Jeudi 2 mars 2017

Jeudi 2 mars 2017
«Le Grand Récit »
Michel Serres

L’Histoire commence avec l’écriture. Voilà un consensus général qui réunit tous les Historiens.

C’est ce que nous avons appris à l’école.

Michel Serres part de ce constat :

«Pour faire une philosophie de l’Histoire, il faut avoir une bonne définition de l’Histoire. Or tous les historiens sont d’accord pour dire que l’Histoire commence avec l’écriture. C’est l’invention de l’écriture qui constitue le commencement de cette discipline. »

Avant l’Histoire, il y a la période qui précède l’Histoire et à laquelle on a donné naturellement le nom de Préhistoire. Mais pour Michel Serres, les choses ne sont pas aussi claires.

«La plupart des historiens célèbrent, avec raison d’ailleurs, la mémoire, ils disent que l’Histoire est la mémoire collective des hommes. […]

Je trouve, quant à moi, que l’Histoire qui commence avec l’écriture peut se définir par une série d’oublis.

Et les oublis sont les suivants :

Si l’Histoire commence avec l’écriture, [qu’est-ce que cela signifie] pour les civilisations et les cultures sans écriture ?

Ce sont des hommes comme nous, ce sont des cultures comme les nôtres, avec des religions, quelquefois des comptages, quelquefois des sciences mais pas d’écriture. Ils seraient donc « Sans Histoire » ? Cette décision-là, de couper l’humanité entre ceux qui ont l’écriture et ceux qui n’en ont pas, fait que nous considérerons donc que ces gens-là sont en dehors de l’Histoire. Et c’est quand même assez grave de dire qu’ils sont préhistoriques alors qu’ils sont nos contemporains. Voilà le premier oubli.

Cet oubli est compensé par une science humaine au sens technique mais aussi  humaniste qui est l’ethnologie qui s’occupe justement des populations sans écriture et pallie l’oubli de l’Histoire.

Mais si on remonte, que s’est-il passé lorsque les hommes ont émergé à l’Humanité elle-même ? On a longtemps oublié ces hommes. Mais une science humaine, au sens technique et humaniste, pallie cet oubli-là. Cette science, c’est la Préhistoire. La Préhistoire s’occupe de nos ancêtres en tant que personne et culture, antérieurement à l’écriture.

J’ai ainsi remonté de condition en condition. Et je remonte au moment où l’Homme est devenu homo sapiens sapiens et je vais au-delà vers les hominidés, puis nos ancêtres communs avec les bonobos et les singes. […] On s’aperçoit alors qu’on plonge dans une nouvelle discipline, une nouvelle science qui pallie les oublis des autres sciences, il s’agit d’une science qui selon Darwin étudie l’évolution de la totalité du vivant. Et là on remonte à plus de 3 milliards d’années jusqu’au premier être vivant, la première molécule qui a su se dupliquer. C’est aussi de l’Histoire.

D’ailleurs cette discipline on l’a bien nommé : « L’histoire naturelle » qui pallie les autres oublis.

Mais voyons un peu…

Cette molécule qui s’est dupliqué, elle était elle-même dans une mer de molécules qui ne se dupliquaient pas et qui était non du domaine du vivant mais du domaine de l’inerte. […]

Ces molécules qui ont jailli de la soupe primitive de molécules qui ne se dupliquaient pas, ont jailli parce qu’elles ont bénéficié d’un habitat favorable à cette activité et à cette existence. Et cet habitat, c’est la planète.

Et cette planète n’a pas d’histoire ?

Et bien si, elle a une histoire. La Géophysique s’occupe de cette Histoire.

Et ainsi de suite on peut remonter de la géophysique au système solaire qui lui aussi à une Histoire. Et du système solaire on remonte à la galaxie et de la galaxie on remonte au big bang etc.

Mais pourquoi dites-vous que vous parlez d’Histoire, puisque l’Histoire commence avec l’écriture ?

Nous y sommes, c’est maintenant qu’il faut bien réfléchir.

Toutes les sciences dont j’ai parlé, que ce soit la géophysique, que ce soit l’Histoire naturelle, la cosmologie, l’astronomie, comment ont-elles fait pour arriver au résultat dont j’ai parlé ?

Réponse : Toutes ont su, à un moment, dater leurs objets !

Et une des grandes découvertes de toutes ces sciences c’est cette datation. Toutes les sciences savent dater.

L’Histoire naturelle sait dater, l’apparition d’une espèce, la disparition d’une espèce. […].

Comment ces sciences font-elles pour dater leurs objets ?

C’est très simple : parce qu’elles découvrent des traces et que ces traces sont considérées comme une écriture et qu’il est question de la décoder. […]

Par exemple une roche volcanique était liquide au moment de l’éruption et lorsqu’elle se solidifie, elle conserve, en son sein, la trace du magnétisme de l’époque. Donc on peut lire sur la roche l’état du magnétisme de l’époque de sa création donc de l’époque en question.»

Michel Serres explique très bien que l’écriture est un code qui permet de transmettre une information. Pour pouvoir comprendre et assimiler cette information, il faut connaître ce code et donc savoir décoder.

Les traces que ces différentes sciences arrivent donc à décoder sont une écriture !

«Toutes les sciences s’adonnent justement à cet exercice-là, lire des traces et donc lire une écriture qu’il s’agit de décoder..

Quand on dit que l’Histoire commence avec l’écriture, alors les vivants ont une Histoire, alors les civilisations sans écriture ont une Histoire, alors la planète a une Histoire, la galaxie a une Histoire, l’Univers entier a une Histoire qui commence avec le big bang.

Une fois que ces sciences ont daté leurs objets, ces objets peuvent s’aligner dans une suite chronologique telle que je l’ai appelée le grand récit.

C’est-à-dire qu’à partir du big bang on peut raconter comment s’est développé l’Univers, puis comment en refroidissant il a donné des étoiles, puis des planètes, des vivants, des espèces de faune et de flore jusqu’à l’Homme. Cela fait donc un grand récit.

Ce grand récit a une particularité qui le rapproche de l’Histoire. C’est le suivant : c’est que les savants qui datent leur objet, ils ne croient pas à quelques finalités qui soient.

Cette Histoire dès qu’on la regarde en aval, il n’y a pas de finalité, on ne peut pas le prévoir.

Mais quand on regarde en amont on peut expliquer comment cela s’est passé. […]»

Pour expliciter cette manière de faire, Michel Serres prend l’exemple de l’élection de Trump qu’aucun politicien n’a prévu. Mais maintenant que l’évènement est arrivé, tous les analystes vont trouver les causes, voire les multiples causes qui ont conduit à ce résultat

«Cette encyclopédie qui relie toutes les sciences dans une datation continue, chronologique est un récit littéraire.

Quand je raconte une Histoire à mes petits-enfants et quand je les vois le soir et que je leur dit où en étions-nous hier ? Ils me répondent nous en étions à : « Et alors … ».

Qu’est ce qui va se passer ? Il n’y a pas de finalité à mon affaire.

La grande Histoire est ainsi ce récit, ce grand récit qui nous vient du début de notre univers jusqu’à nous.»

Et si des historiens veulent encore protester en disant à Michel Serres que tout ceci est un peu éloigné de la réalité humaine, il leur répondra que ce n’est pas exact.

«Notre être organique multi cellulaire et notre ADN est formé de molécules très anciennes. Notre corps est composé essentiellement de 4 ou 5 atomes qui ont été créés il y a très longtemps dans le début de l’évolution de l’Univers. Nous sommes donc tous un composé de ce grand récit

Et si vous voulez en savoir encore plus vous avez cette belle émission de France Culture dont le titre est justement « Le grand récit »

C’est la première partie de son livre sur la philosophie de l’Histoire. Il aurait pu l’appeler le Grand récit, mais il a voulu donner le nom d’un personnage et il a choisi Darwin qui est celui qui nous a révélé l’évolution des espèces.

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Lundi 27 février 2017

Lundi 27 février 2017
« Les gens qui nous permettent de nous ressourcer et les gens qui nous vident de notre énergie »
Réflexions personnelles pour présenter des livres et des émissions de Michel Serres

La semaine dernière, il y a eu une série de mots du jour un peu …plombant ?

J’ai même été poussé à écrire à la fin de celui qui parlait de la guerre civile globale décrit par l’indien Pankaj Mishra que je le trouvais trop pessimiste.

Il n’est pas possible, ni raisonnable de rester dans cette seule vision sombre de l’Humanité.

Je vais m’inspirer, pour les prochains mots du jour d’une interview de Michel Serres qui avait été invité pour parler de 3 de ses livres publiés ou republiés récemment :


Michel Serres que j’avais convoqué pour le 800ème mot du jour : « L’intelligence est imprévisible et mystique» pour expliquer que l’intelligence est cette faculté qui permet d’approcher un problème, une histoire sous un regard nouveau qui l’éclaire autrement, qui renouvelle notre vision.

Cela nous conduit à nous éloigner de l’actualité pour réfléchir sur notre contemporain : où en sommes-nous ? Quel passé, quelle Histoire nous a engendré ?

Vous pouvez dès à présent voir cette interview : <Michel Serres invité de KTO>

Mais aujourd’hui en préambule, je voudrais esquisser une réflexion qui s’appuie sur mon expérience de vie.

Le point initial vient du fait que lorsque j’ai regardé cette vidéo, cela m’a fait du bien. J’aime cette expression « m’a ressourcé ».

Et cela me conduit à réfléchir plus avant : nous avons tous connu et connaissons des gens, des proches auprès de qui nous arrivons à nous ressourcer. Au contraire nous connaissons des personnes, des situations qui nous vident de notre énergie, trivialement nous pompe.

C’est une chance, j’utiliserai une terminologie mystique, « une grâce » quand comme moi : dans le couple, la compagne que m’a offert la vie, est source de ressourcement.

C’est en effet une chance quand le couple est source de ressourcement ou encore les parents. Nous savons cependant que ce n’est pas toujours le cas.

En amitié aussi, il existe une telle dichotomie.

Des évènements de la vie peuvent conduire que pendant une période donnée, un ami a besoin d’énergie, de soutien et que nous sommes en capacité d’apporter cette énergie. Il se peut aussi que l’on soit dans la situation inverse où c’est nous qui avons besoin d’aide et que nous pouvons compter sur un proche pour nous apporter ce soutien.

L’expérience m’a appris que la période pendant laquelle ce déséquilibre est acceptable, est limitée.

Cela demande de la vigilance et de la lucidité, avant tout pour celui qui donne.

Au-delà, il faut savoir soit arrêter la relation déséquilibrée, soit passer la main.

Cette réflexion trouve particulièrement à s’appliquer, aujourd’hui, dans les nombreux cas où les enfants sont confrontés à des maladies dégénératives de leurs parents et où il faut trouver, en temps utile, des solutions autres que le seul dévouement affectif.

Il n’y a pas que la maladie qui conduise à se trouver dans de telles situations, il peut y avoir une expérience malheureuse ou un échec, mais aussi plus problématique la personnalité de celui qui « pompe ».

Mais ce qui me parait fondamental c’est surtout de reconnaître les personnes ou les moyens dont on dispose pour se ressourcer car il faut savoir se faire du bien, si on veut pouvoir faire du bien aux autres.

Nous voilà bien loin de l’actualité française, des présidentielles ou encore des dernières facéties de Trump.

Mais nous ne pouvons pas que nous nourrir de l’actualité, il nous faut aussi réfléchir sur la vie, sur les rencontres, sur notre humanité.

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Vendredi 13 janvier 2017

Vendredi 13 janvier 2017
«S’émerveiller »
Belinda Cannone
J’ai découvert Belinda Cannone en écoutant cette émission de France Culture :https://www.franceculture.fr/emissions/la-grande-table-2eme-partie/resister-en-semerveillant
Née en 1959, Belinda Cannone est romancière et essayiste. Elle a déjà publié plusieurs romans et <S’émerveiller est son dernier livre, un essai, qui vient de paraître>
Pour Belinda Cannone, la société vit actuellement une forme d’enténèbrement. C’est pourquoi elle nous propose de tenter de retrouver les petits bonheurs simples de la vie, ceux qui ne sont pas grand-chose mais qui pourtant nous réjouissent, bref, elle nous invite à nous émerveiller d’avantage. Un paysage, une action de courage ou un éclat de rire, la possibilité d’une lumière plus joyeuse apportée sur nos quotidiens mornes est à portée de main de tout un chacun.
Son ouvrage débute ainsi :
« L’autre fois (l’automne) je notais : Ce matin, je contemple mon chêne, cette torche de temps pur qui se dresse à deux ou trois cents mètres devant la fenêtre du bureau, dans ma maison des champs, la vision est d’autant plus nette que l’herbe à son pied est rase, ultime fenaison faite, et le soleil dissipe lentement la couverture de nuages légers. À mon lever, la brume de chaleur (un si doux septembre) le dissimulait tout à fait. Tandis que l’arbre émergeait – le détail de sa ramure devenant de plus en plus net, la haie d’arbres du fond perdant son indistinction ombreuse –, j’observais, de l’autre côté du carreau, deux merles cherchant leur nourriture, et je me suis sentie émerveillée, par la beauté du chêne, du champ, des oiseaux noirs, par le silence ouaté et la solitude.
Ce chêne, encadré par la fenêtre (je l’appelle mon chêne, bien qu’il ne m’appartienne pas), provoque souvent mon émerveillement. S’il est assez parfait (sa ramure arrondie, son tronc bien droit, sa taille vénérable), il a pourtant, dans les campagnes, des semblables par milliers. Mais sa position isolée dans un vaste champ, outre qu’elle lui confère une sorte de majesté, le désigne à mon attention qui lui fait rendre sa dimension merveilleuse : la beauté secrète du chêne apparaît sous mon regard assidu.
Depuis que j’ai acquis un téléphone qui me le permet, je photographie le chêne chaque fois que se produit une variation (oiseau, renard, lumière, nuages, ombre). Si elle en vaut la peine, j’envoie la photo à des destinataires choisis selon mon cœur. Car l’émerveillement, rarement silencieux, aime à se dire, comme s’il s’agissait de remplir l’écart entre le spectacle et mon œil, ou parce que, animaux bavards, nous réagissons toujours ainsi à la commotion de la joie – par un faire-part.
Le sentiment que j’aimerais ici décrire n’est qu’un aspect du vaste espace couvert par la notion d’émerveillement. Je pourrais le dire modeste, non parce qu’il manquerait de puissance mais parce que les objets susceptibles de l’éveiller le sont souvent. De même que le chêne que je contemple n’est qu’un arbre, l’être que j’aime n’est qu’un homme : rien de grandiose en eux mais dans mon regard, sous mon attention, ils sont l’aimé et mon chêne. Pour quelqu’un d’autre, tel jeu de lumière sur un mur en face de sa fenêtre, les variations du couchant sur un bâtiment, le chant des oiseaux juste avant la nuit – que sais-je ? –, pour quelqu’un d’autre l’émerveillement pourra être provoqué par un spectacle, des sons ou des êtres différents de ceux qui me touchent, mais il sera voisin de celui que je veux saisir s’il est lié à un objet simple, de ceux que nous croisons chaque jour sans toujours être capables d’en percevoir la beauté.
Car s’émerveiller résulte d’un mouvement intime, d’une disposition intérieure par lesquels le paysage à ma fenêtre ou l’homme devant moi deviennent des événements. L’événement survient au présent pur, dans une épiphanie. Alors je ne me projette plus dans un avenir rêvé, ni ne m’abandonne, mélancolique, à la contemplation du chimérique passé : je suis entièrement requise ici et maintenant. Savoir se rendre disponible à ces événements qui émerveillent est une voie vers le bonheur, dans la mesure où la vie heureuse est celle vécue au présent. Mais parce que nous en sommes la plupart du temps incapables, submergés par les projets, les anticipations, les choses à faire, nous devons plus d’une fois admettre, comme Pascal (quoique d’une autre manière) : « Nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre. » Vivre (intensément) exige de se tenir dans le présent pur, et rien n’est moins aisé. Je le puis dans la joie de la danse, de l’étreinte, du rire et de la contemplation.
Le reste du temps, je vis légèrement en avant de moi-même, ce qui exclut l’émerveillement.»
Dans l’émission évoquée elle a cette belle formule : il n’y a pas plus grande urgence que de partager son émerveillement.
Je ne vous ai pas encore présenté mes meilleurs vœux pour l’année 2017,
Qu’elle soit remplie, pour vous, de santé, de paix intérieure et d’émerveillement.
Et que collectivement apparaissent des idées nouvelles  pour faire progresser le monde dans lequel nous vivons.
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Mardi 10 janvier 2017

« La paix ça s’apprend »
David Van Reybrouck

J’évoquais, hier, le second invité de l’émission <du grain à moudre : pourquoi n’aimons-nous pas la paix ? > : David Van Reybrouck.

David Van Reybrouck est un auteur belge archéologue et philosophe qui s’est associé à un psychothérapeute spécialisé dans la communication non-violente : Thomas d’Ansembourg pour écrire un petit ouvrage de 96 pages : « La paix ça s’apprend : comment guérir de la violence et du terrorisme » paru à Actes Sud, en novembre 2016.

David Van Reybrouck compare la paix avec la santé en disant que celui qui est en bonne santé l’exprime rarement.

On parle de santé quand on est malade et il a cette expression : « la santé c’est le souvenir d’un malade » et il exprime la même chose pour la paix :  « on ne se rend pas compte quand on est en paix, c’est banal presque un peu trivial, la paix c’est le souvenir de quelqu’un qui est en guerre »

Et il a ce constat qu’il existe des écoles de guerre où on apprend à faire la guerre, à tuer.

Ces écoles sont subventionnées par l’Etat et payées par nos impôts.

Mais il n’existe pas d’écoles de la paix, où on enseignerait la paix, l’empathie, la pleine conscience. Car selon lui avant de vouloir créer la paix à l’extérieur, il faut d’abord pacifier l’individu, la paix commence à l’intérieur de l’individu.

Or, selon lui, on peut enseigner la paix et il exprime ce curieux parallèle avec l’hygiène.

Au début, quand les premiers esprits éclairés ont voulu enseigner l’hygiène, on les a pris au mieux pour des rêveurs, au pire pour des fous.

Mais peu à peu, on a enseigné l’hygiène puis on l’a imposé.

Et l’Humanité grâce à cette prise de conscience et à l’enseignement de cette exigence a fait un remarquable bond en avant. En dehors de tout délire quantophrénique, la réalité lourde de la démographie nous le révèle : l’espérance de vie a explosé et l’hygiène plus que les progrès de la médecine a joué le rôle premier.

Et j’ai trouvé un article dans un journal belge où Van Reybrouk complète les propos tenus lors de l’émission précitée : http://www.alterechos.be/fil-infos/david-van-reybrouck-la-paix-mentale-contribue-a-la-paix-sociale/

J’en tire quelques extraits :

« […] Face au déferlement d’actes guerriers et barbares, appeler la paix de ses voeux ne suffit pas, il faut l’apprendre, la construire à l’intérieur de nous-mêmes et dans nos structures sociales. […]

Mais parler de la paix n’est pas si simple… On n’utilise plus jamais le mot « paix », c’est une notion qui semble gênante, et encore plus en néerlandais: «vrede».

Ça fait catho ou John Lennon. Pour nous, c’était une réponse évidente au lendemain des attentats. La violence est partout et la meilleure façon de pacifier une société est la démocratie. La meilleure façon de pacifier l’individu, c’est de lui accorder des moments de silence et de contemplation, choses qu’on a oubliées ou perdues depuis plusieurs décennies.

[…] Nous sommes convaincus qu’une partie de la paix sociale repose sur la paix mentale. C’est ça l’équilibre entre mon approche politique et l’approche psychologique de Thomas.

[…] Je vois mal comment on peut rendre une société plus pacifiste, moins violente, moins agressive, moins raciste si on ne travaille que sur les structures sociétales. Il faut aussi travailler sur l’individu. Je ne dis pas qu’il suffit que les jeunes radicalisés de Molenbeek méditent quelques minutes par jour. Ce serait de la fausse conscience. Mais je ne vois pas non plus comment régler le défi majeur de la radicalisation si on limite l’action à des mesures sécuritaires, militaire, juridiques et politiques. Et même si on lutte contre la discrimination au niveau du marché du travail, de l’éducation ou du logement, je ne pense pas que cela débouchera sur une paix sociétale durable. Il faut en fait travailler sur l’extérieur et sur l’intérieur. Le livre est un plaidoyer pour une double action : sur les injustices sociales et sur la pacification de l’individu. […]

C’est une question de recherche scientifique. Il y a une centaine d’années, la gymnastique était intégrée dans le cursus scolaire. Pour l’époque, cela paraissait très insolite dans un contexte où les enfants devaient être sages. Mais les recherches scientifiques de l’époque – fin XIX ème début XXème – ont montré que c’était important d’avoir des exercices physiques pour le développement du corps, de l’esprit et des mœurs de l’enfant… C’était devenu une chose normale et évidente. On peut parler du sport mais aussi du brossage des dents, exemple qu’on donne dans nos livres. Grâce aux études sur l’hygiène buccale ont montré la nécessité de se brosser les dents et la pratique est rentrée dans les mœurs, y compris dans des endroits où ça n’était pas du tout gagné comme dans la campagne profonde d’où provient Thomas.

Je prends ces exemples pour montrer qu’aujourd’hui, de multiples recherches démontrent qu’il est possible d’apporter de la santé physique et mentale à un enfant en lui permettant de respirer dix minutes par jour calmement. On voit que l’apprentissage de la communication non violente stimule beaucoup d’empathie vis-à-vis des autres enfants, que cela leur apprend à gérer les conflits, à vivre avec, avant qu’ils ne deviennent de vraies bagarres.

C’est l’essence de la démocratie. Il faut insuffler ce goût pour l’exercice psychique dès la maternelle. »

Et quand le journaliste l’interpelle :

« Vous comprenez qu’on peut vous prendre pour des «bisounours» pour reprendre vos mots, ou en tout cas que vous pouvez susciter le scepticisme …»

Il en appelle à Schopenhauer :

« Chaque nouvelle idée passe d’abord par être ignorée, puis ridiculisée avant de devenir évidente »…

Et pour compléter le propos de Van Reybrouck, vous pourrez lire un texte d’Edgar Morin publié dans le Monde le 5 février 2016 : « Éduquer à la paix pour résister à l’esprit de guerre » qu’il conclut ainsi :

« C’est ici qu’un humanisme régénéré pourrait apporter la prise de conscience de la communauté de destin qui unit en fait tous les humains, le sentiment d’appartenance à notre patrie terrestre, le sentiment d’appartenance à l’aventure extraordinaire et incertaine de l’humanité, avec ses chances et ses périls.

C’est ici que l’on peut révéler ce que chacun porte en lui-même, mais occulté par la superficialité de notre civilisation présente : que l’on peut avoir foi en l’amour et en la fraternité, qui sont nos besoins profonds, que cette foi est exaltante, qu’elle permet d’affronter les incertitudes et refouler les angoisses. »

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Lundi 9 janvier 2017

« La paix »
Jean-Claude Carrière

En début d’année, les vœux que les humains échangent comprennent souvent le souhait de la paix.

Nous ne vivons pas la période la plus conflictuelle de l’histoire d’homo sapiens mais les médias rapprochent de nous tous les théâtres de conflits du monde et nous montrent des images insoutenables de guerre.

La menace terroriste, faible cependant au regard de tous les autres dangers qui peuvent nous faire mourir comme la voiture ou le tabac, nous entraîne aussi vers un désir de paix.

« La paix » est un ouvrage de Jean-Claude Carrière, le scénariste de Luis Bunuel, l’inoubliable collaborateur de Peter Brook pour le <Le Mahabharata>, l’auteur de <la controverse de Valladolid> et de tant d’autres œuvres érudites et passionnantes.

Pour parler de son livre, il était l’invité de l’émission <du grain à moudre : pourquoi n’aimons-nous pas la paix ? >

Jean Claude Carrière qui dit :

« On n’écrit jamais sur la paix comme s ‘il n’y avait rien à en dire, tandis que les ouvrages sur la guerre fleurissent de tout côté. Non seulement les ouvrages sur la guerre, mais les éloges de la guerre. Il y a deux chapitres dans mon ouvrage dans lesquels j’ai rassemblé des textes d’auteurs parfois très connus de Joseph de Maistre à Maurice Barrès, à Proudhon qui ont chanté l’aspect sublime de la guerre, l’aspect divin de la guerre d’une manière presque incroyable. Comme si la guerre était la plus belle et la plus souhaitable des activités humaines et comme si mourir à la guerre était le sort le plus beau. »

La Paix est d’ailleurs difficilement définissable, souvent on la décrit comme une période entre deux guerres. On la définit toujours de manière négative : « absence de perturbation, de trouble, de guerre et de conflit. »

Jean Claude Carrière est d’ailleurs optimiste :

« Ma génération a entendu pendant longtemps dire que toute paix était impossible en Irlande entre les protestants et les catholiques, or cette paix s’est établie et apparemment elle dure depuis plusieurs décennies […] Quand on dit que le conflit entre palestinien et israélien est insoluble, Non ! Certainement il y a une solution, il y a une possibilité pour les hommes de vivre ensemble.

Hitler disait : L’Allemagne a besoin d’une bonne guerre tous les 12 ou 15 ans. Or l’Allemagne est en paix depuis 70 ans, elle ne s’en porte pas plus mal, bien au contraire !

La paix n’est pas quelque chose d’impossible à atteindre. »

Et puis il évoque l’Histoire et porte un regard décalé sur la fin de l’empire romain, en évoquant la « Pax romana »

« L’empereur qui est mon favori est Antonin le Pieux qui a régné 25 ans au deuxième siècle de notre ère, à l’apogée de l’Empire romain. Il n’a pas connu une seule révolte dans un Empire qui allait de l’Ecosse à la Jordanie, Pourquoi ? […]

L’empire romain, à cette époque, accepte toutes les religions, toutes les croyances, toutes les manières de vivre à condition d’accepter les Lois de Rome.
Il y a même un temple à Rome « Au dieu inconnu » pour tous les dieux qui auraient été oubliés.

Quand un siècle plus tard, l’empereur Théodose édicte que toute la population de l’empire romain doit être chrétienne, sous peine de mort, quelques décennies plus tard l’empire romain est disloqué et disparaît ».

Il est vrai que l’évangile selon Matthieu (10-34) fait dire à Jésus : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. »

L’émission de France Culture avait invité un autre auteur : David Van Reybrouck, mais j’y reviendrai demain.

La paix Odile Jacob, 2016 Jean-Claude Carrière

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Jeudi 8 Décembre 2016

Jeudi 8 Décembre 2016
« Ce n’est qu’en tournant autour du pot qu’on peut en voir tous ses aspects !»
Réflexions personnelles pour la suite des mots du jour
Quand j’étais dans l’administration centrale de la défunte Direction Générale des Impôts, à Bercy dans les années 90, on me reprochait parfois de tourner autour du pot.
J’avais alors trouvé une réponse : «Oui mais ce n »est qu’en tournant autour du pot qu’on peut en voir tous ses aspects»
Un danger nous menace, nous ne nous confrontons plus vraiment à la contradiction. Les réseaux sociaux et ce qui en découle nous conduit de plus en plus à lire, écouter et échanger avec celles et ceux qui sont d’accord avec nous. Et on constate que dans nos groupes d’«amis» (ce mot «ami» pour les relations que l’on a sur les réseaux sociaux me semble totalement inapproprié.) si l’on souhaite exprimer une nuance ou présenter un autre éclairage, il n’y a que rarement d’échanges et on tombe rapidement dans l’invective.
Or, c’est par la confrontation qu’il est possible de progresser. Tourner autour du pot pour l’observer sous un autre angle.
Je vais donc tenter davantage de trouver le débat et lire ou présenter des points de vue divergents, pour sortir  du confort intellectuel.
Bousculer un peu, en quelque sorte.
Mais je ne commencerai pas demain, car je me suis octroyé un week-end prolongé, à l’occasion de la fête des lumières à Lyon.
Le 802ème mot du jour sera envoyé mardi 13 décembre.
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Jeudi 26 mai 2016

«Une des règles d’airain de l’Histoire est que toute hiérarchie imaginaire désavoue ses origines fictionnelles et se prétend naturelle et inévitable.»
« Yuval Noah Harari
Sapiens : Une brève histoire de l’humanité pages 163-165 »

L’appel à l’imaginaire et où mythes constituent, selon Harari un point central de l’évolution de sapiens, notre espèce.

Dans son chapitre huit qu’il intitule « il n’y a pas de justice dans l’histoire », il remet en perspective à travers les exemples du code d’Hammourabi et de la proclamation d’indépendance de Philadelphie à la manière dont se sont structurées les sociétés des sapiens sur la base de ces textes et la manière dont ils se sont arrangés avec la réalité des faits.

Je cite :

« Comprendre l’histoire humaine dans les millénaires qui suivirent la Révolution agricole revient à répondre à une seule question : comment les hommes se sont-ils organisés en réseaux de coopération de masse, alors que leur manquaient les instincts biologiques nécessaires pour entretenir de tels réseaux ?

La réponse courte est qu’ils créèrent des ordres imaginaires et inventèrent des écritures. Ces deux inventions comblèrent les vides laissés par notre héritage biologique.

Pour beaucoup, cependant, l’apparition de ces réseaux fut une bénédiction douteuse. Les ordres imaginaires qui supportaient ces réseaux n’étaient ni neutres ni justes.

Ils divisèrent les gens en semblant de groupes hiérarchiquement organisés. Aux couches supérieures, les privilèges et le pouvoir, tandis que les couches inférieures souffraient de discrimination et d’oppression. Le code d’Hammourabi, par exemple, instaurait un ordre de préséance avec des supérieurs, des gens du commun et des esclaves. Les supérieurs avaient toutes les bonnes choses ; le commun devait se contenter des restes. Les esclaves étaient roués de coups s’ils se plaignaient.

Malgré sa proclamation de l’égalité de tous les hommes, l’ordre imaginaire instauré par les Américains en 1776 établit également une hiérarchie. Il créa une hiérarchie entre les hommes, qui en bénéficiaient et les femmes, qu’il laissa démunies ; mais aussi entre Blancs, qui jouissaient de la liberté, et Noirs et Indiens d’Amérique, considérés comme des hommes inférieurs qui ne pouvaient donc pas se prévaloir des droits égaux des hommes. Nombre des signataires de la Déclaration d’indépendance avaient des esclaves. Ils ne leur donnèrent pas la liberté à la signature, et ne se considéraient pas non plus comme des hypocrites. Dans leur idée, les droits des hommes n’avaient pas grand-chose à voir avec les Noirs.

L’ordre américain consacra également la hiérarchie entre riches et pauvres. En ce temps-là, l’inégalité liée au fait que les parents fortunés transmettaient leur argent et leurs affaires à leurs enfants ne choquait guère la plupart des Américains. […]

En 1776, [la liberté] ne signifie pas que les sans pouvoir (certainement pas les Noirs ou les Indiens ou, qu’à Dieu ne plaise, les Femmes) pouvaient conquérir et exercer le pouvoir. Elle voulait dire simplement que, sauf circonstances exceptionnelles, l’État ne pouvait confisquer les biens d’un citoyen ni lui dicter ce qu’il devait en faire. Ce faisant, l’ordre américain soutenait la hiérarchie de la richesse, que d’aucuns croyaient envoyée par Dieu, quand d’autres y voyaient l’expression des lois immuables de la nature. La nature, assurait-on, récompensait le mérite par la richesse et pénalisait l’indolence.

Toutes ces distinctions – entre personnes libres et esclaves, entre blancs et noirs, entre riches et pauvres – s’enracine dans des fictions.

Une des règles d’airain de l’Histoire est que toute hiérarchie imaginaire désavoue ses origines fictionnelles et se prétend naturelle et inévitable.

Ainsi, nombre de ceux qui estimaient naturelle et correcte la hiérarchie des hommes libres et des esclaves ont prétendu que l’esclavage n’était pas une invention humaine. Hammourabi la pensait ordonnée par les dieux. Selon Aristote, les esclaves ont une « nature servile » tandis que les hommes libres ont une « nature libre ». Leur place dans la société n’est qu’un reflet de leur nature intime. […]

Interrogez un capitaliste endurci sur la hiérarchie de la richesse, et il vous expliquera probablement qu’elle est le fruit inévitable de différences objectives de capacité. Dans son idée, les riches ont plus d’argent, parce qu’ils sont plus capables et plus diligents. Il n’y a donc pas à s’inquiéter que les nantis jouissent de meilleurs soins ou d’une éducation et d’une alimentation meilleures. Les riches méritent amplement tous les avantages dont ils jouissent.»

Et alors, direz-vous ?

Eh bien, on nous raconte des histoires, nous nous racontons des histoires, des fictions et nous y croyons. Tout cela est le fruit de notre imagination fertile. La réalité est tout autre, mais les fictions nous la cachent comme un filtre qui donne d’autres couleurs à la réalité.

Finalement, toutes ces histoires permettent aux sociétés de ne pas se désagréger, aux puissants de trouver une justification à leur prééminence et aux faibles d’accepter leur sort.

Décapant est un des premiers mots que j’avais utilisé.

Au fait, avez-vous acheté ou emprunté « Sapiens » ?
Je joins la photo pour que vous puissiez aisément le reconnaître

 

 

 

 

<709>

Mercredi 25 mai 2016

«Seul l’Homo sapiens peut parler de choses qui n’existent pas vraiment. […]Ces mythes donnent aux sapiens une capacité sans précédent de coopérer en masse et en souplesse.»
« Yuval Noah Harari
Sapiens : Une brève histoire de l’humanité page 36, puis 133-138 »

Comment sapiens s’est-il imposé ?

Quels furent ses talents, quelles capacités a-t-il mises en œuvre pour devenir « le maître des espèces sur terre » ?

Harari parle d’une révolution cognitive, de la capacité de notre espèce à développer le langage, l’échange verbal et…

Notre capacité à inventer des mythes, des histoires qui n’existent pas ou au moins des histoires qu’aucune observation neutre et matérielle ne saurait inscrire dans la réalité terrestre.

Il a cette belle formule que j’ai pensé un moment utilisé comme exergue de ce mot du jour : « Jamais vous ne convaincrez un singe de vous donner sa banane en lui promettant qu’elle lui sera rendue au centuple au ciel des singes»

Et, c’est cette faculté d’inventer des histoires, des mythes, des religions qui ont donné à Sapiens les moyens de réunir des groupes, tribus, empires immenses liés par ces croyances communes. Aucune autre espèce n’a jamais été capable de réunir autant d’individus liés par un destin et des objectifs communs.

Il introduit ainsi son analyse page 36 :

« On conviendra sans trop de peine que seul l’Homo sapiens peut parler de choses qui n’existent pas vraiment et croire à six choses impossibles avant le petit-déjeuner. […] Mais pourquoi est-ce important ?

Somme toute, la fiction peut dangereusement égarer ou distraire. Les gens qui vont dans la forêt en quête de fées ou de licornes sembleraient avoir moins de chances de survie que ceux qui cherchent des champignons ou des cerfs. Et si vous passez des heures à prier des esprits tutélaires inexistants, ne perdez-vous pas un temps précieux qui serait mieux employé à fourrager, vous battre ou forniquer ?

Or, c’est la fiction qui nous a permis d’imaginer des choses, mais aussi de le faire collectivement. Nous pouvons tisser des mythes tels que le récit de la création biblique, le mythe du Temps du rêve des aborigènes australiens ou les mythes nationalistes des Etats modernes. Ces mythes donnent aux sapiens une capacité sans précédent de coopérer en masse et en souplesse. Fourmis et abeilles peuvent aussi travailler ensemble en grand nombre, mais elles le font de manière très rigide et uniquement avec de proches parents. Loups et chimpanzés coopèrent avec bien plus de souplesse que les fourmis, mais ils ne peuvent le faire qu’avec de petits nombres d’autres individus qu’ils connaissent intimement. Sapiens peut coopérer de manière extrêmement flexible avec d’innombrables inconnus. C’est ce qui lui permet de diriger le monde pendant que les fourmis mangent nos restes et que les chimpanzés sont enfermés dans les zoos et les laboratoires de recherche. »

Si vous êtes pressés, vous pouvez arrêter votre lecture ici, vous aurez compris l’essentiel de la thèse de Hariri.

Mais si vous avez un peu de temps ou d’envie d’en savoir plus je vous invite à lire le développement que l’auteur nous donne à partir de la page 133.

L’auteur confronte le code d’Hammourabi avec la déclaration d’indépendance des Etats-Unis.

D’abord de manière pédagogique, il explique le contexte et l’Histoire de l’un et de l’autre :

Le Code D’Hammourabi :

« En 1776 avant notre ère, Babylone était la plus grande ville du monde. Avec plus d’un million de sujets, l’empire babylonien était probablement le plus vaste du monde. […] Le roi de Babylone le plus connu de nos jours est Hammourabi. Sa gloire tient avant tout au texte qui porte son nom, le code d’Hammourabi : un recueil de ses lois et décisions de justice. Son propos est de présenter ce code comme le modèle du roi juste, d’en faire la base d’un système juridique plus uniforme à travers l’Empire babylonien et d’enseigner aux générations futures ce qu’est la justice et comment agit un roi juste.

Les générations suivantes y prêtèrent attention. L’élite intellectuelle et bureaucratique de Mésopotamie canonisa le texte, et les apprentis scribes continuèrent de le copier longtemps après la mort d’Hammourabi et la ruine de son empire. Ce code est donc une bonne source pour comprendre les mésopotamiens anciens et leur idéal en matière d’ordre social. »

La déclaration d’indépendance des Etats-Unis :

« Environ 3500 ans après la mort d’Hammourabi, les habitants de 13 colonies britanniques d’Amérique du Nord eurent le sentiment que le roi d’Angleterre les traitait injustement. Leurs représentants se réunirent à Philadelphie et, le 4 juillet 1776, les colonies décidèrent que leurs habitants n’étaient plus sujets de la Couronne britannique. »

Puis, pour nous rassurer et ne pas heurter notre sens commun, il explique les grandes différences entre ces deux textes fondateurs.

D’abord [le Code d’Hammourabi],

«  Commence par dire que […] les principales divinités du panthéon mésopotamien, chargèrent Hammourabi « de proclamer le droit dans le pays, pour éliminer le mauvais et le pervers, pour que le Fort n’opprime pas le faible ».

Suivent près de 300 jugements, toujours rendus suivant une formule consacrée : « s’il se passe tel ou tel chose… le jugement est… » [voici quelques exemples] :

196. Si quelqu’un a crevé l’œil d’un homme libre, on lui crèvera l’œil

197. S’il a brisé l’os d’un homme libre, on lui brisera l’os.

198. S’il a crevé l’œil d’un mushkenu [entre hommes libres et esclaves] ou brisé l’os d’un mushkenu, il pèsera une mine d’argent.

199. S’il a crevé l’œil de l’esclave d’un particulier, ou brisé l’os de l’esclave d’un particulier il pèsera la moitié de son prix.

209. Si quelqu’un a frappé quelque femme libre et s’il lui a fait expulser le fruit de son sein, il pèsera dix sicles d’argent pour le fruit de son sein.

210. Si cette femme est morte, on tuera sa fille.

[…]

L’ordre social babylonien, affirme le code d’Hammourabi, s’enracine dans les principes universels et éternels de justice dictés par les dieux. Le principe de la hiérarchie est d’une suprême importance. Suivant le code, les gens sont divisés en deux sexes et trois classes : les hommes libres, les roturiers et les esclaves. Les membres de chaque classe de chaque sexe ont des valeurs différentes. La vie d’une femme de la catégorie intermédiaire vaut trente sicles d’argent, celle d’une esclave 20, tandis que l’œil d’un homme de la catégorie intermédiaire en vaut 60.

Le code établit aussi au sein des familles une hiérarchie stricte où les enfants ne sont pas des personnes indépendantes, mais la propriété de leurs parents. Dès lors, si un homme libre tue la fille d’un autre homme libre, la fille du meurtrier sera exécutée en châtiment.

Il peut nous paraître étrange qu’il ne soit fait aucun mal au tueur, dont la fille innocente est tuée à sa place, mais la chose était parfaitement juste aux yeux d’Hammourabi et des Babyloniens. Le code d’Hammourabi reposait sur l’idée que si, tous les sujets du roi acceptaient leur position au sein de la hiérarchie et agissaient en conséquence, le million d’habitants de l’Empire pourrait coopérer efficacement. »

La déclaration d’indépendance se présente de manière fort différente :

« La déclaration d’indépendance proclamait des principes universels et éternels de justice qui, comme ceux d’Hammourabi, s’inspiraient d’une force divine. Mais le principe le plus important édicté par le dieu américain était précisément un peu différent du principe édicté par les dieux de Babylone. Ainsi lit-on dans la déclaration d’indépendance :

« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables, parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »

C’est ensuite qu’il nous déstabilise en montrant leurs similitudes et surtout leur fondement totalement imaginaire qui ne repose sur aucun raisonnement scientifique sérieux. Ce que raconte le texte américain, les droits de l’homme dont il est question, nous est plus familier, plus en accord avec nos valeurs, mais repose de la même manière sur une histoire inventée, un mythe.

« Comme le code d’Hammourabi, le texte fondateur américain promet que, si les hommes se conforment à ses principes sacrés, ils seront des millions à pouvoir coopérer efficacement, à vivre en sécurité et paisiblement dans une société juste et prospère. De même que le code d’Hammourabi, la déclaration d’indépendance n’était pas simplement un document ancré dans une époque et dans un lieu : les générations futures devaient l’accepter également. Depuis plus de deux siècles, les petits écoliers américains la recopient et l’apprennent par cœur.

Les deux textes nous mettent en présence d’un dilemme évident. Le code d’Hammourabi comme la déclaration d’indépendance américaine prétendent tout deux esquisser des principes de justice universels et éternels, mais selon les Américains tous les hommes sont égaux, alors qu’ils sont résolument inégaux pour les Babyloniens. Bien entendu les américains diraient qu’ils ont raison, qu’Hammourabi se trompe. Naturellement, Hammourabi protesterait qu’il a raison et que les Américains ont tort. En fait, Hammourabi et les pères fondateurs américains imaginaient pareillement une réalité gouvernée par des principes universels immuables de justice comme l’égalité ou la hiérarchie. Or, ces principes universels n’existent nulle part ailleurs que dans l’imagination fertile des Sapiens et dans les mythes qu’ils inventent et se racontent. Ces principes n’ont aucune validité objective. »

Et c’est alors qu’il démolit scientifiquement le texte et les mots utilisés par la déclaration américaine :

« Il nous est facile d’accepter que la division en hommes « supérieurs » et en « commun des mortels » est un caprice de l’imagination. Pourtant, l’idée que tous les humains sont égaux est aussi un mythe. En quel sens les hommes sont-ils égaux les uns aux autres ?

Existe-t-il, hors de l’imagination humaine, une réalité objective dans laquelle nous soyons véritablement égaux ? Tous les hommes sont-ils biologiquement égaux ? Essayons donc de traduire en termes biologiques le fameux passage de la déclaration d’indépendance des États-Unis :

« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. »

Pour la biologie, les hommes n’ont pas été « créés » : ils ont évolué.

Et ils n’ont certainement pas évolué vers l’ « égalité ». L’idée d’égalité est inextricablement mêlée à celles de création. Les Américains tenaient l’idée d’égalité du christianisme, pour lequel chaque homme est pourvu d’une âme créée par Dieu, et toutes les âmes sont égales devant Dieu. Mais si nous ne croyons pas aux mythes chrétiens sur Dieu, la création et les âmes, que signifie « tous les hommes sont égaux » ?

L’évolution repose sur la différence, non pas sur l’égalité. Chacun est porteur d’un code génétique légèrement différent et, dès la naissance, se trouve exposé aux influences différentes de son environnement. Tout cela se traduit par le développement de qualités différentes qui sont porteuses de chances de survie différentes. « Créer égaux » doit donc se traduire par « ont évolué différemment ».

De même que les hommes n’ont jamais été créés, de même pour la biologie il n’y a pas non plus de « Créateur » qui les « dote » de quoi que ce soit. Il y a juste un processus d’évolution aveugle, sans dessein particulier, qui conduit à la naissance d’individus : « doués par le créateur » doit se traduire tout simplement par « nés ».

Il n’existe rien qui ressemble à des droits en biologie, juste des organes, des facultés et des traits caractéristiques. Si les oiseaux volent, ce n’est pas qu’ils aient le droit de voler, mais parce qu’ils ont des ailes. Et il n’est pas vrai que ces organes, ces facultés et ces caractéristiques soient «  inaliénables ». Beaucoup subissent des mutations constantes et peuvent se perdre totalement au fil du temps. L’autruche est un oiseau qui a perdu sa capacité de voler. Il convient donc de traduire les « droits inaliénables » en « caractéristiques muables ».

Et quelles caractéristiques ont évolué chez les êtres humains ? La « vie » assurément. Mais la « liberté » ? Il n’existe rien de tel en biologie. De même que l’égalité, les droits et les sociétés à responsabilité limitée, la liberté est une invention des hommes, et qui n’existe que dans leur imagination.[…]

Et le « bonheur » ? Jusqu’ici la recherche biologique n’a pas su trouver de définition claire du bonheur ni un moyen de le mesurer objectivement. La plupart des études biologiques reconnaissent uniquement l’existence du plaisir, qui se laisse plus aisément définir et mesurer. Il faut donc traduire «  la vie, la liberté, la recherche du bonheur » en « vie et recherche du plaisir ».

Voici donc, traduit en langage biologique le passage de la déclaration d’indépendance :

« Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes ont évolué différemment, ils sont nés avec certaines caractéristiques muables, parmi ces caractéristiques se trouvent la vie et la recherche du plaisir. » »

Et il conclut, par cette interpellation :

« Cette forme de raisonnement ne manquera pas de scandaliser les tenants de l’égalité et des droits de l’homme, qui rétorqueront sans doute : « nous savons bien que les hommes ne sont pas égaux biologiquement ! Mais si nous croyons que nous sommes tous foncièrement égaux, cela nous permettra de créer une société stable et prospère. »

Je n’ai pas d’objection. C’est exactement ce que j’appelle ordre imaginaire.

Nous croyons un ordre particulier : non qu’il soit objectivement vrai mais parce qu’y croire nous permet de coopérer efficacement et de forger une société meilleure. Les ordres imaginaires ne sont ni des conspirations exécrables ni de vains mirages. Ils sont plutôt la seule façon pour les hommes de coopérer effectivement.

Mais ne perdez pas de vue qu’Hammourabi aurait pu défendre son principe hiérarchique en usant de la même logique : « je sais bien que les hommes libres, des hommes intermédiaires et les esclaves ne sont pas des espèces par nature différente. Mais si nous croyons qu’ils le sont, cela nous permettra de créer société stable et prospère. »

Génial et renversant !

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Mardi 24 mai 2016

«La vérité est qu’entre 2 millions d’années et 10 000 ans, le monde a hébergé, en même temps, plusieurs espèces humaines.»
« Yuval Noah Harari
Sapiens : Une brève histoire de l’humanité, Pages 15 à 30 »

La première information étonnante que le livre « Sapiens » m’a apprise, est la cohabitation de notre espèce avec d’autres espèces humaines, alors que j’avais compris qu’il y avait eu succession des espèces.

Harari explique d’abord la classification utilisée par les scientifiques :

«  Les biologistes classent les organismes en espèces. On dit d’animaux qu’ils appartiennent à la même espèce s’ils ont tendance à s’accoupler l’un avec l’autre, donnant naissance à des rejetons féconds. Juments  et ânes  ont un ancêtre commun récent, et partagent maints traits physiques. Sexuellement cependant ils ne s’intéressent guère les uns aux autres. Ils s’accoupleront si on les pousse, mais ils donneront des mules ou des mulets stériles. […] Les deux types d’animaux sont considérés comme des espèces différentes. […] En revanche, un bouledogue et un épagneul paraissent très différents, mais ils sont membres de la même espèce, partageant le même vivier d’ADN.
Les espèces issues d’un ancêtre commun sont réunies sous le vocable de genre. lion, tigre, léopard et Jaguar sont des espèces différentes du genre « panthera ».
Les lecteurs de ce livre sont vraisemblablement tous des Homo sapiens : de l’espèce sapiens (sage) et du genre homo (hommes).
Les genres sont à leur tour regroupés en famille : ainsi les [félins] : Lions, guépards, chats domestiques. »

Il poursuit en rappelant que l’homme a une famille :

« Homo sapiens appartient lui aussi à une famille. […] Homo sapiens a longtemps préféré se croire à part des autres animaux : un orphelin sans famille, privée de frères et sœurs et de cousins, et surtout, sans parents. Or, ce n’est pas le cas. Qu’on le veuille ou non, nous sommes membre d’une grande famille particulièrement tapageuse : celle des grands singes. Parmi nos plus proches parents vivants figurent les chimpanzés, les gorilles, et les orangs outans. Les plus proches sont les chimpanzés. Il y a 6 millions d’années, une même femelle eue deux filles : l’une qui est l’ancêtre de tous les chimpanzés; l’autre qui est notre grand-mère. »

Et puis il révèle un secret, au moins une réalité qui n’a pas été pleinement explicitée jusqu’ici, parce que il nous a été raconté une évolution du genre humain quasi linéaire, d’un homo très proche du singe jusqu’à l’homo sapiens. Depuis quelques années cependant, l’histoire de la cohabitation ou au moins de la présence simultanée sur terre de l’homme de Neandertal et d’homo sapiens a été révélée et interrogée. Mais Yuval Noah Harari va beaucoup plus loin dans cette description d’espèces voisines.

« Les humains sont apparus en Afrique de l’Est voici environ 2,5 millions d’années, issus d’un genre antérieur de singe, l’« australopithèque », qui signifie « singe austral ». Il y a environ 2 millions d’années, une partie de ces hommes et femmes archaïques quittèrent leurs foyers d’origine pour traverser et coloniser de vastes régions d’Afrique du Nord, d’Europe et d’Asie. La survie dans les forêts enneigées d’Europe septentrionale n’exigeant pas les mêmes qualités que la survie dans les jungles fumantes d’Indonésie, les populations humaines évoluèrent dans des directions différentes il en résulta divers espèces distinctes, auxquels les savants ont assigné des noms latins pompeux. […]
Les humains d’Europe et d’Asie occidentale ont donné l’Homo neanderthalensis (l’homme de la vallée de Neander), plus communément connu sous le nom de « Neandertal ». Plus trapu et plus musculeux que le sapiens, le Neandertal était bien adapté au climat froid de l’Eurasie occidentale à l’âge glaciaire.
Les régions orientales de l’Asie étaient peuplées par l’Homo erectus, ou «homme dressé, droit » qui survécut près de 2 millions d’années – ce qui en fait l’espèce humaine la plus durable qui ait jamais vécu. Il est peu probable que ce record ne soit jamais battu, même par notre espèce. […]
Sur l’île de Java, en Indonésie, vivait l’homo Soloensis, « hommes de la vallée de solo », mieux armés pour vivre sous les tropiques. […]
En 2010, un autre frère perdu fut arraché à l’oubli, quand les chercheurs fouillant la grotte de Denisova, en Sibérie, découvrirent une phalange fossilisée. La génétique prouva que le doigt était celui d’une espèce humaine encore inconnue, qu’on a baptisé du nom d’Homo Denisova.. »

et il en cite encore d’autres et conclut enfin :

« un sophisme commun est d’imaginer une ascendance linéaire, [d’un premier] qui engendre erectus, qui engendre Neandertal, qui lui-même mène à nous. Or, ce modèle linéaire donne l’impression fausse qu’à tout moment un seul type d’humains aurait habité la terre, et que toutes les espèces antérieures ne seraient que des modèles plus anciens de nous-mêmes, la vérité et qu’entre 2 millions d’années et 10 000 ans, le monde a hébergé, en même temps, plusieurs espèces humaines. […] Nous le verrons sous peu, nous, les sapiens, avons de bonnes raisons de refouler le souvenir de nos frères et sœurs. »

Il existe deux théories :


  • la théorie du métissage qui pense que sapiens se mêla à d’autres espèces
  • la théorie du remplacement qui raconte une histoire très différente

[Histoire] « d’incompatibilité et de répulsion, voire de génocide. Dans cette optique sapiens remplaça toutes les populations humaines antérieures sans se mêler à elle. Si tel est le cas on peut faire remonter tous les lignages humains contemporains à la seule Afrique orientale voici 70 000 ans. Nous sommes tous de « purs sapiens »[…] dans les dernières années, la théorie du remplacement a été communément reçue. […] Mais cette situation a pris fin en 2010, quand ont été publiés les résultats de quatre années d’efforts pour dresser la carte du génome néandertalien. […]
Il est apparu que de 1 % à 4 % de l’ADN unique des populations modernes du Moyen-Orient et d’Europe est de l’ADN de Neandertal. Ce n’est pas énorme, mais c’est significatif. Un second choc survint quelques mois plus tard, quand il apparut que l’ADN extrait du doigt fossilisé de Denisova partageait jusqu’à 6 % de son ADN unique avec les mélanésiens et les aborigènes d’Australie actuels !
[…] On ne saurait parler de « fusion » entre sapiens et d’autres espèces humaines. [Il s’agit simplement de traces. La théorie du remplacement reste la plus vraisemblable.]

Au fil des 10 000 dernières années, Homo sapiens s’est si bien habitué à être la seule espèce humaine que nous peinons à envisager toute autre possibilité. […] Quand Charles Darwin expliqua qu’Homo sapiens n’était qu’une espèce d’animal parmi les autres, les gens poussèrent de hauts cris. Aujourd’hui encore, beaucoup refuse d’y croire. Si les Néanderthal avaient survécu, nous considérerions nous encore comme une créature à part ? Peut-être est-ce précisément ce qui incita nos ancêtres à effacer les Néanderthal. Ils étaient trop familiers pour que l’on feigne de les ignorer, trop différents pour qu’on les tolère. »

Et  l’auteur sans, bien entendu, être capable d’expliquer comment ce phénomène se produisit, montre la coïncidence entre l’arrivée dans une région d’Homo sapiens et la disparition quasi concomitante de l’autre espèce humaine qui était présente sur ce lieu…

Peut-être qu’il y eut des génocides bien avant la folie nazi ?

<Cette hypothèse cependant n’a pas trouvé pour l’instant d’indice>

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Lundi 23 mai 2016

Lundi 23 mai 2016
«L’Histoire commença quand les humains inventèrent les dieux et se terminera quand les humains deviendront des dieux.»
Yuval Noah Harari
Yuval Noah Harari est un jeune homme, il est né en 1976 et il a écrit un livre «Sapiens»
Le Philanthrope, patron du laboratoire le plus performant sur l’intelligence artificielle et fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg a invité ses milliers d’abonnés à lire ce livre et a écrit : « Ce livre est une grande narration historique de la civilisation humaine – à partir du moment où nous avons évolué de chasseurs-cueilleurs jusqu’à celui où nous avons organisé notre société et notre économie de nos jours.»
Mais l’avis de Zuckerberg n’est pas déterminant pour moi, peut-être même qu’il pourrait avoir un effet répulsif.
En revanche, mon ami Jean-François de Dijon a entrepris un vaste complot pour tenter de me faire débourser 24 € pour acheter ce livre de 500 pages dont le sous-titre est « Une brève Histoire de l’humanité »
Il a tenté de convaincre Annie de l’acheter pour me l’offrir, puis il m’a incité directement à le faire en me promettant de le rembourser s’il ne me plaisait pas.
Je l’ai donc acheté et profité de ma semaine de congé fin février, semaine pendant laquelle je n’étais pas obligé d’occuper ma journée par des tâches d’un intérêt intellectuel réduit et souvent consternant pour le seul motif de gagner ma vie, pour en débuter la lecture. Et je n’en ai achevé la lecture que lors du week-end de l’Ascension.
Je vais donc vous entretenir pendant quelques jours de ce livre éblouissant.
Je me suis d’abord intéressé à l’auteur : Docteur en Histoire médiévale et diplômé de l’Université d’Oxford, Yuval Noah Harari enseigne dans le département d’Histoire de l’université hébraïque de Jérusalem.
Il a d’abord écrit son livre en hébreux puis l’a traduit, lui-même, en anglais, la traduction française date de septembre 2015.
Cet ouvrage me semble unique. L’objet de son analyse n’est pas l’Histoire d’une civilisation, d’une Culture mais l’histoire de notre espèce : « L’homo sapiens ».
Comment sapiens s’est imposé par rapport aux autres espèces du genre « homo », puis s’est comporté avec les autres espèces du règne animale.
Comment sapiens a
  • Colonisé la terre ;
  • Inventé l’agriculture ;
  • Imaginé les religions ;
  • Créé des villes puis les empires ;
  • Développé le capitalisme ;
  • Enfin, bouleversé la nature, la vie, la société par la révolution scientifique et industrielle.
Existe-t-il un sujet de nature à nous intéresser davantage que l’Histoire de notre espèce ?
C’est, en effet, un livre d’une extraordinaire érudition où Harari mobilise les connaissances scientifiques et historiques pour non seulement décrire l’histoire de l’Humanité mais surtout analyser et jeter un regard décapant sur l’histoire de notre espèce. Car au départ, nous Homo sapiens, n’étions encore qu’une espèce insignifiante parmi d’autres. En 1500, nous étions environ 500 millions. Aujourd’hui, nous sommes 7 milliards. Exit l’homme de Neandertal, adieu l’Homo erectus. L’Homo sapiens est la seule espèce humaine qui a survécu et elle contrôle la planète et les autres espèces..
Comment est-on passé de notre simple condition d’homme-singe à celle de maître du monde? C’est la question qu’il pose.
Et il donne des explications, ouvre des hypothèses, donne des avis qui ne peuvent que nous interpeller et parfois nous heurter.
Il nous heurte notamment quand il décrit la révolution agricole, comme la plus grande escroquerie de l’Histoire. (pages 101-117)
Cette histoire qui débute vraiment il y a 70 000 ans et qui va jusqu’à aujourd’hui, dans le cœur de la silicon valley où des hommes, a priori sérieux, poursuivent ce rêve ou ce cauchemar de la recherche de l’immortalité.
Le premier mot du jour consacré à Sapiens, est une pensée que Yuval Noah Hariri met en exergue sur son site : http://www.ynharari.com/fr/ et se trouve aussi sur la quatrième page de couverture.

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