Mardi 15 juin 2021

«Vous devez être capable d’agir trois fois plus vite que les gens les plus compétents.»
Message initial de Jeff Bezos pour recruter pour son entreprise

Jeff Bezos a donc créé Amazon  et mis en ligne «  La plus grande librairie du monde » en 1995.

E,t il en a fait, en une vingtaine d’années, une entreprise à tout vendre.

Un journaliste américain à Bloomberg, Brad Stone avait publié en 2013 un livre enquête sur cette aventure « The Everything Store ». ce livre a été traduit en français et publié en 2014 : « Amazon : la boutique à tout vendre »

Vous pouvez acheter ce livre sur Amazon, mais le lien que je donne est vers la librairie Decitre.

Le journal « Les Echos » avait publié un article <le 30 mai 2014> de la journaliste Isabelle Lesniak qui parle de ce livre. Elle avait elle-même mené une enquête sur Amazon

Au début ses idées vont se développer à New York. Il va rencontrer une entreprise financière Desco et un homme Shaw avec qui il va apprendre l’organisation et échanger des idées et élaborer des stratégies disruptives.

« Tout a commencé avec une idée. Et cette idée flottait dans l’air de la société Desco (D. E. Shaw & Co.), sise à New York… Ce fonds spéculatif avait été créé en 1988 par un ancien professeur d’informatique de l’université de Columbia, David E. Shaw. Sa grande idée était d’exploiter les ordinateurs et des formules mathématiques complexes dans le marché de la finance à grande échelle. (…) Desco n’avait rien d’une société typique de Wall Street. Shaw ne recrutait pas des financiers mais des mathématiciens et des experts scientifiques, de préférence avec un CV hors norme et des références académiques indéniables.

(…) Bezos, alors âgé de 29 ans, commençait déjà à se dégarnir. Son visage un peu pâle et creusé était typique d’un « accro » au travail. Durant les sept années qu’il avait passées à Wall Street, il en avait impressionné plus d’un par sa vive intelligence et sa détermination sans faille. [Après Princeton] il avait, en 1988, rejoint la firme financière Bankers Trust, mais ne s’y était pas plu. A la fin de l’année 1990, il se préparait à quitter Wall Street lorsqu’un chasseur de têtes le convainquit de venir voir les dirigeants d’une firme financière « pas comme les autres ».

(…) C’est grâce à Desco que Bezos développa un grand nombre des caractéristiques distinctives que les employés d’Amazon retrouveront plus tard. Discipliné, précis, il notait constamment des idées sur un carnet qu’il transportait en permanence, de peur qu’elles ne s’envolent. (…) Quelle que soit la situation, Bezos procédait « analytiquement ». Célibataire à cette époque, il entreprit de suivre des cours de danse de salon, ayant calculé que cela améliorerait ses chances de rencontrer ce qu’il appelait des femmes « n + ». (…) Shaw et Bezos caressaient l’idée de développer une boutique « où l’on trouverait de tout ». De nombreux cadres estimaient qu’il serait aisé de mettre en ligne un magasin de ce genre. Pourtant, l’idée n’avait pas semblée réaliste à Bezos – du moins dans les premiers temps. Il avait donc commencé par établir une liste de vingt rayons potentiels : fournitures de bureau, logiciels, vêtements, musique… Il lui apparut alors que le plus approprié était celui des livres. C’est un article totalement standard ; chaque exemplaire étant identique à un autre, les acheteurs savent pertinemment ce qu’ils vont recevoir. A cette époque, aux Etats-Unis, deux distributeurs principaux se partageaient le marché. Les démarches en étaient considérablement simplifiées. Et il existait trois millions de livres en circulation dans le monde. »

Mais ce n’est pas avec Shaw qu’il va développer le concept qui le rendra célèbre et riche. Entre temps il a rencontré et épousé en 1992 MacKenzie.

En 2019 leur divorce sera classé comme le plus cher de l’Histoire, mais les records sont faits pour être battus.

Avec MacKenzie il se rend à Seattle pour monter sa librairie en ligne.

<Seattle> est la plus grande ville (750 000 habitants en 2018) située dans l’Etat de Washington, c’est à dire au nord-ouest des Etats-Unis et au Nord de la Californie.

Cette ville était alors le siège de Boeing et d’autres entreprises de haute technologie comme Microsoft et Google.

Cette ville offre à la fois de nombreux diplômés en informatique et des taxes moindres qu’à New York ou en Californie. Wikipedia affirme qu’au départ les Bezos ont pu débuter grâce à un investissement des parents de Jeff à hauteur de 245 573 dollars.

Et ils vont se lancer, l’article d’Isabelle Lesniak
cite un message du 21 août 1994 sur le forum Usenet :

« Start-up bien capitalisée cherche des programmeurs C/C++ et Unix extrêmement talentueux. Objectif : aider au développement d’un système pionnier de commerce sur Internet. Vous devez avoir acquis une expérience dans la conception et la mise en place de systèmes larges et comple xes (mais aussi faciles à faire évoluer). Vous devez être capable d’agir trois fois plus vite que les gens les plus compétents. Attendez-vous à travailler avec des collègues talentueux, motivés, sérieux et intéressants. »

Bref les meilleurs d’entre les meilleurs.

Jeff et MacKenzie vont beaucoup hésiter sur le nom à donner à la plus grande librairie du monde. Vous trouverez dans l’article les différentes tentatives. Mais finalement Amazon va être choisi en référence au fleuve mais aussi parce que le mot commençait par A et qu’à cette époque, la plupart des annuaires classaient les sites par ordre alphabétique.

Au départ c’était un « truc » d’informaticiens pour les informaticiens mais pas que :

« Très vite, il apparut que la clientèle était particulière. Les premiers utilisateurs commandaient des manuels d’informatique, des bandes dessinées de la série Dilbert, des livres sur des instruments de musique anciens et des guides de sexologie. La première année, le best-seller fut un manuel de Lincoln D. Stein expliquant comme créer un site Web. Certaines commandes provenaient de soldats américains dont les troupes étaient stationnées hors du continent. Un habitant de l’Ohio écrivit pour dire qu’il vivait à 75 kilomètres de la librairie la plus proche et qu’Amazon.com était un don du ciel. Un employé de l’Observatoire européen austral au Chili avait commandé un livre de Carl Sagan – apparemment à titre de test ; il dut être satisfait car, peu après, il repassa commande de plusieurs douzaines d’exemplaires du même livre. Amazon découvrait ainsi ce phénomène que l’on appelle la « longue traîne » : le grand nombre d’articles rares qui séduisent un petit nombre de gens. »

Pour arriver à créer cette société unique, performante et rigoureuse, il crée une culture d’entreprise que je qualifierai d’absolue et exclusive :

« Peu à peu, le PDG aux cheveux clairsemés, au rire perçant et au comportement agité dévoilait sa vraie nature aux employés. Il se révélait bien plus têtu que ce qu’ils avaient perçu au départ. Il supposait de manière présomptueuse qu’ils seraient constamment prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes et sans la moindre réserve.

(…) Bezos était déterminé à insuffler dans sa société une culture particulière : celle des économies à tout crin. Les bureaux construits à partir de portes et les contributions minimales aux frais de parking en faisaient partie. Au premier étage du nouveau bâtiment, un stand de café distribuait des cartes de fidélité permettant aux clients d’obtenir une boisson gratuite au dixième achat. Jeff Bezos, qui était alors multi-millionnaire, insistait pourtant pour se faire poinçonner sa carte de fidélité. Parfois quand même, il offrait la boisson gratuite qu’il avait récoltée à un collègue.

(…) Un grand nombre d’employés rechignaient à accepter le rythme de travail insensé. Or Jeff Bezos les sollicitait de plus en plus fortement, en organisant des réunions le week-end, en instituant un club de cadres qui se réunissait le samedi matin et en répétant souvent son credo : travailler dur, longtemps, avec intelligence. De ce fait, Amazon était mal perçue par les familles. Certains cadres, qui désiraient avoir des enfants, quittèrent alors la société. »

Il attend de ses employés que leur but de vie soit la réussite de l’entreprise :

« (…) Lors d’une réunion restée mémorable, une salariée demanda à Jeff Bezos quand Amazon établirait un meilleur équilibre entre le travail et la vie personnelle. Il le prit très mal : « La raison pour laquelle nous sommes ici est d’accomplir notre tâche. C’est la priorité numéro 1, l’ADN d’Amazon. Si vous ne pouvez pas vous y dévouer corps et âme, alors peut-être n’êtes-vous pas à votre place. » »

De manière générale, Jeff Bezos impose un management inventif et exigeant :

« Bezos présenta sa nouvelle grande idée aux principaux cadres : toute l’entreprise allait se restructurer autour de ce qu’il appelait les « équipes à deux pizzas ». Les employés seraient organisés en groupes autonomes de moins de dix personnes – suffisamment petits pour que, lorsqu’ils travailleraient tard, les membres puissent être nourris avec deux pizzas. Ces équipes seraient « lâchées » sur les plus gros problèmes d’Amazon. Elles seraient en compétition mutuelle en matière de ressources et parfois, dupliqueraient leurs efforts, reproduisant les réalités darwiniennes de survie dans la nature. »

La gestion du temps et le refus des pertes de temps constituent un impératif. Mais il y a un autre point que je trouve intéressant dans la communication, c’est la volonté du PDG d’obliger ses collaborateurs d’exprimer les idées par des phrases et des arguments :

« L’autre changement était assez unique dans l’histoire des entreprises. Jusqu’à présent, les employés avaient utilisé les logiciels Powerpoint et Excel de Microsoft pour présenter leurs idées lors de meetings. Bezos estimait que cette méthode dissimulait une façon de penser paresseuse. Il annonça que de tels logiciels ne seraient plus utilisés. Chacun devrait écrire sa présentation en prose. En dépit des résistances internes, il insista sur ce point. Il voulait que les gens prennent le temps d’exprimer leurs pensées de façon convaincante.

(…) Les présentations en prose étaient distribuées et chacun les lisait durant une bonne quinzaine de minutes. Au départ, il n’y avait pas de limite pour ces documents, ce qui pouvait amener à produire des exposés de soixante pages. Donc, très vite, un décret supplémentaire fut édicté, imposant un maximum de six pages (…). »

Et il a ensuite poussé cette rigueur jusqu’à la synthèse permettant de convaincre le client :

« Chaque fois qu’une nouvelle fonction ou qu’un nouveau produit était proposé, l’exposé devait prendre la forme d’un communiqué de presse. Le but était d’amener les employés à développer un argumentaire de vente. Bezos ne croyait pas possible de prendre une bonne décision quant à un produit ou une fonction si l’on ne savait pas précisément comment le communiquer au monde – ni ce que le vénéré client en penserait. »

Il peut aussi être très désagréable avec ses employés :

« Bien qu’il puisse se montrer charmant et plein d’humour en public, Bezos était capable en interne de descendre en flammes un subalterne. Il était enclin à des colères mémorables. Un collègue qui échouait à satisfaire les standards qu’il avait fixés était en mesure d’en déclencher une. Il était alors capable d’hyperboles et d’une rare cruauté. Il pouvait décocher des phrases appelées à demeurer dans les annales internes : (…) « Je suis désolé, ai-je pris mes pilules pour la stupidité aujourd’hui ? » « Est-ce qu’il faut que j’aille chercher le certificat qui spécifie que je suis le PDG afin que vous cessiez de me défier là-dessus ? » « Êtes-vous paresseux ou juste incompétent ? »

L’empathie pour son personnel n’est pas le point fort de cet homme qui prône la philanthropie. Son obsession est le consommateur.:

« (…) Certains employés d’Amazon avancent la théorie que Bezos, tout comme Steve Jobs, Bill Gates ou Larry Ellison (NdT : cofondateur d’Oracle), manque d’une certaine empathie et qu’en conséquence, il traite ses employés comme des ressources jetables, sans prendre en compte leurs contributions à l’entreprise. Ils reconnaissent également que Bezos est avant tout absorbé par l’amélioration des performances et du service client, ce qui rend secondaire les problèmes personnels. »

Dans sa lettre aux actionnaires d’avril 2021 cité par « Le Un », ainsi parlait Jeff Bezos :

« Dans la lettre aux actionnaires d’Amazon de 1997, notre toute première, j’évoquais notre espoir de créer une « entreprise durable » qui réinventerait ce que signifie servir les clients en libérant la puissance d’Internet. […] Nous avons parcouru un long chemin depuis lors et nous travaillons plus que jamais pour servir et ravir nos clients. L’année dernière, nous avons embauché 500 000 personnes et employons désormais directement 1,3 millions de personnes dans le monde. Nous comptons plus de 200 millions de membres Prime dans le monde. Plus de 1,9 million de petites et moyennes entreprises vendent dans notre magasin. […] Amazon Web Services sert des millions de clients et a généré un chiffre d’affaires de 50 milliards de dollars en 2020. En chemin, nous avons créé 1600 milliards de dollars de richesses pour les actionnaires »

Il faut rendre justice à cet homme qui a réalisé quelque chose d’extraordinaire, remarquable pour les consommateurs et les actionnaires.

Je pose une question : est ce que ce sont ces deux fonctions d’homo sapiens qu’il est intelligent de prioriser ?

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Lundi 14 juin 2021

« Amazon nous veut-il du bien ? »
Question posée par LE UN

Depuis longtemps, j’avais l’envie de faire une série de mots du jour sur Amazon, cette entreprise qui a pour ambition de tout vendre à tout le monde et son patron Jeff Bezos que le magazine Forbes classe première fortune mondiale en 2020.

L’actualité me donne des éléments pour aborder ce sujet.

La pandémie a donné une importance considérable aux achats en ligne et évidemment Amazon a dû en profiter largement.

Pour la première fois, une partie des matchs de Roland-Garros n’a pas pu être regardée gratuitement à la télévision. Les matchs en session de nuit, était accessible uniquement en ligne, sur Amazon Prime Video. A priori, il semble que cette évolution ait été couronnée de succès : <Les indications montrent qu’on a eu un très beau démarrage>

Ne s’arrêtant pas en si bon chemin, Amazon Prime Video a aussi mis la main sur 80% de la Ligue 1 et la Ligue 2 de football français provoquant <l’ire de Canal +>. Je peux résumer cette histoire simplement : profitant de sa force capitalistique mondiale, Amazon peut payer plus cher pour un service qu’il vendra moins cher que des diffuseurs locaux. Il faut comprendre que l’abonnement Amazon Prime vidéo est inclus dans l’abonnement Amazon Prime que tout bon client d’Amazon a souscrit puisqu’il lui assure une meilleure et plus rapide livraison des colis qu’il attend avec impatience.

Nous venons d’apprendre que samedi 12 juin, un riche et heureux gagnant a payé, 28 millions de dollars aux enchères pour accompagner le fondateur d’Amazon dans le premier vol de tourisme spatial de la société Blue Origin. Outre le prix de cette place, le vainqueur devra verser 6% de commission à la maison d’enchères RR Auction.  Jeff Bezos avait annoncé début juin qu’il ferait partie du premier vol habité dans la fusée New Shepard avec son frère et le gagnant d’une enchère pour un troisième siège. Il y aura même un quatrième passager comme l’annonce cet <article du monde> de ce dimanche

Jeff Bezos, va quitter son poste de patron d’Amazon en juillet, pour s’occuper de ces voyages spatiaux et d’autres œuvres. Il gardera ses actions et un œil attentif sur son œuvre.

Et puis « LE UN » a publié un numéro consacré à cette entreprise avec pour titre : « Amazon nous veut-il du bien ? »

Titre inspirant et aussi quelques articles qui permettent de se poser des questions. Car il est important de se poser des questions.

Pour ce premier article de la série, je voudrais simplement rappeler ou apprendre à celles et ceux qui ne le savent pas, l’origine et le développement de cette machine commerciale et surtout logistique.

Jeff Bezos est né le 12 janvier 1964 dans le Nouveau Mexique aux Etats-Unis. <Wikipedia> nous raconte son histoire

Son nom de naissance fut Jeffrey Jorgensen car il est le fils de Ted Jorgensen et Jacklyn Gise.

Au moment de sa naissance, ses parents sont tous deux lycéens : son père vient d’avoir 18 ans tandis que sa mère en a 16. Son père l’abandonne à sa naissance et se remarie un an plus tard. Sa mère fait ensuite la connaissance de Miguel Bezos, un immigré cubain installé aux États-Unis depuis l’âge de quinze ans. Elle l’épouse en avril 1968, et celui-ci adopte Jeff peu de temps après, qui dès lors porte son nom, et l’élève comme son propre fils.

Il semble que le jeune Jeff présentait quelques dons et un très haut QI. Il est diplômé de la prestigieuse université de Princeton en 1986 avec un Bachelor of Arts and Science en sciences de l’informatique.

Il commence à travailler dans plusieurs entreprises financières de Wall Street.

Et en 1994, alors âgé de trente ans, il crée Amazon qui est à l’origine une librairie en ligne.

Il raconte :

« J’ai appris que l’utilisation du web augmentait de 2 300 % par an. Je n’avais jamais vu ou entendu parler de quelque chose avec une croissance aussi rapide, et l’idée de créer une librairie en ligne avec des millions de titres — quelque chose de purement inconcevable dans le monde physique – m’enthousiasmait vraiment. »

Le nom d’«Amazon» qui a pour objectif de devenir la plus grande librairie du monde s’inspire évidemment de l’« Amazone » qui est le plus grand fleuve de la planète

Je reprends alors la chronologie que « Le Un » appelle repères et dont je reprends les principaux.

1995 : Le site Amazon.com est officiellement mis en ligne avec le slogan « La plus grande librairie du Monde »

1997 : Amazon fait son entrée en bourse

2000 : Le logo s’accompagne d’une flèche dessinant un sourire. Si voulez connaitre l’évolution du logo d’Amazon vous pouvez aller sur ce site <Logo d’Amazon>

2005 : Un abonnement annuel baptisé « Prime » est proposé aux clients qui souhaitent recevoir leur colis plus rapidement.

2006 : L’entreprise commercialise son service d’hébergement dans le « Cloud » sa branche la plus rentable à ce jour. Nous y reviendrons. Mais notons que c’est le patron de cette branche : « Amazon Web Services (AWS) » Andrew Jassy qui va prendre la succession de Jeff Bezos.

2007 : Le premier centre de distribution de colis en France ouvre ses portes dans le Loiret.

2017 : Amazon achète la chaîne de magasins Whole Foods pour 13,7 milliards de dollars

2021 Rachat de l’emblématique studio de cinéma Metro Goldwyn Mayer pour 8,45 milliards de dollars. Si voulez connaître les films qui tombent ainsi dans le panier d’Amazon <voici la liste>. James Bond en fait partie.

Il faut aussi ajouter à cette emprise du fleuve qui déborde de son lit, les acquisitions et investissements personnels de Jeff Bezos :

2000 : Création de Blue Origin, entreprise vouée au tourisme spatial dans laquelle Bezos investit un milliard par an

2013 : Le Washington Post acheté pour 250 millions de dollars

Il a aussi investi dans Unity Biotechnology qui est une start-up qui travaille sur la lutte contre le vieillissement et dans Grail et Juno Therapeutics start-up qui se concentrent sur la détection du cancer.

Et puis aussi des investissements qui peuvent apparaître comme éthique  :

Bezos Day One Fund : une fondation pour l’aide aux sans-abri et à l’éducation dans laquelle Bezos a investi 2 milliards de dollars.
Bezos Earth Fund : un centre pour la lutte contre le changement climatique auquel Bezos a promis 10 milliards de dollars.

Voilà une introduction sous forme de liste.

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Mercredi 19 septembre 2018

« La République en marché ? »
Frédéric Says

Lundi, j’exprimais ma satisfaction concernant le Président de la République et son attitude à l’égard de la guerre d’Algérie et du destin de Maurice Audin.

Aujourd’hui, je vais vous parler des produits dérivés de l’Elysée.

Par exemple ce « T-shirt Champions du monde » est vendu 55 euros.

Il nous rappelle que la France a gagné la coupe du monde Football et que notre jeune Président a illuminé de son euphorie et de ses qualités sportives cet évènement mondial.

Si vous souhaitez l’offrir pour Noël ou d’autres produits de ce type l’adresse est derrière ce lien : https://boutique.elysee.fr/

Le produit de la vente ne poursuit pas l’objectif de donner de l’argent de poche au couple présidentiel, mais doit servir à faire des travaux au Palais de l’Elysée sans passer par la case « impôts »

Frédéric Says a consacré sa chronique du 17 septembre à cette nouvelle disruption et a donné pour titre de son billet : « La République en marché ? »

Selon lui il s’agit d’une initiative moins anodine qu’il n’y paraît :

« 347 000 euros en trois jours : voici le chiffre d’affaires de la nouvelle boutique de l’Élysée.

Une boutique lancée ce week-end, à l’occasion des Journées du patrimoine. Sur place ou en ligne, elle rassemble des dizaines de produits dérivés liés à la présidence de la République. Cela va du stylo Bic bleu-blanc-rouge (3 euros) jusqu’au bracelet en or, estampillé liberté, égalité ou fraternité (250 €).

[…]

Plus sérieusement, la présidence de la République se justifie : les bénéfices de cette boutique seront affectés à la rénovation du palais de l’Elysée, dont certaines parties sont pour le moins décrépies.

Une stratégie de communication assez habile politiquement…

Oui, au moment où les ménages payent leur dernier tiers d’impôt sur le revenu, il ne sera pas dit que le contribuable finance les aménagements du « Château ». Par ailleurs, l’existence de cette boutique est cohérente avec les valeurs véhiculées inlassablement par Emmanuel Macron : la start-up nation, l’innovation, la disruption : ça n’avait jamais été fait, il faut donc le faire…

Évidemment, tout cela prête à hausser les épaules. Mais cette évolution n’est pas seulement anecdotique ou insolite. Elle éclaire aussi la philosophie générale du président sur la question de l’impôt. Peut-être connaissez-vous la formule d’Alphonse Allais : « il faut demander plus à l’impôt et moins au contribuable ».

Pour Emmanuel Macron c’est l’inverse. L’impôt ne peut pas tout, les budgets publics non plus. L’on a déjà vu cette logique à l’œuvre avec le loto créé pour venir en aide au patrimoine, sous la houlette de Stéphane Bern. Dans cette perspective, ce n’est pas à la puissance publique de soutenir le patrimoine en danger, c’est à la générosité du public. Même raisonnement pour la réfection de l’Élysée.

Bien sûr, l’État ne coupe pas tous ses financements. En l’occurrence, des fonds publics restent massivement engagés…

Mais derrière ces exemples très médiatisés, l’on entrevoit une idée générale, qui est ici introduite de manière subreptice. Celle de faire primer la charité sur la solidarité ; le mécénat individuel sur la contribution collective. Si l’on prend du recul, ces initiatives portent en germes l’idée d’un impôt à la carte : « je choisis les causes pour lesquelles je donne ».

D’ailleurs, il suffit d’étendre ce modèle pour en montrer les limites. Pourquoi ne pas imaginer, demain, une tombola pour financer la réfection d’une école ?

Une partie de poker pour la toiture du commissariat ?

Une loterie pour le matériel médical de l’hôpital ?

Ce serait à coup sûr disruptif. Voilà pourquoi cette boutique de l’Elysée a quelque chose de croquignolesque, pour ne pas dire de « poudre de perlimpinpin ». »

Je finirai en citant Philippe Meyer :

« Nous vivons une époque moderne où le futur ne manque pas d’avenir »

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Mercredi 6 décembre 2017

« Amazon Go »
Jeff Bezos, fondateur et PDG d’Amazon

Récemment, en allant acheter chez mon boucher (Oui j’avoue je ne suis toujours pas végétarien et encore moins végan) j’ai eu un échange avec la jeune caissière qui me vantait l’intérêt de l’utilisation de la fonction sans contact de la carte bancaire, en disant « quand il y a une amélioration technique, il faut l’utiliser et y aller ».

Ce qui pourrait se traduire en langue française soutenue « Quand il y a une invention technologique, il faut l’embrasser ! »

Avec mon esprit plein de doutes, j’ai répondu : « Peut-être avez-vous raison, mais vous rendez vous compte que le « sans contact » n’est plus que la dernière étape avant le « sans humain » ? »

Et cet échange m’a conduit à revenir vers cette expérience d’Amazon qui a pour nom « Amazon Go ».

Jeff Bezos et Amazon sont des innovateurs hors pairs qui trouvent à chaque étape de leur développement des solutions disruptives. Mais le Monde que nous prépare Amazon m’inquiète.

Prenons le Black Friday, encore une invention américaine qui nous réduit à notre seule dimension de consommateur.

Pour le black Friday, 24 novembre 2017, Amazon a capté 40% des ventes sur Internet, nous annonce ce <site>.

C’est au mois de décembre 2016 qu’Amazon présentait son concept de magasins sans caisses baptisé «Amazon Go ».

Attention, il ne s’agit pas d’un magasin avec des caisses automatiques, il s’agit d’un magasin sans caisse. Vous avez un compte chez Amazon, avec un moyen de paiement, cela va de soi.

Vous faites le tour du magasin, vous prenez tout ce dont vous avez besoin et vous sortez du magasin et…. Amazon sait tout ce que vous avez acheté, donc sait vous facturer et prélever votre compte, cela va de soi…

Ce prototype, Amazon l’a Installé à Seattle et l’a réservé dans un premier temps aux employés Amazon. C’est à l’aide de technologies de pointe, de l’intelligence artificielle, des caméras et autres capteurs que le client pouvait quitter les lieux sans avoir à passer par la case du paiement en caisse.

Les nouvelles étaient bonnes jusque-là !

Un article du Point d’avril 2017 annonçait <Les déboires d’Amazon go>

Grâce à cet article, on apprenait :

«  Mais ça ne fonctionne pas vraiment comme prévu. « Pas de file d’attente, pas de règlement, pas de caisse », promettait pourtant Amazon à propos de son magasin automatisé. Dans ce supermarché du futur, baptisé Amazon Go, le client est reconnu grâce à un smartphone, tracé par des caméras sans fil, avant de recevoir la facture à la maison.

Présenté en 2016 et expérimenté depuis à Seattle, Amazon Go devait être ouvert au grand public au début de l’année 2017. Pourtant, la firme américaine a confirmé les informations du Wall Street Journal et de Bloomberg annonçant un report sine die. En cause : l’impossibilité de faire fonctionner ce système en cas de fortes affluences.

Rapidement, les limites du concept avaient en effet été entrevues à Seattle. C’est là, dans le nord-ouest des États-Unis, qu’a été testé le « magasin » Amazon. Dans un local de taille modeste (177 mètres carrés), il était réservé, pour le besoin de l’expérimentation, aux salariés du groupe. Sauf que, dès qu’il y a plus de vingt clients dans le magasin, le système ne fonctionne plus. Et le dispositif est vite dépassé quand des enfants se servent dans les rayons !

L’objectif d’Amazon de figurer parmi les cinq plus gros distributeurs alimentaires aux États-Unis a donc du plomb dans l’aile. D’après Bloomberg, la supérette à la mode Amazon aurait un ratio de perte double en comparaison avec la moyenne des supermarchés ordinaires ! Dès la présentation de ce concept, la firme avait été fortement critiquée pour les conséquences négatives d’Amazon Go sur l’emploi. Mais, pour l’instant, Amazon ne semble pas prêt à supporter technologiquement la vie d’une supérette. »

J’en étais resté là, soulagé en me disant que ce monde cauchemardesque sans humain avec uniquement des consommateurs, des produits et des machines, (peut-être êtes-vous d’un autre avis et trouvez-vous ces perspectives réjouissantes) était retardé de quelques années.

Le soulagement fut de courte durée puisque plusieurs articles dont <celui-ci> du 15 novembre semblent indiquer, qu’hélas Amazon est sur le bon chemin.

Il reste des difficultés, mais il semble que l’ouverture de tels magasins aux Etats-Unis soit envisagée à court terme.

J’ai trouvé cet article sur le site spécialisé « News Informatique » particulièrement pertinent et visionnaire :

« Le succès d’Amazon réside dans sa capacité à faire appel à nos instincts primaires – ce qu’ont oublié des distributeurs comme Carrefour.

Nous aimons tous consommer, le plus facilement et le plus rapidement possible, sans prendre de risque. Amazon l’a compris est allé jusqu’au bout de la logique avec la commande « Zéro Clic », que ce soit dans ses magasins sans caisse Amazon GO, via son haut-parleur intelligent Echo/Alexa ou demain avec sa livraison d’office, dont les prémisses se trouvent dans Amazon WARDROBE.

Car l’objectif de Jeff Bezos est simple : nous libérer de la phase de choix pour les achats du quotidien en nous proposant le produit que nous souhaitons avant que nous y ayons pensé.

Avec l’Intelligence Artificielle, la plus grande offre au monde, une logistique sans faille et la marque de distribution à laquelle les consommateurs font le plus confiance, Amazon a su aller bien au-delà de ce que les autres distributeurs étaient prêts à faire pour leurs clients. […]

Cette capacité à faire appel à nos instincts primaires n’a été possible que par la capacité de storytelling hors pair de Jeff Bezos. Avec une vision gigantesque, Bezos a reconfiguré les relations entre les entreprises et leurs actionnaires. Amazon a levé 2,2 Mds $ avant d’être à peu près à l’équilibre. Amazon peut rater le lancement de n’importe quel produit (un smartphone par exemple), sans que son cours baisse. Dans une situation similaire Microsoft ou IBM verraient leur cours perdre 20% en une journée… Jeff Bezos a su remplacer la promesse de retour sur investissement par celle d’un storytelling porté par une vision et de la croissance. L’histoire : le magasin le plus grand au monde. Une stratégie : d’énormes investissements dans des bénéfices clients qui résistent au temps – coûts plus bas, plus grands choix, livraison plus rapide.

Ainsi, la valorisation d’Amazon est de 40 fois ses bénéfices alors que celle de ses concurrents est de 8 fois et la marque au sourire peut emprunter au même taux que la Chine.

[…]

D’ailleurs l’épicerie et les produits frais sont mûrs pour se faire Amazonner

Amazon teste depuis de nombreuses années la distribution physique car il sait que le client est canal-agnostique et il sait également qu’il doit faire baisser le coût du dernier kilomètre, aller et retour. Son avenir est bien sûr en multi-canal, tout comme les autres distributeurs. Mais arrimer des magasins physiques sur un site de e-commerce et bien plus aisé que l’inverse. Voyez les difficultés de Wall-Mart qui, à terme, ne pourra résister à Amazon.

Le « meilleur » de la distribution physique se trouve dans l’épicerie et les produits frais. Ce sont nos consommations de tous les jours, les plus massives et qui nous ennuient le plus, nous, consommateurs.

La technologie vocale d’Amazon, Echo/Alexa va faire trembler la terre sous les distributeurs et les marques. Bien des universitaires et des professionnels pensent que la construction d’une marque est toujours une stratégie gagnante. Ils ont tort. Directeurs Artistiques en Agence de Com’ et Brand Managers dans les entreprises vont pouvoir « décider de passer plus de temps avec leurs familles ». Le soleil se couche sur l’ère des marques. Car les attributs des marques, qui ont mis des générations et des milliards à se construire, disparaissent avec l’interface vocale. Amazon a décidé de privilégier ce canal pour y vendre ses marques en propre.

Avec le levier du Big Data et une connaissance sans pareille des schémas d’achat des consommateurs, Amazon va bientôt répondre à nos besoins de consommation sans la friction de la décision et de la commande. Vous n’aurez qu’à ajuster de temps à autre vos réceptions – moins de marchandise quand vous allez en vacances, plus de bière quand les copains viennent pour le barbecue et tout le reste se fera tout seul.

Des magasins sans caisses, des entrepôts peuplés de robots (c’est pour cela qu’il y a si peu de photos d’entrepôts Amazon, cela ferait peur), c’est le futur promis par Amazon et qu’il tente d’imposer à son secteur d’activité. Nous sommes les témoins du Jour du Jugement pour la Distribution.

Tout comme nous avons vu le pourcentage de la population agricole baisser de 50% à 4% au XXème siècle, nous verrons une chute similaire dans la distribution au cours des 30 prochaines années. En France cela concerne près d’1 million d’emplois. Bezos est arrivé à la conclusion qu’il n’y aura aucun moyen pour que l’économie soit capable de recréer suffisamment d’emploi pour remplacer ceux qui sont détruits. C’est pourquoi il milite activement pour le salaire minimum universel. Payé avec les impôts auxquels il fait tout pour se soustraire. »

Ce qui est techniquement possible, n’est pas toujours humainement souhaitable.

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