Nicolas Hulot a démissionné du gouvernement le 28 août sur les ondes de France Inter.
Lors de cette émission, il a donné son point de vue et ses convictions.
Il a d’abord justifié sa démission parce que le gouvernement actuel de la France ne prend pas suffisamment en compte, selon son échelle d’exigence, l’urgence écologique et climatique.
Il s’est lancé dans un réquisitoire assez cinglant :
« Est-ce que nous avons commencé à réduire l’utilisation des pesticides ? La réponse est non.
Est-ce que nous avons commencé à enrayer l’érosion de la biodiversité ? La réponse est non.
Est-ce que nous avons commencé à nous mette en situation d’arrêter l’artificialisation des sols ? La réponse est non »
Il a dit son amitié pour le président de la république et le Premier Ministre mais a ajouté :
« Sur les sujets que je porte, on n’a pas la même grille de lecture. »
Il a aussi exprimé sa solitude :
« Ai-je une société structurée qui descend dans la rue pour défendre la biodiversité ? Ai-je une formation politique ? Est-ce que les grandes formations politiques et l’opposition sont capables de se hisser au-dessus de la mêlée pour s’entendre sur l’essentiel. »
Il a surtout donné des exemples concrets dont s’est félicité le gouvernement et qui selon lui sont à l’opposé de ce qu’il faudrait faire :
« Je me suis moi-même largement prononcé sur des traités comme le CETA et on va en avoir une floppée d’autres[…]
Où est passée la taxe sur les transactions financières ? […]
Le nucléaire, cette folie inutile, économiquement, techniquement dans lequel on s’entête.
Les grandes tendances demeurent. La remise en cause d’un modèle agricole dominant n’est pas là. On recherche une croissance à tout crin. Sans regarder ce qui appartient à la solution et ce qui appartient au problème. […]
Quand on se réjouit – ça va vous paraître anecdotique – de voir sortir de Saint-Nazaire un porte-conteneurs qui va porter 50 000 conteneurs. Superbe performance technologique. Est-ce bon pour la planète ? La réponse est non. […]
On se fixe des objectifs mais on n’en a pas les moyens parce qu’avec les contraintes budgétaires, on sait très bien à l’avance que les objectifs qu’on se fixe, on ne pourra pas les réaliser. Voilà ma vérité. »
Mais son avis le plus fort et le plus structurant est une dénonciation du système économique actuel :
« On s’évertue à entretenir voire à ranimer un modèle économique, marchand qui est la cause de tous ces désordres .
On n’a pas compris que c’est le modèle dominant [Le libéralisme ] qui est la cause. Est-ce qu’on le remet en cause ?»
Mais les libéraux ne sont pas d’accord.
Dominique Seux, Directeur délégué de la rédaction des Echos et chroniqueur économique sur France Inter a dit le lendemain, aussi pendant le 7-9 de France Inter :
« C’est clair : il faut refroidir l’économie, qui consomme et épuise trop d’énergies qui dégradent la nature et compromettent l’avenir de l’espèce humaine.
L’ami Thomas Legrand a été frappé par les porte-containers, on peut trouver plus absurde encore que l’on puisse traverser l’Europe en avion pour quelques dizaines d’euros parce que le kérosène est détaxé alors que le transport aérien émet du CO2.
Mais la question sous-jacente est de savoir si la transition énergétique, qui doit être plus rapide qu’on ne le pensait encore en 2015, peut se faire dans le cadre de l’économie de marché et -disons-le- du capitalisme.
La plupart des écologistes pensent que non, Nicolas Hulot aussi. On peut penser l’inverse. Avec de puissantes incitations et obligations, seul le capitalisme a les moyens d’investir, d’innover, de trouver les compromis entre la science et de nouveaux modes de vie. Ce sont des entreprises qui inventent et le solaire de demain et les véhicules électriques, dont on aura encore besoin pour se déplacer. »
Et c’est Daniel qui m’a signalé un article d’Eric Le Boucher avec lequel j’ai cru comprendre qu’il était d’accord : <Nicolas Hulot n’en serait pas là s’il avait développé une écologie applicable>.
C’est un article publié sur le site Slate.fr le 28 août 2018
Le journaliste pose la question d’une écologie non pas marquée par les quotas et les règlements imposés, mais alliée de la science, des technologies et de l’économie.
Il écrit :
« Mais le problème est général. Les militants verts estiment que l’écologie doit être imposée «politiquement» à l’économie comme un objectif supérieur, celui de la préservation de la planète. De même que des militants de gauche considèrent que le capitalisme est intrinsèquement mauvais, les Verts idéologues croient l’économie intrinsèquement nocive. Certains vont jusqu’à penser que la solution ne sera trouvée que dans la décroissance, tous pensent que les entreprises doivent être légalement forcées dans la bonne voie.
Dès lors, le succès d’un ministre est mesuré au nombre de quotas, de règlements, d’interdictions, de lois qu’il sait faire passer dans son gouvernement contre «les lobbies» des agriculteurs (productivistes) et des industriels (pollueurs) et contre Bercy qui en est le porte-parole.
[…]
Plutôt que de crier contre l’échec du gouvernement et de se lamenter, les Verts feraient mieux de réfléchir sur le leur. Comment inventer une écologie alliée de la science, des technologies et de l’économie? Comment dépasser les slogans du type «l’écologie va engendrer à un nouveau modèle de croissance qui va créer des millions d’emplois»? Comment trouver des solutions concrètes, applicables »
Ce sont deux visions très différentes de la solution à construire.
En première analyse je suis plutôt en phase avec la position de Hulot, c’est le capitalisme libéral, son addiction à la croissance et son moteur de cupidité qui sont en contradiction avec l’objectif de sauver la vie des humains sur terre.
Mais si on prend un peu de recul, on peut légitimement s’interroger :
Le monde des humains a longtemps été régi par une litanie de règles et de contraintes imposées par les religions et ceux qui parlaient en leur nom.
Peu à peu le monde libéral a affranchi les hommes en leur donnant la liberté de créer, d’entreprendre, d’inventer.
Contre les excès du monde libéral s’est élevé le communisme qui a voulu contraindre, encadrer, planifier, normer.
Le résultat fut catastrophique.
Les communistes ont encore davantage négligé la nature que les libéraux (comme par exemple la mer d’Aral).
Et surtout ils ont anesthésié la liberté, en allant de plus en plus loin dans la brutalité, l’enfermement. Il n’y avait plus d’opposants mais des dissidents qui étaient considérés comme fous qu’on devait soigner dans des hôpitaux psychiatriques.
Alors imaginons un monde de contraintes, de normes, de règles avec pour objectif cette noble cause de sauver l’espèce humaine.
On trouvera certainement un Staline écologique, entourés de soldats fidèles. Tous ceux qui ne suivront pas les règles édictées seront forcément fous, comment ne pas se soumettre à la cause suprême de la survie des humains ?
Alors, je ne rejetterai pas si vite la voie libérale, même si je ne partage pas l’enthousiasme dans les vertus du marché libre et non faussé que défendent Dominique Seux et Eric Le Boucher.
<1108>
Oui, je crois effectivement que le choix de Nicolas Hulot était une erreur de casting ou plutôt une tromperie pour donner une image plaisante à l’opinion.
Oui, je crois que chacun devrait déjà regarder comment il vit avant de jeter des anathèmes sur le système
Oui je crois qu’on ne peut pas se dire favorable à l’écologie et dire « croissez, multipliez » comme le fait le Pape actuel
Oui je crois que le capitalisme libéral dont je hais les excès est malgré le mieux placé pour trouver des solutions, surtout si les classes aisées et moyennes des pays développés adoptent les attitudes qui lui imposeront des choix économiques