Mercredi 6 juillet 2022

«Pause (retour à Pierre Mendès-France) »
Un jour sans mot du jour nouveau

Quelquefois, il est utile de se replonger dans des mots du jour écrits, il y a longtemps.

Celui que je vous propose, date de 2015. Je faisais retour sur une «Radioscopie», célèbre émission de Jacques Chancel.

Il avait invité Pierre Mendès-France, c’était en décembre 1973 : < Mot du jour du 1 octobre 2015 >

J’avais relevé plusieurs réflexions qui me paraissaient particulièrement sages et que Pierre Mendès-France avait évoquées au cours de l’émission. J’en reprends une :

« Ce qui est fondamental c’est que les hommes dans le cadre d’une action gouvernementale se soient mis d’accord préalablement sur ce qu’ils allaient faire.
Un gouvernement se constitue non pour distribuer des portefeuilles, non pas pour favoriser telle opération à l’horizon mais pour faire aboutir une réforme une amélioration qu’on estime dans l’intérêt du pays.
Et c’est cela qui doit déterminer les alliances. Si des hommes sont d’accord pour faire quelque chose, il n’y a pas de raison d’en exclure certains.
Si des hommes ne sont pas d’accord pour faire quelque chose je trouve que c’est une escroquerie de les réunir. Parce qu’arriver au gouvernement ils s’annulent, ils se paralysent.
Le critère déterminant c’est ce qu’on veut faire ensemble.

C’est pourquoi depuis longtemps l’idée d’un programme de gouvernement m’a paru absolument essentiel. »

Cet émission de 1973 est toujours en ligne sur le site de Radio France. Vous la trouverez derrière ce <Lien>.

<Mot du jour sans numéro>

Mardi 5 juillet 2022

« Les politiques, les contradictions et les erreurs. »
Quelques éléments de langage des politiques examinés par les sciences politiques

Je donne simplement quelques exemples.

Une contradiction :

Emmanuel Macron a été réélu Président de la République, dimanche 24 avril 2022. Le soir de cette victoire, il a tenu un discours au pied de la Tour Eiffel. Et parmi d’autres choses, il <a dit> :

« Je sais aussi que nombre de nos compatriotes ont voté ce jour pour moi non pour soutenir les idées que je porte mais pour faire barrage à celles de l’extrême droite. Et je veux ici les remercier et leur dire que j’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir »

Le même homme, après les élections législatives qui ne lui ont pas permis de disposer d’une majorité absolue a fait un discours, de 8 minutes, le 22 juin dans lequel il demandait aux groupes politiques d’opposition de dire « jusqu’où ils sont prêts à aller »

Et dans ce discours il a analysé sa réélection de la manière suivante :

« Le 24 avril, vous m’avez renouvelé votre confiance en m’élisant Président de la République. Vous l’avez fait sur le fondement d’un projet clair, et en me donnant une légitimité claire. »

Et il a ajouté :

« Cela veut dire ne jamais perdre la cohérence du projet que vous avez choisi en avril dernier. C’est un projet d’indépendance pour notre pays, la France et dans notre Europe que nous devons rendre plus forte, qui passe par une défense forte et ambitieuse, une recherche d’excellence, […] »

Il a donc, à 2 mois d’intervalle, d’abord reconnu que son élection a été le fruit d’un rejet de l’autre candidate, ensuite prétendu qu’il a été élu pour son seul programme

Une erreur

Jordan Bardella a affirmé après les élections législatives : « Macron a été mis en minorité »

Dans le troisième point, je reprendrai les chiffres.

Mais ce que dit Jordan Bardella est faux.

En sciences politiques, la situation à l’Assemblée Nationale est, du côté des députés macronistes, celle d’une majorité relative.

C’est-à-dire qu’ils ne disposent pas de la majorité absolue.

La minorité c’est la position d’un parti qui dans une assemblée a, en face de lui, une majorité relative ou absolue

Le Rassemblement National ou la NUPES sont minoritaires, parce qu’ils sont face à la majorité macroniste et qu’ils ne sont pas en capacité de se réunir, ni de se réunir avec un autre Parti pour avoir la majorité, c’est-à-dire plus de députés que le parti macroniste.

La NUPES veut déposer une motion de censure en vue de renverser le gouvernement. Il est peu probable qu’elle y arrive. Mais si elle y arrivait, elle n’aurait pas de majorité alternative pour gouverner à la place des macronistes.

En Allemagne, il n’est pas possible de renverser un gouvernement si on ne peut pas proposer une majorité alternative acceptant de gouverner ensemble.

Une autre erreur

Lors des diverses émissions que j’ai écoutées, plusieurs commentateurs ont affirmé qu’il n’était plus nécessaire d’instaurer la proportionnelle aux élections législatives parce que les français étaient parvenus à élire une assemblée quasi proportionnelle avec le scrutin actuel : scrutin uninominal à deux tours.

C’est d’abord factuellement faux ou très approximatif.

Pour la proportionnelle sur la base du premier tour, il suffit que je reprenne le schéma déjà proposé lors du mot du jour du 14 juin. Et à côté je présente la vraie Assemblée élue.


On voit donc que « Ensemble » dispose bien d’une nette majorité même si elle est relative, ce qui n’est absolument pas le cas s’il y a représentation proportionnelle car alors la NUPES fait jeu égal.

En outre, on constate que 51 députés ont été élus sur aucune des 4 listes qui auraient été seules représentées en cas de proportionnelle intégrale.

Mais il y a surtout une autre erreur, c’est que le scrutin a une influence sur l’organisation politique. Un simple exemple : jamais il n’y aurait eu une coalition NUPES, si le mode de scrutin n’avait pas obligé le PS, les écologistes et le PC de s’allier aux Insoumis pour espérer avoir des députés.

Dans le scrutin uninominal à deux tours, pour lequel je rappelle que quasi personne d’autre que la France ne l’applique, il faut présenter l’autre camp comme un adversaire qui a tous les défauts pour mobiliser. Dans un scrutin proportionnel, on sait qu’il n’y aura pas de majorité et qu’il va falloir discuter avec les autres pour créer, après les élections, une coalition de gouvernement. Les relations avec les adversaires, futurs partenaires potentiels ne sont pas les mêmes.

Enfin, on peut désormais avoir la crainte que si on laisse perdurer le scrutin actuel et étant donné les leçons du dernier scrutin qui a montré une dédiabolisation totale du Rassemblement National, ce dernier pourra bénéficier, à son tour, de l’effet multiplicateur de ce scrutin pour obtenir, la prochaine fois, la majorité absolue. Est-ce cela que nous voulons ?

Le scrutin actuel tant qu’il permettait à une coalition qui représentait plus de 40% du corps électoral à disposer d’une majorité absolue grâce à un coup de pouce du scrutin était tolérable.

Aujourd’hui que le parti majoritaire dispose de moins de 30% des voix exprimés et moins de 15% du corps électoral, cela devient inacceptable. Cette représentation déformée du corps électoral augmente les tensions dans la société et crée des mouvements de contestation de plus en plus violents.

<1695>

Lundi 4 juillet 2022

«Pause (suite des vieux fourneaux) »
Un jour sans mot du jour nouveau

Vendredi le mot du jour était assez long.

Pour ce lundi, je me repose un peu. Mais je partage encore un petit extrait de la BD «Les vieux fourneaux. » du dessinateur Paul Cauuet et du scénariste Wilfrid Lupano.

Je pense que certains auront trouvé que j’étais trop dur avec nos ainés, mais d’autres peuvent aussi penser qu’étant donné que j’entre peu à peu dans cette période de vie j’ai été trop complaisant.

Pour ces derniers je voudrais quand même insister sur le fait que ce n’est pas toujours facile d’être vieux dans la société d’aujourd’hui. Je remarque sur le marché ou dans les grands magasins que le rythme lent des vieux est souvent bousculé par l’impétuosité des jeunes.

Alors quand un vieux va dans une boulangerie moderne pour simplement acheter une baguette comme il en a toujours acheté depuis sa tendre enfance, il se trouve devant un monde qu’il ne comprend plus :

<Mot du jour sans numéro>

Vendredi 1 juillet 2022

« Tous les vieux fourneaux prennent les jeunots pour des cons. »
Georges Brassens « Le Temps ne fait rien à l’affaire. »

Aujourd’hui, je voudrais parler du rôle des vieux dans notre société.

Pour agrémenter ce sujet austère, j’ai décidé de l’enrichir de dessins de la série de BD : « Les Vieux Fourneaux » du dessinateur Paul Cauuet et du scénariste Wilfrid Lupano. J’ai aussi convoqué le chat de Geluck, à deux reprises.

« Les Vieux fourneaux » sont une BD absolument géniale dont un ami nous a fait découvrir le tome 1. Et depuis, avec Annie, nous avons acheté tous les autres tomes parus.

Nous reconnaissons une préférence pour les trois premiers dans lesquels l’imagination et la créativité des deux auteurs sont débordantes et infiniment drôles.

Cet <Article> nous apprend que Wilfrid Lupano a trouvé le titre de la série dans une chanson de Georges Brassens : « Le Temps ne fait rien à l’affaire. » :

« Quand ils sont tout neufs,
qu’ils sortent de l’œuf, du cocon,
tous les jeunes blancs-becs prennent les vieux mecs pour des cons.
Quand ils sont devenus des têtes chenues, des grisons,
tous les vieux fourneaux prennent les jeunots pour des cons ».


Manière poétique et piquante de parler du conflit de génération

C’est de la pure fiction. Il n’y a personne derrière «Les Vieux Fourneaux», assure Lupano. Il concède toutefois s’être inspiré des philosophes Edgar Morin et Michel Serres et du diplomate Stéphane Hessel pour imaginer leur personnalité.

Étant donné les trois inspirateurs, souvent cités dans le mot du jour, il est assez intuitif que cette BD me plaise beaucoup.

Les trois vieux qui sont en cœur de la BD sont résolument de gauche tendance anarchiste

Ce type de vieux existe assurément, j’en connais personnellement. Mais il ne me semble pas qu’ils représentent la majorité de cette génération.

Probablement cette majorité a-t-elle pleinement intégré cette formule qu’on attribue à GB Shaw ou à Aristide Briand, c’est selon : « Celui qui n’est pas de gauche à 20 ans n’a pas de cœur, mais celui qui est toujours de gauche à 40 ans n’a pas de tête »

Mais il y a une question préalable : Qui est vieux ?

Longtemps, je n’ai pas eu de doute : Est vieux celui qui est plus âgé que moi !

Et, en parallèle est jeune celui qui est plus jeune que moi. !

Mais aujourd’hui, m’approchant de mes 64 ans et aussi de la retraite, j’ai du mal à ne pas me classer dans la catégorie des vieux.

Surtout quand je me souviens qu’alors que j’avais 15 ans, quand je voyais mes tantes et oncles qui avaient 60 ans, je ne les trouvais pas vieux, mais très vieux !

François de Closets, à 88 ans vient de commettre un nouveau livre où il éructe comme d’habitude sur tout ce qui va mal selon lui. Il s’en prend, cette fois, à sa classe d’âge : « La parenthèse boomers ».

Pour de Closets il y a deux types de vieux !

De manière générique, les vieux c’est ceux qui sont à la retraite.

Mais il y a d’abord les profiteurs, ceux dont je ferais bientôt partie. Ils vivent aux frais des jeunes actifs, font des voyages, profitent grassement de tout ce que la société de consommation leur vend et pratiquent des tas d’activités prouvant ainsi qu’ils pourraient parfaitement continuer à travailler et décaler l’âge de la retraite.

Et puis, il y a « les vrais vieux », ceux qui ont perdu leur autonomie et pour lesquels la société n’a pas encore pleinement intégré l’ampleur de ce qu’il conviendrait de faire pour prendre pleinement en charge cette dernière période de la vie.

Sur le second point le « vieux râleur » a raison.

Sur le premier, il est vrai qu’il y a par moment un petit souci, parce que « certains retraités » ne comprennent pas vraiment comment fonctionnent leur retraite. Ils pensent qu’ils ont payé, pendant les années d’emploi, une caisse de retraite qui maintenant leur restitue ce qui a été versé.

C’est évidemment totalement faux. Ils ont payé dans leur jeunesse, alors qu’ils étaient nombreux à une caisse de retraite qui utilisait cet argent pour payer les pensions des retraités qui étaient peu nombreux.

Aujourd’hui, ils sont payés, alors qu’ils sont nombreux, par une caisse de retraite financée par des jeunes qui sont moins nombreux qu’à leur époque.

En revanche, François de Closets ignore superbement que notre économie surtout française ne veut plus des seniors : quand ils sont au chômage ils ne trouvent plus de travail, personne ne veut les embaucher. Les RH pensent probablement qu’ils sont trop lents et inadaptés au monde moderne.

Mais que représentent les vieux dans la société ?

Si on prend d’abord le monde, on peut constater que selon les continents, la répartition entre les classes d’âge est très différente.

Il y a beaucoup plus de vieux en Europe et beaucoup plus de jeunes en Afrique.

Encore faut il préciser que dans les continents il peut exister encore beaucoup de disparité entre les pays. Ainsi, en Asie les chinois et les japonais ont une pyramide des âges qui donne une grande importance aux classes âgées, ce qui n’est pas le cas du moyen orient.

On trouve cela sur le site de l’INSEE : https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381482#tableau-figure1

J’en tire cette représentation

On constate quand même que la classe d’âge des 15 à 64 ans reste très largement majoritaire. Certains discours alarmistes semblent quelquefois nous inciter à croire le contraire.

Si on s’intéresse à la France métropolitaine (https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303333?sommaire=3353488) et qu’on prend certaines périodes de notre Histoire, en tenant compte évidemment des éléments publiés par l’INSEE


C’est un peu plus clair si on compare simplement la répartition des classes d’âge entre 1980 et 2018 dans le cadre d’une représentation « camembert ».

On voit ainsi les classes d’âge qui progressent et celles qui régressent !

Donc nous sommes dans une société où il y a de plus en plus de vieux.

Et si les vieux occupent de plus en plus de place, ce sont surtout eux qui détiennent le patrimoine.

Dans les salles de concert de musique classique, dans les théâtres et même dans les cinémas après le COVID et NETFLIX la proportion de vieux est de plus en plus importante.

Mais là où la véritable querelle de génération vient d’éclater, au moins sur certains réseaux sociaux c’est la proportion de votants et la nature du vote des vieux.

« France Info » relaie cette proposition de certains : <Pourquoi l’idée d’un âge limite pour le vote des seniors en convainc certains> le titre ajoute : « et scandalise les autres »

Et voilà ce que dit cet article :

« C’est une petite musique qui courait déjà avant le premier tour de l’élection présidentielle, dimanche 10 avril, mais qui s’est renforcée à l’annonce des résultats. « Les jeunes qui ont voté en masse Mélenchon pour leur avenir se font voler leur élection par des vieux retraités qui ont vécu leur meilleure vie et n’ont plus rien à perdre et des vieux bourgeois qui ont tous les privilèges de Macron », s’exaspérait par exemple un jeune sur Twitter au soir du premier tour. Un autre s’agace aussi, graphiques à l’appui : « Ce sont donc des vieux déjà à la retraite qui vont nous imposer de travailler cinq ans de plus. Merci à eux. » A tel point que certains vont jusqu’à se poser cette question : « Pourquoi diable laissons-nous les plus de 65 ans voter ? »  »

L’article de France Info parle même d’une lame de fond :

«  Elle est une lame de fond plus profonde dans une partie de cette classe d’âge, angoissée et en partie mobilisée sur des thématiques qui ne sont parfois pas le centre d’intérêt des autres classes d’âge, et des seniors en particulier. « Ils ont voté sans penser à nous », déploraient des étudiants qui bloquaient la Sorbonne à Paris, jeudi 14 avril, dans le podcast de franceinfo Le Quart d’Heure. « On a deux candidats qui méprisent l’urgence sociale, climatique et écologique. Je trouve ça terrible », exprimait pour sa part, lundi 11 avril Denis, 26 ans, au micro de Manon Mella dans « Génération 2022″. Il disait ressentir « une fracture entre les plus jeunes et les plus vieux »»

Les experts s’en mêlent ainsi le politologue Martial Foucault dans La Croix analyse :

« Pour les plus âgés, les enjeux sont d’abord le pouvoir d’achat, l’insécurité ou encore la délinquance, avant d’être la lutte contre le réchauffement climatique, qui est davantage une priorité pour les jeunes ». »

Nous sommes dans un paradoxe dans lequel les vieux qui devraient être sages et s’inscrire dans le long terme s’inquiètent de l’immédiat et du court terme, alors que les jeunes impétueux qui devraient vivre au présent pensent et s’inquiètent du long terme.

L’article de France Info montre que si, bien sûr les vieux représentent un poids démographique de plus en important dans la société, leur importance dans le vote vient surtout du fait qu’ils vont majoritairement voter alors que les jeunes massivement s’abstiennent.

C’est donc la responsabilité des jeunes qui est en cause car ils ne vont pas voter et prétendent même qu’ils ont bien raison de faire ainsi.

C’est une erreur non pas morale, mais simplement stratégique.

Car comme l’écrit le sociologue Jérémie Moualek :

« Les politiques publiques épousent les revendications des classes d’âge qui votent le plus. »

S’il faut être rassurant pour nous autres vieux, la conclusion de l’article de France Info montrent que la pondération du vote des plus âgés rencontre de vrais obstacles techniques et éthiques Pour l’instant cette idée n’a pas vocation à prospérer.

Dans le vote, il faut reconnaître qu’il existe un vrai <clivage entre les générations>. Ainsi si on analyse le premier tour des élections présidentielles

« Plus d’un tiers des moins de 35 ans ont choisi le leader de la France insoumise. […]

Chez les actifs, de 35 à 65 ans, c’est la candidate du Rassemblement national qui mène les suffrages.

[En revanche Macron] devance la candidate du RN et celui de LFI très nettement dans le vote des électeurs de plus de 60 ans, recueillant selon Ipsos 41% des suffrages chez les plus de 70 ans »

Pour le sociologue Laurent Lardeux

« Si un clivage politique existe bien entre les générations, il se serait surtout créé entre les seniors et le reste de la population, les jeunes inclus. Les seniors vont voter de façon très spécifique par rapport aux autres générations, plus particulièrement sur les valeurs conservatrices auxquelles ils adhèrent plus largement.

A contrario, le vote de la jeunesse a plutôt tendance à être proche du vote des 35-65 ans. « On voit qu’il y a plutôt un rapprochement générationnel entre les jeunes et la population active »

Et en effet, contrairement aux Vieux fourneaux de la BD qui considérerait probablement que même Melenchon n’est pas assez à gauche, les vieux votent à droite.

Le journal « Libération » posait déjà en 2018 la question : <Pourquoi les personnes âgées votent à droite ?>

La réponse :

« Les seniors sont plus conservateurs et attachés à la transmission de leur patrimoine, des valeurs traditionnellement mises en avant par la droite. […]

Première raison : les seniors sont aussi les plus conservateurs […]

Deuxième raison: le patrimoine. Les plus âgés sont aussi ceux qui détiennent le plus de patrimoine en France. […]. De fait, ils sont donc plus sensibles aux politiques proposant de diminuer les impôts sur la succession, faciliter les donations ou encore supprimer ou modifier l’ISF. […]

Leur demande de stabilité est absolument centrale. Quand elle propose un report de l’âge légal pour le départ à la retraite (jusqu’à 65 ans pour le candidat Juppé), la droite rassure ainsi les seniors car cela pérennise le système et donc leurs pensions. Une logique qui vaut pour tout ce qui peut contribuer à assurer leurs revenus – alors qu’eux-mêmes ont généralement bénéficié d’une retraite à 60 ans. C’est d’autant plus vrai que les seniors ne paient pas les contreparties de telles réformes, celles-ci pesant sur les actifs et le marché du travail bien davantage que sur le niveau des pensions ou le système de santé.

En résumé, les seniors votent à droite car ils sont plus conservateurs et attachés à la transmission de leur patrimoine, selon les chercheurs ayant travaillé sur ces sujets. »

Je résumerai ainsi cette analyse : les vieux votent majoritairement à droite, parce que majoritairement c’est leur intérêt.

Et pour régler cela pacifiquement et intelligemment il faut tout simplement que les jeunes qui restent plus nombreux dans notre société comme le montre les camemberts publiés, ne doivent pas laisser faire, s’ils ne sont pas d’accord, en allant voter.

 <1694>

Jeudi 30 juin 2022

« Je suis hyper émue d’avoir vécu cette expérience, de m’être fait prendre dans cette rivière-là. »
Aurélie Sylvestre épouse de Matthieu assassiné au Bataclan le 13 novembre 2015

Ce fut le plus long procès criminel de la France de l’après-guerre : Après neuf mois d’audiences hors norme, les cinq magistrats de la cour d’assises spéciale ont rendu leur décision contre les vingt personnes (dont six « jugées en absence ») accusées d’avoir participé aux attentats du 13 novembre

« Libération » parle d’un « verdict pour l’Histoire » en narrant l’ensemble des peines prononcées

Hier le journal publiait en Une : « L’humanité a gagné »

Nous autres français sommes souvent critiques sur notre pays, mais je crois que pour ce procès nous pouvons être fier.

Les américains n’ont pas su le faire, ils ont inventé Guantanamo et n’ont pas su mettre en pratique un procès digne de l’état de droit et d’une démocratie libérale.

Le Un Hebdo a aussi consacré le numéro de cette semaine à ce procès : « Je ne suis plus victime, je suis un survivant »

Et dans ce numéro, l’écrivain Robert Solé interroge le mot « Partie civile »

« À l’ouverture de ce procès hors norme, ils étaient déjà 1800. Par la suite, quelque 700 autres rescapés, blessés ou proches des victimes se sont également constitués partie civile pour avoir subi, eux aussi, un préjudice corporel, matériel ou moral ce funeste 13 novembre 2015.

Un procès pénal oppose l’accusé au ministère public. Cependant, un troisième acteur s’est introduit peu à peu dans le prétoire, sans se limiter à un strapontin : devenue « partie au procès », la victime bénéficie de droits croissants, notamment celui de pouvoir s’exprimer à l’audience.

Des juristes contestent cette évolution, estimant qu’un « parquet bis » vient porter atteinte à l’équilibre entre l’accusation et la défense. Mais on peut se demander ce qu’aurait été le « procès du Bataclan » sans les témoignages bouleversants de ces hommes et de ces femmes, frappés par la foudre il y a six ans : ceux qui s’étaient interdit de pleurer ; ceux qui se sont adressés sans haine aux accusés ; ceux qui ne se pardonnent pas d’être vivants…

Chaque drame est unique, « mais il y a dans cette salle des mains qui se touchent, des familles qui s’étreignent, des amis qui se réconfortent », disait à la barre Aurélie, une « partie civile » qui a perdu son compagnon dans le massacre, alors qu’elle était enceinte et mère d’un enfant de trois ans. « Il y a ici tout ce qui faisait de nous une cible : l’ouverture à l’autre, la capacité d’aimer, de réfléchir, de partager, et c’est incroyable de constater qu’au milieu de tout ce qui s’est cassé pour nous ce soir-là, ce truc-là est resté intact. »

En l’entendant, on se disait que le terme glacial de « partie civile » était bien mal adapté à tant de douleurs, de larmes et d’humanité. »

Aurélie, c’est Aurélie Sylvestre qui a perdu son compagnon Matthieu Giroud au Bataclan alors qu’elle était enceinte de leur deuxième enfant. Son témoignage puissant et plein d’humanité lors du procès a marqué beaucoup de monde et a été relayé massivement dans les médias et sur les réseaux sociaux.

Le <mot du jour du 8 février 2022> avait été consacré à ce moment.

A la veille du verdict, « Libération » est allé l’interviewer : «Plus tu touches à l’intime et à la sincérité, plus tu es universel. »

« Je me souviens du premier jour, quand le président de la cour a lu la liste des victimes des attentats, tous ces noms égrenés : on convoquait les fantômes. Et puis, dans la salle, il y avait toutes les autres parties civiles, moi qui avais vécu complément recroquevillée sur mon chagrin, j’ai vu tous ces gens et j’ai pensé : « On a tous été brûlés à la même flamme. » »

Toutes les parties civiles, ce n’est pas un beau mot, mais il permet d’inclure la communauté de celles et ceux qui sont victimes ou parents de victimes de cet attentat, ont raconté peu ou prou la même chose : ils ont fait de merveilleuses rencontres au cours de ce procès qui leur a fait du bien

Aurélie Sylvestre le dit ainsi :

« Pendant six ans, j’ai négligé mon traumatisme. Epuiser le récit de cette nuit-là, rencontrer d’autres personnes qui ont vécu ça, a vraiment eu une vertu. Oui, ce procès nous répare, je le découvre. Et je trouve important de le dire. On a tous cheminé dans cette salle : les accusés, les avocats, les parties civiles… On n’est plus du tout au même endroit qu’en septembre. Je suis hyper émue d’avoir vécu cette expérience, de m’être fait prendre dans cette rivière-là.
[…] La femme que j’étais vraiment a explosé la nuit du 13 Novembre. Pendant six ans, j’ai eu l’impression d’avoir ramassé mes petits morceaux de moi. Avec ce procès, j’ai pu rassembler ces débris et sculpter, réanimer la femme que j’étais avant. Ces dix mois, à la fois très longs et très courts, ont été une avancée spectaculaire. Cela m’a permis de métaboliser mon drame. J’ai pourtant longtemps cru qu’il fallait que je me trouve ailleurs, comme disait Marguerite Yourcenar. Il fallait tout ce temps-là. Il fallait six ans et dix mois pour me retrouver. Je vais tourner une énorme page, et après ça, la vie recommencera. C’est sûr, il y aura un après. »

Répondre à la barbarie par de l’humanité, c’est ce qui honore une civilisation.

<1693>

Mercredi 29 juin 2022

« Faire de la chute, un pas de danse, faire de la peur, un escalier. »
Fernando Sabino

On ne va pas se mentir, quelque soit l’endroit vers lequel on se tourne : Les États-Unis, la France, la guerre d’Ukraine, la Chine, la crise alimentaire mondiale, le réchauffement climatique et tant d’autres choses encore, la situation est très préoccupante.

Et puis, brusquement ce poème s’est affiché sur mon écran :

« De tout, il resta trois choses :
La certitude que tout était en train de commencer,
la certitude qu’il fallait continuer,
la certitude que cela serait interrompu avant que d’être terminé.
Faire de l’interruption, un nouveau chemin,
faire de la chute, un pas de danse,
faire de la peur, un escalier,
du rêve, un pont,
de la recherche…
une rencontre. »

Ce texte est inséré dans le roman « O encontro marcado » [Le rendez-vous] publié en 1956 par le poète brésilien Fernando Sabino.

Fernando Sabino est né, le 12 octobre 1923 à Belo Horizonte au Brésil et il est décédé le 11 octobre 2004 à Rio de Janeiro.

<Wikipedia> nous apprend que Fernando Sabino est l’auteur de 50 livres, romans, nouvelles, chroniques, essais. Et qu’il a accèdé à une renommée nationale et internationale en 1956 précisément avec le roman O Encontro Marcado qui est l’histoire de trois amis de Belo Horizonte. Le livre est inspiré de la vie de l’auteur.
« Le Monde » a publié un article hommage lors de son décès : < Fernando Sabino, écrivain et journaliste brésilien>

Cet article nous apprend qu’il avait choisi son épitaphe :

« Ci-gît Fernando Sabino. Né homme, il est mort enfant. »

<1692>

Mardi 28 juin 2022

« Le côté obscur des religions.. »
Imposer aux autres ce qu’on croit ou peut être même feint de croire

Ils ont osé !

L’Amérique des évangéliques, celle qui vote massivement Trump est arrivée à son objectif : annuler l’arrêt rendu par d’autres juges de la Cour Suprême des États Unis en 1973 : « l’Arrêt Roe v Wade »

« Roe v. Wade », 410 U.S. 113 est un arrêt historique rendu par la Cour suprême des États-Unis en 1973 sur la question de la constitutionnalité des lois qui criminalisent ou restreignent l’accès à l’avortement. La Cour statue, par sept voix contre deux, que le droit à la vie privée, en s’appuyant sur le quatorzième amendement de la Constitution des États-Unis, s’étend à la décision d’une femme de poursuivre ou non sa grossesse, mais que ce droit doit être mis en balance avec les intérêts de l’État dans la réglementation de l’avortement : protéger la santé des femmes et protéger le potentiel de la vie humaine.

Roe v. Wade est devenu l’un des arrêts de la Cour suprême les plus importants politiquement, divisant les États-Unis entre personnes se disant « pro-choice » (« pro-choix », pour le droit à l’avortement) et « pro-life » (« pro-vie », anti-avortement).

Et depuis 1973, méthodiquement avec la persévérance, la patience de ceux qui croient en l’Éternité, ces régressifs ont poursuivi leur lutte, pas à pas, en infiltrant les cercles de pouvoirs ou en faisant un lobbying incessant auprès des élus et en usant de toutes les opportunités même les plus invraisemblables. Ils ont finalement utilisé Donald Trump, qui est tellement loin de tous les principes moraux qu’ils prétendent mettre en œuvre, pour parvenir au but qu’ils s’étaient fixés.

Et c’est ainsi que cet ignoble personnage a pu écrire :

« C’est la volonté de Dieu ».

Dans un communiqué, Donald Trump a estimé que la décision historique sur l’avortement, après celle de jeudi consacrant le droit au port d’armes en public, a été rendue possible « seulement car j’ai tenu mes promesses ».

Il a en effet nommé trois juges conservateurs, pendant les 4 années de son mandat, dont un en tout fin de mandat.

Alors que les lobbys évangéliques et républicains sont arrivés à empêcher Obama de nommer un juge progressiste, en prétendant qu’en fin de mandat un Président n’était plus légitime à nommer un juge à vie.

Et le milliardaire cynique et inculte a ajouté :

« Ces victoires majeures montrent que même si la gauche radicale fait tout ce qui est en son pouvoir pour détruire notre pays, vos droits sont protégés, le pays est défendu et il y a toujours un espoir et du temps pour sauver l’Amérique ».

Je n’approfondirai pas cette organisation juridique si particulière des États-Unis, dans laquelle ce sont les 9 juges de la Cour Suprême qui fixent les règles en se basant sur l’interprétation de la constitution des États-Unis.

En France, c’est une Loi, la fameuse Loi Simone Veil qui a fixé les règles qui encadraient le droit des femmes à recourir à l’interruption volontaire de grossesse.

Aux États-Unis ce n’est ni le Congrès fédéral, ni le Sénat fédéral qui sont intervenus, mais la Cour Suprême Fédéral qui, en 1973, a contraint les gouvernements des États fédérés de tolérer l’avortement.

Par son jugement du 24 juin 2022 et par 6 voix contre 3, la Cour donne raison à l’État du Mississippi qui l’avait saisi et révoque Roe v. Wade. Les États sont désormais libres de définir la politique relative à l’avortement dans leur juridiction.

Cette même Cour avait la veille, le 23 juin 2022, autorisé tous les Américains à sortir dans la rue, armés d’une arme de poing, dissimulée sous leurs vêtements. Ce qui était interdit, par exemple, dans les rues de New York.

Et il semble qu’elle a même l’intention de ne pas s’arrêter en si bon chemin et envisage à revenir aussi sur la contraception, en interdisant la délivrance des pilules contraceptives, permises depuis 1955 – soit 2 ans avant la France !

Nous sommes dans un pays où comme l’écrit, en 2014, <Le Monde> :

« Un quart des Américains (26 %) ignorent que la Terre tourne autour du Soleil et plus de la moitié (52 %) ne savent pas que l’homme a évolué à partir d’espèces précédentes d’animaux. C’est ce que révèle une enquête aux résultats édifiants, menée auprès de 2 200 personnes par la Fondation nationale des sciences américaine et publiée vendredi 14 février. »

En France, sommes-nous à l’abri de telles dérives ?

J’ai reproduit le tweet ainsi qu’un ajout qu’a écrit cette dame qui a été député pendant 21 ans et ministre du logement pendant deux ans dans le gouvernement de Fillon sous la présidence de Sarkozy.

Et elle n’est pas seule, il suffit de se rappeler de ce furent les manifestations contre le mariage pour tous.

Simone de Beauvoir écrivait

« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant »

Tout ceci ne serait pas possible s’il n’existait plus des populations complètement aveuglées par des récits écrits par des hommes, je veux dire des mâles humains, et que ceux qui croient continuent à penser qu’il s’agit de textes dictés directement par leur dieu.

Il y a quelques mois, en allant au travail, juste après avoir posé le vélo’v à sa station, j’ai été interpellé par 3 jeunes hommes en costume, portant écusson qui portait cette mention : « L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ».

Ce qui est le nom « scientifique » des Mormons.

Ils ont souhaité engager la conversation, j’y consentis.

Et voici la teneur de cet échange, cité de mémoire. Je pense que vous n’aurez aucune peine à distinguer mes propos de ceux des trois jeunes aspirant à devenir des saints des derniers jours :

  • Bonjour
  • Bonjour
  • Nous sommes…
  • Oui je sais, j’ai vu votre écusson
  • Croyez-vous en l’existence de Dieu ?
  • Je ne sais pas si Dieu existe ou s’il n’existe pas.
  • Si vous examinez le monde, le soleil, l’univers vous croyez vraiment que tout cela peut exister par hasard, sans qu’il y ait quelqu’un qui a créé tout cela ?
  • Oui c’est possible que le hasard ait fait cela. Mais si c’est vraiment Dieu qui a réalisé cela, cet univers gigantesque avec des milliards d’étoiles, de planètes, de trous noirs, croyez vous vraiment que ce Dieu puisse manifester le moindre intérêt pour un animal vaguement évolué, habitant une petite planète du système solaire situé en périphérie de la galaxie de la voie lactée, une parmi des milliards d’autres ? Ne manifestez-vous pas ainsi un orgueil incommensurable ?
  • Mais si, Dieu s’intéresse à nous, nous entoure de son amour et nous guide pour notre bien.
  • Vous êtes sérieux ? Qu’avez-vous compris de l’histoire récente des humains, simplement depuis le début du XXème siècle. Qu’a fait ce Dieu dont vous me parlez à Auschwitz ?
  • Il était là, mais il a laissé les humains agir selon leur volonté.
  • Évidemment, c’est une hypothèse commode, mais elle ne me convainc pas. Je vous ai dit que je ne sais pas si Dieu existe. Mais je suis convaincu ou je crois si vous préférez que votre Dieu, celui dont il est question dans la bible ou dans le coran, lui il n’existe pas ! Ce qui existe ce sont des organisations humaines qui sont hiérarchisées, qui profitent à ceux qui les dirigent et qui sont grisés par le pouvoir qu’ils en tirent et quelquefois même des revenus et un patrimoine substantiel. En général ce sont d’ailleurs des hommes qui par le récit et les règles qu’ils racontent ont parmi leur objectif principal de soumettre les femmes.
  • Mais non ce n’est pas ainsi et croyez-vous en l’existence de Jésus ?
  • Jésus, l’homme a peut-être existé, mais il n’y a aucune source autre que celles écrites par les chrétiens qui atteste de son existence.
  • Mais si, il y a d’autres sources…
  • Alors là jeune homme ce sont des découvertes récentes dont je n’ai pas connaissance, parce que vous comprenez c’est un sujet qui m’intéresse.
  • Il y a l’historien Flavius Josephe qui parle de Jésus.
  • Oui, mais là ce n’est pas une source externe, Flavius Josephe cite des chrétiens qu’il a rencontré et rapporte ce qu’ils lui ont dit. En revanche, il y a une stèle qu’on a retrouvé au proche orient qui évoque l’existence de Ponce Pilate. Mais savez-vous que le Dieu monothéiste a été inventé par les juifs il y a environ 2500 ans. Et que notre espèce homo sapiens a environ 100 000 ans d’existence. Notre race humaine a donc su se passer, la plus grande partie de son existence, de ce Dieu éternel, unique et qui s’intéresserait à vous ?

  • Bon il faut que je me rende à mon travail. Si je peux me permettre un conseil : si le fait de croire vous fait du bien n’hésitez pas à continuer, mais garder toujours éveillé le germe fécond du doute et surtout n’imposez jamais votre croyance et vos règles par la contrainte. Bonne journée !
  • Bonne journée.

Alors il peut exister un coté lumineux de la religion, celle qui s’intéresse au spirituel, à ce qui nous dépasse et à ce qui transcende le matériel.

Régis Debray, à ce stade, pense que l’absence de Dieu est pire que sa présence.

Il y aussi ce propos qu’aurait tenu Jaurès à des radicaux qui étaient très anticléricaux au début du XXème siècle :

« Pourquoi voulez-vous faire taire cette petite voix consolante qui fait tant de bien aux pauvres humains qui sont dans la peine ? »

Car oui, c’est une source de consolation pour beaucoup qui souffrent, qui sont dans le deuil ou sont au seuil de cette terrible inconnue qu’est la mort.

Mais le côté obscur des religions c’est celui qui veut imposer sa règle à tous, obliger tout le monde à respecter les règles que les adeptes de ce récit auquel ils croient s’imposent à eux-mêmes.

Et dans ce cas quand ils sont puissants, les religieux sont même capables des pires crimes pour imposer leurs règles.

Combien de crimes ont été ainsi commis au nom de ces religions qui prétendent œuvrer pour la paix et d’amour du prochain ?

Il faut arrêter d’être naïf.

Et en France, au moins, il est essentiel de respecter les croyances, permettre à chacun de vivre librement sa Foi tant qu’elle n’est pas en contradiction avec la Loi de la République.

Mais de manière réciproque ; il faut défendre avec fermeté, lucidité et force s’il le faut, la liberté de faire et penser autrement quand les religions de toute obédience veulent imposer aux autres, à leur famille puis aux voisins puis à tout le monde les règles qu’ils s’appliquent à eux même parce qu’ils adhèrent à un récit particulier.

Nous devons arrêter de regarder les responsables ou autorités religieuses avec les yeux de Chimène en leur reconnaissant une quelconque autorité morale générale.

Nous devons les regarder avec les yeux du doute que je décrirai ainsi :

Je reconnais ton droit absolu de croire. Est-ce que tu reconnais réciproquement la liberté des autres à ne pas croire ce que tu crois et est-ce que tu renonces définitivement à imposer aux autres et à la société les règles qui ne concernent que ta foi et ceux qui y adhèrent ?

<La journaliste Ana Kasparian> synthétise tout cela très bien.

<1689>

Lundi 27 juin 2022

« Ne pleurons pas de l’avoir perdue, mais réjouissons-nous de l’avoir connue. »
Jean-Louis Trintignant après le décès de sa fille Marie Trintignant

Jean-Louis Trintignant est mort, le 17 juin, à l’âge de 91 ans « paisiblement, de vieillesse, […] entouré de ses proches », a fait savoir son agent.

Il est ainsi mort une seconde fois ou mort vraiment.

En effet, dans une interview face à Claire Chazal dans « Entrée Libre » sur France 5, fin 2018, Jean-Louis Trintignant avait expliqué que le décès de sa fille Marie Trintignant l’avait dévasté :

« Ça ne guérit pas. Depuis quinze ans, ça m’a complètement abattu. Je suis mort il y a quinze ans, avec elle. […] rien n’a pu m’aider à traverser ce deuil. […] Je vais très mal. »

Marie Trintignant est décédée le 1er Août 2003 d’un féminicide perpétré par son compagnon de vie.

Et Jean-Louis Trintignant avait alors prononcé dans ces circonstances tragiques :

« Ne pleurons pas de l’avoir perdue, mais réjouissons-nous de l’avoir connue. »

C’est ce qu’a rapporté François Morel dans l’émouvant hommage qu’il lui a rendu lors de sa chronique hebdomadaire du vendredi : < Hommage à Jean-Louis Trintignant >

Et il a ajouté :

« Je me réjouis d’avoir eu la chance de connaitre un peu Jean-Louis Trintignant. »

Ce ne fut pas la première tragédie que ce vieil homme connut dans sa vie consacrée à l’Art, au Théâtre et au Cinéma.

Il avait déjà perdu une première fille, Pauline, sœur cadette de Marie, née en 1969 et morte à l’âge de dix mois.

Dans le recueil Du côté d’Uzès, entretiens avec André Asséo (2012), Jean-Louis Trintignant confie :

« Un matin, alors que je partais tourner, je suis allé embrasser Pauline dans son berceau. Elle était morte, on n’a pas su comment. J’ai dit à Nadine : Soit on se suicide, soit on accepte de vivre pour Marie. »

Et plus jeune encore, il avait 8 ans, son père était résistant et sa mère avait vécu une histoire d’amour avec un soldat allemand.

En septembre 2017, dans les colonnes du JDD, il raconte :

« Ma mère a été tondue dans une charrette. Bien sûr mon père l’a sauvée, mais il m’a dit ce truc qui m’a bouleversé toute ma vie : ‘Comment as-tu pu laisser faire ça ?’ C’était lourd pour un enfant. »

Et il reconnaissait que c’était une blessure qu’il a porté toute sa vie en ajoutant :

« C’est peut-être pour ça que je suis devenu acteur. Au fond, la décadence des familles bourgeoises, peut-être que j’ai joué ça toute ma vie… »

Laurent Delahousse l’a interviewé en 2018, au théâtre des Célestins de Lyon où il réalisait un spectacle, avec des musiciens, en disant des poèmes : <Jean-Louis Trintignant au Théâtre des Célestins>

Un entretien d’une profondeur bouleversante.

A propos de ses parents, il raconte qu’après ce tragique épisode, ils ont encore vécu 20 ans ensemble, mais dans des relations si compliquées qu’ils auraient mieux fait de se séparer rapidement.

Ce spectacle joué à Lyon le fut aussi à Paris. Il avait alors été invité de Léa Salamé, je l’avais rapporté lors du mot du jour du <14 février 2019> pour souligner un poème de Prévert qui faisait partie du spectacle et qu’il a déclamé lors de l’émission :

Il a cité aussi d’autres poètes comme par exemple Pierre Reverdy qui a écrit :

« On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux »

C’était un <monument du cinéma français> titre le journal canadien « Le Devoir » qui narre son immense carrière

Article qui rapporte qu’après la mort brutale de sa fille Marie, il a dit :

« Je devrais m’arrêter, mais je ne veux pas. Les moments les plus heureux de ma vie, c’est quand je travaille, quand je fais du théâtre »

 <1688>

Vendredi 24 juin 2022

« Macron ou les illusions perdues. »
François Dosse

François Dosse, né le 21 septembre 1950, est un historien et épistémologue français, spécialisé en histoire intellectuelle.

C’était un proche du philosophe Paul Ricoeur.

Il a publié en 1997 une biographie de ce philosophe : « Paul Ricœur. Les sens d’une vie ».

En 1998, il était professeur à Sciences Po et avait parmi ses élèves Emmanuel Macron.

Et c’est lui, François Dosse, qui a permis la rencontre d’Emmanuel Macron et de Paul Ricoeur.

Et c’est ainsi que de 1999 à 2001, Macron deviendra l’assistant éditorial du philosophe qui recherchait un archiviste pour le livre « La Mémoire, l’histoire, l’oubli ».

Le président de la République évoquait cette relation ainsi :

« La nuit tombait, nous n’allumions pas la lumière. Nous restions à parler dans une complicité qui avait commencé à s’installer. De ce soir-là commença une relation unique où je travaillais, commentais ses textes, accompagnais ses lectures. Durant plus de deux années, j’ai appris à ses côtés. Je n’avais aucun titre pour jouer ce rôle. Sa confiance m’a obligé à grandir. »

François Dosse a pendant longtemps exprimé une grande bienveillance à l’égard de ce jeune homme qui allait être capable d’embrasser un destin exceptionnel.

Il va même écrire un livre très positif sur le jeune président au début de son quinquennat : « Le philosophe et le président »

Dans un article du Monde, publié le 3 décembre 2019 et sur lequel je reviendrai plus loin, François Dosse écrivait de ce livre :

« Lorsque j’ai publié, en septembre 2017, « Le Philosophe et le Président. Ricœur & Macron », chez Stock, mon intention première était de défendre la vérité des faits : attester ta proximité avec Paul Ricœur, alors qu’elle était contestée par certains, qui dénonçaient une forme d’imposture. Dans ce livre, et sur la base de ta campagne présidentielle, je faisais état de tes sources d’inspiration en tant que candidat et soulignais à quel point les positions philosophiques de Ricœur avaient été importantes pour toi, fécondant tes propositions sur l’Europe, la laïcité, la justice sociale, la revitalisation de la démocratie politique, la mémoire nationale. Durant toute la première partie de ton mandat présidentiel, ma confiance et mes sentiments amicaux m’ont incité à ne jamais répondre à quelque sollicitation pétitionnaire ou critique. J’ai eu pour toi les yeux de Chimène, émerveillé par l’étendue de tes compétences et de ton savoir-faire. »

L’émerveillement est passé.

François Dosse a parlé d’«un moment de rupture majeur» en dénonçant, en 2019, ses discours et ses mesures « inadmissibles » sur l’immigration.

Pour marquer ce désaccord, il a publié une tribune dans le Monde, il s’agit de l’article du 3 décembre 2019 évoqué : « Emmanuel, tes propos sur l’immigration contribuent à la désintégration de ces populations fragilisées » :

Il écrit notamment :

« Si je prends la plume aujourd’hui, c’est que je ne peux souscrire à tes dernières déclarations sur la nécessité d’un débat national sur l’immigration et à l’orientation politique prise dans ce domaine par ton gouvernement. La stigmatisation de la population immigrée comme source des problèmes que rencontre la société française, qui se situe aux antipodes des positions éthiques et politiques de Ricœur dont tu t’es réclamé, constitue pour moi un moment de rupture majeur.

Il ne s’agit pas de défendre la posture de la belle âme soucieuse de ne pas se compromettre dans le pragmatisme du quotidien, mais de rappeler les positions éthiques de Ricœur qui devraient inspirer une juste politique de l’immigration. Il affirmait en premier lieu le principe intangible de l’hospitalité. Comme tu le sais, au soir de sa vie, Ricœur a avancé le paradigme de la traduction en faisant droit, comme Jacques Derrida, à la vertu de l’hospitalité, à l’« hospitalité langagière », où « le plaisir d’habiter la langue de l’autre est compensé par le plaisir de recevoir chez soi (…) la parole de l’étranger » (Ricœur, Sur la traduction, Bayard, 2004, page 20).

Je te rappelle que Ricœur, philosophe au cœur de la Cité, s’est engagé dans les années 1990 auprès des sans-papiers. Au printemps 1996, dans la plus grande confidentialité, il est intervenu comme médiateur auprès des 300 Maliens sans-papiers [qui, de mars à août 1996, avaient occupé l’église Saint-Bernard, dans le 18e arrondissement parisien, soutenus par de nombreuses personnalités]. Présent aux multiples réunions de concertation tenues dans les hangars, il a, avec d’autres, essayé de trouver une solution. Dans cette mobilisation, Ricœur a été à l’unisson de sa famille spirituelle. »

Et il va continuer à décliner toutes les actions et propos du Président qui heurtent, selon lui, le message et les valeurs que portaient Paul Ricoeur.

Et il finit son article par le rappel de l’Emmanuel qui l’enthousiasmait :

« Rappelons que tu avais alors, Emmanuel, salué le courage et l’humanité d’Angela Merkel, qui a payé électoralement la fermeté de ses positions éthiques. C’est ce que j’attendais de toi et n’attends plus, me rappelant simplement avec mélancolie un autre Emmanuel, qui suscitait mon enthousiasme lorsqu’il déclarait, lors de sa campagne à Marseille, le 1er avril 2017, devant une foule enthousiaste et pleine d’espérance : « Quand je regarde Marseille, je vois une ville française façonnée par deux mille ans d’histoire, d’immigration, d’Europe, du Vieux-Port à Saint-Loup en passant par le Panier », et d’ajouter : « Je vois les Arméniens, les Comoriens, les Italiens, les Algériens, les Marocains, les Tunisiens, les Maliens, les Sénégalais, les Ivoiriens, j’en vois des tas d’autres, que je n’ai pas cités, mais je vois quoi ? Des Marseillais, je vois des Français, ils sont là et ils sont fiers d’être français. »

Trois ans après cet article, il a publié en mars 2022, un second livre sur Emmanuel Macron dont j’ai choisi le titre pour exergue : « Macron ou les illusions perdues. »

Le sous-titre de ce livre, bilan du quinquennat était : «  les larmes de Paul Ricoeur. »

<Philosophie Magazine> pose, à propos de ce livre, la question :

« Est-ce un portrait d’Emmanuel Macron en Lucien de Rubempré ? »

Rappelons que Lucien de Rubempré est un des personnages de la Comédie humaine de Balzac et qu’il occupe le rôle principal dans les deux livres : « Splendeur et misère des courtisanes » et « Les illusions perdues » qui décrivent l’ascension et la chute de cet ambitieux qui veut se faire une place dans la haute société parisienne.

Dans ce second livre, la critique de François Dosse va plus loin que la seule remise en cause au sujet de l’immigration. :

« Mais, de manière plus générale, c’est la politique macronienne dans son ensemble que condamne Dosse en détaillant aujourd’hui les motifs de son mécontentement. Pratique verticale d’un pouvoir jupitérien, politique économique néolibérale, relégation de l’enjeu écologique au second plan, lois liberticides pendant la pandémie, caporalisation de l’Éducation nationale… Les griefs ne manquent pas dans ce véritable réquisitoire. »

Parallèlement à ce livre, François Dosse a publié sur le site : « AOC », le 10 mars 2022, un article d’opinion : « Macron ou le peuple de gauche floué  »

C’est un article d’une belle profondeur intellectuelle et qui énumère les renoncements et les contradictions de notre président .

Fraçois Dosse fait le constat de la dévitalisation de notre vie politique et de l’atonie des partis politiques, éléments essentiels de la vie démocratique. Il reconnaît qu’Emmanuel Macron n’est pas le seul « responsable de l’atonie idéologique ambiante ni de l’absence de projet de société, » mais il porte sa part. Car, bien loin de sa promesse de renouvellement des pratiques politiques il a sombré très vite dans les pratiques les plus médiocres de l « ancien monde »

Et François Dosse oppose l’espoir de 2017 avec la décourageante pratique qu quinquennat :

« On aurait pourtant pu croire, et je l’ai cru en 2017, […] qu’Emmanuel Macron ne serait pas un simple gestionnaire du système en place mais pourrait profiter de la liberté que lui donnait une majorité absolue à l’Assemblée nationale pour bousculer quelques conventions et diriger une politique de modernisation et de justice sociale. […]

Je pensais en 2017 que le nouveau président s’attacherait à articuler justice et égalité dans la perspective que définissait Ricœur comme la construction d’« une vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes ». Au plan politique, cette éthique impliquait une stratégie de rupture avec la logique capitaliste qui a pour effet d’accroître les inégalités. On pouvait penser que l’annonce par Macron d’un « nouveau monde » allait progresser dans ce sens. Il n’en a rien été, et le nouveau président n’a jamais remis en question le principe de maximisation du profit propre au système capitaliste ; il en a au contraire renforcé ses traits les plus inégalitaires. »

Et il cite à nouveau Paul Ricoeur, (« Justice et Marché. Entretien entre Michel Rocard et Paul Ricoeur », Esprit, n° 1, janvier 1991, p. 8.) :

« Ce qu’il faut commencer par contre, sans tarder, c’est la critique du capitalisme en tant que système qui identifie la totalité des biens à des biens marchands. »

Macron se réclamait aussi de Michel Rocard qui l’a soutenu en 2017. Depuis Michel Rocard est mort. J’ai la faiblesse de croire que Rocard non plus n’aurait pas approuvé l’évolution de notre jeune président.

Dans le même article, page 6, Ricoeur suggérait :

« l’idée que la société en tant que réseau d’institutions consiste avant tout en un vaste système de distribution, non pas au sens étroitement économique du terme distribution opposé à production, mais au sens d’un système qui distribue toutes sortes de biens : des biens marchands, certes, mais aussi des biens tels que santé, éducation, sécurité, identité nationale ou citoyenneté. ».

François Dosse cite alors avec regret les espoirs que Macron suscitait dans son livre « Révolution » (page 138)

« Faire plus pour ceux qui ont moins […] Sans solidarités, cette société tomberait dans la dislocation, l’exclusion, la violence – la liberté de choisir sa vie serait réservée aux plus forts, et non aux plus faibles »

Dans mon analyse, je fais deux grands reproches à Macron, le premier est sur sa manière de gouverner en solitaire, sans s’appuyer sur les corps intermédiaires, sans faire appel à un travail d’équipe. Le second est sur son analyse de la société économique : Il prétend qu’il n’y a a pas assez de riches, il encourage les jeunes à se fixer comme but de vie de devenir milliardaire, alors que l’évolution qu’on constate est l’accroissement des inégalités de revenus et encore plus de patrimoine, une inversion de la tendance observée après 1945. François Dosse exprime la même désapprobation :

« […]comme l’a montré Thomas Piketty, à un renversement de tendance à l’échelle internationale. Après une période de réduction des inégalités correspondant à la période d’après-guerre, le monde occidental a connu un accroissement spectaculaire des inégalités sociales.  […]

« Lorsque Macron arrive à l’Élysée en 2017, il est donc confronté à un processus d’accroissement des inégalités qu’il aurait dû essayer d’enrayer au nom de la justice et de la mission du politique à œuvrer à la mise en place d’institutions justes. Or, il a fait strictement le contraire en favorisant les plus riches. »

Et concernant sa pratique du pouvoir, François Dosse montre aussi sa duplicité entre ce qu’il écrivait dans un article (Emmanuel Macron, « Les labyrinthes du politique. Que peut-on attendre pour 2012 et après ? », Esprit, mars/avril 2011.), alors qu’il se préparait à soutenir Hollande :

«  Macron […] mettait en garde contre le caractère trop vertical du pouvoir politique. Il y défendait la nécessité d’instiller davantage d’horizontalité pour redynamiser une démocratie souffrant de langueur, attestée par la part croissante de citoyens éloignés des sphères de décision, finissant par s’abstenir massivement lors des échéances électorales . […] Il stigmatisait alors les effets délétères sur la vie démocratique de l’extrême polarisation de la vie politique autour de la seule élection présidentielle : « Le temps politique vit dans la préparation de ce spasme présidentiel autour duquel tout se contracte et lors duquel tous les problèmes doivent trouver une réponse. » Il prenait alors ses distances avec cette tendance de la Ve République à s’orienter vers toujours plus de présidentialisation, qui a pour effet d’écraser sous son poids toute la vie politique du pays. »

Et son action présidentielle :

« Or, lorsqu’il prend le pouvoir en 2017, Macron transforme le pouvoir présidentiel en autorité jupitérienne. Sa pratique de la Constitution aura contribué à abaisser davantage le rôle de la représentation parlementaire réduite plus que jamais à la fonction d’approbation des décisions élyséennes. »

Cette posture construit un pouvoir isolé et n’ayant plus de moyens pour apaiser les conflits :

« En période de crise, cet anachronisme peut se révéler dangereux car le président n’a plus de fusible ; il s’en est dépossédé pour détenir tous les leviers de décision. Démuni du cordon sanitaire que représentent les corps institués que sont son gouvernement, son parlement, les partis politiques, il fait face, seul, à la foule et entretient chez elle le désir d’en découdre, ce qui explique la virulence des oppositions qui se sont manifestées lors de la crise des gilets jaunes. »

Dans cet article, écrit avant l’élection présidentielle, François Dosse exprime l’ampleur de sa déception dans ses mots :

« Ayant cru à un enracinement dans les convictions exprimées par Ricœur, je découvre en fait une forme de cynisme pour conserver le pouvoir qui tient davantage de Machiavel – sur lequel notre jeune président a consacré son premier travail de philosophie. »

Et il finit par cette prophétie inquiétante :

« Par sa pratique jupitérienne du pouvoir, Macron n’aura pas cherché à s’inspirer des travaux des chercheurs en sciences humaines et plus généralement il se sera passé des conseils des intellectuels. Il aura confondu ce que doit être l’impératif de gouverner un pays et ce qu’est gérer une entreprise, perdant dans cette confusion l’idée d’un cap à fixer et d’un horizon d’attente et d’espérance à définir. Si sa marche est de nouveau confirmée par les électeurs en 2022, elle nous conduira inévitablement à la catastrophe car la gestion d’une nation comme une start-up ne peut répondre aux exigences du nouvel âge dans lequel nous sommes entrés, celui de l’Anthropocène. Peut-être, notre devenir rejoindra avec la réélection de Macron le titre de son livre de campagne en 2017, Révolution, est-ce vraiment souhaitable ? »

Au lendemain des élections législatives nous pouvons dire que pour l’instant Jupiter est empêché. Mais les opposants seront-ils à la hauteur des enjeux pour essayer de redresser la marche vers des objectifs davantage tournés vers l’équité, l’humanisme et les grands défis auxquels est confrontée notre civilisation humaine ?

<1687>

 

Jeudi 23 juin 2022

« Le Portsmouth Sinfonia : le pire orchestre du monde. »
Un ensemble de musique créé par Gavin Bryars

La constitution d’un gouvernement en France est devenue délicate depuis dimanche…

Prenons un peu de recul et parlons d’autre chose.

Quoique, je me demande s’il n’est pas possible de trouver des correspondances entre notre situation politique française et le sujet du mot du jour d’aujourd’hui.

Commençons par un exemple audio qui nous met dans l’ambiance.

Même celles et ceux qui n’ont aucune affinité avec la musique classique connaissent le début du poème symphonique de Richard Strauss : « Ainsi parlait Zarathoustra ». Cette œuvre a été souvent utilisée dans la publicité et dans les films et notamment en ouverture du film « 2001, l’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick », illustrant l’alignement entre la Lune, la Terre et le Soleil, ainsi que dans L’aube de l’humanité et dans la scène finale du film.

Je vous invite donc à écouter le début de cette œuvre, après avoir subi la publicité qui permet la gratuité, dans l’interprétation de l’orchestre du <Portsmouth Sinfonia : « Also sprach Zarathustra »>

C’est un moment décapant, absolument unique dont on sort par une espèce de sidération : C’est un disque qui a été enregistré et que des gens ont acheté !

<Portsmouth> est une ville portuaire de la côte sud de l’Angleterre qui compte 205 400 habitants et qui est la deuxième plus grande ville du Hampshire, après Southampton.

Et c’est dans cette rieuse cité qu’a commencé, en 1970, cette histoire étonnante que l’émission de « France Musique » : Maxxi Classique a raconté, le jour de la fête de la musique, le 21 juin 2022.

L’histoire est celle d’une initiative baroque du compositeur Gavin Bryars : créer le Portsmouth Sinfonia

Cet orchestre dispose d’une page Wikipedia : <Portsmouth Sinfonia>

Et aussi d’un site qui lui est dédié : https://www.portsmouthsinfonia.com/

On trouve de nombreuses références sur internet qui parle de cette expérience disruptive. Par exemple : « Je vous assure que cet orchestre joue faux ! »

Mais revenons à l’émission de France Musique < Le Portsmouth Sinfonia : Le pire orchestre du monde >

Le musicologue Max Dozolme narre cette histoire incroyable

« Mai 1970. Dans la cantine du College of Art de Portsmouth, des étudiants et des professeurs d’art prennent le thé. Ensemble, ils imaginent comment ils pourraient participer à une émission anglaise populaire qui doit avoir lieu dans quelques jours au sein de leur école. Cette émission qui porte le nom d’Opportunity Knocks est un télécrochet, une sorte d’ancêtre du programme La France a un incroyable talent. Ce jour-là, un professeur invité qui anime un cours sur la musique expérimentale a une idée ! Et si nous formions un orchestre symphonique qui réunirait des étudiants musiciens et non-musiciens ? Et si pour plus d’égalité, on demandait à tous ces étudiants de choisir un instrument qu’il ne maîtrise pas du tout ? Ça pourrait être une bonne idée non ?

Le professeur à l’origine de la fondation du Portsmouth Sinfonia se nomme Gavin Bryars. Il a 26 ans, il est compositeur, très bon contrebassiste mais dans cet orchestre qu’il vient de créer il a décidé de jouer de l’euphonium, l’instrument le plus grave du pupitre de cuivres. Comme de nombreux étudiants de l’orchestre ne savent pas lire de partitions et connaissent mal le répertoire symphonique, la première oeuvre que le Portsmouth Sinfonia a choisi d’apprendre est un tube de la musique classique. Un air que l’on entend dans des publicités, des dessins animés et des westerns qui a l’avantage d’être connu de tous. Il s’agit de l’ouverture de Guillaume Tell de Rossini !

Parce que même dans cette version saccagé le public a tout de suite reconnu le thème musical de Rossini et probablement parce le concept de cet orchestre a été jugé particulièrement original, le Portsmouth Sinfonia a été désigné grand vainqueur de l’émission Opportunity Knocks ! Ce succès a sans doute donné des ailes aux musiciens car après cette première expérience, la formation a donné plusieurs concerts dont un mémorable au prestigieux Royal Albert Hall de Londres en 1974 !

Pour la petite histoire, c’est grâce aux contacts de Brian Eno, membre éminent de l’orchestre que le Portsmouth Sinfonia a pu enregistrer son tout premier disque en 1973. Suivront un album de reprises de chansons salué par le chanteur des Who Pete Townshend et de nombreux autres concerts jusqu’à une dernière représentation donnée à Paris en 1980. Depuis cette représentation parisienne, le Portsmouth Sinfonia n’a plus jamais joué ensemble mais il a inspiré la création d’autres formations similaires et qui sait, peut-être qu’un jour cet orchestre se reformera, pour le meilleur et surtout pour le pire ! »

L’émission est enrichie par plusieurs extraits musicaux, interprétés ou plutôt massacrés par cet orchestre fantasque.

Max Dozolme résumait cet orchestre ainsi :

« le Portsmouth Sinfonia répétait avec sérieux, donnait des concerts au Royal Albert Hall et enregistrait des œuvres symphoniques. Problème, aucun musicien ne savait jouer de son instrument. […]

Toutefois, l’article cité : « Je vous assure que cet orchestre joue faux ! » précise : « Il n’y avait pas d’audition préalable , le seul critère d’admission était que le musicien ait une connaissance, au moins minimale, d’un instrument y compris pas du tout. Plus en détail, le processus était le suivant. Les musiciens les plus capables, disons crédibles, échangeaient leurs instruments avec d’autres, tandis que quelques interprètes d’un niveau « décent », conservaient le leur afin de préserver une certaine «cohérence» à minima. »

Libre à vous de trouver un lien entre ces instants de cacophonie et ce qui se passe actuellement dans les cercles du pouvoir à Paris.

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