Lundi 24 juin 2019

« Le régime alimentaire des humains d’aujourd’hui est beaucoup plus restreint que celui des premiers chasseurs-cueilleurs »
Naama Goren-Inbar archéologue et paléoanthropologue israélienne

L’espèce humaine est omnivore dès la préhistoire. Il lui arrive d’être cannibale.

La Préhistoire se divise en deux grandes parties, le Paléolithique (l’âge de la pierre taillée) et le Néolithique (l’âge de la pierre polie), qui se divisent elles-mêmes en différentes sous-périodes. La phase de transition entre ces deux grandes périodes est appelée le Mésolithique.

Lithique vient du grec ancien, lithikós (« de pierre, pierreux ») ou de lithos (« pierre »).

Le Paléolithique commence, dès lors, avec l’apparition des premiers outils lithiques, il y a 3,3 millions d’années en Afrique. Il s’achève il y a 11 700 ans avec la fin de la dernière période glaciaire, qui ouvre la voie au Mésolithique, d’abord au Proche-Orient, puis en Europe et dans le reste du monde. Le Paléolithique couvre donc environ 98 % de la durée de la Préhistoire, qui s’achève, selon nos conventions, avec l’apparition de l’écriture vers 3 300 ans av. J.-C. L’écriture ouvrant l’ère de l’Histoire.

Pendant la période Paléolithique et la période Mésolithique, les humains sont tous des chasseurs-cueilleurs ! C’est ainsi qu’ils accèdent à leur nourriture.

Les hommes de ces périodes sont la plupart du temps des nomades, se déplaçant au gré des saisons en fonction des ressources alimentaires disponibles, qu’elles soient végétales ou animales.

La densité de la population est très faible, Wikipedia donne une densité inférieure à 0,01 habitant/km², contre 50 habitants/km² sur la planète aujourd’hui, un rapport de 1 à plus de 5000.

C’est bien sûr le néolithique qui a sédentarisé une majorité de la population humaine. Mais il existait déjà des structures pérennes avant cette période. Göbekli Tepe est un site préhistorique du Mésolithique, situé au sud-est de l’Anatolie, en Turquie

C’est encore grâce à l’article de Wikipedia : <Chasseur-cueilleur> qu’on peut disposer d’une vision assez complète et aussi complexe de ce moment de l’histoire humaine pendant lequel les hommes prélèvent leur alimentation directement dans la nature par la chasse, la pêche et la cueillette.

Pourtant nous apprenons que :

« De très nombreuses découvertes, surtout depuis les années 2000, en particulier en alliant les disciplines archéologiques et anthropologiques, ont montré que les cultures de chasseurs-cueilleurs ont donné à l’humanité certaines inventions fondamentales qui étaient autrefois attribuées aux sociétés du Néolithique. Parmi ces innovations : la pierre polie et la céramique, la domestication du chien et la sélection de certaines espèces végétales, certaines formes d’agriculture comme la sylviculture. […]

Il apparait aujourd’hui qu’en général les chasseurs-cueilleurs anciens se sont adaptés à leur environnement naturel très riche en faune et en flore, dans lequel ils ne prélevaient que ce dont ils avaient besoin. Ils ne furent donc pas contraints de modifier grandement cet environnement, au contraire des cultures basée sur l’agriculture et l’élevage dans laquelle les hommes cherchent à produire les ressources plutôt qu’à les prélever.  »

Le chasseur-cueilleur est naturellement nomade lorsque les ressources naturelles viennent à manquer, mais il peut aussi se contenter de se déplacer un peu pour revenir au même endroit quelque temps plus tard.

Le chien, est le premier et longtemps l’unique animal domestique des chasseurs-cueilleurs paléolithiques. Il semble qu’un large consensus existe pour affirmer qu’il aide les hommes dans la chasse mais n’est pas mangé par l’homme.

Pour construire des abris les chasseurs-cueilleurs n’utilisent que des matériaux disponibles dans la nature. Nous savons qu’ils utilisaient des abris sous-roche pour se protéger des prédateurs et aussi des intempéries.

Mais Wikipedia nous apprend :

« On a découvert en Sibérie des structures habitables construites par des chasseurs-cueilleurs avec des ossements de mammouths, leur taille pouvant être de grandes dimensions. »

Mais dans le domaine précis de l’alimentation que peut-on dire ?

<Selon des chercheurs israéliens> nos ancêtres chasseurs-cueilleurs étaient omnivores mais consommaient plus de végétaux que de viandes :

« Lors de fouilles archéologiques réalisées sur le site de Gesher Benot Ya’aqov, situé au nord de la vallée du Jourdain, plusieurs traces d’herbes et fruits comestibles ont ainsi été retrouvées, explique le Jerusalem Post. Des restes botaniques datant d’il y a 750 000 ans constituent bien la preuve, d’après les chercheurs, qu’au sein des sociétés paléolithiques, les repas étaient beaucoup plus équilibrés qu’on ne le croit.

Le régime alimentaire des humains d’aujourd’hui est beaucoup plus restreint que celui des premiers chasseurs-cueilleurs », affirme Naama Goren-Inbar, qui a mené l’étude. Et pour cause : les recherches sont parvenues à identifier 55 espèces différentes de végétaux, parmi lesquelles figurent des fruits, noix, graines, feuilles, tiges, racines et tubercules. Sur toutes les espèces identifiées, dix ont disparu aujourd’hui.

[…] Nos ancêtres consommaient bien de la viande […]  mais en faible quantité au regard de la diversité des plantes comestibles dont ils disposaient.

[…]  L’importance de la viande dans le régime alimentaire préhistorique avait jusqu’alors été surestimée par les archéologues, pour la simple et bonne raison que les squelettes d’animaux sont mieux préservés que n’importe quel reste de plante. À l’intérieur du site de Gesher Benot Ya’aqov, les restes botaniques ont ainsi pu être conservés pendant des centaines de milliers d’années grâce à un environnement particulièrement humide.

« Il est peu vraisemblable que les hommes de l’époque aient pu survivre en suivant un menu végétarien strict, mais seule une petite portion de protéines et de graisses animales étaient nécessaires pour compléter leur régime majoritairement composé de plantes », affirme Amanda Henry au New Scientist.

Et puis sur un autre plan, celui de la division sexuelle du travail ; il semble que cette organisation simple qu’on nous présentait : l’homme chasse, la femme cueille soit beaucoup trop simpliste.

C’est Alain Testart, anthropologue et ethnologue français qui par ses recherches infirme cette division binaire.

Alain Testart : Essai sur les fondements de la division sexuelle du travail chez les chasseurs-cueilleurs, coll. « Cahiers de l’Homme », Paris, École des hautes études en Sciences sociales, 1986.

Un article de la revue « L’Histoire » : < Hommes ou femmes : qui sont les chasseurs de la préhistoire ?> relate les conclusions des études d’Alain Testart :

«  On ne peut donc prétendre que les femmes ne chassent pas parce qu’elles en sont incapables. Il est vrai, cependant, que là où les femmes chassent, elles le font différemment des hommes : ceux-ci forcent le gros gibier à l’aide de lances, de harpons, de flèches et de couteaux ; celles-là traquent le petit gibier avec des bâtons à fouir, des massues, des pierres, et en utilisant le feu ou les chiens.

Selon l’auteur, les grossesses et les soins donnés aux enfants n’entravent que passagèrement la mobilité des femmes. Si, dans la majorité des sociétés de chasseurs-cueilleurs, l’enfant est sevré très tard – vers trois ou quatre ans – et accompagne sa mère jusqu’à la naissance suivante, c’est en raison d’un choix culturel, non de contraintes naturelles. Car rien n’empêcherait de sevrer les enfants plus tôt ou d’organiser des tours de garde.

[…] Quand l’importance économique de la chasse et celle de la cueillette s’équilibrent, les deux sexes ont des activités très distinctes. Quand la chasse est plus importante, les femmes participent à certaines formes de chasse car c’est alors une activité vitale. C’est aussi le cas lorsque le gibier est rare, […]

Curieusement, la division sexuelle du travail s’applique aussi à toutes les activités économiques, à commencer par la cueillette. Les hommes y participent et certaines tâches, telles que grimper dans les arbres et les abattre avec un instrument tranchant, leur reviennent toujours. Cette même division régit aussi l’usage des techniques de fabrication : les hommes fabriquent leurs armes et souvent aussi les ustensiles féminins : bâtons à fouir et récipients.[…]

L’essai d’Alain Testart dissuade définitivement le lecteur d’envisager la division sexuelle du travail comme un phénomène uniforme et immuable qu’une simple raison d’ordre physiologique suffirait à expliquer. »

En conclusion :

  • Les chasseurs cueilleurs mangeaient de manière plus variées que nous ;
  • Les rôles hommes femmes n’étaient pas aussi caricaturaux qu’on nous l’avait enseigné.

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Mardi 11 juin 2019

« [Que les jeunes filles] osent courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable ! »
Henri Desgrange en 1925

Sauf à ce que vous soyez totalement isolé ou que vous n’écoutiez aucun média, il n’est pas possible que vous ne sachiez pas que la France organise la coupe du monde féminine de football.

Il ne faut pas parler de « football féminin », puisque les règles qui s’appliquent sont rigoureusement les mêmes que celles des hommes et que dès lors il n’existe pas une autre forme de football qui serait le football féminin.

Ce qui existe, ce sont des compétitions réservées aux femmes, il s’agit donc d’une compétition féminine de football.

Notez que les compétitions masculines sont également exclusives et réservées à un seule genre.

Mais le fait qu’il existe aujourd’hui des compétitions féminines et que presque plus personne ne conteste la légitimité des femmes de jouer au football ou d’ailleurs à tout autre sport collectif, ne fut pas un long fleuve tranquille.

Même celles et ceux qui ne le lisent pas, connaissent l’existence du quotidien sportif « L’Equipe » fondé, après la guerre, en 1947 par Jacques Goddet. Ce journal a repris les structures d’un journal qui l’a précédé : « L’Auto ».

Et c’est « Henri Antoine Desgrange » qui était cycliste qui fonda en 1900 ce journal qui s’appela d’abord « Auto-Vélo » jusqu’en 1902, puis simplement « Auto ». L’Auto fut le principal quotidien sportif français du 16 octobre 1900 au 17 août 1944. C’est ce journal sous l’impulsion de son directeur qui mit notamment en place le Tour de France. Il fut interdit de parution en 1944 car il était considéré comme ayant été favorable à l’Occupant allemand. L’honneur d’Henri Desgrange, ne fut pas en cause puisqu’il mourut en 1940, avant le désastre pétainiste.

Mais c’est en tant que journaliste sportif et directeur de l’ « Auto » qu’en 1925, il eut ce jugement péremptoire :

« Que les jeunes filles fassent du sport entre elles, dans un terrain rigoureusement clos, inaccessible au public : oui d’accord. Mais qu’elles se donnent en spectacle, à certains jours de fêtes, où sera convié le public, qu’elles osent même courir après un ballon dans une prairie qui n’est pas entourée de murs épais, voilà qui est intolérable ! »

<Wikipedia> rapporte ces propos qui ont été cités dans le livre de Laurence Prudhomme-Poncet, « Histoire du football féminin au XXe siècle », Paris, L’Harmattan, 2003

Ci-dessus, j’ai écrit que « presque plus personne » ne conteste aux femmes le droit de jouer au football.

L’inénarrable Alain Finkielkraut, que Sonia Mabrouk, lors de l’émission « Les Voix de l’info » sur CNews,. a eu la mauvaise idée d’interroger sur le sujet de la coupe du monde féminine a eu droit à cette réponse :

«J’ai pas envie, j’ai pas envie […] . Alors là, je n’aime pas le football féminin. Arrêtez avec l’égalité ! L’égalité bien sûr, mais avec un peu de différence. Cela ne me passionne pas. Ce n’est pas comme ça que j’ai envie de voir des femmes. »

C’est pendant la Grande Guerre, à un moment où les femmes ont pris de plus en plus de responsabilités, en l’absence des hommes qui étaient au Front, que les femmes commencèrent à jouer des matches de football.

Le 30 septembre 1917, le premier match de football féminin est disputé en France.

Le journal L’Auto, relate dans son édition du 2 octobre 1917 que « pour la première fois des jeunes filles ont joué au football ».

J’ai trouvé d’autres informations sur ce site consacré au football amateur : « Les femmes ont (aussi) découvert le football durant la Grande Guerre » :

« Le 18 janvier 1918, la Fédération des sociétés féminines sportives de France (FSFSF) est fondée. Elle organise le championnat de France de football féminin à partir de 1919. Le premier match de cette compétition s’est déroulé le 23 mars 1919 au stade Brancion à Paris entre Fémina Sport et En Avant, un autre club parisien.[…] le football féminin va rapidement décliner… « Il y a une volonté délibérée de ne pas développer le football féminin, poursuit Michel Merckel. Les médecins de l’époque assurent que le sport peut détruire leur appareil reproducteur. » […] En 1941, le régime de Vichy interdit tout simplement le football féminin qu’il juge nocif. Pour le renouveau, il faudra attendre 1968 et l’idée de Pierre Geoffroy, journaliste à L’Union, de mettre sur pied un match de foot féminin dans le cadre de… la kermesse de son journal, à Reims. La FFF va ainsi reconnaître le football féminin dès l’année suivante.

Un peu plus de cent ans après le premier match, le foot féminin est aujourd’hui en pleine croissance. Mais le chemin fut long pour que ces dames puissent se faire une place dans le monde du ballon rond. »

Wikipedia montre que ce combat fut général à tous les pays occidentaux. L’organisation mondiale la FIFA eut beaucoup de mal a accepté le principe d’une coupe du monde féminine. Il fallut attendre les années 1990, pour que ce devint possible.

Et contrairement à ce que certains pensent encore : « le football n’est pas moins bien quand ce sont des femmes qui jouent », je dirais bien au contraire.

J’ai regardé le match d’ouverture : de beaux buts, de belles phases de jeu, jamais aucune contestation de l’arbitre, jamais de « cinéma » après une faute. Bref, plus de temps de jeu effectif, plus de fluidité.

Et, l’engouement du public fonctionne, n’en déplaise à Alain Finkielkraut. Le <Figaro> précise :

« . Au niveau des audiences TV, les Bleues ont établi vendredi soir un «record historique» pour la discipline: près de 10 millions de téléspectateurs étaient devant TF1, diffuseur de la rencontre en clair et en «prime-time», selon des données de Médiamétrie diffusées samedi. Soit une part d’audience considérable de 44,3%! Au chiffre de 9,8 millions sur TF1 il faut ajouter les 826.000 téléspectateurs sur la chaîne cryptée Canal+. Soit près de 11 millions au total.

À titre de comparaison, le premier match de l’équipe de France masculine lors du Mondial 2018, disputé un samedi à la mi-journée, avait rassemblé 12,59 millions de téléspectateurs. »

Cela étant, il se pose une problématique à la fois légitime et inquiétante. Les joueuses expriment légitimement un souhait d’être mieux rémunérées en comparaison avec les rémunérations exorbitantes des joueurs. Mais inquiétante, car il semble qu’une évolution est en marche qui ne vise pas à réguler le marché masculin, mais de faire rattraper les dérives masculines par des dérives féminines. <Panem et circenses>. Alternatives économiques a commis un article dans ce sens : <Le football féminin, un marché prometteur>.

Je finirai par un peu d’humour que nous donne le dessinateur de presse Denis Pessin et qu’il a publié sur <Slate> :


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Vendredi 17 mai 2019

« Attale, La Tante Bouchère »
Marie-Françoise Seyler

Les vacances sont, au moins pour moi, un moment privilégié pour lire.

Et parmi ces lectures, il y eut d’abord « Attale, La Tante Bouchère ».

J’ai déjà parlé de notre amie Françoise lors du <mot du jour du 22 octobre 2018>.

Car nous l’appelions Françoise, alors que son prénom de l’état civil était Marie-Françoise. Nous savons qu’à cette époque les parents aimaient particulièrement donner le prénom Marie, parfois en y ajoutant un autre prénom pour permettre de distinguer entre toutes les Marie.

Nous avons, Annie et moi, eu la grâce de la compter parmi nos amis.

Nous avons aussi eu la grâce de lui dire « Adieu » avant qu’elle ne quitte la communauté des vivants. Car nous savions alors, elle comme nous, que nous ne nous reverrions pas vivants.

Mais elle avait écrit un dernier roman, avant de poser la plume, d’arrêter de gambader, se coucher et ne plus se relever.

Ce livre est un petit bijou.

Il raconte la vie d’une jeune orpheline qui devient femme dans le monde rural autour et pendant la seconde guerre mondiale. Dans cette région que je connais bien puisque c’est là où je suis né.

Mais je n’ai pas cette connaissance intime de la ruralité, des choses de la terre et des plantes qu’avait Françoise.

Dans une langue simple mais précise, elle décrit les combats de cette jeune fille, protestante au milieu d’un village catholique, femme dans un monde d’hommes, dans un monde en ébullition et très dur. S’il existe de précieux moments d’empathie, ils sont rares.

Très rapidement, elle perd sa mère et son père ne supporte pas d’être seul. Peu à peu, Attale se rend compte qu’elle ne peut plus faire confiance et elle devient encore plus solitaire. Mais elle garde tout au long de sa vie, malgré les vents contraires, une force intérieure et une liberté qui irradie le roman.

J’ai lu avec gratitude ce dernier cadeau de Françoise.

Martine après l’avoir lu, m’a fait ce retour :

« Je viens de finir la lecture de ce beau roman qui relate le parcours de cette femme célibataire, Attale , courageuse qui affronte sa vie difficile mais à laquelle elle tient tellement !
C’est une femme qui sert encore d’exemple  aujourd’hui, persévérante et bouleversante avec ce vécu gravé dans sa chair mais qui ne l’empêchera jamais d’avancer. »

Monique qui l’a lu également a eu ces mots :

« Il m’a rappelé entre autre, bien des souvenirs que nous a racontés Pauline ma belle maman, lors de l’évacuation en Charente ….
Puis le retour en Lorraine qui fut très décevant… habitat saccagé … vols … Il fallait tout refaire …
Enfin il n’y a pas que ça dans le roman … les souffrances psychologiques d’Attale avec ce père …abuseur … mais aussi taiseux …
Puis  la perte de Zac son ami… Un très beau livre qui touche le fond du cœur. »

C’est un roman du terroir, un roman de vie et de combat écrit par une écrivaine qui nous parle de choses qu’elle connaît, qu’elle a vécu et compris.


Je dirai simplement : Merci Françoise.

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Mercredi 17 avril 2019

« Papa fait du foot, maman passe le balai »
Tania De Montaigne

C’est la revue de presse de Frédéric Pommier, sur France Inter, samedi 13 avril qui m’a appris l’existence d’une chronique de Libération que je souhaite partager avec vous aujourd’hui.

Cette chronique est tenue en alternance par 5 personnes, écrivains, essayistes et même journalistes. La chronique du 12 avril 2019 a été rédigée par Tania de Montaigne.

Vous la trouverez derrière ce lien : « Papa fait du foot, maman passe le balai »

Pour celles et ceux qui parlent un peu la langue du football, aucune introduction n’est nécessaire.

Pour les autres, il suffit de savoir que dans le monde du football il y a 3 groupes. Le premier qui compte de nombreux adeptes, considère que le meilleur joueur de football d’aujourd’hui est Lionel Messi qui est argentin. Le second qui est aussi nombreux que le premier, considère que le meilleur joueur de football d’aujourd’hui est Christiano Ronaldo qui est portugais. Le troisième groupe est très minoritaire, il considère que c’est un troisième joueur qui est le meilleur, mais il n’arrive pas à se mettre d’accord pour savoir qui c’est, hormis le fait que ce ne serait ni Ronaldo, ni Messi.

Messi parle peu et ne se fait pas trop voir dans les médias, en dehors de ses activités sportives. Ronaldo parle souvent et se montre régulièrement dans les médias en dehors de ses activités sportives, il réalise aussi beaucoup de publicités.

Ici, il est question de Christiano Ronaldo

Revenons à la chronique de Tania de Montaigne :

« Il y a quelques jours, je suis tombée sur une petite vidéo trop mignonne. On y voit Cristiano Ronaldo, star maxi mondiale du football, jouant avec son fils d’un an et demi en grenouillère (le fils, pas le père), trop mignon. C’est beau, c’est de la transmission, le ballon qui va du père au fils, du fils au père. «Allez Mateo !» dit Ronaldo en poussant le ballon vers le petit garçon. Puis, on entend «Oooooohhhhh !» lorsque ledit Mateo renvoie la balle de son petit pied encore malhabile. C’est tellement cute, [mignon en langage branché] on pourrait pleurer. Un peu comme quand Bambi, encore chancelant, parvient à se dresser sur ses pattes arrière et fait ses premiers pas sous l’œil de sa mère qui, malheureusement (attention spoiler), ne tardera pas à mourir dans d’atroces souffrances. Ce que, bien sûr, nous ne souhaitons pas à Ronaldo qui, aux dernières nouvelles, se porte plutôt bien, si on met à part un claquage de la cuisse droite.

Ce qui est vraiment intéressant dans cette vidéo n’est pas au premier plan. Tout se passe ailleurs. Dans le fond, on aperçoit une petite fille, également en grenouillère, qui, elle, n’intéresse aucun des adultes présents dans la pièce. Ni celui ou celle qui filme ni celui qui joue. Elle est dans le champ sans y être. On la voit à l’arrière-plan, reproduire, quasiment à l’identique, les gestes du petit garçon. Elle agit en miroir, faisant, comme si elle appartenait aussi à cette scène. Elle tire dans un ballon imaginaire, celui qu’elle aimerait recevoir mais qui n’arrive pas. Elle joue dans le vide, parce que tout le monde s’en fout et que visiblement, le projet «transmission par le ballon» n’est pas prévu pour elle.

Au bout d’un moment, de guerre lasse, elle arrête de jouer au air-foot et s’en va chercher un balai et un petit kit de nettoyage sur roulettes. Il y a d’autres jouets dans cette salle de jeu, qui doit faire environ 8 250 mètres carrés, mais c’est vers le balai qu’elle se dirige. Un peu comme si la fête était finie.

Une mini-Cendrillon en grenouillère qui retourne à sa vie de toujours.

En voyant ces images, deux choses me frappent.

  • Petit 1, étant moi-même très peu millionnaire ou fille de millionnaires, j’avais dans l’idée (idée préconçue, il faut bien l’avouer) que le petit kit de nettoyage et son balai coordonné ne rentraient pas dans la liste des cadeaux envisageables pour les gens de ce monde. Or, apparemment, même enfant de millionnaire, une fille reste une fille. Ce qui est d’autant plus étonnant qu’a priori, sauf grosse banqueroute, il y a de fortes chances pour qu’à l’avenir, cette enfant ait suffisamment d’argent pour pouvoir ne pas faire le ménage, si le cœur lui en dit.
  • Petit 2, je me demande combien de temps il faudra attendre pour que le kit nettoyage, le mini-aspirateur, la microcuisine avec ses mignonnes casseroles et son croquignolet lave-vaisselle, cessent d’être dans les meilleures ventes des jouets pour filles. Car, à y regarder de plus près, si on se dit qu’un jeu ou un jouet, quel qu’il soit, a pour but de favoriser l’imaginaire et la créativité des enfants, quelle est exactement la zone du cerveau que l’on compte développer chez une petite fille qui passerait l’aspirateur ?

Pour répondre à cette question, je propose un test simple, scientifique, qui vaut pour tous les sexes. Attention, cette expérience est violente. Munissez-vous d’un balai, passez-le sur une surface de votre choix puis, notez sur une échelle allant de 0 à 10 l’intérêt que vous avez éprouvé en effectuant cette activité.

Sans vouloir influencer l’expérience en cours, je vous livre les résultats qui ont été observés. A ce jour, l’essentiel des réponses se situe entre 0 et 0.

Autrement dit, tous les gens qui ont passé le balai n’y ont vu aucun intérêt créatif. Ce qui nous conduit à penser que le principal intérêt d’un balai c’est de… retirer la poussière.

On peut donc en déduire que s’y préparer depuis l’enfance n’est pas vraiment nécessaire. Je sais, ça va loin !

N’hésitez pas à faire faire cette expérience à vos amis partout dans le monde, ce qui nous permettra d’avoir une base de données solide. Plus nous aurons de résultats, plus ce test aura une portée scientifique planétaire. Et qui sait, peut-être un jour n’y aura-t-il plus de mini-balais dans les magasins de jouets, car plus personne ne jugera nécessaire d’en acheter. ».

Cette chronique m’inspire les réactions suivantes :

  • Ceux qui prétendent que la théorie du genre est une fable visant à nier la différence homme-femme, sont soit des doux rêveurs, soit des idéologues du machisme ou d’une religion quelconque, ce qui est très proche.
  • Le progrès est certainement en marche, mais il est lent.
  • Je crois que je vais m’intéresser aux chroniques de Tania de Montaigne. Frédéric Pommier dit d’elles : « Percutante et ciselée, comme le sont toutes ses chroniques »

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Jeudi 25 octobre 2018

« Ce n’est pas de la faute des évêques si Jésus n’a choisi que des hommes comme apôtres »
Un participant au dernier synode de l’Eglise catholique qui a permis à des religieuses de participer sur le thème « la place des femmes dans l’Eglise et l’éducation des jeunes filles », mais sans droit de vote et presqu’aucun espace pour parler

Sur France Inter, Giulia Foïs réalise une chronique hebdomadaire, dans laquelle elle s’intéresse aux questions liées au genre.

Le mardi 23 octobre 2018 elle a fait une chronique sur différents sujets et je voudrai en partager un avec vous, concernant les femmes, l’église catholique et la lente évolution de cette dernière par rapport aux premières.

Et nous apprenons ainsi qu’a eu lieu, la semaine dernière un synode quasi révolutionnaire dans l’Eglise Catholique.

Pour savoir exactement ce que signifie synode, je me suis tourné vers des spécialistes, à savoir des journalistes du quotidien « La Croix », qui pose justement cette question : Qu’est-ce qu’un synode?

Nous apprenons donc que dans la tradition de l’Eglise, le synode est une assemblée d’évêques en principe et c’est un organe consultatif pour le Pape. Pour être complet sa signification est plus large car il peut s’agir d’une assemblée locale, un synode diocésain, qui regroupe des ecclésiastiques de plus basse hiérarchie que les évêques.

Par ailleurs, les autres religions chrétiennes protestantes et orthodoxes connaissent aussi des assemblées appelées synodes avec une signification un peu différente. Pour en savoir un peu plus, il faut aller sur Wikipedia.

Revenons aux explications du synode catholique par « La Croix »

« Le mot synode vient du grec. Il est formé de odos (chemin) et sun (ensemble). Il signifie « faire route ensemble » mais également « franchir un même seuil », « habiter ensemble« , donc se réunir. Le synode (ou le concile) désigne dans l’Église une assemblée réunie pour délibérer et prendre des décisions en matière de doctrine ou de discipline. […]

Il ne faut pas confondre le synode avec le concile qui a un caractère œcuménique et au cours duquel tous les évêques du monde sont appelés à participer. Lors d’un concile, les évêques abordent les questions qu’ils souhaitent et leur vote a autorité sur les décisions du pape. »

Pourquoi ce dernier synode fut il révolutionnaire ?

Parce que jusqu’à présent, « faire route ensemble », « habiter ensemble » signifiait dans la tradition catholique : être ensemble sans présence féminine.

Normal, me direz-vous puisqu’il s’agit d’évêques et que les catholiques veulent des évêques du genre masculin.

Ce n’est pas aussi simple, puisque depuis Paul VI, peuvent participer, toujours selon « La Croix » :

« Des religieux, des recteurs et des dirigeants de mouvements et d’associations nommés par le pape en qualité de pères synodaux et d’experts. »

Et donc ce qui fut révolutionnaire, c’est que des femmes ont été enfin invitées.

Mais, s’il y a révolution, il y a révolution lente.

Voici ce qu’en dit Giulia Foïs

«  Réunis en synode, en fin de semaine dernière, à Rome, les évêques ont invité des religieuses à se joindre au débat…
Eh ben oui…
Comme quoi, on peut porter calotte et accorder aux femmes le droit de porter cerveau. Le droit de s’en servir, même, surtout  quand ça les concerne directement.

Le thème du synode ?
La place des femmes dans l’église, l’éducation des jeunes filles, la « nécessaire lutte, je cite, contre la culture machiste » du dogme et de l’institution…
Du coup, les femmes étaient là, cette fois.
Elles étaient au moins… Oh ! Douze, les religieuses. Soit 10% des participants.

Ok, ce n’est pas beaucoup, mais elles ont pu parler.
A la pause-café, notamment, disait l’une d’entre elle à l’AFP.
Alors évidemment, comme seuls les hommes ont le droit de vote au synode, elles n’ont pas eu leur mot à dire sur le texte final…

Une pétition a bien circulé pour ouvrir le vote aux femmes…
Mais bon, comme le rappelait l’un des participants : ce n’est pas de la faute des évêques si Jésus n’a choisi que des hommes comme apôtres.
Ben oui.
Et la pomme, ce n’est pas la faute d’Adam non plus, ok ?
Mais baste, point de polémique au Vatican de grâce.
Réjouissons-nous qu’elles aient été invitées à participer.
Parce que du coup, elles ont tout bien écouté quand les hommes ont parlé. »

Vous allez me dire que c’est de nouveau la question de notre regard du verre à moitié vide ou du verre à moitié plein.

 

A vrai dire, pour moi je verrai plutôt un verre quasi vide, ou un verre presque pas rempli.

L’Église n’a pas inventé la société patriarcale, mais y a très largement contribué et a permis de l’entretenir.

C’est une de ses tares, parmi d’autres.

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Vendredi 29 juin 2018

« Éduque-la à la différence. Fais de la différence une chose ordinaire. Fais de la différence une chose normale. »
Chimamanda Ngozi Adichie, conseil pour une jeune fille qui doit affronter un monde encore largement dominé par les hommes

J’ai entendu parler d’elle en janvier 2018 parce qu’elle avait été invitée par le Ministère des Affaires étrangères pour être la marraine de la troisième édition de la Nuit des idées, sur le thème « L’imagination au pouvoir » et que pour cette raison elle avait été invitée par plusieurs radios.

Une vidéo montre son intervention lors de cet évènement.

Le Point avait titré à cette occasion : «Chimamanda Ngozi Adichie enflamme le Quai d’Orsay»

Je lui avais consacré le mot du jour du <Vendredi 26 janvier 2018> qui portait pour exergue : « Nous devrions tous être féministes ! »

Et elle avait enthousiasmé Annie qui a acheté plusieurs de ses livres.

Et surtout un livre.

Elle l’a acheté plusieurs fois, parce qu’entre-temps elle l’offrait à des personnes qui lui rendait visite.

Ce livre, paru en mars 2017, Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe est une lettre en réponse à son amie Ijeawele, qui lui demandait conseil afin d’offrir à sa nouvelle-née une éducation féministe. Chimamanda Ngozi Adichie lui fait des propositions pour éduquer sa fille pour qu’elle soit féministe, féminine, humaniste et pleine de confiance.

C’est un livre qui n’a qu’une soixantaine de pages, mais la qualité et la profondeur d’un message n’a que peu à voir avec la quantité de mots et de phrases utilisés.

Après avoir simplement rappelé que :

«C’est magnifique ce que tu as fait là, mettre un être humain au monde. »

Puis lui avoir adressé quelques mots d’affection, elle débute les recommandations :

« Je n’ai pas de règles gravées dans le marbre. Ce que j’ai de plus proche d’une recette, ce sont mes deux «outils féministes » et c’est ce que je te propose en guise de point de départ.

Le premier outil, c’est ton postulat de base, la conviction ferme et inébranlable sur laquelle tu te fondes. Quel est ce postulat ? Voici ce qui devrait être ton postulat féministe de base: je compte. Je compte autant. Pas «à condition que ». Pas «tant que». Je compte autant. Un point c’est tout.

Le second outil est une question : peut-on inverser une proposition X et obtenir le même résultat ?

Prenons un exemple : beaucoup de gens pensent que, pour une femme, réagir de façon féministe à l’infidélité de son mari implique de le quitter. Pourtant, selon moi, rester peut également être un choix féministe, en fonction du contexte. Admettons que Chudi couche avec une autre femme et que tu lui pardonnes, serait-ce la même chose si c’était toi qui couchais avec un autre homme ? Si la réponse Chère Ijeawele, est oui, alors ta décision de lui pardonner peut être un choix féministe, parce qu’il n’est pas déterminé par une inégalité de genre. Malheureusement, dans la plupart des mariages, la réalité est que la réponse sera bien souvent non, et ce pour une raison fondée sur le genre — cette idée absurde selon laquelle «les hommes sont ainsi» (ce qui signifie que l’on exige bien moins des hommes).

Et puis elle énumère toutes ses suggestions.

La première :

« Sois une personne pleine et entière. La maternité est un magnifique cadeau, mais ne te définis pas uniquement par le fait d’être mère. Sois une personne pleine et entière. Ce sera bon pour ton enfant. L’Américaine Marlene Sanders, pionnière du journalisme et première femme à couvrir la guerre au Vietnam (et qui avait elle-même un petit garçon), a un jour donné ce conseil à une consœur plus jeune : « Ne vous excusez jamais de travailler. Vous aimez ce que vous faites, et aimer ce que vous faites est un merveilleux cadeau à offrir à votre enfant. » Je trouve ce conseil extrêmement sage et émouvant. Tu n’es même pas obligée d’aimer ton travail ; tu peux te contenter d’apprécier ce que t’apporte ton travail : la confiance, le sentiment d’accomplissement que tu acquiers en étant active, en gagnant ta vie. »

« Accorde-toi le droit d’échouer. Une jeune mère ne sait pas forcément comment calmer un bébé qui pleure. Ne pars pas du principe que tu devrais tout savoir. Lis des livres, cherche sur Internet, demande à des parents plus expérimentés, ou essaie tout simplement en tâtonnant. Mais surtout, ne perds jamais de vue le fait de rester une personne pleine et entière. Accorde-toi du temps pour toi. Satisfaits tes propres besoins. »

Point important aussi, elle affirme l’idée de bannir l’idée du vocabulaire de l’aide :

« Quand nous disons que les pères aident, nous suggérons que s’occuper des enfants est un territoire appartenant aux mères, dans lequel les pères s’aventurent vaillamment. »

Quand un père s’occupe de son enfant, il s’occupe de son enfant et ce n’est que normal. En aucune manière il n’aide la mère.

Et je cite encore quelques conseils :

– « « Parce que tu es une fille » ne sera jamais une bonne raison pour quoi que ce soit. Jamais. »

– « Le bien-être des femmes ne doit jamais dépendre de la bienveillance des hommes. »

– « Apprends-lui à questionner les mots. Les mots sont les réceptacles de nos préjugés, de nos croyances et de nos présupposés. »

– « Apprends-lui à poser des questions comme celles-ci : quelles sont les choses que les femmes ne peuvent pas faire parce que ce sont des femmes ? Ces choses possèdent-elles un certain prestige dans notre société ? Si c’est le cas pourquoi seuls les hommes peuvent-ils faire ce qui a du prestige ? »

– « Apprends-lui à ne pas se soucier de plaire. Aucune fille ne devrait chercher à se rendre aimable mais toujours veiller à être pleinement elle-même, une personne sincère et consciente que les autres sont humains autant qu’elle. »

– « Apprends-lui à être sincère. Et bienveillante. Et courageuse. Encourage-la à exprimer ses opinions, à dire vraiment ce qu’elle pense, à parler vrai. »

– « Dis-lui qu’elle n’est pas seulement un objet qu’on aime ou qu’on n’aime pas, elle est également un sujet qui peut aimer ou ne pas aimer. »

– Chimamanda Ngozi Adichie insiste sur l’importance d’expliquer aux enfants, en particulier aux filles, les privilèges et les inégalités, et l’éthique de reconnaître sa dignité à toute personne en même temps que reconnaître les personnes mal intentionnée à leur égard.

– « Être féministe, c’est comme être enceinte. Tu l’es ou tu ne l’es pas. »

– « Éduque-la à la différence. Fais de la différence une chose ordinaire. Fais de la différence une chose normale. Apprends-lui à ne pas attacher d’importance à la différence (…). Parce que la réalité de notre monde, c’est la différence. Et en l’éduquant à la différence, tu lui donnes les moyens de survivre dans un monde de diversité. »

Mais Chimamanda Ngozi Adichie rappelle aussi que donner une éducation féministe aux filles n’implique pas de les contraindre à refuser la féminité. Cette femme est une féministe flamboyante qui assume son féminisme et sa capacité de séduction. Elle ne s’oppose pas aux hommes, elle les entraîne simplement à entrer avec elle dans le combat féminisme qui n’est pas autre chose que de mettre la femme à sa vraie place, la place égale à l’homme : «Je compte autant» . Et pourtant c’est loin d’être le cas dans nos pays et encore bien davantage dans la plupart des pays du monde. Et parmi ces pays, il semblerait que le pire soit l’Inde.

C’est pourquoi le combat de Chimamanda Ngozi Adichie est si important.

Comme est important un ressourcement par le silence. Silence que je commence à partir de lundi. Le prochain mot du jour, si tout va bien, est prévu pour le lundi 3 septembre.

<1099>

Lundi 28 mai 2018

Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre »
Anne Sylvestre, « Non non tu n’as pas de nom »

<66,4% des électeurs irlandais ont voté en faveur> de la légalisation de l’avortement dans ce pays où la tradition catholique a si longtemps résisté à cette évolution sociétale. Comme le rapporte <France Info> : « L’interdiction d’avorter est désormais une exception en Occident. Il reste encore la très catholique île de Malte. L’avortement y est totalement interdit. Les femmes qui y auraient recours et leurs médecins risquent trois mois de prison. À Chypre et en Pologne, l’avortement est autorisé, mais seulement en cas de viol, de malformation du foetus ou alors de risque pour la santé de la mère et de l’enfant »

Cette même émission précisait que dans le Monde, notamment sous le poids des religions, la situation n’est pas la même. Environ 60 % des femmes dans le monde n’ont toujours pas accès librement à ce droit.

Il semblerait que le premier État qui ait légalisé l’avortement fut l’Union soviétique en 1920 sous l’impulsion de Lénine. Mais en 1936 Staline l’interdit à nouveau et la légalisation est rétablie en 1955, 2 ans après la mort de Staline. Et c’est, quelques jours avant mai 68, le 27 avril 1968 que l’Angleterre autorise l’interruption volontaire de grossesse.

Pour la France, nous nous en souvenons, qu’il a fallu attendre 1975 et la Loi Veil pour rendre possible l’avortement médicalisé et non réprimé.

Mais lors du mot du jour du 5 septembre 2017 qui rendait hommage à Simone Veil, j’avais rappelé qu’elle avait au début de son intervention devant l’Assemblée Nationale eut ces propos :

« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame ».

Deux avant 1975, Anne Sylvestre avait écrit, avec son talent et son humaniste, une chanson bouleversante évoquant ce drame, cette déchirure : « Non non tu n’as pas de nom »

Anne Sylvestre est connu par quasi tous les parents et les enfants grâce à ses fabulettes pour enfants. Je crois qu’à la maison nous avons tous les CD de ces chansons enfantines.

Mais ce n’était qu’une deuxième partie de sa vie artistique, la première et celle pour laquelle elle se produisait en public concernait la chanson à texte, chansons pour adultes, chansons engagées.

France Inter lui a consacré une émission parce que <Anne Sylvestre vient de fêter ses 60 ans de carrière de chanteuse à texte>

Elle est née le 20 juin 1934 à Lyon et a donc aujourd’hui 83 ans.

Un de ses petit-fils, Baptiste Chevreau 24 ans est tombé sous les balles des terroristes au Bataclan.

C’est donc en 1973 qu’elle a écrit, composé et chanté cette chanson dont elle disait que ce n’était pas une chanson sur l’avortement, mais une chanson sur l’enfant ou le non-enfant.

Quand on veut en citer un extrait on privilégie souvent :

« Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes »

J’en ai choisi un autre comme exergue de ce mot du jour qui s’intercale entre ceux consacrés à Mai 68, celui consacré aux mères et qui célèbre à la fois cette victoire de la raison en Irlande et les 60 ans de carrière d’une artiste exceptionnelle.

Cette chanson se trouve sur l’album « Une sorcière comme les autres ».

Voici le texte intégral de cette chanson humaniste et qui parle au cœur et aux sentiments.

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Oh non tu n’es pas un être
Tu le deviendras peut-être
Si je te donnais asile
Si c’était moins difficile
S’il me suffisait d’attendre
De voir mon ventre se tendre
Si ce n’était pas un piège
Ou quel douteux sortilège

Non non tu n’as pas de nom…

Savent-ils que ça transforme
L’esprit autant que la forme
Qu’on te porte dans la tête
Que jamais ça ne s’arrête
Tu ne seras pas mon centre
Que savent-ils de mon ventre
Pensent-ils qu’on en dispose
Quand je suis tant d’autres choses

Non non tu n’as pas de nom…

Déjà tu me mobilises
Je sens que je m’amenuise
Et d’instinct je te résiste
Depuis si longtemps j’existe
Depuis si longtemps je t’aime
Mais je te veux sans problème
Aujourd’hui je te refuse
Qui sont-ils ceux qui m’accusent

Non non tu n’as pas de nom…

A supposer que tu vives
Tu n’es rien sans ta captive
Mais as-tu plus d’importance
Plus de poids qu’une semence
Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes

Non non tu n’as pas de nom…

Ils en ont bien de la chance
Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre
C’est la solitude blanche
C’est la chute l’avalanche
C’est le désert qui s’égrène
Larme à larme peine à peine

Non non tu n’as pas de nom…

Quiconque se mettra entre
Mon existence et mon ventre
N’aura que mépris ou haine
Me mettra au rang des chiennes
C’est une bataille lasse
Qui me laissera des traces
Mais de traces je suis faite
Et de coups et de défaites

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Paroles et musique: Anne Sylvestre, 1973

En 1998 à l’Olympia, Anne Sylvestre à 68 ans, a redonné une nouvelle interprétation à cette chanson que vous pourrez écouter et voir derrière ce <Lien>.

Sur ce même album « Une sorcière comme les autres », il y a aussi cette très belle chanson : « Un mur pour pleurer ».

<1076>

Vendredi 18 mai 2018

«La femme de 1968 est à la fois contrainte et aspire à la liberté»
Michelle Perrot

Hier j’ai essayé de développer la face noire de mai 1968, c’est-à-dire une déculpabilisation de la pédophilie et même une ode à l’amour mais il faut plutôt écrire les choses de manière explicite : une ode au sexe avec les enfants.

Aujourd’hui, je voudrais esquisser la présence et le rôle des femmes dans les évènements de mai 1968.

Mon butinage m’a cette fois rappelé que le Mouvement de Libération des Femmes ( MLF) est né en 1970. Certes très peu de temps après mai 68 et certainement dans l’élan pris par mai 68, mais en 1968 il n’existait pas et na pas été créé.

Plusieurs livres, plusieurs émissions ont été consacrés à ce sujet des femmes dans le mouvement de mai 68.

« L’émission la fabrique de l’histoire » sur laquelle je m’étais appuyé pour écrire ma série de mots du jour sur Lyon, a bien sûr consacré plusieurs émissions à mai 68 et celle du <25 avril 2018> posait la question : «Mai 68, où sont les femmes ? ». Dans cette émission une des intervenantes explicite la réalité en quelques mots : « Les hommes qui menaient ce mouvement, voulaient changer le monde mais pas toucher à la domination masculine »

Mais dans ce mot, je vais surtout évoquer l’Historienne Michelle Perrot.

Elle est née le 18 mai 1928 et fête donc aujourd’hui ses 90 ans. En 1968 elle était dans le corps enseignant à la Sorbonne et a participé à l’occupation de la Sorbonne.

Michelle Perrot est une des grandes historiennes de France et elle a particulièrement contribué à l’émergence de l’histoire des femmes et du genre. Elle a notamment dirigé, avec Georges Duby, l’Histoire des femmes en Occident (5 vol., Plon, 1991-1992) et a publié l’ensemble de ses articles sur la question dans Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, 2001. Pour elle, le féminisme est une liberté universelle.

<Elle était invitée par RFI pour parler des femmes en 1968>

C’est lors de cet entretien qu’elle a cette formule « La femme de 1968 est à la fois contrainte et aspire à la liberté ». On dirait presque Emmanuel Macron : « en même temps ». Elle explicite :

« Contrainte, parce que la société est très conservatrice, famille etc. Mais il y a des quantités de signes d’émancipation. D’abord parce qu’il y a de plus en plus de femmes qui travaillent dès cette époque-là.
Et puis, en 1949, 20 ans avant, Simone de Beauvoir a quand même publié le deuxième sexe. Et la génération féminine qui est là en 1968 connait ce livre.
Il y a des aspirations et des contraintes les femmes ne sont pas au premier rang quand même »

Michelle Perrot est aussi interrogée sur mai 68 par l’OBS qui justement parle du rang des femmes dans ce mouvement où les héros : Cohn-Bendit, Sauvageot, Krivine, Geismar sont tous des hommes.

Michelle Perrot répond :

« En réalité, les femmes étaient là. Dans les défilés, les amphis, les rassemblements, elles sont partout si l’on prend la peine de regarder les photos de l’époque. Mais leur présence passe inaperçue. D’ailleurs, en vous parlant, je me rends compte que moi aussi je l’avais occultée. Les filles étaient pourtant nombreuses dans la Sorbonne occupée. Je pense notamment à une étudiante très déterminée, la jeune Françoise. Elle prenait souvent la parole, je revois sa silhouette et ses interventions… Je l’avais totalement oubliée ! […]

Elles avaient beau être mêlées aux hommes dans les amphis ou les AG, les femmes restaient plutôt discrètes, peinaient à intervenir…

Et lorsque certaines, comme cette Françoise, osaient s’exprimer, on tendait toutes et tous à les minimiser. Leur parole a si peu été entendue et recueillie que l’histoire n’a pas retenu leurs noms. Les femmes étaient cantonnées au rôle de figurantes, comme la fameuse Marianne de 68, magnifique mannequin britannique, juchée sur les épaules d’un camarade et brandissant un drapeau vietnamien. Photographiée dans les cortèges, elle est devenue l’icône du mouvement dans «Life» ou en une de «Paris-Match» sans que personne ne se demande qui elle était, ni ce qu’elle avait en tête. Les femmes ont joué les allégories de 68 mais n’en ont pas été les actrices principales. On restait dans la hiérarchie des sexes. C’est d’ailleurs un geste masculin qui a tout déclenché, ces garçons revendiquant le droit d’aller dans les chambres des filles à la cité U de Nanterre. »

Elle parle aussi de la fraternité, aujourd’hui on dirait la sororité, de l’enthousiasme pendant les évènements de mai et du retour désabusé à la vie quotidienne de la société patriarcale après ces évènements. Pourtant elle utilise le terme de brèche dans les représentations traditionnelles, brèche qui ouvre la voie vers d’autres combats et une émancipation plus large :

« A la faveur de 68, les femmes ont fraternisé entre elles. C’est un aspect rarement évoqué, mais ce fut une période de maturation considérable et pour certaines un ébranlement existentiel. Elles se considéraient comme égales, mais, au fond, qu’attendait-on d’elles, sinon faire le café?

Passé l’ivresse des cortèges, le retour à la maison était parfois rude… les filles de Mai n’avaient pas toutes des parents soixante-huitards! A la fin du printemps, quand tout est rentré dans l’ordre, elles se sont demandées ce qui avait vraiment changé. De Gaulle – et avec lui l’ordre patriarcal – était de retour, et dans une France encore largement rurale, les hommes tenaient la politique et décidaient de tout dans les familles.

Mai-68 ne fut pas un mouvement féministe mais une brèche dans ces représentations traditionnelles du couple, de la famille, de la sexualité, comme l’a très bien décrit Edgar Morin. Une brèche dans laquelle les femmes se sont engouffrées, comme lors des précédentes révolutions, en 1789, en 1830, en 1848, ou pendant la Commune… Sauf que, pour une fois, elles ne sont pas rentrées sagement à la maison. Elles se sont organisées, décrétant: «le privé est politique». Ensuite, tout s’est cristallisé assez vite, et le MLF est né. »

Mai 68 fut aussi, comme je l’ai écrit hier et n’en déplaisent à l’armée de sociologues qui constatent que lors des assemblées générales on en parlait peu, la libération du corps et du désir. On en parlait pas mais on faisait. Et dans cette libération c’est encore le désir de l’homme qui était prégnant et la femme devait se débrouiller, souvent seule. La contraception existait dans les textes mais peu dans la réalité :

« Ces années-là étaient traversées par une intense ascension du désir, y compris sexuel. Sa libération fut à la fois très puissante et douloureuse pour les femmes et a posé avec bien plus d’acuité la nécessité pour elles de prendre des précautions. La liberté sexuelle, oui, mais pour qui?

Les hommes étaient ravis mais peu concernés par la hantise des femmes de voir leur vie bouleversée par une naissance, ou d’avorter clandestinement.

Le planning familial existait depuis 1960 et la loi Neuwirth de 1967 avait légalisé la pilule mais les contraceptifs n’arrivaient pas encore dans les pharmacies et il faudra encore des années avant qu’elles puissent les demander sans être regardées de travers. La société demeure très corsetée, de nombreux étudiants portent encore la cravate. Sur le plan des mœurs, l’époque reste frileuse: les mères n’osent pas aborder ces sujets, les pères encore moins… Le qu’en-dira-t-on reste dominant. »

La libération de la femme passera par le contrôle des naissances et la maîtrise de la fécondité :

«  Même si, comme je l’ai dit, la société connaissait des évolutions importantes pour les femmes – accès aux études, au monde du travail – l’indépendance passait avant tout par cette question brûlante du corps et de la conception. La condition première de leur émancipation, «l’habeas corpus des femmes» comme a dit Geneviève Fraisse, c’était l’accès au contrôle des naissances. Et c’est bien le sens d’un grand slogan de l’après 68, venu des Etats-Unis: «Our bodies, Ourselves», «notre corps, nous-mêmes», qui renversait des millénaires de représentation du monde. Comme l’a montré Françoise Héritier, les hommes ont longtemps conçu les femmes comme des vases destinés à recevoir leur semence, seule fécondante. Au XIXe siècle, on s’était bien aperçu du rôle des ovules, mais cela n’avait pas fait bouger les lignes. »

Plusieurs livres ont été écrits, le site de RTL en présente 4.

Le premier de ces livres est « Filles De Mai. 68 – Mon Mai à Moi» aux éditions du bord de l’eau. C’est un livre collectif, dont la préface a été écrite par Michelle Perrot.

Sur le site de l’éditeur, ce livre est introduit par ce petit texte :

Elles
ont entendu Michelle Perrot
parler du silence des femmes dans l’histoire

Elles
ont voulu dire Mai 68
Elles se sont réunies
Elles ont parlé et beaucoup ri.
Elles se sont souvenues.

Elles ont écrit
et les écrits ont voyagé
de l’une à l’autre
de toutes à toutes
échos croisés
de l’avant, du pendant et de l’après

Et puis
des mots ont pris le pouvoir
des mots mémoire, des mots passion
et l’abécédaire est né
de la mémoire de ces filles de mai

« Le Monde des Livres parle aussi de ce livre : « Mai 68 : le printemps contrarié des femmes » et aussi d’un autre « L’Autre Héritage de 68, La face cachée de la révolution sexuelle» de Malka Marcovich chez Albin Michel

Anne Both (Anthropologue et collaboratrice du « Monde des livres ») écrit à ce propos

« Tout paraissait possible. Oui, tout paraissait possible pour les femmes en ce doux printemps de 1968. Telle est la première impression que donnent deux livres remarquables qui leur sont consacrés. Pourtant, à leur lecture, on se demande si, en définitive, cette révolution n’était pas une révolution d’hommes menée par et pour des hommes. Le premier, Filles de Mai, résulte d’un atelier d’écriture composé de 22 citoyennes ordinaires, âgées à ce moment-là de 15 à 54 ans ; il se présente sous la forme d’un abécédaire avec 68 entrées, d’« Adolescence » à « Vérité ». Le second, L’Autre Héritage de 68, conçu comme un voyage dans le temps depuis l’immédiat après-guerre jusqu’aux années 1980, dévoile les dérives de ce que son auteure, l’historienne Malka Marcovich, nomme une « fausse liberté ».

Aucun doute cependant : un changement était attendu, sinon désiré. Des récits des « filles de Mai », membres de l’Association pour l’autobiographie, qui ont accepté de se confier avec une sincérité parfois crue, il ressort qu’elles étouffaient dans une culture de soumission à l’autorité masculine, à travers la figure du père, puis du mari, du patron et aussi du grand Charles, général et père de la nation.

On sait quels interdits spécifiques aux femmes s’appliquaient alors : le port du pantalon, considéré depuis 1800 comme un travestissement, les rapports sexuels avant le mariage, déshonorants, le droit de se mêler de politique ou de revendiquer quelque ambition professionnelle – un bon mariage suffisait amplement. L’insurrection de 1968 arrivait, en quelque sorte, à point nommé. […]

Dans un livre comme dans l’autre, les illusions se dissipent. Certaines évoquent la déplaisante sensation d’avoir été consommées comme une friandise ou considérées comme le jouet d’un soir ; l’injonction à être libre pouvant devenir, au fond, des plus aliénantes. « Et la fameuse libération sexuelle, prônée en 68, cache bien des pièges dont je suis victime : donjuanisme, peur de l’engagement, non-écoute du désir de l’autre sous couleurs de liberté », se souvient Chantal (Filles de Mai). »

LE site du magazine ELLE consacre aussi un article à ce sujet : « Mai 68 : où étaient les femmes ? »

 

Et en 1968 que se passait-il ? Je m’appuie toujours sur l’article de l’Obs les dates à connaitre pour être incollable sur mai 68

18 mai. : Les RG dénombrent une centaine d’usines occupées.

19 mai : De Gaulle : « La réforme, oui, la chienlit, non! »

20 mai. : La grève s’étend toujours.

<1072>

Vendredi 4 mai 2018

« Et, j’ai décidé que j’allais consacrer ma vie à aimer mon prochain par contraste avec ce que je voyais !»
Danielle Mérian

Le monde de l’information est en plein bouleversement. Il doit se réinventer, trouver de nouveaux formats et arriver à trouver un public.

BRUT est un de ces médias.

C’est un média en ligne français fondé en novembre 2016 et exclusivement diffusé sur les réseaux sociaux.
Au départ le choix était de s’intégrer à Facebook, mais désormais on le trouve aussi sur Youtube, sur Dailymotion, Instagram etc..
Le format est toujours vidéo et les reportages sont très courts.

Wikipedia nous apprend que BRUT a été fondé par :

« Renaud Le Van Kim, Guillaume Lacroix et Laurent Lucas. Guillaume Lacroix est le fondateur de Studio Bagel et Renaud Le Van Kim l’ancien producteur du Grand Journal de Canal+ d’où vient également le directeur des rédactions de Brut Laurent Lucas. Une quarantaine de personnes travaillent pour Brut et produisent deux heures de direct diffusées sur Facebook Live et des courtes vidéos d’analyse et d’entretiens. […] Selon Lacroix, les fondateurs voulaient « créer un média qui soit un point d’entrée sur l’actualité pour toute une génération qui s’éloigne des acteurs traditionnels ». Selon lui, 80 % de ceux qui les suivent sur Facebook ont moins de 35 ans.

Entre le lancement en novembre 2016 et février 2017, les vidéos de Brut ont été visionnées plus de 100 millions de fois dont 29 millions pour le seul mois de février. À cette date, Brut ne gagne pas encore d’argent. »

Souvent ces courtes vidéos me paraissent intéressantes.

Et je voudrais aujourd’hui en partager une avec vous.

Peut-être vous souvenez vous de Danielle Mérian, vieille dame très digne qui avait été interviewée, par hasard, par une chaine de télévision le lendemain du massacre du bataclan du 13 novembre 2015 alors qu’elle venait déposer un bouquet de fleurs devant la salle de spectacles ?

Elle avait alors dit :

« C’est très important d’apporter des fleurs à nos morts.

C’est très important de voir [lire] plusieurs fois « Paris est une fête » d’Hemingway. Parce que nous sommes une civilisation très ancienne et nous porterons au plus haut nos valeurs.

Et nous fraterniserons avec 5 millions de musulmans qui exercent leur religion librement et gentiment. Et nous nous battrons contre les 10 000 barbares qui tuent soi-disant au nom d’Allah. »

Après la diffusion de ce petit entretien, la vente de « Paris est une fête » a explosé.

Aidé par Tania de Montaigne, elle a, suite à ce bref moment où un micro s’est approché d’elle et où elle a trouvé les mots qui devaient être dits en cet instant, écrit un livre racontant sa vie : « Nous n’avons pas fini de nous aimer ».

Car ces mots ne sont pas venus par hasard. Ils étaient à la conclusion d’une vie, d’expériences, de réflexions et de combats.

BRUT reprend cet extrait devant le bataclan, mais ajoute que Danielle Mérian a encore des choses à dire :

« J’ai été très contente de voir se lever « Me Too », « Balance ton porc ».
Ce n’est pas élégant « balance ton porc », n’est-ce pas ?
Mais le viol est ce élégant ? Et la main à la cuisse est ce que c’est élégant ? Et les propos salaces est ce que c’est élégant ?

Je suis une féministe depuis l’enfance, pourquoi ?
Parce que je suis née en 1938, à une époque où on préférait les garçons aux filles.
Donc mes parents quoique forts intelligents, préféraient mon frère aîné à moi-même.
Je me disais : nous sommes dans un monde de fou, il va falloir changer tout ça.
Donc si vous voulez, j’étais déjà une révoltée de naissance, du fait qu’il n’y avait pas égalité entre mon frère et moi, ce que je trouvais aberrant.

Et il se trouve que mon père […] qui était journaliste comme mon grand-père a terminé la guerre comme correspondant de guerre dans l’armée canadienne et a ouvert les camps de concentration. Il avait une grande enveloppe dans les mains et il dit à ma mère : « Il ne faut pas que les enfants voient ça »

Donc dès qu’il a eu le dos tourné, j’ai fouillé son bureau. Je suis tombé sur les photos de l’abomination et j’en suis émue encore quand j’y pense…

Et, j’ai décidé que j’allais consacrer ma vie à aimer mon prochain par contraste avec ce que je voyais que l’homme est un loup pour l’homme »

Aujourd’hui son grand combat est celui de la lutte contre l’excision.

C’est encore Wikipedia qui nous apprend que Danielle Mérian est née Danièle Savarit, en 1938 et qu’elle est avocate honoraire au barreau de Paris. Elle se revendique comme militante chrétienne et féministe. Elle étudie le droit durant la guerre d’Algérie et se fiance à cette période. À partir de 1975, elle milite avec son mari au sein de l’ACAT, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, notamment en soutien aux Grands-mères de la place de Mai ou pour l’abolition des exécutions capitales, ainsi que pour la libération ou l’amélioration des conditions de détention des prisonniers politiques.

Après la mort de son mari en 1995 , elle continue à militer ; ses principaux terrains d’engagement sont outre l’ACAT, avec PRSF (PRisonniers Sans Frontières) l’amélioration des conditions de détention en Afrique de l’Ouest, avec PARCOURS D’EXIL le soin aux torturés, avec SOS Africaines en Danger la lutte contre l’excision et le mariage forcé.

Encore une belle âme qui donne confiance en l’humanité.

Pour retrouver cette vidéo, je donne à dessein le lien vers le site français dailymotion plutôt que vers la créature de Google : Youtube.

<Danielle Mérian sur Dailymotion>

<1064>

Vendredi 13 avril 2018

« Ni vues ni connues »
Collectif Georgette Sand

Vendredi dernier, le mot du jour évoquait Hedy Lamarr, cette femme remarquable à la fois actrice et inventrice dont on reconnait aujourd’hui la qualité d’inventeur puisque le Wifi et le GPS utilise son invention.

Hedy Lamarr fait partie des 75 femmes dont traite le livre « Ni Vues ni connues » qui a été écrit par un collectif de femmes qui a pris pour nom Georgette Sand.

Ce livre a été publié en 2017.

Ce collectif dispose d’un site : http://www.georgettesand.org/

Mais ils ont aussi publié sur la plate-forme Tumblr des pages qu’ils ont appelées les invisibilisées : http://invisibilisees.tumblr.com/ qu’ils présentent ainsi :

« Les femmes d’exception ne sont pas au Panthéon, rarement dans les livres d’histoire, peu souvent dans les mémoires. Désormais elles ont leur tumblr. Le collectif Georgette Sand souhaite imposer une légitimité qui découle des compétences et non de la perpétuation de l’endogamie. « À en croire nos manuels scolaires aujourd’hui : une société dans laquelle plus de 90 % des citoyens et des citoyennes seraient des hommes. Une société dans laquelle les grandes découvertes, l’art, la philosophie, les mathématiques seraient des domaines réservés aux garçons. Une société dans laquelle nous apprendrions que des métiers sont dédiés aux femmes et d’autres aux hommes, ou que les femmes sont avant tout des «femmes de…» avant d’être des individus à part entière. Est-ce là le message que nous voulons transmettre ? Sommes-nous mêmes conscient-e-s que ces représentations vont à l’encontre de l’égalité entre les femmes et les hommes qui est pourtant une valeur de l’école républicaine ?  » (Extrait du guide du Centre Hubertine Auclert « Faire des manuels scolaires »). »

Le site Terra Fémina a publié un article dans lequel des représentantes des 21 auteures du livre « Ni vues ni connues » ont pu s’exprimer :

« Terrafemina : Comment avez-vous sélectionné les 75 femmes dont vous avez tiré le portrait ?

Elody Croullebois & Sophie Janinet : Cela a été un travail de longue haleine. Nous avions déjà toute une liste de femmes sur le Tumblr Les Invisibilisées que nous avons créé en 2015, mais nous n’avons pas cessé d’en découvrir d’autres au fur et à mesure de nos recherches. Il fallait déterminer qui avait ou non sa place dans la sélection finale. C’était très dur de faire ce choix. Nous avions toutes des héroïnes qui nous tenaient particulièrement à cœur et que nous voulions raconter, réhabiliter à tout prix. Il y a eu pas mal de discussions passionnées. Et c’était sans fin, elles sont tellement nombreuses à mériter de retrouver la notoriété qu’on leur a volé. Nous avons donc arbitré pour avoir un panel suffisamment large de profils, origines et époques afin de montrer l’étendue du problème de l’invisibilisation. Renoncer à certaines nous a coûté mais au final, nous sommes heureuses des choix qui ont été faits. »

Elles parlent de mécanismes d’invisibilisation qui reviennent toujours :

«  Au fur et à mesure que nous nous intéressions à ce phénomène, nous avons découvert des mécanismes récurrents dans l’histoire de ces femmes. Les hommes de leurs vie avaient souvent un rôle dans leur invisibilisation, ce besoin irrépressible de les abaisser à un niveau inférieur au leur, de les maintenir dans l’ombre coûte que coûte. Certains l’ont fait ouvertement, sans complexe, parce que les codes de la société leur donnaient raison, d’autres ont été plus subtiles, voire même inconscients de ce qu’ils étaient en train de faire. Pour d’autres, c’est l’État ou la religion qui ont joué ce rôle d’effacement. A cause de cela, de grandes femmes n’ont pas eu le destin et la reconnaissance auquel leur talent leur donnait droit. Et même les plus bravaches d’entre elles, qui se sont battues jusqu’à obtenir cette reconnaissance, l’ont perdu dès qu’elles n’étaient plus là pour se défendre. Prenez un manuel scolaire et vous aurez l’impression qu’il n’y a eu aucune femme reine, résistante ou politique qui a tout fait basculer à un moment donné de l’histoire avec un grand H. C’est pourtant bien le cas. Il est temps de le rappeler. »

Ainsi on pourrait évoquer <Rosalind Franklin> dont on sait aujourd’hui qu’elle eut une place prépondérante dans la découverte de l’ADN mais ce fut ses trois collègues masculins qui obtinrent le prix Nobel de médecine en octobre 1962 : James Watson, Maurice Wilkins et Francis Crick. Cette découverte n’aurait pu se faire sans les clichés de diffraction aux rayons X effectués par Rosalind Franklin et communiqués à son insu à Watson par Wilkins.

Pour en savoir plus et entendre raconter cette histoire vous pouvez écouter l’émission de France de Culture du 5 avril 2018 <La Méthode scientifique >. Sur la page de l’émission vous verrez une copie du fameux cliché 51B avec cette légende :  «En octobre 1962, le prix Nobel de médecine est remis à trois hommes : Francis CRICK, James WATSON et Maurice WILKINS, « pour leurs découvertes sur la structure moléculaire des acides nucléiques et sa signification pour la transmission de l’information pour la matière vivante » – c’est-à-dire pour avoir mise au jour la structure en double hélice de l’ADN, et ce, en grande partie grâce à un cliché : le cliché 51, obtenu par diffraction de rayons X. Or l’histoire montrera que ce cliché n’a été pris par aucun de ces trois hommes, mais par une femme, Rosalind FRANKLIN, morte 4 ans plus tôt et dont le travail a été pillé, en toute impunité.» Elle est décédée le 16 avril 1958, à 37 ans, d’un cancer de l’ovaire, probablement lié à la surexposition aux radiations lors de ses recherches. Ce lundi 16 avril, ce seront les 60 ans de sa mort.

La gloire de certains hommes est passé par des chemins obscurs souvent en niant le rôle des femmes et parfois, comme dans ce cas, en les spoliant.

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