Vendredi 14 avril 2017

Vendredi 14 avril 2017
« Web people vs wall people
Le peuple du web contre le peuple du mur»
Thomas Friedman article du New York times
C’est lors de l’émission du Grain à moudre du 7 avril que j’ai été orienté vers un article du Point de Brice Couturier qui analysait le point de vue d’un journaliste du New York Times qui avait essayé d’expliquer la victoire de Trump par cette opposition entre celles et ceux qui font partie du peuple du Web et celles et ceux qui appartiennent au peuple du mur.
L’article du New York Times se trouve derrière ce lien : https://www.nytimes.com/2016/07/27/opinion/web-people-vs-wall-people.html?_r=0
L’émission du Grain à Moudre avait pour objet ce sujet :  <Le non au référendum de 2005 sera-t-il entendu en 2017 ?>
Thomas Friedman que Brice Couturier présente comme le chantre de la mondialisation (La terre est plate, Saint-Simon, 2006) a caractérisé les récentes élections américaines comme une lutte politique entre le « peuple du mur » (Wall People) et le « peuple du Web » (Web People).
De manière intuitive on comprend bien cette opposition entre ceux qui souhaitent construire  des murs pour se protéger ainsi que leur espace territorial des influences étrangères, de la concurrence de tout ce qui peut remettre en cause leur manière de vivre, leurs traditions, leurs nations et ceux qui à l’aise dans le monde numérique s’attachent moins à l’adresse territoriale qu’à l’ouverture vers le monde, les échanges et au destin individuel.
Thomas Friedman décrit les membres du peuple du mur comme
«revendiquant des communautés d’appartenance stables, l’insertion dans le cadre d’une histoire et d’une géographie particulières qui confèrent à leur vie un horizon de sens. Ils veulent « vivre et travailler au pays ». Et en compagnie de gens qui leur ressemblent…» alors que les membres du peuple du web « comprennent qu’à une époque de changements rapides les systèmes ouverts sont plus souples, plus résilients, qu’ils confèrent de l’élan.»
Et il ajoute :
«Les premiers rêvent de se protéger par de hauts murs. Les seconds répliquent que toutes les lignes Maginot de l’Histoire ont été contournées.»
Si le premier tour des présidentielles est conforme aux sondages actuels, nous aurons un second tour qui n’opposera pas un candidat de gauche et un candidat de droite mais un représentant du peuple du web contre une représentante du peuple du mur.
De sorte que ce ne serait plus le classement droite/gauche qui est déterminant mais le rapport à la mondialisation qui redéfinirait les clivages politiques. Cette vision est partagée par Marine Le Pen et Emmanuel Macron qui tous deux estiment le clivage droite/gauche obsolète alors qu’il reste le ciment de François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoit Hamon.
Brice Couturier écrit :
«Marine Le Pen appelle « les patriotes de gauche et de droite » à la rejoindre. Contre « la mondialisation dérégulée » et « l’immigration massive », elle présente un programme souverainiste intégral : priorité nationale, monnaie nationale, solidarité nationale. Pour elle, le clivage droite-gauche a perdu toute signification. Celui qui compte oppose désormais les élites mondialisatrices et les peuples, en mal de sécurité et de protection. La PME lepéniste a achevé sa mue. Sous la férule du couple Marine Le Pen-Florian Philippot, le Front national est parvenu à s’emparer de l’espace politique que convoitait Jean-Pierre Chevènement (qui fut le premier modèle de Florian Philippot) il y a quinze ans : « ni de droite ni de gauche », comme le « pôle républicain » du « Che ». La preuve, c’est que l’antipode de son programme ne se situe plus à l’extrême gauche, chez Jean-Luc Mélenchon, mais bien du côté d’Emmanuel Macron. Celui-ci est, en effet, le seul candidat à présenter l’intégration européenne et la mondialisation comme autant de chances pour la France.
Le fondateur de la start-up politique En marche ! fait le constat que la droite et la gauche sont divisées en leur sein quant aux réponses à apporter aux révolutions du XXIe siècle : robotisation, ubérisation, nouvelle donne internationale. À ses yeux, le conflit politique central oppose désormais ceux qui veulent accompagner ces bouleversements, afin d’en tirer parti, à ceux qui croient possible de s’y opposer. Les progressistes et les conservateurs, selon sa typologie. L’affrontement droite-gauche ? Une survivance. Une manière pour les professionnels de la politique de justifier une rente de situation.
La fin du cycle historique ordonné à la distinction droite-gauche.»
Dans son article Brice Couturier fait une revue des idées et des livres sur ce sujet :
« Cette distinction recoupe en bonne part celle qu’établit Alain de Benoist dans son dernier livre, Le Moment populiste. Droite-gauche, c’est fini ! (Pierre-Guillaume de Roux). Selon lui, nous vivons la fin du cycle historique ordonné à la distinction droite-gauche. Et le « moment populiste » est « le révélateur d’une crise ou d’un dysfonctionnement grave de la démocratie libérale ». Les « élites libérales », sûres de la supériorité morale de leur programme « d’ouverture », préféreraient « gouverner sans le peuple – et finalement contre lui », selon Alain de Benoist.
 » Nos gouvernements ne nous représentent plus, ils nous surveillent « , déplore, de son côté, le libéral-conservateur Pierre Manent. En effet, généralement acquises au multiculturalisme, les élites dirigeantes des démocraties occidentales ont longtemps fait la leçon à des populations réticentes. Elles ont été relayées par des médias peuplés de directeurs de (bonne) conscience qui instrumentalisent l’antiracisme pour imposer le politiquement correct. […]
Alain de Benoist estime que la gauche et la droite se sont trahies toutes les deux. La première, en faisant exploser le « front de classe » en une myriade de mouvements revendicatifs identitaires qui n’aspirent plus à transformer la société, mais à s’y faire une meilleure place au détriment des autres. Il rejoint ainsi Marcel Gauchet, pour qui la transformation de la gauche en un « parti des droits » est une manière, dégradée, de « recycler son projet d’émancipation ». La seconde, parce qu’elle s’est donnée, par méfiance envers le peuple, au libéralisme. Or celui-ci provoque, selon Benoist, la destruction de tout ce qui aurait mérité d’être conservé. Et en particulier les peuples en tant que communautés culturellement homogènes et corps politiques se gouvernant eux-mêmes. Le capitalisme mondialisé provoque la désaffiliation des individus (Robert Castel) ; il liquéfie les liens sociaux (Zygmunt Bauman) ; il sape toutes les identités, en particulier celles qui, émanant des appartenances de classe (Jean-Claude Michéa), soutenaient les grands ensembles politiques – libéralisme versus socialisme. […]
L’historien des idées Arnaud Imatz, auteur de Droite-gauche. Pour sortir de l’équivoque (P.-G. de Roux, 2016), montre que, sur la plupart des grands thèmes, gauche et droite n’ont cessé d’échanger leurs positions au cours du temps. Le colonialisme, en France, a été une entreprise de gauche, que la droite dénonçait comme une diversion dans la nécessaire revanche contre l’Allemagne. La défense de l’individu est née à gauche, avant de passer à droite. Aujourd’hui, des questions fondamentales comme la place de l’islam et la laïcité, les rapports avec la Russie ou la forme que doit prendre la poursuite du projet d’intégration européenne divisent non la gauche et la droite, mais chacune d’entre elles. […] »
En réalité il peut exister deux lectures négatives de la mondialisation celles par les classes sociales et celle par l’identité.
Celles par les classes sociales met en avant l’effet de la mondialisation dans le creusement des inégalités dans nos pays en créant des gagnants et des perdants. Cette lecture avantage la Gauche car c’est une analyse qui met en avant l’étude des revenus et des patrimoines.
La lecture par l’identité. Elle met l’accent sur la perte de repère en raison de l’ouverture des frontières, des migrations du bousculement des habitudes par l’étranger. Cette lecture avantage la Droite.
Et Marine Le Pen qui a bien compris cette dichotomie est naturellement attirée par la lecture identitaire mais ne néglige pas la lecture par classe sociale.
Et en face il y a la lecture positive et optimiste de l’ouverture que présente Emmanuel Macron.
Cette confrontation a déjà eu lieu une fois, en France : c’était le référendum sur le traité constitutionnel européen en 2005.
Cette fois-là, ce ne fut pas les partisans de l’ouverture qui l’emportèrent mais bien l’union de la lecture de la mondialisation par les classes sociales avec ceux de la lecture par l’identité. Ce fut la victoire du peuple du mur selon la terminologie de Friedman.
Les choses ont elles tellement évolué, la détestation de Marine Le Pen est-elle si grande que la victoire du peuple du Web, prédit par les sondages, va se réaliser cette fois ?

Jeudi 13 avril 2017

Jeudi 13 avril 2017
« La tentation Mélenchon »
Réflexions personnelles sur une dynamique de campagne
Contrairement à ce qui est répété à satiété, les sondages ne se trompent pas systématiquement. Même en 2002, les instituts de sondage avaient perçu, particulièrement lors de la dernière semaine de campagne (mais les résultats n’étaient plus publics), le tassement de Lionel Jospin et la dynamique du vote Jean-Marie Le Pen.
De la même manière, pendant les primaires de Droite et de Gauche récentes, alors que la population à sonder était particulièrement difficile à saisir, les instituts de sondage avaient détecté la dynamique Fillon ainsi que la dynamique Hamon.
C’est faux de dire que les sondages se trompent systématiquement, le vrai problème c’est qu’ils influent sur le vote et cela pose une question démocratique. Mais je ne développerai pas ce point aujourd’hui.
Car ce qui est mon propos aujourd’hui, c’est de m’intéresser à ce que détecte en ce moment les instituts de sondage : la dynamique du vote pour Jean-Luc Mélenchon, et c’est l’évènement de cette présidentielle désespérante et confuse. Si cette dynamique continue, Jean-Luc Mélenchon sera au second tour.
Je ne développerai pas non plus les circonstances particulières de cette élection qui favorise aujourd’hui cet homme qui est de très loin le meilleur des tribuns de cette compétition et probablement le plus cultivé, celui qui a le plus de consistance humaine.
La meilleure preuve que cette dynamique est réelle et inquiète certains se trouve dans le fait que l’hôte en fin de bail au Palais de l’Elysée qui voulait rester en retrait avant le premier tour pour ne pas trancher entre le candidat désigné par la Primaire de gauche et son ancien conseiller, a décidé de sortir du silence qu’il s’était imposé pour dire d’abord « Cette campagne sent mauvais » puis exprimer sa véritable crainte celle d’un second tour Le Pen / Mélenchon. François Hollande a toujours eu des relations plus que conflictuelles, quasi haineux avec Jean-Luc Mélenchon. Il attaque ainsi son vieil et irréductible ennemi : « Il y a un péril face aux simplifications, face aux falsifications, qui fait que l’on regarde le spectacle du tribun plutôt que le contenu de son texte »
Le président du MEDEF exprime aussi un avis très tranché : «Voter Mélenchon, Le Pen, Hamon, c’est ruine, désespoir et désolation»
L’héritier Gattaz priorise, il préfère le programme de François Fillon, il s’accommode de celui d’Emmanuel Macron mais rejette les autres dont celui de Mélenchon.
Les autres articles de ce même journal sont dans le même esprit, explicites dès le titre :
« Le programme de Mélenchon, un big bang social d’un autre temps »
« Castro, Chavez… Mélenchon, l’apôtre des dictateurs révolutionnaires »
« Éditorial: «Maximilien Ilitch Mélenchon»
Ce dernier faisant bien sûr référence et l’amalgame entre Maximilien Robespierre et Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, qui il y a exactement 100 ans était en train de préparer la révolution qui allait mener les bolcheviks au pouvoir.
Même le jeune candidat qui reste le favori des sondages perd sa bienveillance pour l’attaquer sur son âge et le traiter de révolutionnaire communiste : «Nous avons le révolutionnaire communiste. Il était sénateur socialiste, j’étais encore au collège.» Et il le caricature sur la politique internationale :«Si la paix que défend Jean-Luc Mélenchon c’est la paix de Vladimir Poutine, très peu pour moi. Si la paix que propose Jean-Luc Mélenchon, c’est de désarmer la France de manière unilatérale devant celles et ceux qui nous attaquent, très peu pour moi.»
Heureusement qu’au milieu de cette violence, Ségolène Royal, toujours décalée par rapport à son ancien compagnon et son entourage ose cette réponse à la question de savoir si la percée de Jean-Luc Mélenchon l’inquiète « Non, pourquoi? Pourquoi une inquiétude? Non, au contraire, je pense que c’est mieux une percée de ce côté-là que du côté de l’extrême droite! Et puis, c’est une authenticité, une passion, je pense, que les Français trouvent dans son message. Et la politique a besoin de passion…»
La politique a besoin de passion ! Sacré Royal !
Ce que nous aimons dans Mélenchon c’est en effet sa passion, et qu’il parle de Politique, de rapports de force, d’injustice, il parle des gens. Et puis qui d’autre que lui est capable à la fin d’un meeting de lire un poème de Victor Hugo devant un public attentif et à l’écoute ? A la fin du meeting de Marseille, il a lu un poème sur la paix d’un écrivain grec : Yannis Ritsos dans la même communion avec la foule de son meeting.
Et le 29 mars, il a déclamé l’albatros de Baudelaire lors de son meeting du Havre.
Mais ce n’est que la conclusion de son meeting, auparavant pendant une heure il construit son discours clair, pédagogique avec très peu de notes mais un immense travail préparatoire.
Alors oui il fascine. Il écrase la concurrence sur ce plan du discours, du charisme et je dirai plus de l’Humanité.
Cela se voit d’autant plus qu’en face il y a de la médiocrité, celui qui se prétend l’assistant de Paul Ricoeur s’égosille et gesticule, le fils du notaire sarthois est incapable d’empathie avec des infirmières qui lui expliquent la difficulté de leur travail et je ne parle pas de celle qui éructe à longueur de meeting à la recherche de boucs émissaires et pour qui la France est une vierge qui n’a jamais commis le mal. Il y a bien Benoit Hamon pour sauver quelque peu le niveau, car lui aussi parle et s’intéresse aux gens. Il se trouve hélas dans une position politique intenable et il n’a pas le talent de jean-Luc Mélenchon qui s’est en outre assagi par rapport à la dernière campagne.
La France est le pays de la politique et la tentation Melenchon se comprend ainsi.
Le point révèle dans un article du 12 avril un sondage dans lequel Jean-Luc Mélenchon « recueille 56  % de bonnes opinions. […] sa popularité actuelle relève de l’improbable : 61  % chez les cadres (devant Macron, à 57  %), 76  % auprès des sympathisants PS (dont il devient le nouveau champion). Même chez les sympathisants LR, Mélenchon enregistre une percée inattendue : 39  % (+ 17 points). Il y a cinq ans, lors de sa première campagne présidentielle, celui qui était alors le candidat du Front de gauche totalisait 47 % de bonnes opinions lors de la dernière mesure précédant le scrutin.»
Evidemment <Les marchés financiers réagissent très négativement à cette dynamique>, ils n’aiment pas du tout cette volonté de Jean-Luc de Mélenchon de rediscuter les traités européens et de vouloir faire voler en éclats l’Europe «libérale». Je crois qu’ils prennent très au sérieux la menace de Jean-Luc Mélenchon qui instruit des leçons du premier ministre grec Tsipras annonce que s’il ne parvient pas à faire infléchir suffisamment la politique européenne mettra en œuvre son plan B qui est de sortir de l’Euro et de l’Union européenne.
Le pari qu’exprime Jean-Luc Melenchon est que les autres pays européens et en particulier l’Allemagne céderont en raison de poids de la France car elle ne veut pas la dislocation de l’Union européenne qui ne pourra survivre à la sortie de la France.
Il n’est pas évident que l’Union européenne ne survivrait pas à la sortie de la France mais ce ne serait plus la même Union qui ressemblerait de plus en plus à une Allemagne élargie.
Jean-Luc Melenchon compare son plan B à la dissuasion nucléaire, la menace suffit pour obtenir des résultats il n’est pas nécessaire de l’utiliser.
C’est un pari audacieux.
Il aura contre lui quasi tous les gouvernements des autres pays européens ainsi que l’ensemble des forces économiques mondiales.
Il faudrait aussi pour qu’il puisse mettre en œuvre son plan qu’il dispose d’une majorité parlementaire. Car c’est une chose de pouvoir obtenir 20% disons 22 ou 23% des votants puis de gagner l’élection au second tour en raison du rejet de l’autre candidat et de disposer d’une majorité de députés élus par la majorité des français.
Le reste de son programme s’appuie sur une augmentation des salaires, des retraites plus généreuses et plus précoces, une augmentation de la fiscalité et de la redistribution qui s’opposent totalement aux règles de fonctionnement du système économique actuel et semble peu crédible. Il prend aux Etats-Unis l’idée d’un impôt universel : tout membre de la nation française doit l’impôt sur les revenus à la France même s’il est expatrié. Il doit alors payer la différence entre l’impôt qu’il aurait payé en France et celui qu’il acquitte dans son pays de résidence.
Enfin, il veut mettre en œuvre une constituante qui va permettre à mettre en place une autre constitution transformant la 5ème république en une vraie république parlementaire avec de nouvelles règles d’intervention et de participation des citoyens à la décision publique et aussi de possibilités de révoquer les élus.
On peut s’interroger sur la pertinence de mettre tant d’énergie sur nos règles constitutionnelles alors que la France sera en pleine tumulte économique en raison de l’affrontement du gouvernement français avec les forces économiques mondialisées.
Il est aujourd’hui, et de loin,  le meilleur candidat, serait t’il le meilleur président ? C’est la question.
Jean-Luc Melenchon avait accusé François Hollande d’être un capitaine de pédalo.
La situation internationale et économique est de plus en plus tendue, et étant donné sa personnalité et son programme s’il devait être élu, nous serions dans un navire au milieu d’une immense tempête.
Serait t’il capable d’être le capitaine du bateau pour affronter cette tempête ?
Et nous ?
Sommes nous prêts à de telles tempêtes ?
C’est la question que pose la tentation Mélenchon.
Mais si nous en avons vraiment marre du système actuel, cette tentation est certainement plus désirable que celle de l’héritière d’extrême de droite.
Vous trouverez ci-après un <Un documentaire de Gérard Miller : L’homme qui avançait à contre-courant> que j’ai regardé avec beaucoup d’intérêt et de plaisir.

mercredi 12 avril 2017

mercredi 12 avril 2017
«Il manque à Emmanuel Macron la logique globale du modèle scandinave, fondé sur l’égalité »
Bruno Palier
Emmanuel Macron et l’économiste Jean Pisani-Ferry ont déclaré que le programme qu’ils préconisaient était inspiré du modèle scandinave.
Le Monde a interrogé Bruno Palier, directeur de recherche du CNRS à Sciences Po et coauteur, avec l’économiste danois
Gosta Esping-Andersen, de Trois leçons sur l’Etat-providence (Seuil, « La République des idées»,2008), sur l’authenticité de cette comparaison.
Nous apprenons d’abord que le  chercheur danois Gosta Esping-Andersen a identifié trois modèles de protection sociale :

l’Etat providence social-démocrate scandinave,

les systèmes anglo-saxons, qui privilégient le marché sur l’intervention de l’Etat

les systèmes d’assurances sociales de l’Europe continentale qui sont en vigueur en France et en Allemagne.

Le modèle français s’inscrit dans la continuité des mutuelles créées au XIXe siècle. Il s’agit d’un système contributif fondé sur le travail : pour avoir droit à des prestations sociales, il faut payer des cotisations. Il vise moins la réduction des inégalités que la protection de l’emploi et la sécurité du revenu en cas de problème – maladie, chômage ou vieillesse.
L’universalité de la couverture sociale dépend donc de la capacité de la société à assurer du travail à tout le monde. Ce modèle présente le défaut majeur de ne pas protéger les personnes qui ne sont pas encore entrées dans le monde du travail, ni celles qui en sont restées longtemps exclues. Il protège en outre mal les femmes qui travaillent dans des conditions d’emploi atypiques et qui dépendent de leur mari.
Dans les pays nordiques, [prétendument inspirateur d’Emmanuel Macron] que ce soit en Suède, au Danemark, en Islande, en Finlande ou en Norvège, la protection sociale est garantie à tous les citoyens par l’Etat.
Il s’agit de droits sociaux universels, comme l’accès aux crèches et à l’éducation, la formation, la santé, la sécurité et la retraite de base. Leur financement se fait principalement par l’impôt : ils ne sont pas, sauf exception, liés au versement de cotisations, comme en France. Tous les citoyens bénéficient de ces droits, quelle que soit leur situation sur le marché du travail.
Bruno Palier explique : « Gustav Möller, le « père » social-démocrate de l’Etat-providence suédois, disait : « Seul le meilleur est assez bon pour le peuple. »
Dans les pays scandinaves, la protection sociale promeut une société active et entreprenante. Elle cherche à soutenir la productivité et la qualification de la population, et donc à garantir des emplois de qualité et de bons salaires à tous.
Les pays scandinaves ont pris conscience que, pour être prospères et donner du travail à tout le monde, il fallait produire des biens de qualité innovants que l’on peut vendre cher et exporter. Pour arriver à ce résultat, ils garantissent la qualification de la main-d’oeuvre et la qualité des emplois, un système d’éducation et de formation professionnelle efficient, un niveau de vie élevé, en plus d’une aide sociale accessible à tous. Il faut beaucoup d’impôts pour le financer – donc des emplois bien rémunérés. »
Je vous laisse lire l’article dans son intégralité, mais je retiens que si Bruno Palier reconnaît que beaucoup des propositions de Macron se rapprochent du système nordique. Notamment « il a compris la nécessité, pour l’Etat, de protéger les personnes et d’accompagner les parcours de vie ; il propose de mettre en place une assurance universelle pour tous les chômeurs et toutes les professions ; il entend réformer le système opaque du financement de la formation professionnelle, ce qui serait une avancée importante, car les plus âgés et les moins éduqués y accèdent peu ou pas du tout. »
Il montre aussi qu’Emmanuel Macron s’éloigne des fondements et de la logique de ce système admirable en bien des points :
«  il ne semble pas avoir saisi que l’un des fondements du modèle, c’est l’égalité – pas seulement l’égalité des chances, mais aussi l’égalité des conditions. Une des conditions de la réussite est la compression de la fourchette des salaires. Ce n’est pas seulement un principe éthique égalitaire : il faut mettre en place une politique redistributive.
Quand les hauts salaires ne sont pas trop élevés, les secteurs les plus productifs engrangent des surplus, qui alimentent l’investissement et autorisent de meilleurs revenus dans les secteurs moins efficients. Et quand les bas salaires sont rares et les minima sociaux élevés, les activités à valeur ajoutée se développent, pas les boulots inutiles et mal payés dont personne ne veut.
Même si elles ont augmenté ces dernières années, les inégalités de revenus, au Danemark et en Suède, sont les plus basses du monde. Cette philosophie favorise une mobilité sociale ascendante et garantit une plus forte cohésion sociale. Je ne vois pas ce type de proposition chez Emmanuel Macron. […]
Pour créer des emplois, Emmanuel Macron veut baisser les cotisations sociales, notamment en pérennisant le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). Mais il ne fait que reprendre les recettes mises en œuvre depuis trente-cinq ans en France. Selon lui, la baisse des coûts du travail va sauver l’emploi.
Nous sommes effectivement trop chers pour ce que nous produisons, mais la solution n’est pas de réduire nos cotisations : elle est de monter en qualité. […] En présentant la baisse des cotisations sociales comme sa façon de défendre le travail, Emmanuel s’éloigne du modèle scandinave. »
Et en s’éloignant du modèle scandinave, Il se rapproche du modèle anglo-saxon dont je pense que nous autres français ne voulons pas.

Mardi 11 avril 2017

Mardi 11 avril 2017
«Ici, on ne prend pas les candidats au poste suprême avec des pincettes, mais plutôt avec un chariot élévateur. »
Vincent Montgaillard journaliste
lors de sa visite dans le hangar où sont stockés presque un million d’affiches des candidats à la présidentielle
Lors de la revue de presse de dimanche sur France Inter, Frédéric Pommier a rapporté quelques informations sur l’intendance des élections présidentielles et notamment sur les panneaux qui se dressent devant les bureaux de vote et les affiches qui seront collés dessus :
« Il ne reste que deux semaines avant le premier tour, et c’est ce soir, à minuit [C’était le 9 avril] que va débuter la campagne officielle. A partir de cette nuit, les portraits des 11 [candidats] vont donc être collés sur les panneaux en fer installés près des bureaux de vote.
Des affiches stockées jusqu’ici dans un hangar, à Gonesse, au nord de Paris. Visite du lieu dans LE PARISIEN-DIMANCHE, avec le reportage de Vincent Montgaillard. « Ici, raconte-t-il, on ne prend pas les candidats au poste suprême avec des pincettes, mais plutôt avec un chariot élévateur. »
– « Faut mettre Le Pen sur la palette ! », ordonne un manutentionnaire.
– « Enlève-moi le Mélenchon ! », enchaîne son collègue.
– « Et Macron, il est où ? »
– « Dans la benne ! », blague un camarade dans un gilet jaune fluo.
Bienvenue au cœur de la machine, dans cet entrepôt de 3.000 m², abritant un million de posters à la gloire des 11 concurrents. Quelques 700 personnes seront mobilisées pour aller les coller aux 80.000 emplacements de la métropole. C’est l’entreprise ‘France Affichage Plus’ qui pilote les opérations. Elle perçoit environ 2 euros par affiche collée, sachant que le collage officiel, comme l’impression des bulletins de vote, est pris en charge par l’État. Les frais n’entrent pas dans les comptes de campagne, et ils sont réglés par les préfectures, quel que soit le score électoral. « C’est ce qu’on appelle le coût de la démocratie », résume un responsable de la société, précisant que d’un département à l’autre, la tâche est inégale : en Lozère, par exemple, chaque candidat est placardé à 262 reprises, mais dans Nord, c’est 13 fois plus. D’ici une semaine, tout devrait être prêt. Cela dit, légalement, indique mon confrère, « les petites mains ont jusqu’à la veille du scrutin pour achever leur marathon ».
Mais lors de cette revue de presse, j’ai appris autre chose, certains prétendent que le score pourrait être influencé par le numéro du panneau :
« C’est en tout cas ce qu’estiment différents experts : d’après eux, les portraits aux deux extrémités bénéficient d’une meilleure visibilité – il s’agit donc du panneau 1 et du 11, avec une préférence pour le number one, le panneau tout à gauche, censé être celui qu’on distingue le mieux. C’est par tirage au sort, au Conseil Constitutionnel, que les 11 panneaux ont été attribués à chaque candidat. Et Nicolas Dupont-Aignan peut se réjouir : c’est lui qui a hérité du panneau number one. Autre vainqueur de la loterie : celui, donc, dont le portrait va figurer tout à droite, sur le panneau 11 – il s’agit de François Fillon. »
Et à la fin de sa chronique Frédéric Pommier en s’appuyant sur le Figaro annonce pour les prochaines présidentielles de 2022 la naissance d’une nouvelle étoile dans le ciel, étoile qui serait aussi brillante que l’étoile polaire :
«  une nouvelle étoile en 2022 ! Chose rarissime, mais les astronomes semblent vraiment y croire : une nouvelle étoile, aussi brillante que l’étoile polaire, devrait donc apparaître dans cinq ans . Ce sera pile-poil au moment de la prochaine élection présidentielle en France.»

<Cette annonce avait faite dans un blog du Monde dès janvier 2017>

Dans cet article on apprend que cette annonce a été faite par Larry Molnar astronome américain du Calvin College du Michigan qui avec son équipe suit de près deux étoiles invisibles à l’œil nu, situées à quelque 1 800 années-lumière de nous dans la constellation du Cygne.
Ces deux étoiles se rapprochent et pourraient fusionner. Ce qui ne constitue pas pour des étoiles un mariage durable mais plutôt un baiser de la mort. On apprend dans cet article que la fusion crée en effet des chocs entre différentes couches de matière et, en fonction de la masse des étoiles et de la dynamique du processus, une bonne partie de la matière est susceptible d’être éjectée du système dans un véritable feu d’artifice. La nova pourrait être visible pendant des semaines voire des mois.
Larry Molnar annonce cela pour mars 2022.
Mais d’autres scientifiques sont sceptiques.
Dans quel monde vivons-nous si désormais les promesses des scientifiques sont aussi peu crédibles que celles des politiques ?
En tout cas, en mars 2022 nous pourrons juger de la réalisation des promesses de celle ou celui qui sera élu le 7 mai 2017 et de la promesse de Larry Molnar en regardant dans le ciel l’apparition d’une étoile aussi brillante que l’étoile polaire.

Mercredi 5 avril 2017

Mercredi 5 avril 2017
«J’essaye d’expliquer à un ami américain comment, dans un pays qui a organisé des primaires, il peut y avoir un débat à 11 candidats à la télé »
Thomas Snegaroff sur twitter
Et évidemment l’américain ne comprend pas.
Notons qu’un français ne comprend pas qu’un candidat peut être élu président alors que son adversaire a près de 3 millions de voix de plus.
C’est la relativité de toute chose et la difficulté pour les nations de se comprendre…

Jeudi 30 mars 2017

Jeudi 30 mars 2017
«La confusion est un signe qu’on vit un moment de bascule»
François Hartog, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales
Manuel Valls est accusé d’être un traitre.
Il me semble que du point de vue du français, « parjure » serait plus juste.
Le parjure est celui qui viole un serment, or Valls a fait le serment en entrant dans la compétition des primaires de soutenir celui qui gagnerait.
Il ne le fait pas.
Le PS est très proche de l’explosion.
François Fillon n’a pas encore perdu. Rien ne dit non plus que dans un second tour où François Fillon serait opposé à Marine Le Pen, cette dernière ne gagnerait pas.
Mais si les prévisions s’avèrent juste, au lendemain de la défaite de François Fillon au premier tour, le parti des républicains explosera aussi.
Il n’est pas certain non plus que Macron battra Marine Le Pen au second tour.
Certains diront, il n’est pas certain que Marine Le Pen soit au second tour. Peut être, mais je n’y crois pas un instant, je pense plutôt que les sondages sous-estime le vote Front National.
Nous sommes donc dans un moment de grande confusion.
Si nous restons optimiste nous pouvons espérer que la confusion conduira à une reconstruction.
Mediapart a invité un historien, François Hartog, pour qu’il jette son regard d’intellectuel sur notre moment présent que le journal présente avec les assertions suivantes :
  • Épuisement de la Ve République ;
  • Désagrégation du bipartisme ;
  • Possibilité de voir l’extrême droite accéder à la plus haute fonction du pays
Vous trouverez cet article, si vous êtes abonné, derrière <ce lien>
J’en tire les extraits suivants :
« Mediapart : Est-on en mesure de cerner ce qu’est un « moment historique » et si nous sommes en train d’en vivre un ?
François Hartog : […] Il me semble alors qu’un des indices négatifs qui signale que l’on vit un « moment historique », c’est précisément l’aveuglement, le fait qu’on n’y voit rien, qu’on n’y comprend rien. Dans ce que nous vivons aujourd’hui d’un point de vue politique, on est frappés par la confusion généralisée, qui ne cesse de favoriser Marine Le Pen.
Si on cherche à comparer avec des moments de bascule, comme la Révolution française, on constate a posteriori que c’était un moment d’extrême confusion. Les contemporains étaient complètement perdus, ne comprenaient pas ce qui se passait, refusaient de comprendre, croyaient comprendre et se trompaient…
La perte des repères, les références qui n’ont plus de prise sur le moment, la désorientation et la confusion sont symptomatiques de moments de bascule. […]
Quand on n’a que le présent comme base sur laquelle reposer, il est logique qu’on se retrouve perdus.
Même ceux qui regardent vers le passé, et qui ont toujours existé, à savoir les réactionnaires et les nostalgiques, ne savent plus trop vers quel passé se retourner, vers quoi regarder. Les électeurs de Trump lorgnent vers l’Amérique d’après-guerre, de la grande expansion, qui était précisément une Amérique tournée vers l’avenir, alors même que l’idée d’aller vers l’émancipation, le progrès ou la croissance, sous la conduite des avant-gardes artistiques ou politiques, a du plomb dans l’aile depuis des décennies. . […]
Hollande a été élu sur le slogan « le changement c’est maintenant », c’est-à-dire un slogan présentiste qui ne donne pas place au temps. Le changement est pourtant déjà un terme moins chargé et ambitieux que « progrès » ou « développement ». Dans la campagne présente, Benoît Hamon tente de réintroduire une perspective future avec l’idée d’un revenu universel qui, quoi qu’on pense de la proposition elle-même, renoue avec un des grands éléments structurants du socialisme, c’est-à-dire un certain idéalisme ou une part d’utopie. Le revenu universel, ce n’est pas pour maintenant, c’est un horizon, même si on peut se questionner pour savoir si c’est le bon. Ce rapport au temps fait place au futur, mais tombe immédiatement sous les critiques de ceux qui pensent que c’est irréaliste.
Plus généralement, le problème est que les politiques qui font aujourd’hui campagne ont été élevés dans l’idée que leur raison d’être était de guider leur peuple vers le futur et de marcher vers la terre promise ou l’avenir radieux : une affaire qui a commencé avec Moïse… Mais, se retrouvant dans un univers où ce type de position et de posture n’est plus tenable, ils s’avèrent complètement perdus. On leur reproche tout le temps de ne pas avoir de vision, mais qui a une vision aujourd’hui ? La plupart des politiques ont donc théorisé le fait qu’il valait mieux de ne pas avoir de stratégie de long terme, pour se permettre d’être le plus réactif possible, comme dernière attitude politique payante dans un moment présentiste.
Cette impossibilité de sortir du présent n’existe pas seulement en matière politique, elle domine également désormais le champ économique, avec la flexibilité à outrance, l’organisation de la production à flux tendus…
[…]
Marine Le Pen propose en réalité un retour à un avenir très daté, vers un monde mythifié. François Fillon promet un redressement dans la douleur qui me semble moins être une ouverture qu’une rupture avec ce qu’il estime être les calamités du socialisme. Mais Fillon et Le Pen n’utilisent pas le mot de « révolution », que Macron emploie. Même s’il y a une dimension marketing, cet usage est intéressant car il veut signifier la possibilité de regarder vers le futur. Il n’est d’ailleurs pas anodin que les deux candidats – Macron et Mélenchon – qui proposent une véritable vision du futur (numérique pour le premier, écologiste pour le second) soient aussi les deux candidats qui entretiennent un véritable rapport à l’Histoire. Ils montrent quelques capacités à s’affranchir du présent immédiat.
[…]
À ce titre, le parcours du  mot « réforme » est intéressant. Le terme a été un  grand mot de la politique au XIXe siècle, comme  substitut de « Révolution », revendiqué par ceux qui  se trouvaient du côté du mouvement, et contesté par  ceux situés du côté de la réaction. Mais, désormais, la  « réforme » est devenue quelque chose qui ne signifie  qu’ajustement, remise à plat, adaptation, et qui aurait  dû intervenir plus tôt. Ce mot est donc immédiatement  et légitimement compris par tous les intéressés comme  une régression. Alors que la « réforme » était porteuse  d’espérance et d’un projet social et politique, c’est  devenu un slogan. La « réforme » n’ouvre plus  aucun avenir et a été rattrapée et s’est engluée dans  le présentisme, au point qu’on vote des réformes  qu’on n’a pas le temps d’appliquer avant la prochaine  réforme…
[…]
Ce qui nous menace est-il davantage du registre  de la catastrophe ou de l’apocalypse ? Et sur  un plan politique, comment pourrait-on qualifier  une victoire de l’extrême droite à la prochaine  présidentielle ?
L’apocalypse, c’est la fin du temps ou des temps,  mais c’est aussi le début de tout autre chose, d’un  nouveau ciel, d’une nouvelle terre. Au contraire de la  catastrophe, l’apocalypse donne un sens à ce qui est  enduré. La catastrophe est dénuée de sens ; elle vous  tombe dessus et il n’y a pas grand-chose à comprendre.
Pour les politiques, l’important est de tenter de  prévenir les catastrophes, mais surtout de réagir  rapidement lorsqu’une catastrophe se produit, sans  essayer de comprendre mais seulement de compatir.
Les catastrophes viennent se loger dans le temps, elles  sont présentes dans le paysage.
À ce titre, une victoire du Front national est désormais  dans le paysage et Marine Le Pen ne promet ni un autre  ciel, ni une autre terre. Cela relève donc davantage du  registre de la catastrophe, de celles sur lesquelles on  a préféré s’aveugler et qui nous paralysent au fur et à  mesure qu’elles s’approchent.
[…] »
S’affranchir du présent immédiat, regarder vers le futur et peut être oserais-je ce mot : réenchanter la réforme qui aujourd’hui n’est plus vécu que comme une régression.

Mercredi 29 mars 2017

Mercredi 29 mars 2017
«Macron»
Nom patronymique dont les médias parlent beaucoup ces derniers temps.
Que dire de cette présidentielle française 2017 ?
Je vous propose de commencer par un éclairage un peu plus léger aujourd’hui.
Il semblerait que Monsieur Macron, Emmanuel est son prénom aurait des chances selon les derniers oracles d’accéder à la présidence de la république pour succéder à François Hollande qui l’avait appelé auprès de lui d’abord pour le conseiller puis pour occuper le poste de Ministre de l’Économie.
C’est une revue de presse qui donne cette information parue dans le bimestriel « CA M’INTERESSE »
Le bimestriel ÇA M’INTERESSE HISTOIRE nous apprend  que deux Macron se sont déjà illustrés dans le passé
Au 2ème siècle avant Jésus-Christ, un certain Ptolémée Macron travaillait ainsi au service d’Antiochos IV, le gouverneur de l’empire perse séleucide. Un jour, son maître le charge d’envoyer une armée en Judée. Mais une fois arrivé sur place, Ptolémée Macron choisit de rejoindre les Juifs ; il passe donc dans le camp de l’ennemi. Imaginez un peu la tête d’Antiochos IV !
Deux cents ans plus tard, en 37 après Jésus-Christ, un Macron romain cette fois-ci – Sutorius Macro, travaillait au service du vieil empereur Tibère. Mais il en avait marre – marre du vieux, grand besoin de changement – et pour accélérer l’accession au pouvoir du jeune Caligula, Sutorius Macro a décidé de tuer Tibère, en l’étouffant sous ses couvertures.
L’empereur, pardon le président François Hollande n’a, heureusement, pas eu à subir le même sort de la part du Macron moderne.
N’empêche, résume la revue : « Depuis 2.000 ans, Macron rime avec trahison. »
Cela étant, doit-on vraiment détester les traîtres ? « Non », répond Manuela France qui signe le papier. On ne doit pas les haïr car les pros des coups bas ne sont pas tous d’affreux et vils calculateurs. Certains, au contraire, poursuivent un noble idéal, et ils sont finalement les moteurs de l’Histoire.
Mais Emmanuel Macron fait-il partie de cette catégorie ? Lui qui a créé un mouvement qui a les mêmes initiales que son nom et qui a suscité cette belle interrogation de Frédéric Lordon : « En marche ! », soit ! Mais ne serait-il pas pertinent de s’interroger : en marche vers Où ?
Le canard enchainé de mercredi dernier explique la modernité de cet O.P.N.I. : Objet Politique Non Identifié :
« Mais comment fait Macron pour avoir l’air différent ? Fastoche : il suffit de commencer par le vocabulaire. Dans son QG de campagne, on ne parle pas de «bénévoles» mais de «helpers», qui causent «feedback» et «retour d’expérience». Waouh ! ça change tout ! Ou pas… Dans la start-up Macron, raconte le JDD (19/3) on ne cherche pas des slogans (beurk) : on «brainstorme» pour trouver des «messages snackables», c’est-à-dire «courts, qui vont attirer l’attention». A grignoter à  tous les repas.
Ici, le «business électoral» et le business tout court ne sont surtout pas des gros mots. «On organise des actions de terrain, puis on fonctionne beaucoup au feedback et on essaie d’améliorer très rapidement les process» raconte un «helper» qui adore sa nouvelle boite. «On a cette chance d’être nouveaux sur le marché» plane un autre, à l’autre bout de l’«open space». […]
Dans cette novlangue pas du tout gadget, la star Macron n’a pas des supporteurs mais des «fans» qu’il s’agit de bichonner : ces veinards ont droit à des «live» (des vidéos) de leur idole, en toute «exclusivité».»
On a compris, on présente et vend Macron comme un produit marketing.
Faut-il donner sa chance à ce produit ?
Florence Aubenas a fait une plongée dans les publics qui soutiennent Macron. Vous trouverez en pièce jointe le long article qu’elle a rédigé après cette enquête.

Mardi 28 mars 2017

Mardi 28 mars 2017
« Et alors ? »
Expression ouverte ou fermée ?
Michel Serres aime raconter des histoires à ses petits-enfants, le soir, avant le sommeil.
Quand le lendemain, il demande « où en étions-nous ? », les enfants répondent invariablement, nous étions à « et alors… ».
« Et alors » ouvre vers d’autres aventures, d’autres réflexions, d’autres connaissances.
Dans le domaine scientifique chaque nouvelle découverte ouvre d’autres perspectives, conduit à s’interroger sur la suite, « et alors ? ».
Mais certaines personnes entendent donner à l’expression « et alors ? » un effet de fermeture, de clôture de la discussion, sorte de « point à la ligne » et passer à autre chose.
Ainsi François Fillon a répondu à un journaliste qui s’étonnait du cadeau d’un généreux mécène qui avait signé le 20 février un chèque de 13.000 euros pour le règlement de deux costumes achetés chez Arnys, un tailleur parisien des quartiers chics : « Un ami m’a offert des costumes en février. Et alors?»
L’article du Parisien donné en lien continue : «J’ai payé à la demande de François Fillon», a affirmé cet «ami généreux» au JDD. A cela s’ajouteraient selon l’hebdomadaire près de 35.500 euros «réglés en liquide» chez ce tailleur, pour un montant de près de 48.500 euros au total depuis 2012. »
« Et alors ? »
Je ne voudrais pas m’acharner sur cet étonnant personnage qui reprochait à Nicolas Sarkozy, ses relations compliquées avec la Justice et les « Affaires » et qui avait, alors qu’il était Premier Ministre en 2007, commis <cette circulaire> où on peut lire : «Il est en conséquence normal que [les cadeaux] n’entrent pas dans le patrimoine personnel du ministre ou de sa famille. Ce principe doit être concilié avec la nécessité de ne pas désobliger les personnalités, notamment étrangères, qui souhaitent honorer des membres du gouvernement ou leur conjoint.» et pour lequel on apprend que précisément en 2009, toujours Premier ministre, François Fillon s’était fait offrir une montre de plus de 10.000 euros. Un cadeau « absolument désintéressé » de l’homme d’affaires italo-suisse, Pablo Victor Dana.
« Et alors ? »
Cette nouvelle révélation a conduit à ce commentaire d’un député LR désabusé : « François Fillon, c’est un peu comme un calendrier de l’avent, sauf qu’à chaque fois qu’on ouvre une case on ne trouve pas un chocolat, mais une nouvelle affaire. »
Mais, il faut dépasser le cas de François Fillon, si on veut mener une réflexion honnête et intègre.
Car le Canard Enchaîné nous apprend que l’ancien Ministre de l’Economie aujourd’hui commissaire européen, Pierre Moscovici, s’était aussi fait offrir des costumes par un ami chez Arnys, le même tailleur parisien que François Fillon, rapporte Le Canard Enchaîné. Selon l’hebdomadaire satirique, les faits sont antérieurs à 2012. A cette époque, les parlementaires n’étaient pas tenus de déclarer les dons qu’ils recevaient.
Interrogé mardi à l’occasion d’un point-presse avec Benoît Hamon à Bruxelles , Pierre Moscovici a confirmé les informations du Canard Enchaîné et a déclaré :
« Ce n’est pas tout à fait le lieu pour parler de cette affaire, mais je ne suis pas du tout embarrassé par cela, dès lors que ce sont de vrais cadeaux par de vrais amis, dans un vrai cadre privé».
Version un peu plus longue, mais il dit de la même manière « Et alors ?»
Et…
L’hebdomadaire <Challenges> nous apprend que Brigitte Macron est habillée gracieusement par la marque Vuitton. Il ne s’agit cette fois pas de cadeau mais de prêt. Le point commun est que cela reste gratuit.
« Et alors ? »
Et si au lieu de clore la discussion par « Et alors ? », nous l’ouvrions…
Et alors ? on s’étonne du peu de vigueur pour la lutte contre les paradis fiscaux, on constate sur les affaires financières comme sur les sujets de santé publique l’importance des lobbys et les décisions étonnantes qui sont prises au niveau européen et national. Le sentiment généralisé que les décisions prises  ne le sont pas dans l’intérêt général mais dans l’intérêt particulier de certains.
On nous explique que ces décisions sont nécessaires à cause de la mondialisation, de la liberté des échanges et que si nous n’avions pas une réglementation en phase avec cette situation les capitaux et le dynamisme économique fuiraient nos pays pour des contrées plus favorables.
Peut-être …
Mais tous ces cadeaux désintéressés d’amis fortunés créent la suspicion et racontent une autre réalité.
Pourquoi, nous qui avons également des amis désintéressés, ne nous font-ils pas des cadeaux de 10 000 euros ?
Parce qu’ils ne sont pas aussi riches ?
Ou parce que nous n’avons pas le pouvoir pour influer sur des décisions ou des réglementations  ayant un lien étroit avec le business ?
Probablement que si nous étions dans une telle situation nous verrions rapidement surgir des «amis désintéressés riches».
Tous ces responsables politiques devraient se souvenir de cette citation attribuée à Voltaire pour certains, à Gabriel Sénac de Meilhan pour d’autres :
«Mon Dieu, protégez moi de mes amis [désintéressés]. Quant à mes ennemis, je m’en charge.»

Mercredi 22 février 2017

« La guerre civile globale »
Mishra Pankaj

Le concept de guerre civile globale est extrait de « Age of Anger » (âge de la colère) qui est un livre d’un romancier d’origine indienne, Mishra Pankaj qui selon « Le Point » est l’essai le plus commenté en ce début d’année dans le monde anglo-saxon.

Ce livre dont le sous-titre est « Une histoire des temps présents » n’est pas encore traduit en français, mais le magazine Le Point a publié une longue interview de cet auteur qui analyse notre présent non comme un choc des civilisations mais comme une explosion de colère née d’une intense frustration : <vers la guerre civile mondialisée ?>

Sa thèse c’est que symptômes que nous percevons (Election de Trump, éclosion des populismes, des régimes autoritaires et des manifestations de nationalismes et de xénophobie sont le signe d’une « guerre civile globale » opposant une élite cosmopolite et libérale à des masses frustrées de ne pas voir les fruits du progrès tant vanté.

Ses prévisions sont peu optimistes, il pense que la colère des masses ne va que s’accroître, car ses racines sont profondes.

Le Point commente :

« Dérangeant et pessimiste, rempli de bruit et de fureur, cet Age of Anger est éminemment discutable, mais personne, même pas le très libéral The Economist, n’a nié la puissance et l’ampleur [de cet] essai »

J’en tire quelques extraits :

« Selon Pankaj Misrah, c’est tout le programme des Lumières qui, dès le départ, contient un bug : en voulant façonner des individus libres, rationnels, mais soumis à la compétition et au désir mimétique, il porte en lui le virus du « ressentiment » ».

Tout se résume au fond à l’opposition entre Voltaire et Rousseau, réunis au sein du Panthéon, mais dont la rivalité n’a pas fini de faire des émules.

D’un côté, le chantre de la raison et du libéralisme anglo-saxon, qu’on qualifierait aujourd’hui de membre d’une « élite » coupée du peuple.

De l’autre, le rejeté de la bonne société parisienne, le paria paranoïaque qui a le premier annoncé toutes les passions négatives que pouvait susciter la société moderne.

« C’est triste de voir qu’on réchauffe [la] théorie de la guerre des civilisations qui se fonde sur des différences absolues culturelles et raciales… C’est ce genre de pensées qui motivent des personnes comme Stephen Bannon, le suprématiste blanc conseillant Trump. Au contraire, mon livre tente d’expliquer, en se basant sur le travail de René Girard, comment dans un monde moderne de plus en plus homogène l’individualisme et le désir mimétique sont la clé pour analyser une société marchande universalisée. Je cite Alexandre Herzen, le grand écrivain russe, et son affirmation que la civilisation occidentale moderne est une civilisation d’une minorité privilégiée, qui prend part au « festin de la vie », alors que les masses en sont les « invités indésirables ». Et cette guerre civile globale ne fait que s’intensifier du fait de l’uniformisation grandissante provoquée par la mondialisation.[…]

Mon livre se base sur une thèse historique : les pathologies politiques qu’a connues l’Europe à la fin du XIXe siècle en réaction au libéralisme, à la démocratie et à une croissance économique irrégulière sont aujourd’hui devenues universelles. Depuis la fin de la guerre froide, nous avons connu trois décennies d’un libéralisme extrême – souvent qualifié de néo-libéralisme – qui a pourtant été discrédité par les désastres de la première moitié du XXe siècle. Que ce soit aujourd’hui l’implosion des États-nations en Asie ou en Afrique, le ralentissement des économies ou la hausse des inégalités en Europe, ces pathologies rappellent ce qu’on a pour la première fois observé à la fin du XIXe siècle : des démagogues promettant le renouveau d’une communauté nationale ou des terroristes anarchiques trouvant dans la violence non seulement une expérience esthétique et existentielle, mais aussi une rédemption politique. Aujourd’hui, ces pathologies se sont répandues partout dans le monde. Elles touchent autant des Indiens déracinés, ayant migré de zones rurales aux métropoles, que la classe moyenne américaine délaissée par un capitalisme globalisé et opaque qu’elle ne comprend plus. Dans les deux cas, ces gens se cherchent un ennemi facilement identifiable et qu’on a sous la main : immigrants, femmes, élites…

[…] Les gens, en théorie, devraient être plus libres, riches et mobiles que jamais…

Qui dit ça ? Les idéologues du néo-libéralisme, qui ne cessent de nous répéter, alors que les inégalités grandissent, qu’une marée montante profite à tout le monde, yachts de luxe comme frêles esquifs. Ce sont les fantasmes véhiculés par les élites technocratiques, et leurs porte-voix dans la presse et sur les plateaux de télévision. Mais aujourd’hui, nous expérimentons les conséquences toxiques de ces promesses fausses et extravagantes faites par les bénéficiaires de la mondialisation.

[…] Aujourd’hui, l’ère de la mondialisation promet une citoyenneté cosmopolite pour tous, mais n’en délivre dans les faits qu’à des élites. Beaucoup se sentent donc floués. Du coup, l’attrait du concept « peuple » est à nouveau fort. Les gens recherchent une estime de soi à travers un groupe défini par l’ethnicité, la religion, la race ou la culture. Et les politiques sont à nouveau obsédés par l’idée de recréer une unité idéologique ou culturelle du peuple, et exclure tous ceux qui ne devraient pas y appartenir. […].

Le journaliste du Point essaye de ramener un peu de rationalité et de montrer qu’il y a quand même des progrès, en rappelant qu’ «En 1981, 54 % de la population mondiale était dans l’extrême pauvreté. Aujourd’hui, c’est moins de 10 %, selon la Banque mondiale. Les gens vivent plus longtemps, les maladies infectieuses ont connu des chutes remarquables et, alors qu’en 1900 seuls 21 % de la population mondiale savaient lire, ils sont aujourd’hui 86 %. N’est-ce pas là des succès spectaculaires du progrès, du libéralisme et de la mondialisation tant vilipendés ?». Le point appelle à la rescousse Steven Pinker qui a montré que nous vivons l’époque la moins violente et la plus tolérante de l’histoire, grâce à l’essor de la raison, du commerce, du cosmopolitisme et de la féminisation…et que j’avais évoqué lors du mot du jour du 19 décembre 2016 : « dix raisons de se réjouir de l’avenir » »

Ces arguments n’entament pas le pessimisme de Pankaj Misrah :

« Des pays comme l’Inde et la Chine ne pouvaient que se refaire une santé après ce qu’ils ont connu avec l’impérialisme occidental et la guerre civile. Et qu’est-ce que la croissance chinoise, à travers un capitalisme d’État, a à voir avec le libéralisme occidental ? De toute façon, il y a quelque chose de fallacieux dans ces succès quantifiables et ce progrès irréversible que vous présentez. Est-ce qu’une longue vie signifie qu’elle est obligatoirement meilleure et plus gratifiante ? Les taux de mortalité ont baissé, et ceux de l’alphabétisation sont en hausse, mais quid du chômage, du déracinement, de la dépossession et de la dégradation environnementale ? Une personne qui quitte son village pour aller travailler dans une métropole sort de la pauvreté selon les statisticiens, mais quelles mesures avons-nous pour évaluer sa vie dans des villes où la pollution est importante et les loyers élevés, tandis que les conditions dans les bidonvilles sont extrêmement brutales ? Ne soyons pas aveuglés par les statistiques et les graphiques. Au XIXe siècle, alors qu’il y avait très peu d’économistes et de journalistes pour faire œuvre de propagandistes, les romanciers ont décrit ce qu’ont vraiment coûté l’industrialisation et l’urbanisation. Cela vaut toujours la peine de lire Dickens et Zola pour comprendre ce qu’actuellement beaucoup de personnes vivent en Inde et en Chine dans leur marche au progrès. […]

L’idéologie de l’élite, les bénéfices de la mondialisation sont les mieux défendus depuis les verts campus de l’Ivy League, comme Harvard où travaille Monsieur Pinker. Des gens comme lui vous enrobent ça de statistiques nombreuses et impressionnantes, mais si vous regardez de plus près, l’analyse est très mince. Les dernières décennies semblent plus pacifiques essentiellement parce que les Européens ont arrêté de s’entretuer à large échelle en 1945. Mais les génocides, les nettoyages ethniques ou les guerres qui détruisent des millions de vies comme en Irak ou au Vietnam ne sont guère éloignés dans le passé. Et la probabilité que cela se produise à nouveau n’a jamais été aussi grande après l’arrivée à la Maison-Blanche de racistes et de suprématistes blancs. Je ne sais pas comment on peut croire à la vision rose d’un progrès constant de l’humanité, défendue par Steven Pinker, alors même qu’un « troll » sur Twitter a accès à l’arme nucléaire…[…]

Le projet moderne de l’individualisme, tel qu’il a été défini au XVIIIe siècle, est le projet utopique le plus radical de l’histoire. »

Il n’y a qu’une lueur d’espoir dans son développement quand il évoque le pape François.

« […] nous ferons très certainement un pas en avant en reconnaissant que la foi dans le progrès n’est nullement différente de la foi dans un dieu. Les deux nécessitent une soumission plutôt qu’un questionnement intellectuel. Par ailleurs, d’aucune façon je ne fais référence à une religion quand je salue le pape François. Je souligne simplement sa compassion pour les faibles et le fait de ne pas voir la vie comme une compétition sans fin pour un statut social ou la richesse, mais plutôt de s’ouvrir à la confiance et la solidarité. De telles aspirations sont l’objet de la dérision des élites technocratiques, alors même qu’une majorité frustrée et en colère succombe à la haine vomie par les démagogues… »

Nous avons compris que la mondialisation est la fin de la rente de l’occident. Les inégalités entre pays ont globalement diminué mais les inégalités à l’intérieur des pays occidentaux ont augmenté. D’où ce concept de guerre civile totale à l’intérieur des pays, mais dans tous les pays.

Je pense cependant que cet auteur est un peu trop pessimiste.

Mercredi 8 février 2017

« La cinquième République »
(1958 – ?) Régime politique actuel de la France

Le régime politique de la France, voulu par le Général de Gaulle et mis en place par lui, est un régime singulier.

En effet, les constitutionnalistes distinguent deux types de démocraties libérales :

  • Le régime présidentiel ;
  • Le régime parlementaire ;

Le régime présidentiel par excellence est le système existant aux Etats-Unis. Les spécialistes parlent d’une séparation rigide des pouvoirs.

Le Président est élu et désigne son gouvernement avec lequel il forme l’exécutif. Les membres du gouvernement doivent cependant se soumettre à une procédure constitutionnelle d’approbation de leur nomination par le Sénat américain.

Evidemment les représentants et les sénateurs sont élus au suffrage direct et sont totalement indépendants du président.

Je veux dire que la notion « de majorité présidentielle » bien connue sous notre 5ème république constituerait une incongruité aux Etats-Unis.

La séparation est rigide parce que l’exécutif n’a aucun moyen de contraindre le législatif et réciproquement.

Ce qui signifie que pour faire des lois et des réformes fondamentales il faut que le Président et le législateur se mettent d’accord et fassent des compromis.

Cela fonctionne assez mal, Obama a dû faire énormément de concessions pour faire passer sa réforme de l’obamacare.

Le régime parlementaire qui est dominant en Europe et qui est aussi le régime du Japon procède essentiellement du parlement c’est-à-dire de l’élection de la chambre basse du Parlement.

Des partis ayant à leur tête un chef parfaitement identifié se présentent avec un programme devant les électeurs. Des députés des différents partis sont élus à la chambre. Si un seul parti a la majorité absolue, le chef de l’Etat qui est souvent un monarque mais qui peut être un Président sans réel pouvoir nomme, premier ministre, le chef du parti majoritaire et le tour est joué.

Si aucun parti n’obtient la majorité absolue, il nomme le chef du parti arrivé en tête avec pour mission de discuter avec les autres partis pour constituer une majorité parlementaire. Pratiquement, systématiquement les partis se mettent d’accord sur un programme gouvernemental. Le gouvernement est alors constitué et doit obtenir la confiance du Parlement.

On parle de séparation souple parce que le parlement peut renverser le gouvernement, le gouvernement pouvant aussi dissoudre le parlement pour de nouvelles élections.

Ce type de régime permet aussi de créer de grandes coalitions capables de réformer leur pays.

Rien de tel en France.

La 3ème République était parlementaire comme la 4ème. De Gaulle reprochait à ces régimes parlementaires en France d’être trop instables, il fallait changer tout le temps de gouvernement.

D’où ce régime hybride de la 5ème république qui est avant tout un régime parlementaire dans la mesure où le Parlement doit accorder sa confiance au gouvernement et peut le renverser et réciproquement le Parlement peut être dissous, mais dissous par le Président qui lui ne peut pas être renversé, ce qui crée une inégalité forte entre l’exécutif et le législatif.

Et puis d’autres incongruités existent.

Nous avons récemment beaucoup débattu du 49-3 avec lequel l’exécutif contraint, sous peine de dissolution, le parlement de se soumettre à la volonté du gouvernement. Il y a aussi l’article 16, mais passons…

Du temps du Général de Gaulle, il y avait deux choses fondamentales : Il était intègre et s’il fixait les grandes lignes politiques il laissait son premier ministre gouverner.

Et même une troisième : Régulièrement il proposait un référendum pour lequel il annonçait que si le peuple français montrait son désaccord avec la proposition qu’il lui soumettait, il démissionnerait.

Mes bons professeurs de Droit répétaient que cela transformait le référendum en plébiscite et que le plébiscite c’était le mal !

Dans le concept on devait certainement les suivre.

Mais en pratique, à cause du pouvoir exorbitant du Président de la République en France, cette respiration démocratique permettait au moins au peuple de révoquer le monarque présidentiel. Ce qu’il a fait en 1969 en disant « Non » à la réforme du Sénat et la création des Régions proposés par le Général de Gaulle.

Aujourd’hui, le référendum est tombé en désuétude, les trois derniers présidents n’ont jamais utilisé cette possibilité constitutionnelle.

Et depuis, le Général de Gaulle, aucun président qui a utilisé l’outil du référendum, n’a promis sa démission en cas de rejet !

Et puis, la 5ème république a été victime d’abord d’un putsch constitutionnel puis d’une trahison.

Le putsch constitutionnel a été réalisé par le général lui-même qui a révisé la constitution en ne respectant pas les règles permettant cette révision et il a imposé l’élection du Président au suffrage universel en passant directement par le référendum ce qui n’était pas prévu.

En tout cas ce changement a rapidement, après Pompidou en tout cas, rendu les hommes politiques français fous, ils voulaient tous devenir président.

Et puis, Jospin a trahi. Il a trahi la Gauche et Mendés-France parce que la Gauche est viscéralement attachée au régime parlementaire et n’aime pas l’homme providentiel.

Or Jospin a par deux réformes encore davantage éloigné la 5ème république de la logique d’un régime parlementaire.

La première réforme a été d’aligner la durée du mandat présidentiel sur celui des parlementaires : 5 ans.

Mais la vraie trahison est la deuxième mesure : contrairement à ce qui se serait passé s’il avait laissé faire les institutions, il a imposé que les élections présidentielles se fassent avant les élections législatives.

Et ainsi les élections législatives sont devenues l’accessoire de l’élection présidentielle.

C’est une immense bêtise.

Et maintenant on y a ajouté des primaires.

Alors prenons l’exemple de l’Allemagne ou de l’Angleterre ou de l’Italie…

Dans chacun de ces pays, les électeurs votent 1 fois et le parlement est élu puis par le processus normal un chancelier ou premier ministre est désigné et un gouvernement se met en place avec une coalition parlementaire. En un vote les électeurs créent les conditions suffisantes pour que la démocratie représentative fonctionne.

En France, pour un électeur de gauche ou de droite il faut 6 votes, parce qu’en plus la France a cette particularité du vote uninominal à deux tours, pour arriver à ce qu’il existe un pouvoir exécutif et un pouvoir législatif en état de marche, en passant par les primaires.

Pour celles et ceux qui sautent la primaire il faut quand même 4 votes pour un seul en Allemagne, en Angleterre etc…

Aux Etats Unis, il y a des primaires, mais à un tour pour chaque état et puis le même jour les américains élisent le Président et la moitié du Congrès. 2 ans plus tard l’autre moitié est renouvelée.

Ainsi François Fillon a été désigné par une primaire sur un programme très particulier qui lui est propre. Il l’a fait dans son coin avec quelques collaborateurs et probablement sa femme puisqu’elle participait sans cesse à son activité politique.

Mais voilà, s’il existe un problème qui conduirait à le remplacer, comment fait-on ?

On prend le second évidemment, mais le second n’a pas du tout le même programme. Cela ne va pas du tout.

Supposons qu’il arrive la même chose en Allemagne : Madame Merkel est empêchée. Pas de problème, la CDU désigne un autre, avec le même programme de la CDU, peut-être quelques nuances mais fondamentalement le même programme.

Et puis, si la CDU n’a pas la majorité elle discute avec d’autres même avec le SPD et ils font un panachage des deux programmes et le mettent en œuvre.

Avec le système d’élection débile à deux tours que nous avons, nous pensons que les thèses du président élus sont majoritaires : c’est totalement faux : en 2002 Chirac c’était moins de 20 % du corps électoral. On se souvient du second tour … Mais les français comme des moutons et avec le système électoral ont élu une assemblée conforme aux vœux du Président qui a gouverné avec les gens qui était d’accord avec lui au premier tour : 1/5ème de la France !

5 ans plus tard Sarkozy a fait beaucoup mieux 31,18% des voix. Mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit de moins d’un tiers des électeurs. Valéry Giscard d’Estaing avait cette formule qu’il fallait que 2 français sur 3 soient d’accord avec la ligne politique du gouvernement.

Avec un tel système et une si petite portion de soutien, on ne peut pas réformer la France.

Et puis cela rend les candidats incroyablement égocentriques.

Vous avez lu cette exigence du candidat Macron ? :

«  tous les candidats investis s’engageront à défendre le plan de transformation proposé en signant le contrat avec la Nation évoqué par Emmanuel Macron. »

Bref, il n’y a qu’une tête pensante, les députés ne sont là que pour la suivre.

Et avec ce candidat il n’y a même pas de programme précis, celui qui veut devenir parlementaire doit signer un chèque en blanc.

Il y aurait encore tant de dérives à dénoncer qui proviennent directement de cette organisation bancale, n’existant nulle part ailleurs.

Mais les français sont des veaux, comme disait De Gaulle, ils ne veulent surtout pas changer l’élection du Président de la République au suffrage universel.

Au moins pourrait-on faire coïncider les élections présidentielles et législatives et restreindre la possibilité de dissoudre l’Assemblée.

En tout cas le Président de la République joue un rôle trop important, du point de vue organisationnel, dans notre pays et nous ne trouverons plus des femmes ou des hommes capables de faire de cette fonction, telle qu’elle existe actuellement, quelque chose de positif pour la France.

C’est ma conviction !

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