Les deux premiers mots du jour de la semaine concernait le Web et notamment son inventeur d’il y a 30 ans : Tim Berners-Lee. Pour finir cette semaine je veux évoquer un autre mythe du Web.
Aaron Schwartz est connu par tous celles et ceux qui ont une culture numérique et se sont intéressés au début du Web.
C’était un génie il est né le 8 novembre 1986 et il s’est donné la mort à 26 ans parce que le monde était contre son idéalisme de partage des connaissances et de coopération.
Il était à la fois technicien de l’informatique, inventeur et penseur politique. Il écrivait beaucoup. Un livre paru en 2017 en France : « Celui qui pourrait changer le monde » rassemble ses principaux textes qui reflètent son engagement intellectuel sur des enjeux sociétaux dont le droit d’auteur, la liberté d’accès des connaissances et des savoirs dont les publications scientifiques ou la transparence en politique.
La préface de ce livre de Lawrence Lessig, professeur de Harvard, autre grand penseur d’Internet que j’ai déjà évoqué plusieurs fois.
D’abord en parlant de son célèbre article de 2000 «The code is Law», «le code est Loi». Et aussi par le mot du jour du <23 juin 2017> où il exprimait qu’«Aujourd’hui dans toutes les grandes démocraties, nous avons le sentiment que le système a failli»
Lawrence Lessig était particulièrement admiratif de ce jeune homme.
Wikipédia nous apprend que malgré son jeune âge et bien qu’il n’ait pas les diplômes requis, Lawrence Lessig le nomme chercheur dans le centre de recherche le « Safra Center for Ethics » axé sur la corruption institutionnelle de l’université Harvard. Au début de leur relation, le juriste était comme un professeur pour Aaron, « mais à la fin, c’était lui mon mentor et moi son élève… ».
Lawrence Lessig le présente de la manière suivante :
« Aaron a appris plus de choses que la plupart d’entre nous n’en apprendront jamais et il a élaboré plus de choses que la plupart d’entre nous n’en élaboreront jamais. […] Peu d’entre nous auront jamais une influence, ne serait-ce que vaguement comparable, à celle qu’a eue ce garçon ».
Wikipedia nous rapporte ses actions selon son âge :
- À 12 ans, il crée The Info Network, une encyclopédie éditée par les internautes, qui repose sur un principe de collaboration ouvert aux internautes comme Wikipédia10.
- À 13 ans, il reçoit l’ArsDigita Prize, qui récompense les jeunes gens ayant créé des sites non commerciaux « utiles, éducatifs et collaboratifs ». Le titre lui donne droit à un voyage au MIT, où il rencontre des personnalités importantes du web. Cette même année, sa rencontre avec le juriste et théoricien du droit de l’internet, Lawrence Lessig lors d’une conférence TED fut le point de départ d’une longue collaboration.
- À 14 ans, il participe à l’élaboration de la spécification 1.0 du format RSS, une technologie permettant de recevoir en direct les mises à jour de sites web.
- À 15 ans, il contribue au développement informatique de la licence Creative Commons, alternative aux licences du droit d’auteur standard. Dans cette perspective de l’accès libre du droit d’auteur, Aaron Swartz était particulièrement admiratif de Tim Berners-Lee, l’un des principaux créateurs du World Wide Web, du fait de son initiative de laisser sa création libre et gratuite pour qu’elle puisse bénéficier à un large public.
Je vous laisse lire tous les détails sur Wikipedia et d’autres liens que je donnerais à la fin de ce mot du jour. Je résume simplement.
Ce que le monde de l’économie lui reprochait c’est qu’il trouvait la propriété intellectuelle moins importante que le partage forcément gratuit des connaissances. Car lui n’était absolument pas intéressé par l’argent.
Alors, il a fait des choses que la Loi américaine ne permettait pas
Durant son jeune âge, il expérimente ce principe de liberté d’accès des contenus encyclopédiques en utilisant les collections numériques de la bibliothèque du Congrès américain. Utilisant une partie de ses économies pour acquérir les droits des collections numériques, il organise la publication sur le Web des archives des millions de documents sur l’histoire et la culture américaine pour les rendre disponibles en ligne, gratuitement.
Le 19 juillet 2011, il est accusé d’avoir téléchargé 4,8 millions d’articles scientifiques disponibles sur le site de JSTOR qui est une bibliothèque numérique de publications universitaires payantes. Ce n’est pas l’organisation JSTOR qui a pas pris l’initiative de la démarche judiciaire, mais le procureur des États-Unis Carmen Ortiz qui a engagé des poursuites contre Aaron Swartz dans le but de le faire arrêter. La Justice américaine ne pouvait tolérer cet acte qui constituait une révolution dans le fonctionnement de l’économie de la connaissance.
Après la révélation de ses agissements, Aaron Swartz retourne les disques durs contenant les articles, en promettant de ne pas les diffuser. JSTOR décide alors de ne pas entamer de poursuites judiciaires. Néanmoins le bureau du procureur maintient cependant ses poursuites. Le MIT, traditionnel soutien de l’internet libre, choisit de ne pas soutenir Swartz.
Le 11 janvier 2013, Aaron Swartz s’est pendu dans son appartement de Brooklyn. Son procès fédéral en lien avec ces accusations de fraude électronique devait débuter le mois suivant. En cas de condamnation, il encourait une peine d’emprisonnement pouvant atteindre 35 ans et une amende s’élevant jusqu’à 1 million de dollars.
Lors du mot du jour du mardi j’ai donné le lien vers une émission de France Culture : <Qui a trahi le Web ?>. Parmi les intervenants, Hervé Gardette avait invité Flore Vasseur auteure du livre : <Ce qu’il reste de nos rêves>.
La <Grande Librairie> a également invité Flore Vasseur pour parler de ce livre, ainsi que <La Librairie Mollat>.
Ce livre est consacré à Aaron Schwartz.
<Le site Le lanceur> parle de ce livre avec ces termes : « Aaron Swartz, lanceur d’alerte sublimé par les mots de Flore Vasseur ». Il donne aussi la parole à Flore Vasseur :
« Aaron était le meilleur d’entre nous.
Il était adoubé par ses pairs, chéri par sa famille et avait assemblé les moyens de sa liberté – la création de REDDIT, 6e site au monde, l’a rendu millionnaire.
Et même lui n’a pas tenu.
À travers ce récit, je pense à celles et ceux qui doutent et s’interrogent sur l’effondrement que nous sommes en train de vivre et les inégalités, la corruption morale qui le sous-tend. Car c’est mon cas depuis le 11 Septembre. Ce doute, cette colère s’incarnent en plein d’endroits, les Gilets Jaunes mais aussi les artistes, les lanceurs d’alerte, les activistes qui se lèvent et agissent. Et cela ne date pas d’hier. Le « système » a passé son temps à nous diviser en faisant passer tous ces gens-là, nous au fond qui doutons, qui ne voulons pas nous conformer, obéir ou accepter, pour des ringards, des anarchistes, des complotistes. Si nous sommes dangereux, c’est uniquement à l’égard d’un système qui veut que rien ne change.
Comme Aaron Swartz l’a été, dangereux, en son temps. Ce qu’il n’a pu comprendre, c’est que nous ne sommes pas seuls, que cela passe par nous mais que nous ne sommes pas tout. Il y a une force incroyable à tirer de l’humilité qui consiste à croire que chacun est un maillon dans la chaîne des changements à opérer.
Snowden dit la même chose : il faut poser sa brique et accepter que cela ne soit que ça. »
Et voici les liens promis :
D’abord une page de « France Culture » : < Aaron Swartz : « Celui qui pourrait changer le monde »> avec des liens vers d’autres pages et émissions
Puis un article de « SLATE » : <Aaron Swartz, les mystères d’un idéaliste>, un très long article publié juste après sa mort en mars 2013
« LE MONDE » me donne l’opportunité de proposer deux articles : <Aaron Swartz, itinéraire d’un enfant du Net> qui présente un documentaire qui lui ait consacré
Cet article cite aussi son père Robert Schwarz :
« Jobs et Wozniak ont lancé Apple en créant des boîtiers pour téléphoner gratuitement en piratant les réseaux. Bill Gates a lancé Microsoft en utilisant les ordinateurs de la fac, ce qui était strictement interdit. La seule différence entre Jobs, Gates et Aaaon, c’est que lui voulait rendre le monde meilleur, pas gagner de l’argent. »
<L’esprit d’Aaron Swartz plane toujours sur le Web> article qui a été publié en 2017.
Et enfin, un article de « Usbek et Rica » le magazine trimestriel qui « explore le futur » et qui constitue une lecture très stimulante : <Aaron Swartz, martyr éternel de l’Internet libre> aussi consacré au livre de Flore Vasseur.
Et je voudrais finir par une photo publiée justement par usbeketrica, elle date de 2001. Aaron Schwarz a 15 ans et il parle au grand Lawrence Lessig qui a 40 ans.
Qu’est ce qui mieux que cette photo qui montre ce moment d’échange entre un professeur reconnu de 40 ans avec un jeune de 15 ans permet de comprendre l’extraordinaire intelligence de ce brillant jeune homme que le monde des rapaces et de l’argent a conduit au suicide.
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