis, à Philadelphie. Et elle a pris un énorme risque :

« En Hongrie nous avions un nouvel appartement confortable, j’avais ma propre machine à laver, à Philadelphie je lavais mon linge la nuit dans un sous-sol. Mais j’étais convaincue que la situation allait s’améliorer que tout était possible. Si j »étais restée en Hongrie, je serais devenue cynique, aigrie, médiocre. »

Mais aux Etats-Unis elle se heurte au scepticisme par rapport à ses recherches sur l’ARN, dans un monde scientifique qui ne jure que par l’ADN

Le Point raconte :

« A l’université Temple, à Philadelphie, où elle atterrit, elle passe vite d’une période de grâce au placard. Cinq ans plus tard, elle rejoint l’université de Pennsylvanie. A l’époque, la mode est à l’ADN. Jugeant trop dangereuse sa manipulation, elle préfère persévérer dans ses recherches sur L’ARN en demandant une bourse dédiée. Résultat, elle est rétrogradée au rang de simple chercheuse. Une nouvelle fois :direction placard. »

Mais elle continuera sans se décourager. Elle rencontrera Drew Weissman avec qui elle collaborera beaucoup.

Ce sera un chemin compliqué pavé d’embuches.

Dans ma langue de béotien, je dirai l’ARN ne se laisse pas apprivoiser facilement, il faut l’isoler, agir sur lui et enfin maîtriser les effets induis.

L’article de <l’Obs>, déjà cité, précise :

Mais l’ARN messager n’était pas non plus dénué de problèmes : il suscitait de vives réactions inflammatoires, étant considéré comme un intrus par le système immunitaire.

Avec son partenaire de recherche, le médecin immunologiste Drew Weissman, Katalin Kariko parvient progressivement à introduire de mini-modifications dans la structure de l’ARN, le rendant plus acceptable par le système immunitaire. Leur découverte, publiée en 2005, marque les esprits, extirpant – un peu – Katalin Kariko de l’anonymat.

Puis, ils franchissent un nouveau palier, en réussissant à placer leur précieux ARN dans des « nanoparticules lipidiques », un enrobage qui leur évite de se dégrader trop vite et facilite leur entrée dans les cellules. Leurs résultats sont rendus publics en 2015. »

Elle travaille très dur et n’est pas à l’abri de manœuvres à la limite de l’honnêteté : Après avoir publié avec Drew Weissman, dans le cadre de l’Université de Pennsylvanie, un article fondamental sur l’ARN, l’université de Pennsylvanie a déposé un brevet lié à l’invention des deux chercheurs et a négocié la vente de ce brevet avec une autre société :

« Nous étions furieux. [La société acheteuse] a même cherché à nous vendre une sous licence de ce brevet ! Habituellement on confie la licence d’un brevet à ses inventeurs. Après tout, nous en savions plus sur l’ARN messager (ARNm) que n’importe qui d’autre et nous étions susceptibles d’en tirer le maximum, mais l’université n’était pas de cet avis »

Et bien sûr elle raconte aussi les humiliations, la sous valorisation systématique elle était étrangère, venant d’un pays communiste et …une femme. L’Obs raconte :

« La biochimiste se garde de tout triomphalisme mais conserve une pointe d’amertume en se remémorant les moments où elle s’est sentie sous-estimée : une femme née à l’étranger dans un univers masculin où, à la fin de certaines conférences d’experts, on lui demandait : « Où est votre superviseur ? ».

« « Ils pensaient toujours : « cette femme avec un accent, il doit y avoir quelqu’un derrière, quelqu’un de plus intelligent. » » »

Et finalement elle intégrera la start up allemande BioNtech en 2013. Cette petite entreprise innovante a été créée en 2008, par un couple de scientifiques d’origine turque : Uğur Şahin , professeur d’oncologie à la 3e clinique médicale de l’université Johannes-Gutenberg de Mayence et son épouse Özlem Türeci médecin, chercheuse en immunologie.

C’est cette petite société qui a mis au point le vaccin Pfizer-BioNTech, Pfizer étant simplement le financeur.

Bruno Pitard directeur de recherche au CNRS fait ce constat dans « le Point » :

« C’était trop innovant pour les grands groupes ; la preuve ce sont les biotechs qui ont continué »

Et nous arrivons à la conclusion de l’article du Point qui est le cœur de ce que j’ai envie de partager aujourd’hui :

Avec plus de financements, de nouvelles découvertes pourraient-elles être réalisées pour soigner d’autres maladies grâce à l’ARNm

C’est un sujet auquel j’ai souvent réfléchi et je peux vous dire que ce n’est pas qu’une question d’argent. Si les scientifiques pouvaient mettre de côté leur ego, partager leurs informations, nous pourrions nous attaquer à d’autres maladies. Le système n’est pas optimal. Les spécialistes ne partagent pas car ils sont en compétition. Les trois sociétés que sont CureVac, BioNTech et Moderna organisent depuis 2013 des échanges académiques au sujet de l’ARNm auxquels j’ai participé. Nous avons partagé de nombreuses données avec des japonais, des coréens et des chinois. Mais il est extrêmement difficile de coordonner les recherches et de convaincre l’ensemble des acteurs que la coopération est la meilleure des stratégies. »

Nous en revenons à l’exemple du professeur et de son expérience avec les ballons qui montraient que la coopération était le meilleur système. Mais ce n’est pas celui qui est imposé par le marché.

Et Katalin Kariko ajoute :

« Il est urgent d’investir dans la recherche-fondamentale et appliquée-et de faire en sorte que les enfants aient envie de devenir chercheurs. Il y a tant de choses à découvrir »

Et elle évoque aussi le livre qui l’a le plus inspirée :

« Le livre qui m’a le plus marquée alors que j’étais au lycée est « le stress de la vie » du hongrois Hans Selye. Il est le premier à avoir appliqué le terme « stress » au corps humain, alors qu’il était employé essentiellement en physique. Sa théorie ? Les gens gâchent du temps et leur vie avec des regrets. Si j’ai persévéré sur l’ARN alors que personne n’y croyait, c’est parce que je n’ai pas attendu qu’on me tape sur l’épaule pour me dire « Katie, tu fais du bon boulot ! ». Je savais ce que je faisais était bien. »

Et voici le conseil qu’elle donne aux jeunes chercheurs :

« Ne recherchez pas les récompenses, l’argent ou la gloire. Faites de votre mieux et soyez satisfaits. Dans cette société de l’apparence, ce n’est pas votre look qui doit compter, mais bien la valeur que vous générez. La gloire immédiate n’a pas d’importance. Parfois, on travaille pendant des mois, des années avant d’obtenir un résultat. S’il n’y avait pas eu cette pandémie, personne ne saurait qui je suis – et cela m’irait très bien. »

Jamais elle n’abandonnera la recherche. :

« Aujourd’hui, j’ai assez d’argent pour pouvoir me permettre de ne rien faire, de trainer chez moi. Pourtant, je n’ai jamais arrêté de travailler ! J’ai toujours un objectif, un nouveau projet qui me motive. Je pense encore pouvoir apporter ma pierre à des édifices de recherche. Un jour, je m’effondrerai au milieu de mes recherches .. »

Ainsi parle Katalin Kariko.

Beaucoup pense qu’elle aura le Prix Nobel. Celui dont Rosalind Franklin fut privé.

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Je vais prendre quelques jours de congé du télétravail et des mots du jour.
Le prochain mot du jour devrait être publié le 22 mars.

Jeudi 11 février 2021

« Ne pas considérer la démocratie comme acquise. »
Barack Obama

Avant Donald Trump, les américains avaient élu Barack Obama et ils l’ont même réélu.

Certains prétendent que c’est l’élection de Barack Obama qui a rendu possible l’élection du show man. Ils expliquent qu’il y a eu toute une part de l’électorat blanc qui n’avait pas supporté l’élection d’un métis et avait alors voté pour son exact contraire : un blanc fier de l’être, un homme rustre sans sophistication, sans une once de pensée complexe ni de culture historique et littéraire.

Il me semble que cette explication reste très marginale, je crois plutôt que c’est le rejet d’Hillary Clinton qui a été prépondérant avec le rejet de l’élite démocrate qui s’est polarisé sur la promotion des minorités et des évolutions sociétales qui sont rejetés par l’Amérique profonde. Il y a bien sûr aussi une dimension économique, l’Amérique en dehors des grandes métropoles se rendant compte que la mondialisation et le libre échange favorisaient une petite minorité située dans les métropoles alors qu’ils les désavantageaient.

J’ai trouvé, comme souvent, l’émission d’Alain Finkielkraut de samedi dernier, consacrée « à la fracture américaine » très intéressante.

Il avait invité Roger Cohen, éditorialiste au New York Times, ce journal qui est le symbole de l’élite démocrate et de ses dérives. Lors du meurtre de Samuel Paty, il s’était comporté de manière indigne comme je l’avais relaté dans le mot du jour du 28 octobre 2020 : «Nous sommes bien seuls pour défendre notre conception de la liberté d’expression.».

En face de Roger Cohen, Laure Mandeville, Journaliste au Figaro, ancienne correspondante à Washington de 2009 à 2016, défendait des positions beaucoup plus critiques contre les obsessions des élites « progressistes » américaines, comme celle, par exemple,  que j’évoquais hier.

Laure Mondeville a notamment proposé cette analyse :

« Trump a porté depuis le début la rage profonde qui venait des tréfonds de l’Amérique, une rage contre l’establishment, les institutions et les élites. […] On a une partie extrêmement importante de la population qui a voté pour Trump qui est en état de quasi-sécession mentale et politique. […] Cette population qui est restée silencieuse, qui a finalement subi une espèce de disqualification à la fois politique, idéologique et presque morale. […] Je parle de l’émergence d’une gauche obsédée par l’identité et qui est en train d’attiser une sorte de volcan identitaire très dangereux. »

Barack Obama, n’a pas joué sur ces tensions identitaires, il s’est même efforcé à tous les moments de sa présidence de toujours privilégier l’universalisme au rétrécissement vers l’identitaire. Des noirs lui ont même reproché de ne pas avoir fait de réformes avantageant leur communauté.

Bien sûr, Barack Obama a commis des erreurs, il a, dans certains cas, manqué d’audace mais il ne faut pas oublier que le Sénat était contre lui et aux États-Unis, il est impossible de légiférer efficacement quand le Sénat s’y oppose.

Mais Barack Obama n’a jamais manqué de dignité, de hauteur de vue, d’intelligence.

J’ai écouté avec attention et le plus grand intérêt son interview par l’excellent Augustin Trapenard, sur France Inter, ce lundi 8 février : «  Barack Obama chez Augustin Trapenard dans Boomerang  ».

Bien qu’il s’agisse de radio je vous envoie vers la version vidéo de l’entretien sous-titré.

Cet entretien en distanciel a été réalisé pour la promotion du premier tome des mémoires d’Obama : « Une terre promise. »

Lors de la sortie, en novembre, de la version française, Barack Obama avait choisi d’être interviewé sur France 2 par François Busnel, l’animateur de la « Grande Librairie ». Il a donc choisi les deux fois un journaliste littéraire, de culture et non un journaliste politique.

Après son entretien, François Busnel a dit :

« Une rencontre avec Barack Obama, c’est un moment totalement exceptionnel. Quel que soit son bilan, il restera comme l’une des icônes de ce début de XXIe siècle. Je crois que c’est un écrivain. Il a apporté à la politique une sensibilité nouvelle. […] Ce qui reste frappant, c’est l’extrême humilité. Barack Obama ne vous prend jamais de haut. C’est naturellement une bête de scène avec un formidable pouvoir charismatique intact et d’énormes convictions chevillées au corps qui lui viennent de ses lectures »

L’entretien avec François Busnel se trouve sur le site de France 2 : <Le Grand entretien du 17/11/2020>

Augustin Trapenard a choisi de faire écouter aux auditeurs, avant l’interview, un long extrait du poème lu par Amanda Gorman lors de l’investiture de Joe Biden et qui constituait le sujet principal du mot du jour de ce lundi.

Et quand la jeune poétesse noire affirme simplement qu’elle pense possible de devenir présidente des Etats-Unis, elle le doit certainement à Barack Obama.

Et Augustin Trapenard commença son entretien en lisant la page 112 du livre d’Obama lorsque ce dernier répond à une question sur les motivations qui l’on conduit à se présenter aux élections présidentielles qu’il rêvait qu’un jour tous les enfants noirs, latinos, filles ou garçons, qui avaient le sentiment de ne pas appartenir à ce pays, pourraient voir un nouveau champ des possibles s’ouvrir à eux.

Car il faut évidemment que l’objectif qu’on poursuit s’inscrive dans le champ des possibles auxquels on croit. Et c’est ce que Barack Obama a réussi. Il a pu donc offrir ce récit à d’autres volontés, à d’autres destins.

L’échange entre Augustin Trapenard et Barack Obama est très fluide et profond. Si vous ne l’avez déjà fait je vous invite vraiment à l’écouter.

J’en tire trois extraits qui m’ont particulièrement marqué :

D’abord la reconnaissance d’Obama que la mondialisation a conduit à l’accélération des inégalités, dans nos pays développés. Et que ce problème d’inégalités minent nos démocratie ;

« Ce qui menace la démocratie, c’est ce que nous devons à la mondialisation et à la technologie : l’accélération des inégalités, et des gens qui se sentent laissés pour compte. Cela a rendu une grande partie de la population vulnérable aux appels du populisme. »

Et puis, il parle de cette nécessité de la confiance et de la vérité sur les faits, sans quoi l’échange d’arguments ne peut exister. Il prend l’exemple du changement climatique et rapporte qu’il lui est tout à fait possible de discuter longuement avec quelqu’un qui n’est pas d’accord avec lui sur les solutions à mettre en œuvre et il sait même que ces échanges sont utiles et font avancer. En revanche, s’il se trouve en présence d’un individu qui nie la réalité du changement climatique, avec qui le socle des faits et de la vérité n’est pas assuré, le dialogue est vain. La capacité d’avancer et de trouver des solutions communes se trouve annihilée.

Il décrit notre monde médiatique d’aujourd’hui :

« Le pouvoir des mots a été compromis par les changements du paysage médiatique. Aujourd’hui, il y a Internet et un millier de plates-formes, et il n’y a plus de règles convenues sur ce qui est vrai ou faux. C’est le plus grand danger actuel pour la démocratie.  »

[…] Nous ne pourrons pas revenir à une époque où il n’y avait que quelques arbitres de la vérité. Mais nous devons trouver des moyens de tenir les réseaux sociaux responsables de la manière dont nous faisons la différence entre réalité et fiction. »

Et puis, cette évidence que nous portions depuis 1945 que la démocratie était l’horizon du monde et que tous progresseraient vers cette organisation politique, est remise en cause. La démocratie est fragile :

« L’important est de connaître suffisamment l’histoire pour que lorsque le nationalisme de droite refait surface, nous nous rappelions à quoi il mène. Pour que lorsque nous voyons le sectarisme, les préjugés refaire surface, nous nous en rappelions les conséquences. […]

Ceux d’entre nous qui croient en une démocratie tolérante, pluraliste et inclusive, qui offre à tous des possibilités, doivent être vigilants. Ils doivent faire mieux, travailler plus dur, et ne pas considérer la démocratie comme acquise. »

Et pourtant nous vivons mieux et dans un monde moins violent qu’il y a un siècle rappelle t’il.

Je redonne le lien vers la page de France Inter : https://www.franceinter.fr/emissions/boomerang/boomerang-08-fevrier-2021

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Mardi 9 février 2021

« Des chiffres et des électeurs. »
L’élection présidentielle américaine déclinée par Etat

J’ai abordé à de nombreuses reprises la problématique de la quantophrénie, c’est-à-dire cette tendance qui consiste à considérer que les chiffres disent la vérité. Autrement dit qu’un chiffre arrête la conversation et la réflexion. Dans un mot du jour synthétique de 2017 « Des chiffres et des hommes » j’avais expliqué une conviction opposée :

« Beaucoup croient qu’en annonçant un chiffre ils concluent leur propos. C’est le contraire qu’il faut faire, les chiffres sont au début du discours, il faut les interroger, les expliquer. »

Je continue sur les dernières élections présidentielles américaines.

L’opinion dominante semble être que Joe Biden a battu nettement Donald Trump. Dans tous les journaux s’affiche cette carte et ces chiffres :


Nous sommes tous devenus spécialistes des élections présidentielles américaines et nous savons donc que cette élection peut être regardée sous le prisme français mais que le résultat dépend de la réalité américaine.

Le prisme français repose sur un État unitaire et l’élection du Président de la République. Notons que contrairement à des formulations franco-centrées, Joe Biden n’est pas président de la république mais président des États Unis.

Dans ce prisme, on regarde l’élection sur l’ensemble du pays et on compare le nombre de votants pour un candidat et le nombre de votants pour l’autre.

En France, c’est cette comparaison qui donne le résultat de l’élection.

Aux États-Unis on parle du « vote populaire » et ce vote n’est pas celui qui donne le résultat. Al Gore avait gagné le vote populaire contre George W Busch et Hillary Clinton avait fait de même contre Trump, mais aucun de ces deux n’a été élu président.

Pour la dernière élection, le résultat du vote populaire semble sans appel :

Biden 81 282 042 votes et Trump 74 222 690 votes, 7 millions de voix d’écart. En pourcentage, il faut savoir qu’il y a d’autres candidats qui se sont présentés dont certains uniquement dans un nombre limités d’états fédérés, le score est de 51,38% contre 46,91 % donc 4,5 points d’écarts.

La réalité américaine prend en compte le vote par État. Chaque État donne un certain nombre de grands électeurs, en fonction de sa démographie. Dans quasi tous les cas, mais il y a des exceptions, le candidat arrivé en tête rafle l’ensemble des grands électeurs de l’État. Le vainqueur est celui qui obtient au moins 270 grands électeurs. Au regard de cette réalité la victoire de Biden est aussi nette 306 contre 232.

Prenons d’abord le prisme français.

J’écoutais négligemment une émission sur l’élection américaine quand un intervenant a dit brusquement, il ne faut pas apporter trop d’importance à ce vote populaire. La victoire de Biden s’explique par la Californie et New York. Ceci m’a conduit à interroger les chiffres.

Prenons un tableau Excel :


Dans ce tableau vous constatez que s’il existe d’autres candidats, ils ont des résultats très modestes.

Mais l’assertion de l’intervenant est rigoureusement exacte. Les voix cumulées de la Californie et de New York représentent un avantage de 7 096 598 voix pour Biden ce qui est supérieur à la différence observée au niveau national.

Ceci signifie donc que sur les 48 autres États des États-Unis, Trump a battu Biden.

Ces deux États sont très particuliers. La Californie est l’État de la silicon vallée, du transhumanisme, de Facebook et de Twitter. Twitter qui a fermé le compte du Président des États Unis en exercice.

New York, c’est l’État de Wall Street et le centre de la Finance mondiale.

Ces faits ont vocation à troubler, irriter, indigner les partisans de Trump qui considèrent que la mondialisation, la numérisation et la financiarisation du monde leur ont été défavorables.

Si on élargit un peu la focale à quelques autres États emblématiques dans lesquels se trouve des métropoles géantes l’Illinois (Chicago), le Massachusetts (Boston), le Maryland (Baltimore) et aussi au District of Columbia qui même si la démographie en est plus modeste, présente la particularité d’abriter la capitale : Washington, nous observons le résultat suivant :

Avec ces 6 États, Biden est en avance de plus de 10,5 millions d’électeurs. Notez que dans le District de Columbia, Biden a obtenu 94,47% des voix contre 5,53 % pour Trump (nonobstant les petits candidats). Dans tout pays du monde dans lequel on afficherait un tel résultat, personne ne croirait qu’on se trouve en démocratie !

Ces 6 États sont très importants, mais ne représentent pas la majorité des habitants des États Unis d’Amérique. Les 44 États restants représentent une population plus importante.

Nous avons donc en nous concentrant uniquement sur les électeurs de Biden et de Trump le tableau suivant :

Si on compare les 6 États « Biden » et le reste des Etats-Unis, les premiers représentent moins de 25% des électeurs et les seconds plus de 75% des électeurs.

Vous avez donc bien compris que si on prend uniquement ces ¾ de la population américaine Trump devance Biden de plus de 3,5 millions d’électeurs.

C’est ce qu’on appelle une « fracture » entre deux parties d’un même tout.

Quand on creuse un peu les chiffres on trouve toujours des choses étonnantes.

Maintenant prenons la réalité américaine, le vote des grands électeurs.

La Californie compte 55 grands électeurs que Biden gagne de 5 000 000 de voix ou de 10 000 voix, peu importe, il rafle les 55 grands électeurs.

D’autres États présentent la même physionomie en faveur des républicains de Trump.

Ce qui compte donc pour remporter les élections américaines, ce sont les États qui sont susceptibles de basculer d’un camp à l’autre. Un très petit nombre de voix va décider de qui va obtenir les grands électeurs de l’État.

Dans la terminologie américaine, on parle de « swing state », ou État-charnière, État pivot, ou État clé.

Biden a gagné 306 grands électeurs contre 232, ce qui fait 74 grands électeurs de différence. Un mathématicien, digne de ce nom, dira alors qu’il suffit que la moitié, soit 37 grands électeurs, changent de camp pour qu’il y ait égalité.

Ces 37 grands électeurs peuvent être trouvés dans les 3 États suivants : Georgie, Arizona et Wisconsin.

Donc le résultat aurait été inversé dans ces 3 États si pour chaque État, la moitié de la différence des voix avait changé de camp et choisi Trump plutôt que Biden. Soit 21 459 électeurs qui si on les rapproche de l’ensemble des électeurs qui se sont exprimés sur Biden ou Trump, représente 0,014% du corps électoral.

Mais avec ces 3 Etats, Trump ne pouvait que faire jeu égal, il n’aurait pas été élu. Pour gagner il lui aurait aussi fallu par exemple, la Pennsylvanie dont on a beaucoup parlé. L’État de Philadelphie et de Pittsburgh.

Pour obtenir ces 20 électeurs supplémentaires, il fallait que 40 278 électeurs changent aussi de camp.

Dés lors on arrive à un total de 61 737 ce qui représente 0,049% du corps électoral. Biden n’a pas battu Trump nettement, il l’a battu de justesse.

Ce mot du jour ne parle pas de Trump qui est un personnage odieux, menteur, rustre et probablement déséquilibré.

Mais il parle du vote Trump, des électeurs de Trump et de l’Amérique du vote Trump.

Ces chiffres décryptés montrent une réalité qui est assez dérangeante, surtout après 4 ans de présidence pendant lesquels tous les américains ont pu voir cet individu à l’œuvre.

Et malgré cela, ils ont voté pour lui.

L’explication simpliste est que 74 000 000 d’américains sont des extrémistes ou des ignorants. La réalité est certainement plus complexe.

Vous trouverez tous les résultats que j’ai utilisé pour cette démonstration sur le site de France 24 : https://graphics.france24.com/elections-americaines-2020-resultats-direct/

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Lundi 8 février 2021

« Car il y a toujours de la lumière. Si seulement nous sommes assez braves pour la voir. Si seulement nous sommes assez braves pour l’être.»
Amanda Gorman

Et enfin, il est parti.

Nous commencions à avoir des doutes, des craintes, il ne partirait pas et il appellerait ses électeurs les plus farouches à prendre les armes.

Il a bien eu des propos ambigus et ses partisans ont compris qu’ils devaient marcher vers le Capitole. Une fois devant le Capitole, ce n’était pas clair sur ce qu’il convenait de faire. En face, les forces de sécurité ne savaient pas, non plus, quoi faire.

Sur une sorte de malentendu, cette foule vociférante est entrée dans le lieu sacré de la démocratie américaine.

S’agissait t’il d’une révolution ? ou d’un coup d’État ?

Non !

Ces factieux sont entrés dans le capitole, non pour faire un coup d’état mais pour s’y prendre en photo. Faire des selfies !

C’est comme si César arrivant devant le Rubicon, au lieu de prononcer cette phrase célèbre « alea jacta est » et de marcher sur Rome, s’était assis au bord de la rivière et avait sorti sa canne à pêche.

J’étais donc soulagé qu’un homme décent, qu’on peut cependant critiquer sur de nombreux points, investisse la fonction de Président des États-Unis.

J’ai suivi, avec attention, l’ensemble de la cérémonie d’investiture du 20 janvier.

Cette cérémonie et ce qui a précédé nous montre toute la distance qui existe entre les États-Unis et la France.

Le jour d’avant, les reportages nous ont montré un Joe Biden en pleurs, au moment de quitter l’État du Delaware.

Il est resté en effet 36 ans sénateur de Delaware et il exprimait son émotion au moment de le quitter pour rejoindre Washington et dans un moment lyrique il a dit

« L’écrivain James Joyce a dit à un ami que quand viendrait l’heure de sa mort on trouverait gravé dans son cœur le nom de Dublin, et bien excusez mon émotion à l’heure de ma mort c’est le Delaware que l’on trouvera dans le mien ».

Très bien !

Mais, à ce stade je dois informer, celles et ceux qui ne le saurait pas que le Delaware est un des plus grands paradis fiscaux qui existe sur cette terre qui en possède de nombreux.

L’excellent journal « Les Echos » vous expliquera cela très bien <Le Delaware, paradis fiscal « made in USA »>.

Le président des États Unis a donc représenté, pendant la plus grande partie de sa vie politique, un État dont la fonction principale est de permettre à tous les escrocs de la planète d’éviter de payer les impôts et taxes qu’ils doivent au bien commun.

Le matin de la cérémonie d’investiture, Joe Biden et de nombreux représentants politiques de Washington se sont retrouvés à la cathédrale St Matthew de Washington pour placer cette journée sous la bénédiction divine.

Ceci nous apprend deux choses, la première c’est que Joe Biden est catholique comme John Kennedy et que décidément les américains et les français n’ont pas la même relation entre la politique et la religion.

D’ailleurs, Joe Biden a ensuite prêté serment en posant sa main sur une Bible. Ce n’est pas obligatoire, c’est une tradition. Si un jour un président musulman est élu, il pourra très bien prêter serment sur le Coran.

Dans son discours d’investiture qui a surtout insisté sur la nécessité de se réunir le peuple américain et de se respecter, il a quand même eu cette phrase étonnante, en parlant du peuple américain :

« we are a good people ».

Nous sommes dans le registre de la morale qui me parait un peu décalé dans un discours politique. Je pense qu’en France , il y aurait eu beaucoup de moqueries si cette phrase avait été prononcée par un président élu. Vous trouverez l’ensemble du discours de Joe Biden derrière ce <Lien>.

Mais il y eut, un moment de grâce lors de cette cérémonie qui éclipsa tout le reste.

Une jeune femme, noire, de jaune vêtu, s’approcha de la tribune et déclama un texte : <The Hill We Climb>, « La colline que nous gravissons »

Cette jeune femme s’appelle Amanda Gorman

<Le Monde> décrit avec beaucoup de justesse ce texte et la manière dont cette jeune femme lumineuse l’a déclamé en s’aidant de ses bras et de ses mains pour soutenir, souligner et partager son texte. :

« Un texte de sa composition, pétri de fragilité, d’espoir et d’appel à l’unité, la poétesse de 22 ans a conquis un auditoire et promu au passage un genre méconnu du grand public : la force du verbe et de l’éloquence. »

On apprend ainsi que plusieurs présidents, Clinton, Obama ont invité des poètes à leur investiture, mais jamais une poétesse aussi jeune. Elle est née en 1998.

Il semble que ce soit John Fitzgerald Kennedy qui ait initié cette pratique en 1961. Ce furent toujours des présidents démocrates, les républicains n’ont visiblement pas le goût de la poésie.

<Wikipedia> nous apprend qu’enfant elle était affectée d’un trouble de la parole qui l’empêchait de bien prononcer certaines lettres. C’est une difficulté qu’elle a manifestement surpassée

Encouragée par sa mère, elle a poursuivi de brillantes études obtenant en 2020 un diplôme de sociologie de l’université Harvard.

Ses dernières années, elle a obtenu plusieurs prix ou diplômes de poésie, c’est ce qui l’a fait connaître et notamment découvrir par Jill Biden, l’épouse du président.

Elle montre son espérance dans son pays bien qu’au départ elle ne soit pas partie avec tous les atouts :

« Nous, les successeurs d’un pays et d’une époque où une maigre jeune fille noire, descendante d’esclaves et élevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir présidente, et se retrouver à réciter un poème à un président. »

La colline que nous gravissons est bien sûr une référence à la colline du Capitole qui venait d’être souillée par des individus qui refusaient le verdict des urnes et les décisions des juges qui avaient rejeté les contestations.

La colline qu’il s’agit de gravir pour s’élever.

Elle a aussi fait référence, en évoquant « une union plus parfaite », au préambule de la Constitution américaine :

« Nous, le peuple des États-Unis, en vue de former une union plus parfaite, d’établir la justice, d’assurer la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer la prospérité générale et d’assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous ordonnons et établissons la présente Constitution pour les États-Unis d’Amérique. »

Ce texte date de 1787. A cette date, les femmes n’avaient pas le droit de vote et une grande partie de la population américaine était esclave.

Alors, il est loisible de se moquer et de constater que ce texte était totalement décalé par rapport à la réalité.

Mais il y a aussi une autre manière de regarder ce texte : celui d’un récit qui explique ce qui doit advenir, vers quelle destinée il faut aller. Et là, force est de constater que bien que nous soyons encore loin de la perfection, beaucoup de chemin a été accompli.

Amanda Gorman regarde l’avenir et  essaye de fonder un récit qui puisse contribuer à l’unité :

« Ainsi, nous ne regardons pas ce qui se trouve entre nous, mais ce qui se trouve devant nous. Nous comblons le fossé parce que nous savons que, pour faire passer notre avenir avant tout, nous devons d’abord mettre nos différences de côté. Nous déposons nos armes pour pouvoir tendre les bras les uns aux autres. Nous ne cherchons le mal pour personne mais l’harmonie pour tous. Que le monde entier, au moins, dise que c’est vrai. Que même si nous avons fait notre deuil, nous avons grandi. Que même si nous avons souffert, nous avons espéré ; que même si nous nous sommes fatigués, nous avons essayé ; que nous serons liés à tout jamais, victorieux. Non pas parce que nous ne connaîtrons plus jamais la défaite, mais parce que nous ne sèmerons plus jamais la division. »

Et je retiens aussi cette belle phrase, si pertinente pour toutes celles et ceux qui savent que la coopération nous rend plus fort que l’affrontement et la compétition :

« la victoire ne passera pas par la lame, mais par tous les ponts que nous avons construits. C’est la promesse de la clairière, la colline que nous gravissons si seulement nous l’osons »

<France Culture> décrit le processus de création d’Amanda Gorman en citant le New York Times :

« Gorman a commencé le processus, comme elle le fait toujours, avec des recherches. Elle s’est inspirée des discours des leaders américains qui ont essayé de rassembler les citoyens pendant des périodes de division intense, comme Abraham Lincoln et Martin Luther King. Elle a également parlé à deux des précédents. »

Il cite aussi le Los Angeles Times dans lequel dans un entretien la jeune poétesse parle des fractures américaines et du rôle de son texte :

« Je dois reconnaître cela dans le poème. Je ne peux pas l’ignorer ou l’effacer. Et donc, j’ai élaboré un poème inaugural qui reconnaît ces cicatrices et ces blessures. J’espère qu’il nous fera progresser vers leur guérison ».

Ce journal suisse a titré : <La jeune poétesse Amanda Gorman vole la vedette à Joe Biden>

Libération titre : <Et soudain, la voix «féroce et libre» de la poète américaine Amanda Gorman> en faisant référence à une expression qu’elle a insérée dans son texte :

« Nous ne reviendrons pas à ce qui était, mais nous irons vers ce qui sera : un pays meurtri, mais entier ; bienveillant, mais audacieux ; féroce et libre. »

Telerama annonce : <Soudain, la jeune poétesse Amanda Gorman entre dans l’Histoire>

Et, la presse canadienne donne cette appréciation <Amanda Gorman, lumière de l’investiture >

Et c’est en évoquant la lumière qu’Amanda Gorman termine son magnifique texte et c’est cette conclusion que je mets en exergue de ce mot du jour.

Les récits sont essentiels pour nous rassembler et sans l’espoir de la capacité de changer les choses pour un meilleur avenir, notre vie est vaine

Sur le site de la Radio télévision Suisse on trouve une traduction du texte d’Amanda Gorman :

« Le jour vient où nous nous demandons où pouvons-nous trouver la lumière dans cette ombre sans fin ?
La défaite que nous portons, une mer dans laquelle nous devons patauger. Nous avons bravé le ventre de la bête.
Nous avons appris que le calme n’est pas toujours la paix. Dans les normes et les notions de ce qui est juste n’est pas toujours la justice.

Et pourtant, l’aube est à nous avant que nous le sachions. D’une manière ou d’une autre, nous continuons.
D’une manière ou d’une autre, nous avons surmonté et été les témoins d’une nation qui n’est pas brisée, mais simplement inachevée.
Nous, les successeurs d’un pays et d’une époque où une maigre jeune fille noire, descendante d’esclaves et élevée par une mère célibataire, peut rêver de devenir présidente, et se retrouver à réciter un poème à un président.

Et oui, nous sommes loin d’être lisses, loin d’être immaculés, mais cela ne veut pas dire que nous nous efforçons de former une union parfaite.

Nous nous efforçons de forger notre union avec détermination, de composer un pays qui s’engage à respecter toutes les cultures, les couleurs, les caractères et les conditions de l’être humain.

Ainsi, nous ne regardons pas ce qui se trouve entre nous, mais ce qui se trouve devant nous. Nous comblons le fossé parce que nous savons que, pour faire passer notre avenir avant tout, nous devons d’abord mettre nos différences de côté. Nous déposons nos armes pour pouvoir tendre les bras les uns aux autres. Nous ne cherchons le mal pour personne mais l’harmonie pour tous. Que le monde entier, au moins, dise que c’est vrai. Que même si nous avons fait notre deuil, nous avons grandi. Que même si nous avons souffert, nous avons espéré ; que même si nous nous sommes fatigués, nous avons essayé ; que nous serons liés à tout jamais, victorieux. Non pas parce que nous ne connaîtrons plus jamais la défaite, mais parce que nous ne sèmerons plus jamais la division.

L’Écriture nous dit d’imaginer que chacun s’assoira sous sa propre vigne et son propre figuier, et que personne ne l’effraiera. Si nous voulons être à la hauteur de notre époque, la victoire ne passera pas par la lame, mais par tous les ponts que nous avons construits. C’est la promesse de la clairière, la colline que nous gravissons si seulement nous l’osons. Car être Américain est plus qu’une fierté dont nous héritons ; c’est le passé dans lequel nous mettons les pieds et la façon dont nous le réparons. Nous avons vu une forêt qui briserait notre nation au lieu de la partager, qui détruirait notre pays si cela pouvait retarder la démocratie. Et cet effort a presque failli réussir.


Mais si la démocratie peut être périodiquement retardée, elle ne peut jamais être définitivement supprimée. Dans cette vérité, dans cette foi, nous avons confiance, car si nous avons les yeux tournés vers l’avenir, l’histoire a ses yeux sur nous. C’est l’ère de la juste rédemption. Nous la craignions à ses débuts. Nous ne nous sentions pas prêts à être les héritiers d’une heure aussi terrifiante, mais en elle, nous avons trouvé le pouvoir d’écrire un nouveau chapitre, de nous offrir l’espoir et le rire.

Ainsi, alors qu’une fois nous avons demandé : « Comment pouvons-nous vaincre la catastrophe ? » Maintenant, nous affirmons : « Comment la catastrophe pourrait-elle prévaloir sur nous ? »

Nous ne reviendrons pas à ce qui était, mais nous irons vers ce qui sera : un pays meurtri, mais entier ; bienveillant, mais audacieux ; féroce et libre. Nous ne serons pas détournés, ni ne serons interrompus par des intimidations, car nous savons que notre inaction et notre inertie seront l’héritage de la prochaine génération. Nos bévues deviennent leur fardeau. Mais une chose est sûre, si nous fusionnons la miséricorde avec la force, et la force avec le droit, alors l’amour devient notre héritage, et change le droit de naissance de nos enfants.

Alors, laissons derrière nous un pays meilleur que celui qui nous a été laissé. À chaque souffle de ma poitrine de bronze, nous ferons de ce monde blessé un monde merveilleux. Nous nous élèverons des collines de l’Ouest aux contours dorés. Nous nous élèverons du Nord-Est balayé par les vents où nos ancêtres ont réalisé leur première révolution. Nous nous élèverons des villes bordées de lacs des États du Midwest. Nous nous élèverons du Sud, baigné par le soleil. Nous reconstruirons, réconcilierons et récupérerons dans chaque recoin connu de notre nation, dans chaque coin appelé notre pay s; notre peuple diversifié et beau en sortira meurtri et beau.

Quand le jour viendra, nous sortirons de l’ombre, enflammés et sans peur. L’aube nouvelle s’épanouit alors que nous la libérons. Car il y a toujours de la lumière. Si seulement nous sommes assez braves pour la voir. Si seulement nous sommes assez braves pour l’être. »

Voici le texte original  <The Hill We Climb Amada Gorman>

Je redonne le lien vers la vidéo : <The Hill We Climb>

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Mardi 29 décembre 2020

« Beethoven victime de la « cancel culture aux Etats-Unis »
Emmanuel Dupuy dans « Diapason »

J’ai déjà évoqué, à plusieurs reprises, la chose sans avoir donné le nom. La « cancel culture » est un phénomène qui est né dans les campus universitaires américain au sein de mouvements qui se réclament de la gauche.

La « cancel culture » c’est la culture de l’effacement. Comme un dossier qu’on efface sur un disque dur.

Les journalistes Laure Mandeville et Eugénie Bastié ont publié le 20/12/2020 un article dans le Figaro «Cancel culture», «woke»: quand la gauche américaine devient folle » qui raconte cette dérive.

L’article du Figaro est réservé aux abonnés mais <La Fabrique médiatique> sur France Culture évoque et revient sur cet article

L’utilisation du terme « woke » signifie que, chez ces gens-là, on prétend qu’il faut tout le temps être « éveillé » pour débusquer en permanence les attitudes, les comportements, les situations problématiques et empêcher les responsables ou ceux qu’on prétend responsables de continuer à s’exprimer ou agir pour faire perdurer ces injustices ou ces oppressions. Il faut effacer !

J’avais abordé ce sujet le <1er avril 2020> en citant Barack Obama qui s’élevait contre ces pratiques : « Si la seule chose que vous faites, c’est critiquer, vous n’irez probablement pas bien loin. »

Au départ ce mouvement a attaqué les vivants.

Le juste combat contre les violences faites aux femmes a ainsi conduit à des manifestations de « cancel culture ». Woody Allen est accusé d’abus sexuel, alors ces « ligues de vertu » ont fait pression pour qu’ils ne puissent pas faire éditer ses mémoires aux Etats-Unis. Il faut l’effacer, il ne doit plus pouvoir s’exprimer. Si Woody Allen est coupable, il faut qu’il soit jugé et qu’il puisse se défendre. S’il est coupable la justice le condamnera, mais l’empêcher de publier ses mémoires ne constitue pas un combat de liberté. Les mémoires de Woody Allen ont pu sortir tout de même aux États-Unis en mars 2020, dans une petite librairie indépendante.

Mais il n’est pas nécessaire d’être accusé d’un crime pour faire l’objet des foudres de la cancel culture. Comme l’écrit l’écrivain Douglas Kennedy dans un article du 26 décembre 2020 dans le Monde « A l’ère de la « cancel culture » – un simple bon mot peut chambouler votre carrière »

Aucun mot ne doit blesser aucune minorité : les noirs, les LGBT, les petits, les gros, les hispaniques etc. Caroline Fourest a écrit un livre sur ce sujet : «Génération offensée» qui est paru en février 2020. La quatrième de couverture décrit parfaitement le phénomène : « C’est l’histoire de petits lynchages ordinaires, qui finissent par envahir notre intimité, assigner nos identités, et censurer nos échanges démocratiques. Une peste de la sensibilité. Chaque jour, un groupe, une minorité, un individu érigé en représentant d’une cause, exige, menace, et fait plier.
Au Canada, des étudiants exigent la suppression d’un cours de yoga pour ne pas risquer de « s’approprier » la culture indienne. Aux États-Unis, la chasse aux sorcière traque les menus asiatiques dans les cantines et l’enseignement des grandes œuvres classiques, jugées choquantes et normatives, de Flaubert à Dostoïevski. Des étudiants s’offusquent à la moindre contradiction, qu’ils considèrent comme des « micros-agression », au point d’exiger des « safe space ». Où l’on apprend en réalité à fuir l’altérité et le débat.»

On ne compte plus le nombre de professeurs qui ne peuvent plus enseigner et sont boycottés par ce qu’ils ont dit un mot qui a été déclaré blessant ou fait un acte qui a été désigné comme inacceptable.

Douglas Kennedy parle d’un professeur qui a eu la mauvaise idée d’assister à une manifestation en faveur de la police à proximité du campus. Il a expliqué qu’il y était allé juste pour entendre les arguments de l’autre camp. Comme l’a écrit le magazine Forbes : « Il n’a participé en aucune façon, il n’a pas pris la parole ni crié de slogans, il ne portait pas de pancarte. Il affirme qu’il voulait simplement savoir ce que les manifestants avaient à dire… ».

Le fait d’aller à cette manifestation, signifiait chez ces gens là qui étaient en position de « woke » qu’il soutenait la police et les violences policières. Des tracts ont alors circulé pour que les étudiants ne se rendent plus à son cours. Il devait être effacé.

Ces manifestations d’intolérance américaine ont pollué le monde universitaire français :

Ainsi Sylviane Agacinski n’a pas pu tenir une conférence le 24 octobre 2019 à l’université Bordeaux Montaigne (UBM). La philosophe voulait défendre son opposition à la PMA dans une conférence intitulée «L’être humain à l’époque de sa reproductibilité technique». Cette conférence n’a pas eu lieu parce que des syndicats étudiants ont exigé que « cette homophobe » ne puisse pas venir s’exprimer dans leur Université. Par peur de débordements violents, cette conférence a été annulée par la direction de l’Université. Vous pourrez en savoir davantage dans cet article de <Libération>

Ce refus du débat et de l’altérité ou simplement le refus de ce que l’autre peut vouloir dire ou m’apporter me fait penser au mot du jour du <3 mars 2016> dans lequel je reprenais cette réflexion du grand sociologue Zygmunt Bauman : « S’enfermer dans […] une zone de confort, où le seul bruit qu’on entend est l’écho de sa propre voix, où la seule chose qu’on voit est le reflet de son propre visage 

Après avoir attaqué les vivants, la cancel culture s’attaque aux morts. Aux grands morts, tant il est vrai comme le dit Régis Debray que la culture est le culte de nos grands morts.

Je m’étais fait l’écho de cette attaque en règle contre Christophe Colomb.

Après le <mot du jour hommage à Chirac> qui n’avait pas voulu fêter l’anniversaire de cet assassin, j’étais revenu le lendemain sur les agissements de ce conquérant sadique et monstrueux. Des mouvements sont donc en train de déboulonner les statues de Christophe Colomb et de remplacer le « Colomb day » par des « Journées des peuples indigènes »

Dans ce mot du jour, j’exprimais ma compréhension sur cette révolte contre ce personnage historique dont on ne nous avait pas expliqué tous les agissements.

Mais maintenant, ils attaquent Beethoven !

Beethoven l’humaniste, celui qui parlait de fraternité et aimait la liberté.

C’est le journaliste Emmanuel Dupuy qui sur une page du mensuel « Diapason » nous explique dans un article publié le 7 octobre 2020 qu'<Aux Etats-Unis, Beethoven est victime de la « cancel culture »> :

« L’étincelle de la polémique est partie d’un article et d’un podcast publiés sur le média en ligne Vox, par le musicologue Nate Sloan et le journaliste Charlie Harding. Leur cible ? La Symphonie n° 5, que « les personnes au pouvoir, en particulier les hommes blancs et riches » ont érigée en « symbole de leur supériorité et de leur importance […]  Pour certains, dans d’autres groupes – femmes, personnes LGBTQ +, personnes de couleur – la symphonie de Beethoven peut être principalement un rappel de l’exclusion et de l’élitisme dont est porteuse l’histoire de la musique classique. » Car en exigeant du public, par la complexité de son langage, une écoute plus attentive que par le passé, la 5e aurait imposé de nouvelles normes dans l’organisation du concert : « Ne pas tousser ! » ; « Ne pas applaudir ! ; « S’habiller de façon appropriée ! » Autant de « signifiants de la classe bourgeoise » qui, finalement, font de la Symphonie n° 5 «  »un mur » entre la musique classique et un public nouveau et divers ». »

Ces gens-là prétendent que « les personnes au pouvoir, en particulier les hommes blancs et riches » auraient érigé la Symphonie n° 5 en « symbole de leur supériorité et de leur importance », renvoyant à un sentiment d’exclusion les autres communautés raciales et sexuelles.

M Sloan enseigne à l’Université de Californie et je ne comprends pas bien quel est le but poursuivi, à part dans un grand effort de rester « woke », trouver encore d’autres statues à déboulonner et de grands morts à « canceler ».

Car chez ces gens-là, on n’approfondit pas, on exclut.

Emmanuel Dupuy tente une explication :

« Cette tentative de déboulonner la statue de Beethoven nous dit aussi que la notion d’exigence en art, au lieu d’être vue comme une condition nécessaire, est désormais entachée d’une connotation négative. Or, comme le travail ou la discipline, l’exigence est largement répandue parmi les musiciens classiques, peut-être davantage que dans d’autres univers artistiques. L’exigence est le socle de l’apprentissage de tout instrument. Elle est le carburant indispensable à la mécanique de l’orchestre symphonique. L’exigence rend possible le tour de force – physique, intellectuel – que représente un récital de chant ou de piano. Et si l’exigence est aussi requise dans l’écoute, matérialisée par le cérémonial du concert, c’est que les secrets des plus grands chefs-d’œuvre, en musique comme dans les autres arts, ne se percent pas sans un minimum d’effort et de concentration. Oui, mais voilà : dans un monde où tout ce qui n’est pas cool est suspect, l’exigence nous est devenue un fardeau. »

Je partage son indignation  :

« Non, Beethoven n’est pas un compositeur blanc, mâle, hétérosexuel. Beethoven est un compositeur universel, patrimoine de l’humanité entière. Beethoven est une femme, noire, pourquoi pas lesbienne. Assimiler un tel génie à une seule catégorie de la population et prétendre que les autres, renvoyées à un sentiment d’exclusion, ne peuvent s’approprier son œuvre [constitue la vraie discrimination…] »

Pour conclure, je vais faire appel au pianiste Miguel Angel Estrella, défenseur des droits de l’homme et des humbles. Il est issu d’un milieu modeste : son père est le fils de paysans libanais émigrés en Bolivie, sa mère est une argentine avec des ascendances amérindiennes métissées. En raison de ses convictions politiques, il fuit le régime argentin en 1976 à cause des persécutions dont il fait l’objet de la part de la junte militaire. Mais en 1977, il est détenu en Uruguay à Montevideo, où il subit des tortures. Il devient alors très célèbre en Europe, parce que le monde de la culture se mobilise pour sa libération. Il est libéré en 1980 à la suite des pressions internationales (en particulier de Yehudi Menuhin, Nadia Boulanger et Henri Dutilleux). Il se réfugie alors en France. Daniel Balavoine lui dédie sa chanson <Frappe avec ta tête> en 1983

En 1982, Miguel Angel Estrella fonde Musique Espérance dont la vocation est de « mettre la musique au service de la communauté humaine et de la dignité de chaque personne ; de défendre les droits artistiques des musiciens — en particulier des jeunes — et de travailler à construire la paix ». Depuis, il fait le tour de la planète pour aller chez les plus humbles, les plus éloignés de la culture occidentale pour jouer du piano.

Le monde Diplomatique explique cela dans un long article qui est en ligne : <A quoi bon jouer du Beethoven quand les gens ont faim ? >. Et c’est la réponse à cette question qui me pousse à conclure ce mot du jour avec Miguel Angel Estrella :

« Nous sommes des musiciens et par le biais de notre art nous essayons de trouver un chemin pour améliorer la qualité de la vie. Je l’ai compris il y a longtemps et je me suis battu contre les intellectuels latino-américains qui disaient : « A quoi bon jouer du Beethoven quand les gens ont faim ? » Et je leur répondais : « Mais quand ils écoutent Beethoven, leur vie change. Et nous, nous changeons aussi. » C’est très beau ce que nous vivons ensemble. Et le jour viendra où ces gens-là deviendront les défenseurs de leur culture dont ils percevront toute la beauté. Et ce sera une manière aussi de faire face à cette musique de consommation qui envahit la planète. »

Pour aujourd’hui et dans la continuité de l’œuvre qui a fait l’objet du mot du jour d’hier je vous propose le dernier quatuor à cordes, le seizième opus 135.

Il est plus court et plus optimiste que le quatorzième. Il fut ma porte d’entrée dans les derniers quatuors à cordes. Le troisième mouvement, qui est le mouvement lent « Lento assai », est divin. Je lui garde une affection toute particulière et s’il n’est pas aussi révolutionnaire que l’immense quatorzième, il tutoie les mêmes sommets.

<Une interprétation par le quatuor Hagen>

<1516>

Mercredi 4 novembre 2020

« La nuit américaine »
Expression à multiples facettes

J’avais déjà parlé de la nuit américaine lors du mot du jour du <7 octobre 2014> qui rendait hommage à François Truffaut et à son film qui portait ce nom.

J’expliquais alors que « la nuit américaine » est le nom d’une technique, au cinéma, qui consiste à tourner des scènes nocturnes en plein jour.

Par chance je n’avais pas utilisé cette expression comme exergue, elle est donc disponible pour décrire cette nuit qui s’achève et au cours de laquelle les résultats des présidentielles américaines nous arrivent peu à peu.

Au moment où j’écris cet article, je ne connais rien du résultat.

France Inter a donné pour titre à l’émission qu’elle consacre à cet évènement « la nuit américaine ».

Il peut aussi être donné un autre sens à cette expression.

Le 20 janvier 2017, Donald Trump prenait les clés de la Maison Blanche.

J’avais écrit un mot du jour le <23 janvier 2017> en m’appuyant sur un dessin.

Dessin dans lequel, Obama sort de la pièce et éteint la lumière.

Les Etats-Unis étaient plongés dans la nuit.

Quatre ans sont passés.

Il n’y a pas eu de guerre provoquée par Trump, heureusement.

Mais pour le reste ce fut un désastre pour l’intelligence, pour la vérité, pour la décence, pour la raison . La première vraie crise qu’il a eu à traverser fut celle du COVID 19. Il a alors montré toutes les limites de ses méthodes et de sa manière d’agir.

J’espère profondément qu’il n’y aura pas de quatre ans de plus de Trump.

Je sais bien que Biden, s’il est élu, ne fera pas jaillir une lumière éclatante chassant l’obscurité. Mais il mettra un peu de décence dans tous ce chaos.

Lors du mot du jour du 23 janvier je concluais de manière optimiste :

« Trump est déjà impopulaire, il ne sera probablement qu’une parenthèse dans le temps long de l’Histoire. »

Mais comme je l’avais dit tantôt, les prévisions sont périlleuses, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir.

Et je crois que si Trump est battu, les problèmes et la colère profonde d’une partie des citoyens blancs américains ne cessera pas.

Daniel, dans un commentaire récent a écrit :

« Je ne suis pas totalement sûr que Trump soit le problème de la division de l’Amérique, je pense plutôt qu’il en est le symptôme »

Je crois qu’il a raison, même si l’attitude, le comportement, la personnalité de Trump en tant que président des Etats-Unis est un problème en soi.

Mais les éléments de symptômes qui ont conduit à l’élection de Trump resteront après cette élection qu’elle que soit le résultat de ces élections transatlantique.

Sur le site de la Radiotélévision Belge, divers intervenants essayent d’expliquer le trumpisme et les symptômes de cette maladie.

D’abord qu’est ce que le trumpisme ?

« Le trumpisme c’est un style, un mode de gouvernance, lié à la personnalité de Donald Trump. Selon Bernard Rimé, professeur de psychologie sociale à l’UCLouvain, « aux enfants on apprend certaines règles qui permettent de maintenir le consensus social. Chez Trump il y a une recherche de la satisfaction immédiate, c’est un comportement infantile, il n’y a pas de contrôle interne. Son comportement viole un certain consensus social, un consensus qui impose certaines règles donc un renoncement mais ça, renoncer, cela demande un certain effort. […] Normalement on intériorise ces règles mais chez lui c’est inexistant. […] un autre trait de caractère qui définit la personnalité de Donald Trump, c’est le narcissisme. »

Mais d’où vient le trumpisme ?

« « Donald Trump semble être un symptôme plutôt qu’une cause, il n’est pas arrivé là par hasard, et les conditions de son élection de 2016 sont toujours là », décrypte Hélène Landemore.

Le contexte est favorable à l’émergence d’un « populiste » comme Donald Trump, estiment de nombreux observateurs. En effet, beaucoup estiment que les Etats-Unis sont en train de traverser une crise profonde à plusieurs niveaux : identitaire, une crise de la mondialisation, et une crise institutionnelle qui remet en cause un système favorable aux élites. Et cette crise qui a rendu possible l’élection de Donald Trump en 2016, n’a pas été créé par lui. […]

Selon Bertrand Badie, professeur émérite à Science-Po Paris, la crise identitaire est profonde, « il y a une peur de l’évolution démographique, une peur de devenir minoritaire, de l’inversion de la majorité ». A cela s’ajoute « une découverte qui est vraie. Les classes moyennes s’aperçoivent qu’elles n’ont pas profité de la mondialisation, qu’elles ne se sont pas enrichies ». Et d’ajouter, « avec Trump c’est le versant populiste du républicanisme ».

Et c’est ce versant qui fonctionne car il y a « une vague de dégagisme liée à une vraie perte de confiance dans les élites. Lorsque l’on regarde, par exemple, la composition du Congrès aux Etats-Unis, on se rend compte que 82% de la population est représentée par 10% des plus riches. […] 90% des gens n’obtiennent pas les politiques publiques liées à leurs préférences, ce qui crée un fossé », analyse Hélène Landemore. »

Trump me semble, en effet, répondre à 3 sentiments de l’Amérique profonde :

  • Le constat par la classe moyenne américaine que la globalisation lui est devenu défavorable ;
  • La crainte par les hommes blancs de perdre le leadership au profit des autres habitants des Etats-Unis ;
  • L’hystérie d’évangélistes et de conservateurs qui veulent aller aussi loin que possible dans le maintien voire le retour en arrière vers des valeurs religieuses et familiales archaïques.

Bien sûr si Trump est le symptôme; il n’a pas le début d’une solution à moyen et long terme pour régler ces problèmes et apaiser la société américaine.

<1482>

Lundi 2 novembre 2020

« Votez pour l’Autre »
Ameena Matthews psychologue musulmane afro-américaine qui œuvre à Chicago

La Constitution américaine est très précise :

« Les grands électeurs sont choisis le mardi suivant le premier lundi de novembre, dans l’année précédant la fin du mandat du président sortant. »

Dans la nuit du mardi au mercredi, nous connaîtrons peut-être le Président des Etats-Unis ou pas. Peut-être, que cette nuit va aussi ouvrir une grande période d’incertitude, en raison du grand nombre de votes par correspondances, conséquences de la COVID 19 et aussi de la personnalité hystérique et déraisonnable de l’homme que les électeurs américains et les institutions américaines ont élu en 2016.

Car en effet, si globalement le vote des américains, on parle du vote populaire, avait donné 3 millions de voix de plus à Hillary Clinton, l’organisation du vote indirect par grands électeurs désignés par États a donné l’avantage à Donald Trump.

Un documentaire allemand, diffusé par ARTE, a suivi des américains, les uns votant pour Trump les autres contre lui pendant l’année 2020.

Ce documentaire passionnant, en 5 épisodes, montre une Amérique polarisée, divisée, violente et mobilisée les uns contre les autres.

Vous trouverez l’ensemble de ces épisodes derrière ce lien : https://www.arte.tv/fr/videos/RC-020267/les-usa-dans-tous-leurs-etats/

On rencontre des personnes extraordinaires d’humanité et de dévouement et d’autres de bêtises sidérantes.

Je commencerai par une toute jeune fille issue de la bourgeoisie blanche du Colorado, Isabel Brown, qui brandit, comme un étendard, ses opinions conservatrices dans une université majoritairement à gauche. Elle s’est faite repérer par l’association Turning Point, qui milite pour la réélection de Donald Trump. Et elle espère être embauchée à la Maison Blanche après cette réélection.

Elle porte un tee-shirt sur lequel est inscrit « Le socialisme est naze ».

Elle affirme avec conviction que l’Amérique est le pays de la liberté et des opportunités et qu’il suffit de faire les bons choix et de travailler énergiquement pour avoir une vie remarquable. Elle dit très précisément que chacun est responsable de ses succès et de ses échecs.

Elle parle avant tout de son destin puisqu’elle est issue d’une famille aisée. elle ignore probablement que les sociologues ont compris que les déterminismes sociaux deviennent de plus en plus importants dans les réussites sociales.

C’est le rêve américain.

Rêve que poursuit Shubham Arora, travailleur sans-papiers, venue clandestinement d’Inde et qui est chauffeur de taxi à New York. Pendant le documentaire il va quitter New York, trop cher, pour aller en Georgie où il espère pouvoir monter un business d’une station service dans laquelle il va investir les économies qu’il a pu rassembler par son travail harassant à New York.

Mais il y a d’autres personnages lumineux que ce documentaire a découvert. Ainsi, la psychologue musulmane afro-américaine Ameena Matthews qui œuvre dans un quartier particulièrement violent de Chicago : South Side. On la voit se dévouer pour aider ses concitoyens, pour apaiser les tensions.

J’ai choisi, comme exergue l’injonction qu’elle a prononcée devant un groupe de noirs pour comprendre que pour ces combattants sociaux il ne s’agit pas de croire en Joe Biden mais de voter contre Trump, donc pour l’autre.

A un autre moment du documentaire elle décrit le président actuel :

« Au Pays de la liberté, il a la mentalité d’une hyène »

On suit aussi, Pamela Peynado Stewart, une avocate latino-américaine, à Atlanta, qui défend les sans-papiers, mais aussi s’engage pour les aider comme elle aide des pauvres qui ont été mis en prison pour des délits mineurs et qui ne sont pas libérés parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer la caution qu’on leur réclame, même modeste. Elle a ainsi créé une association qui reçoit des dons pour payer ces cautions.

Elle ne dit pas pour qui elle va voter, mais cela parait assez évident.

Et puis, il y a les religieux.

Ainsi, le pasteur Doug Pagitt de Minneapolis qui est évangéliste comme un tiers des américains. Il sait que la grande majorité des évangélistes votent pour Trump. Lui dénonce l’incompétence de son président et espère convaincre des croyants, comme lui, de changer leur vote. Il a monté avec des amis un projet Vote Common Good (« Votez pour le bien commun »). Et avec ses amis il a entrepris une tournée en bus pour traverser tous les Etats-Unis pour convaincre le plus d’électeur possible. Et quand la crise du COVID a rendu impossible la poursuite de la tournée en bus, ils ont continué sur les réseaux sociaux.

Il reconnait bien volontiers que Biden n’est pas le candidat parfait mais il ajoute cette phrase pleine de sens :

« Le président ne peut pas résoudre tous les problèmes. Mais le président ne doit pas être le problème. »

En revanche, le Pasteur baptiste de Harrisonville dans le Missouri, Charles Kaighen voit en Trump le meilleur allié de la foi chrétienne.

Il a l’air sympathique à première vue, mais il affirme sans sourciller que la terre a été créée par Dieu il y a 6000 ans et que la vérité se trouve dans la bible et non chez les scientifiques.

Il est homophobe et défend rigoureusement la morale chrétienne.

On apprend qu’il a fait de la prison jeune parce qu’il consommait de la drogue et qu’il a rencontré Dieu en sortant de prison.

Une dame membre de sa communauté explique :

« A l’école publique, ils peuvent enseigner des valeurs avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Ici l’église Baptiste, on enseigne des valeurs auxquelles nous croyons. »

Et on trouve à Clairton, une ville sinistrée de Pennsylvanie, un autre homme remarquable le maire, Rich Lattanzi qui se démène corps et âmes pour ses concitoyens. Il fait distribuer des vivres à ses administrés, privés de revenus par la pandémie de Covid-19, il projette de bâtir des logements abordables. Il s’implique aussi pour les problèmes de sécurité.

Il est lui-même au chômage, il travaillait dans l’usine polluante qui se trouvait dans sa ville et il a eu deux cancers au cours des 18 derniers mois, contre lesquels il a lutté par une chimiothérapie.

Le documentaire le montre aussi, vrai motif d’espoir, marier deux citoyens de sa ville, l’homme est un soldat blanc et la femme est de couleur noire.

Un autre motif d’espoir nous est donné par un couple de gens tolérants dans l’Utah. Alison et Chris Anderson qui prennent avec distance et humour leurs divergences politiques internes. La femme a toujours voté démocrate et l’homme toujours républicain. Ils invitent à leur table des amis des deux bords qui arrivent à dialoguer et à débattre.

Peut être le seul endroit encore aux Etats-Unis où cela reste possible, comme le village gaulois d’Astérix ?

Ils ont quand même un grand avantage, même les républicains de ce groupe ont décidé de ne pas voter pour Trump.

Vous trouvez donc ces 5 épisodes derrière ces liens :

Une grande année pour de grands rêves | Elections présidentielles USA (1/5) | ARTE

Le calme avant la tempête | Elections présidentielles USA (2/5) | ARTE

Au bord de la guerre civile | Elections présidentielles USA (3/5) | ARTE

Le test ultime | Elections présidentielles USA (4/5) | ARTE

L’heure du choix | Elections présidentielles USA (5/5) | ARTE

<1480>

Lundi 5 octobre 2020

« Schadenfreude»
Mot allemand qui signifie la joie du dommage qu’autrui subit

La réputation de la langue allemande a beaucoup souffert des errements des allemands lors de la première moitié du XXème siècle. Pour beaucoup c’était devenu la langue des nazis et de la Gestapo. Les films montraient des gens en uniforme, agressifs voire carrément odieux et qui vociféraient des ordres ou des injures dans la langue de Goethe.

Il ne faut cependant pas oublier que la langue allemande est aussi la langue de Goethe, de Rilke dont j’ai parlé récemment et aussi des grands philosophes allemands.

Et c’est probablement pour aider les philosophes dans leurs réflexions que l’allemand offre des mots qui n’existent pas dans les autres langues.

<Le mot du jour du 15 avril 2019> avait pour objet un tel mot : « Die Heimat »

Aujourd’hui l’actualité me donne l’occasion de parler d’un autre mot intraduisible par un mot français : « Schadenfreude ». Cette fois ce mot utilise cette facilité de la langue allemande de construire un mot en accolant deux autres mots.

« Schaden » signifie le dommage ou le dégat. Et « Freude », tout le monde le sait grâce à Schiller et à Beethoven signifie « joie ».

Il y a bien une expression française qui permet de traduire ce mot : « Se réjouir du malheur d’autrui ».

Guillaume Erner dans la petite chronique qu’il tient au début « des matins de France Culture » avait consacré celle du < 02/07/2018> à «Schadenfreude, la joie mauvaise à l’idée du malheur d’autrui »

Il avait abordé ce sujet de cette manière :

« Ça n’est pas très avouable, mais puisque l’on est entre nous on peut se le dire : être heureux ne suffit pas, ce qui importe c’est que les autres soient malheureux. Ce principe c’est la notion que Freud a nommé la Schadenfreude – la joie mauvaise à l’idée du malheur d’autrui.

Ce principe est en réalité beaucoup plus puissant que les multiples méthodes proposées aujourd’hui pour nous apprendre à être heureux. Beaucoup de sages et de moins sages, de psy quelque chose, bref des bonheurologues nous proposent d’éprouver le plaisir de la joie d’être heureux.

Et à chaque coup, ça ne rate pas, ça rate.

Si ces méthodes destinées à être heureux seul, ou en couple, pire en famille, et pourquoi pas en troupeau, si ces méthodes avaient la moindre efficacité, vous vous doutez bien que la consommation de psychotropes, drogue et alcool aurait chuté – si les méthodes de « Self Help » comme on dit aux Etats unis pour qualifier ce rayon gigantesque dans les libraires, si ces méthodes ne fonctionnent pas, c’est peut être parce que l’on est trop angélique.

En réalité, ce qu’il faut pour nous sentir bien, ça n’est pas seulement être heureux, c’est aussi et surtout savoir que les autres sont malheureux. Cette certitude est bien antérieure à Freud – Aristote en avait déjà fait la remarque dans l’Ethique à Nicomaque.

Chez Aristote on trouve un mot nouveau Epichairekakia, un mot qui peut se traduire littéralement par joie née du mal, terme qui désigne la vilaine émotion que ressent celui qui, loin de s’affliger du malheur des autres, s’en réjouit. Beaucoup de temps a passé depuis Aristote, mais ce sentiment demeure – c’est lui qui explique que l’on puisse rire bêtement quand quelqu’un tombe, sentiment tellement présent qu’il a donné naissance a des heures de programme télévisés, les calamiteux sottisiers.

Plus encore, si l’on en croit Spinoza, une bonne part de la compassion serait de la Schadenfreude. Nous plaignons quelqu’un pour sa souffrance, on prend de ses nouvelles, mais en réalité, une joie mauvaise bouillonne en nous, la compassion serait ainsi bien souvent un sentiment ambivalent. »

Il donne ainsi parfaitement raison à la psychologue « Lea Boecker » qui explique dans le journal allemand <der Spiegel> :

« Schadenfreude ist ein allgemeinpsychologisches Phänomen. Menschen auf der gesamten Welt empfinden sie. Sogar in Ländern, in denen es nicht einmal ein Wort für Schadenfreude gibt. »

Ce que je traduirai de la manière suivante : « Schadenfreude constitue un phénomène universel que les humains du monde entier éprouvent même dans les pays où le mot « Schadenfreude » n’existe pas ».

Le Spiegel vient de publier cet article récent en utilisant le mot Schadenfreude pour la raison que Donald Trump vient d’attraper la COVID 19 et que certains éprouveraient une joie mauvaise à cette nouvelle.

Le journal pose la question à la psychologue pour savoir si cela est permis ?

A priori les gouvernants du monde n’expriment pas un tel sentiment. Tous ont manifesté de la bienveillance et souhaité un prompt rétablissement au président des États-Unis.

Nous ne pouvons que faire de même et ne pas éprouver de « Schadenfreude » devant cette épreuve que traverse Donald Trump.

Toutefois, il ne me semble pas incongru de penser, comme l’ont fait d’autres avant moi, que c’est bien la première fois, depuis quatre ans qu’il est président des États-Unis, qu’il y a quelque chose de positif chez Trump.

<1467>

Jeudi 1er octobre 2020

« Alors ce que nous devons à la Grèce, la Démocratie et la Philosophie seraient ensemble dans une même scène apaisée. Mais cela ne s’est pas du tout passé comme cela !»
Patrick Boucheron qui raconte le Procès de Socrate dans l’émission « Quand l’Histoire fait date »

Nous sommes donc tombés encore plus bas que lors du débat entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron.

Le débat entre Trump et Biden a été pire que ce que l’on pouvait imaginer

Pour l’éditorialiste Dan Balz, du Washington Post :

« Aucune personne vivante n’avait jamais assisté à un débat comme celui-ci. Un festival de cris inconvenants, d’interruptions et d’insultes personnelles. C’était une insulte au public et un triste exemple de l’état de la démocratie américaine, cela cinq semaines avec les élections ».

Pour le site « Politico » le débat fut un « moment épique de honte nationale ».

« Annulez les deux prochains débats » supplie le magazine « Time »

Le chaos est presqu’uniquement imputable à l’occupant actuel de la Maison Blanche. Il est arrivé à rendre Joe Biden sympathique. Et quand ce dernier l’a traité de « clown », de « menteur », de « raciste » et surtout quand il a fini par lâcher : « Tu vas la fermer, mec ? » (« Will you shut up, man », en anglais), nous ne pouvions que l’approuver.

Il y a encore plus inquiétant lorsque Trump refuse de s’engager à reconnaître le résultat du scrutin, laissant entendre que s’il perd cela ne peut être qu’en raison de tricheries de ses adversaires.

Et il prépare les ferments de guerre civile en refusant de condamner les milices d’extrême droite qu’on appelle les suprémacistes et même encore plus grave quand il envoie, en plein débat, ce message explicite à l’organisation d’extrême droite : «Proud Boys, mettez-vous en retrait, tenez-vous prêts». <Le Figaro> explique qui sont ces hommes misogynes, racistes et amateurs d’armes à feu.

Est-ce ainsi que les démocraties finissent ?

Parallèlement j’ai regardé un nouvel épisode de cette remarquable série que Diffuse ARTE et dans laquelle l’historien Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, nous raconte les dates marquantes de l’Histoire. Mais il ne raconte pas seulement ce qui s’est passé à cette date, mais aussi avant et après, le contexte qui explique ce qui s’est passé et les conséquences jusqu’à nos jours de cet évènement : <Quand l’Histoire fait dates>.

Cette fois la date étudiée se situait il y a 2400 ans, plus exactement 2419 ans en -399, dans la cité d’Athènes. <-399, le procès de Socrate | Quand l’histoire fait dates | ARTE>

Il introduit son sujet ainsi

« De quoi sommes-nous redevables à l’Athènes du 5ème siècle. De ce passé ancien, ensoleillé.
On dirait deux choses : La philosophie d’une part, la Démocratie, d’autre part.
On aimerait tant que ce soit la Philosophie et la Démocratie, la Philosophie avec la Démocratie.
On aimerait tant voir Socrate converser avec des citoyens qui l’interpelleraient et lui répondrait.
Et de ce dialogue naîtrait un rapport raisonnable qu’on appellerait la Politique

Alors tout serait raccordé
Alors ce que nous devons à la Grèce, la Démocratie et la Philosophie seraient ensemble dans une même scène apaisée.
Mais cela ne s’est pas du tout passé comme cela ! »

Patrick Boucheron va développer son propos pendant une demi-heure : <-399, le procès de Socrate | Quand l’histoire fait dates | ARTE>

Le procès de Socrate est l’un des procès les plus célèbres de l’Histoire.

Il était accusé de corrompre la jeunesse, de nier les dieux de la cité et d’introduire des divinités nouvelles. Pour cette raison il sera condamné à mort, il avait 70 ans. Contrairement aux demandes pressantes de ses amis, il refusera de s’enfuir et se soumettra à la décision du Tribunal de la démocratie athénienne, il boira la cigüe.

Nous connaissons cette histoire par le récit qu’ont en fait deux de ses disciples Platon et Xénophon, dans leur Apologie de Socrate respective.

Évidemment nous n’entendons ainsi qu’une partie au Procès. Platon développera des thèses très anti-démocratiques, la démocratie a tué son maître et l’homme qu’il admirait le plus.

De très nombreux ouvrages ont discuté de ce procès.

Boucheron aborde un sujet développé ces dernières années qui est l’opinion de Socrate sur la démocratie avant le procès. Parce ce que les chefs d’accusation sont la corruption de la jeunesse et une question sur les dieux de la cité. Dans l’apologie de Socrate il n’est pas question d’une atteinte à la démocratie athénienne. Mais il semble qu’il y a aussi un conflit sous-jacent à ce sujet.

Car la cité d’Athènes est une démocratie qui se trouve en difficulté au moment du Procès de Socrate.

Athènes est durant le Ve siècle la cité la plus puissante du monde grec. Mais la guerre du Péloponnèse contre Sparte et ses alliés, commencée en -431, se termine par une terrible défaite.

À la fin de la guerre, c’est le régime démocratique lui-même qui est mis en cause.

Il y eut une première tentative pour renverser la démocratie en 411 et en 404, une nouvelle tentative, dirigée par Théramène, institue le régime des Trente qui est un régime oligarchique.

La défaite fut attribuée à une prétendue perte des valeurs traditionnelles. Ce n’est pas très éloigné des blancs qui font le succès de Trump et qui pense que l’Amérique est en train de perdre la guerre de la mondialisation, parce qu’elle a abandonné ses valeurs originelles. C’est exactement les thèses défendues par les suprémacistes.

Pour revenir à Socrate et son opinion par rapport à la démocratie, on lit dans <Wikipedia>

« Les opinions politiques qu’on lui attribue et qu’ont embrassées certains de ses disciples n’aident pas sa défense. Critias, un ancien élève de Socrate, a été l’un des chefs de file des Trente tyrans, un groupe d’oligarques favorables à Sparte qui dirige Athènes durant un peu plus de sept mois, de mai 404 à janvier 403, après la fin de la guerre du Péloponnèse. Durant cette même guerre, Alcibiade, un des principaux disciples de Socrate durant sa jeunesse, a trahi Athènes en rejoignant le camp des spartiates. De plus, d’après les portraits laissés par des disciples de Socrate, ce dernier épouse ouvertement certaines vues anti-démocratiques, estimant que ce n’est pas l’opinion de la majorité qui donne une politique correcte, mais plutôt le savoir et la compétence professionnelle, qualités que peu d’hommes possèdent. Platon le décrit aussi comme très critique envers les citoyens les plus importants et les plus respectés de la démocratie athénienne ; il le montre affirmant que les responsables choisis par le système athénien de gouvernement ne peuvent être regardés de façon crédible comme des bienfaiteurs, car ce n’est pas un groupe nombreux qui bénéficie de leur politique, mais « un seul homme […] ou alors un tout petit nombre ». Enfin Socrate est connu pour louer les lois des régimes non démocratiques de Sparte et de la Crète. »

L’historien , Paulin Ismard a écrit un livre en 2013 « L’événement Socrate » : dans lequel il revient sur « l’affaire » Socrate et pose la question : <Socrate, ennemi de la démocratie ?>

Dans l’entretien au Point il explique :

« Mais sa condamnation s’explique aussi en partie par le contexte politique athénien de la charnière des Ve et IVe siècles. A la fin de la guerre du Péloponnèse (431-404), les partisans du régime oligarchique profitent du soutien des troupes spartiates pour renverser le régime démocratique et instaurer durant quelques mois ce qui s’avère rapidement être une pure tyrannie, connue sous le nom de régime des Trente. Le procès de Socrate se déroule quatre ans après ces événements, à un moment où le camp démocrate, désormais tout-puissant, désire solder ses comptes avec ses anciens adversaires. A cette date, Socrate est clairement assimilé aux anciens partisans de l’oligarchie dans la mesure où plusieurs de ses disciples (dont Critias, l’idéologue des Trente) ont participé à son instauration. Socrate lui-même, contrairement à de nombreux Athéniens, était resté dans la ville durant les heures les plus sombres du régime des Trente, ce qui devait apparaître aux yeux de nombreux citoyens comme un témoignage de soutien.

[…] Incontestablement, la philosophie politique socratique, d’après ce qu’en rapporte l’ensemble de ses disciples, était hostile aux principes fondamentaux du régime démocratique, le cœur du différend portant sur la place octroyée au savoir dans l’exercice du pouvoir. Socrate pouvait apparaître comme un promoteur du gouvernement des experts, alors que le régime démocratique athénien refusait que la compétence technique puisse être un titre à gouverner. ».

Ce sont finalement des débats très actuels.

Si la démocratie conduit à ce que le peuple souverain élise un type comme Trump, ne faut-il remettre en cause la démocratie ?

Et comme le pense le philosophe Socrate donner le pouvoir à ceux qui savent ?

C’est un peu ce que l’Union européenne, essaye de mettre en place et qui est dénoncé par Emmanuel Todd ou Michel Onfray.

J’avais évoqué ce sujet lors de mots du jour. Par exemple mercredi 21 octobre 2015 : « Mon mandat ne provient pas du peuple européen. » qui est une phrase qu’a tenue Cécilia Malmström, la commissaire européenne, en 2015, chargée du commerce et donc des négociations du TTIP ou TAFTA, ou celui du mercredi 25 mars 2015 qui rapportait les propos d’un fonctionnaire européen : «Ne vous inquiétez pas, en Europe nous avons le système qui permet de ne pas tenir compte des élections.»

Sommes-nous condamnés à choisir entre un gouvernement des experts ou un gouvernement à la Trump ?

N’est ce pas des gouvernements d’experts qui ont conduit à élire des gens comme Trump ?

Boucheron prétend que nous ne sommes pas encore remis de cette divergence initiale entre la philosophie et la démocratie qui a eu lieu il y a 2400 ans.

<-399, le procès de Socrate | Quand l’histoire fait dates | ARTE>

<1465>