Lundi 30/01/2017

« Des chiffres et des hommes »
Réflexions personnelles sur la grandeur et la misère de la quantification

Mes incises répétées sur les crétins quantophrènes ont conduit certains lecteurs attentifs du mot du jour à craindre que je ne sois devenu « chiffrophobe », ayant peur ou n’aimant pas les chiffres.

Mon neveu avisé Grégory a exprimé cette idée pertinente qu’il peut être très dangereux de laisser prospérer des discours ou organisations qui n’expriment que des idées, des concepts sans jamais les confronter à la réalité d’un chiffrage méthodique et rigoureux.

Il a bien entendu totalement raison.

Je veux donc préciser ce que j’ai compris sur le danger de la « vérité des chiffres » de ce qu’Alain Supiot a désigné par « la gouvernance par les nombres » et qui a fait l’objet du mot du jour du 3 juillet 2015.

J’esquisserai cette réflexion selon 4 axes :

1/ Les chiffres durs et les chiffres mous

C’est Emmanuel Todd qui a développé cette distinction.

Les chiffres durs sont par exemple ceux de la démographie : l’espérance de vie dans un pays, la mortalité infantile, le nombre d’enfants par femme.

Ce sont des chiffres qui sauf manipulation sont incontestables et sur lesquels on peut appuyer des raisonnements sérieux. Ainsi quand Emmanuel Todd constate qu’en Iran, depuis la révolution islamique, le nombre d’enfants par femme a chuté et se rapproche des standards occidentaux, il en conclut que les dogmes des ayatollahs iraniens ne sont pas acceptés et respectés en profondeur par la société civile iranienne.

Le chiffre mou est par excellence celui issu des sondages. Dans un sondage on vous demande de répondre à des questions auxquelles vous étiez à mille lieux de penser 5 minutes auparavant. En outre la formulation des questions n’est jamais neutre.

Il y a évidemment tout un panel de nuances entre les chiffres durs et les chiffres mous.

2/ Le chiffre s’inscrit dans un système de valeurs idéologiques.

Un chiffre ne vient pas de nulle part, il est le fruit de raisonnements et de choix idéologiques, il s’inscrit dans un système de valeurs.

L’exemple le plus simple pour exprimer cette réalité est le PIB. Mettre en avant ce chiffre, c’est considérer que ce qui est essentiel pour décrire un pays ce sont les échanges marchands plutôt que les échanges bénévoles, c’est privilégier la production à l’éthique.

Ce n’est pas le PIB, en tant que tel, qui est problématique, c’est le fait de le mettre en avant qui est idéologique.

3/ Le chiffre est souvent une moyenne et une moyenne ne décrit pas la réalité, elle peut masquer des disparités énormes à l’intérieur de la population observée.

4/ Un chiffre indicateur n’est jamais neutre, l’organisation et le comportement des acteurs de l’organisation va se modifier pour que l’indicateur évolue dans le sens souhaité.

Exprimé autrement, au départ un dénombrement essaie de décrire l’état d’un système sur un point particulier. Quand il devient un indicateur, il n’est plus en mesure de faire cette description de manière neutre, car les agents concernés vont tout faire pour que le chiffre soit bon, non la réalité, le chiffre. A cela s’ajoute ce fantasme de la simplification : décrire la situation par un chiffre ou très peu de chiffres ! Ce type de simplification amène à toutes les dérives.

Beaucoup croient qu’en annonçant un chiffre ils concluent leur propos.

C’est le contraire qu’il faut faire, les chiffres sont au début du discours, il faut les interroger, les expliquer.

Quand on reçoit un chiffre, il faut comprendre d’où il vient, est-il plutôt un chiffre dur ou un chiffre mou, quel est le système idéologique qui le produit et le considère important, comment il est calculé, quel est sa fiabilité et enfin que signifie t’il vraiment ?

Je suis conscient qu’un simple mot du jour ne peut approfondir la perversité qui se cache derrière la dictature des chiffres pas plus qu’il ne peut développer l’intérêt du chiffrage et la bonne utilisation des chiffres.

Dans la conclusion au mot du jour concernant la gouvernance par les nombres j’écrivais : «Nous subissons tous plus ou moins ce fantasme de la gouvernance par les nombres de ceux qui croient que la vie d’une entreprise, d’une administration voire d’un être humain peut parfaitement se synthétiser par un tableau Excel. C’est une œuvre de déshumanisation à laquelle nous devons résister tout en utilisant de manière intelligente les dénombrements ou les statistiques dont nous pouvons disposer. »

Dans la Préface de La Dame aux Camélias (1848), Alexandre Dumas fils écrit:

« N’estime l’argent ni plus ni moins qu’il ne vaut : c’est un bon serviteur et un mauvais maître ».

Je crois qu’on peut remplacer le mot « l’argent » par « le chiffre », la formule reste juste.

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Jeudi 8 Décembre 2016

Jeudi 8 Décembre 2016
« Ce n’est qu’en tournant autour du pot qu’on peut en voir tous ses aspects !»
Réflexions personnelles pour la suite des mots du jour
Quand j’étais dans l’administration centrale de la défunte Direction Générale des Impôts, à Bercy dans les années 90, on me reprochait parfois de tourner autour du pot.
J’avais alors trouvé une réponse : «Oui mais ce n »est qu’en tournant autour du pot qu’on peut en voir tous ses aspects»
Un danger nous menace, nous ne nous confrontons plus vraiment à la contradiction. Les réseaux sociaux et ce qui en découle nous conduit de plus en plus à lire, écouter et échanger avec celles et ceux qui sont d’accord avec nous. Et on constate que dans nos groupes d’«amis» (ce mot «ami» pour les relations que l’on a sur les réseaux sociaux me semble totalement inapproprié.) si l’on souhaite exprimer une nuance ou présenter un autre éclairage, il n’y a que rarement d’échanges et on tombe rapidement dans l’invective.
Or, c’est par la confrontation qu’il est possible de progresser. Tourner autour du pot pour l’observer sous un autre angle.
Je vais donc tenter davantage de trouver le débat et lire ou présenter des points de vue divergents, pour sortir  du confort intellectuel.
Bousculer un peu, en quelque sorte.
Mais je ne commencerai pas demain, car je me suis octroyé un week-end prolongé, à l’occasion de la fête des lumières à Lyon.
Le 802ème mot du jour sera envoyé mardi 13 décembre.
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Mercredi 2 novembre 2016

« Peter Sadlo»
(27/06/1962 – 29/07/2016) Percussionniste génial

Je partage avec Michel Rocard, l’idée et surtout l’expérience que les plus grands et beaux moments de notre vie ne sont jamais liés à l’argent.

Pour ma part que pourrais-je citer ?

  • Ma rencontre avec ma douce compagne.
  • La naissance de mes deux merveilleux enfants et des moments de partage avec eux.
  • Et aussi de magnifiques moments artistiques.

Et parmi ces moments, il en est qui est toujours présent : c’est le concert que donna en 1987 à la salle Pleyel, Sergiu Celibidache avec son Orchestre Philharmonique de Munich dans la huitième symphonie de Bruckner.

Je me souviens encore du visage baigné de larmes d’émotion de la jeune femme qui était assis devant moi et qui se tourna vers ses amis à l’issue de l’adagio sublime.

Et puis, il y eut le 4ème mouvement, où à 3 reprises, pendant quelques instants, intervint le timbalier de l’orchestre philharmonique de Munich. Des moments de grâce, un artiste d’exception, inexplicable : comment peut-on avec une intervention aussi restreinte et avec aussi peu de moyens : 4 timbales c’est à dire 4 notes, dégager autant de charisme, de beauté et de force ?

A la fin du concert, il y eut bien sûr une standing ovation et lorsque Celibidache désigna, comme premier musicien à saluer, le percussionniste, une immense ferveur se manifesta dans le public.

C’était il y a 29 ans et j’avais 29 ans.

A l’issue du concert, j’appelais immédiatement mon grand frère Gérard, qui venait de quitter Paris et l’Opéra pour le poste de violon solo de l’Orchestre Philharmonique des Pays de la Loire à Nantes pour lui dire mon émotion devant ce concert et particulièrement ce percussionniste dont j’ignorais le nom.

Récemment je découvris sur Youtube un enregistrement à Tokyo de cette symphonie de Bruckner avec Celibidache et je retrouvais ce percussionniste et les formidables sensations de l’époque.

Quand mon frère vint me rendre visite il y a quelques semaines, je lui montrais cet enregistrement en déplorant de ne pas connaître le nom de cet artiste.

Et ce week end, il m’annonça qu’il avait trouvé le nom du percussionniste : Peter Sadlo mais que malheureusement il venait de mourir le 29 juillet 2016, à l’âge de 54 ans suite à une opération chirurgicale.

Alors ce week end, j’ai fait des recherches approfondies sur cet artiste et j’ai constaté qu’il faisait l’unanimité. Beaucoup parle de lui comme le percussionniste le plus génial de son époque et les vidéos que j’ai pu voir m’ont époustouflé : la diversité des instruments qu’il jouait, sa technique notamment sur un marimba (grand xylophone), sa musicalité, les nuances dont il était capable sont fascinantes.

Suite à un malentendu, j’ai été entraîné à assister, le 17 octobre,  à un concert à l’Auditorium de Lyon d’une pianiste : Hiromi accompagnée d’une basse et d’une batterie. Ce sont certainement des artistes de qualité, mais le son était tellement amplifié et saturé que je suis incapable d’en juger. C’est un son sans aucune nuance, en règle générale c’est très très fort quelquefois un peu moins fort, mais quasi toujours uniforme. La pianiste n’avait retenu du piano que le fait qu’il s’agit aussi d’un instrument à percussion et voulait donc rivaliser avec la batterie pour savoir celui qui était capable de produire le plus de décibels. Pour ce faire elle se levait pour pouvoir mieux cogner sur ce pauvre instrument qui est à percussion mais aussi à cordes. Je me suis efforcé de rester jusqu’au bout en essayant de comprendre l’enthousiasme du public fort nombreux qui m’entourait. En toute humilité, je n’ai toujours pas compris.

Peter Sadlo faisait de la musique, produisait un son non saturé même s’il était fort et était capable de faire des nuances. Son répertoire n’était pas forcément classique, et quelquefois il utilisait des objets improbables pour faire du rythme et des nuances.

Voici une vidéo où sont présentés différentes facettes de son talent et il y a notamment un des extraits de la 8ème symphonie (à 6mn42) dont je parlais tantôt : https://www.youtube.com/watch?v=eFj886x6q34

Ici il y a deux petites œuvres où il joue un marimba avec quelques autres amis percussionnistes : https://www.youtube.com/watch?v=xMPF8bGiUMs & https://www.youtube.com/watch?v=YOE272lWOtw

Et ici un moment d’anthologie une œuvre contemporaine qui est un concerto pour percussion et orchestre absolument époustouflant :

En live, je ne l’ai entendu qu’une seule fois mais je ne l’oublierai jamais.

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Mercredi 13 mai 2015

Mercredi 13 mai 2015
« Le vrai tombeau des morts,
c’est le cœur des vivants. »
Tacite (56 – 117)
Essai sur la Germanie
(Quelquefois attribué à Jean Cocteau)
La communauté formée de celles et de ceux que nous aimons, de celles et de ceux qui nous ont construit et avec qui nous avons partagé des moments de joie, de rire, d’approfondissement, de partage, compte des personnes vivantes et des personnes qui ne le sont plus.
Cécile était l’amie d’Annie, elle est devenue la mienne.
Elle était lumineuse, pleine de vie et de pensées pour les autres.
La terrible maladie l’a brusquement stoppée dans son élan de vie et l’a immobilisée pendant 3 ans.
Hier matin, au bout de cette immense épreuve, elle a quitté la partie vivante de notre communauté.

Mardi 3 mars 2015

«Nous devons combiner la graine fertile de la curiosité et l’esprit fécond du doute»
Alain Klam

C’est la seconde fois en 446 mots du jour que j’ai l’outrecuidance de m’attribuer un mot du jour.

Il faut reconnaître cependant que la seconde partie a été copiée de l’ouvrage de Raymond Aron « Le spectateur engagé » dans lequel il avait répondu aux questions de deux jeunes journalistes qui ne partageaient pas ses idées politiques et où sa dernière réplique fût

« Je ne les ai pas convaincu, mais je leur ai insufflé l’esprit fécond du doute »

En premier, je veux évoquer la graine fertile de la curiosité. C’est grâce à cette graine que l’humanité a progressé. C’est bien la curiosité des hommes qui a permis les recherches et les découvertes qui ont changé la condition des hommes. C’est aussi la curiosité des autres cultures et civilisations qui a permis aux hommes de se rapprocher et de s’enrichir mutuellement.

Le doute constitue aussi un chemin vers la curiosité. Ainsi l’esprit fécond du doute doit toujours nous inspirer devant des vérités trop souvent martelées comme des évidences alors même que notre vécu et notre intuition nous indiquent une réalité différente.

Cette interrogation des « évidences » peut concerner la médecine et la santé, mais aussi l’économie ou la politique ou d’autres domaines encore où la discussion semble impossible ou inutile parce que des experts, savants, économistes, prêtres, rabbins ou oulémas  se sont exprimés.

Pour décrire cette position de l’expert, je pense à la réplique de Philippe Meyer à Valéry Giscard d’Estaing :

« et vous paraissez toujours vous étonner lorsque vous avez fini de parler que quelqu’un puisse encore trouver quelque chose à ajouter »

Mais une fois que la curiosité nous a entraîné vers d’autres voies, d’autres systèmes de pensée ou d’autres théories, l’esprit fécond du doute doit continuer à nous inspirer vigilance pour ne pas être abusé, ne pas succomber à la facilité de suivre d’autres dogmes tout aussi enfermant et réducteur que ceux qu’on voulait fuir.

C’est ainsi que des esprits, dont certains semblaient pourtant éclairés par la raison, n’ont pas expérimenté le doute alors qu’ils suivaient dans le passé le fascisme, le nazisme, le stalinisme, le maoïsme et aujourd’hui le djihadisme.

Ainsi le doute peut se situer avant la curiosité, mais il doit toujours accompagner la curiosité pour nous permettre de mieux comprendre le monde et l’humanité et nous préserver de tout aveuglement.

La curiosité pour s’ouvrir vers d’autres univers, le doute pour se préserver des mirages et des tromperies.

<446>

Mercredi 7 janvier 2015

Mercredi 7 janvier 2015
«Mot de jour spécial»
Jour de l’attentat de Charlie Hebdo
Hommage à Cabu
Cabu est mort à 75 ans avec 9 autres journalistes ou salariés de Charlie Hebdo et 2 policiers qui devaient les protéger,sous les balles d’armes de guerre de deux fous fanatiques
Je suis en congé mais je sors de mon silence pour cet hommage.
Et en réaction à ce crime contre nos libertés
<mot sans numéro>

Lundi 1er septembre 2014

« Les mots sont les passants mystérieux de l’âme »
Victor Hugo Les Contemplations Livre I. Poème VIII « Suite » (1854)

Eh bien essayons de continuer cette discipline quotidienne du mot du jour. Pour m’en convaincre j’ai reçu les protestations de certains à l’idée de finir ce défi et ce 8ème poème du livre Un des contemplations de Victor Hugo :

« Car le mot qu’on le sache est un être vivant ».

Cette période de congé m’a permis de faire le point, depuis le 9 octobre 2012, le présent mot est le 339ème de cette série.

Que le ciel et les mots de Hugo vous tiennent en joie. Ce poème étant fort long je me permets d’en citer des extraits :

Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant.
La main du songeur vibre et tremble en l’écrivant;
La plume, qui d’une aile allongeait l’envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure,
Le mot, le terme, type on ne sait d’où venu,
Face de l’invisible, aspect de l’inconnu;
Créé, par qui? forgé, par qui? jailli de l’ombre;
Montant et descendant dans notre tête sombre,
[…]

Oui, vous tous, comprenez que les mots sont des choses.
Ils roulent pêle-mêle au gouffre obscur des proses,
Ou font gronder le vers, orageuse forêt.
Du sphinx Esprit Humain le mot sait le secret.
[…]

Tel mot est un sourire, et tel autre un regard;
De quelque mot profond tout homme est le disciple;
Toute force ici-bas a le mot pour multiple;
[…]

Ce qu’un mot ne sait pas, un autre le révèle;
Les mots heurtent le front comme l’eau le récif;
Ils fourmillent, ouvrant dans notre esprit pensif
Des griffes ou des mains, et quelques-uns des ailes;
Comme en un âtre noir errent des étincelles,
Rêveurs, tristes, joyeux, amers, sinistres, doux,
Sombre peuple, les mots vont et viennent en nous;
Les mots sont les passants mystérieux de l’âme
Chacun d’eux porte une ombre ou secoue une flamme;
[…]

Le mot dévore, et rien ne résiste à sa dent.
A son haleine, l’âme et la lumière aidant,
L’obscure énormité lentement s’exfolie.
Il met sa force sombre en ceux que rien ne plie;
[…]

Oui, tout-puissant! tel est le mot. Fou qui s’en joue!
Quand l’erreur fait un nœud dans l’homme, il le dénoue.
Il est foudre dans l’ombre et ver dans le fruit mûr.
Il sort d’une trompette, il tremble sur un mur,
Et Balthazar chancelle, et Jéricho s’écroule.
Il s’incorpore au peuple, étant lui-même foule.
Il est vie, esprit, germe, ouragan, vertu, feu;
Car le mot, c’est le Verbe, et le Verbe, c’est Dieu.

<L’intégralité du poème se trouve ici avec l’intégralité des Contemplations>

<339>

Vendredi 04/07/2014

Vendredi 04/07/2014
«Vous serez intelligent le jour où vous aurez compris
ce que signifie vraiment le mot démagogie.»
Monsieur Comtesse, Mon professeur de français de Troisième.
Je me souviens de cette parole que j’ai entendue il y plus de 40 ans.
Et depuis, je m’efforce de rester vigilant.
Le démagogue gouverne et dirige très mal.
Mais hélas, le plus souvent, ce sont les démagogues qui sont élus.
Normalement avec les réseaux sociaux, l’extraordinaire mémoire de nos systèmes dématérialisés qui gardent toutes les professions de foi, tous les discours, toutes les promesses. Nous devrions globalement toujours pouvoir démasquer les démagogues.
Avec cette mémoire qui est à notre disposition il est simple à reconnaître : un démagogue ne fait pas ce qu’il dit, ne dit pas ce qu’il fait et promet ce qu’il sait ne pas pouvoir tenir.
J’ai la drôle d’impression que malgré tous ces outils nous continuons globalement à nous laisser abuser.
Que le Ciel vous tienne en joie et nous permette tous de progresser et de devenir plus intelligent au sens où l’entendait mon professeur qui est soit très vieux, soit plus de ce monde.
<319>

Mardi 12 mars 2013

Mardi 12 mars 2013
« Je l’ai su,
Mais je ne l’ai pas cru,
Et parce que je ne l’ai pas cru,
je ne l’ai pas su. »
Raymond Aron
Il y a des mots du jour qui parlent à l’intellect.
Il en est qui sont des traits d’humour, mais il en existe qui touchent au plus profond de l’âme humaine.
Raymond Aron vivait à Berlin en 1933, lors de l’arrivée au pouvoir d’Hitler, il a passé la guerre à Londres dans l’entourage de De Gaulle, il était donc très bien informé de ce qui se passait en Allemagne.
Bien après 1945 quand on lui a demandé : « Saviez-vous ce que les allemands faisaient aux juifs dans les camps de la mort ? »
Il a eu cette réponse extraordinaire :
« Je l’ai su, Mais je ne l’ai pas cru,
Et parce que je ne l’ai pas cru, je ne l’ai pas su. »
Quand une réalité se trouve en dehors de nos schémas de pensées, à l’extérieur de ce que nous estimons dans le champ du possible, nous ne croyons pas ce que nous savons et nous ne savons plus.
La lecture de ce mot du jour peut s’arrêter ici.
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Elle peut aussi continuer, si vous en avez la patience et souhaitez savoir pourquoi j’ai écrit ce mot du jour aujourd’hui et quel est le sens de l’introduction.
Si vous lisez les journaux, vous savez que se déroule actuellement le procès du fondateur de l’école en bateau et de ses complices.
L’école en bateau est, dans la suite de la pensée de 68, une expérience de pédagogie alternative à l’institution scolaire, où des enfants entre 9 et 15 ans, voire plus, apprennent non pas dans une salle de classe mais en voyageant sur un bateau, en prenant la responsabilité de son fonctionnement dans toutes ses dimensions.
Parmi les victimes se trouvent 3 garçons de ma famille proche.
J’ai rencontré plusieurs fois le fondateur et plus encore son second.
Cette expérience était pour moi à l’époque absolument passionnante et je la présentais sous les angles les plus positifs.
Si on reste dans les indicateurs objectifs et qu’on passe sous silence l’aspect humain, cette expérience a été remarquable.
Sachez que l’ainé de cette fratrie a quitté le système scolaire français pendant 4 ans, il l’a réintégré à 16/17 ans, en Terminale, c’est à dire sans aucune perte de temps dans son cursus scolaire.
Ce garçon a intégré, deux ans après, le nec plus ultra de la réussite scolaire française : l’Ecole Normale Supérieure de la rue d’Ulm.
Le second est resté 5 ans sur ce bateau, il a réintégré le système en seconde. Il a réussi l’Ecole Centrale de Paris.
Le troisième qui n’est resté qu’un an poursuit également une belle carrière, il a fait Science Po Paris et a raté d’un rien l’ENA.
Ces 3 garçons parlent couramment plusieurs langues, ils sont très bricoleurs et très débrouillards dans la vie.
Mais sur le plan de l’équilibre et de l’épanouissement humain, la situation est plus difficile.
Le début du procès a déjà montré que la pédophilie du fondateur préexistait à cette aventure de l’école en bateau. Il est vraisemblable que toute cette expérience reposait sur la manipulation de cet homme organisant un harem d’enfants pour sa perversité, dans un lieu idéal pour assouvir ses fantasmes.
Les parents et moi-même, ne pouvions pas ne pas le savoir.
Il avait écrit un livre dont il est question dans les journaux et qui décrivait comment cet homme concevait les relations entre enfants et adultes.
Un jour j’ai montré le journal que l’école en bateau produisait, à un ami qui ne connaissait personne de cette aventure.
Au bout de 2 minutes, cet ami m’a regardé et m’a dit : « Mais enfin, ce que tu me montres là, c’est un paradis de pédophile ».
Je l’ai su, mais je ne l’ai pas cru.
Et parce que je ne l’ai pas cru, je ne l’ai pas su.
Tout cela doit rendre très humble.
Nous apprenons rarement de l’expérience des autres.
Mais la vie n’est finalement rien d’autre que d’essayer, chaque jour, de devenir moins stupide et moins naïf.
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Lundi 04 février 2013

Lundi 04 février 2013
« Nous savons bien que dans ce combat singulier
où l’homme combat pour sa santé et contre la maladie,
nous ne pouvons que gagner des batailles, et finirons toujours par perdre la guerre,
c’est pourquoi gagner le plus possible de batailles
constitue un défi noble et enthousiasmant qui mérite d’être affronté. »
Alain Klam

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