Mercredi 5 septembre 2018

« Grâce à [la musique], nous pouvons encore nous sentir unis et, j’en suis sûr, si nous voulons vraiment être des hommes, il est indispensable que nous soyons unis »
Léonard Bernstein.

Léonard Bernstein était un humaniste, un progressiste, un homme de paix.

Dans le magazine « Répertoire des disques compacts » de septembre 1998 on lit ces propos de Lenny :

« La musique, l’art en général, est le seul langage humain qui permette à l’homme de se retrouver non seulement comme individu, mais aussi et surtout comme un être humain qui vit et qui doit vivre dans la fraternité de ses semblables. La musique est le langage le plus profond de l’homme. Grâce à elle, nous pouvons encore nous sentir unis et, j’en suis sûr, si nous voulons vraiment être des hommes, il est indispensable que nous soyons unis ».

Dans ce même journal on apprend que Léonard Bernstein songeait à écrire un grand opéra dramatique sur la shoah qui devait représenter l’histoire des cinquante dernières années, à partir de la deuxième Guerre Mondiale, et mettre en scène en plusieurs langues , divers lieux et villes désolés par la barbarie nazie, mais aussi insuffler l’espérance d’un monde meilleur :

« Nous devons édifier un monde nouveau et il ne suffit pas pour cela de détruire l’ancien : il faut réussir à améliorer ce monde ci et nous devons tous contribuer à cet effort. […] J’éprouve un grand soulagement quand je vois s’effondrer un régime totalitaire et le pouvoir de ces dictateurs qui privent un peuple de sa liberté en se camouflant derrière de nobles idéaux et de bonnes intentions.»

Il dénonce le maccarthysme, cette chasse à l’homme menée par les autorités américaines dans les années 1950 contre tous ceux qu’elles soupçonnaient d’être communistes, dans son opérette « Candide » selon le texte de Voltaire.

Bernstein désapprouve ouvertement la guerre engagée par les États-Unis au Vietnam, soutient l’intégration des minorités ainsi que le mouvement des droits civiques.

L’humanisme et l’engagement de Bernstein inquiètent les services de renseignement intérieur. Aujourd’hui, on sait que le dossier que le FBI possédait contre lui comptait plus de 650 pages.

Vous pouvez écouter la journaliste Nathalie Moller raconter cette histoire en 5 minutes.

Ou encore lire cette page sur le site de France Musique <Pourquoi Leonard Bernstein était-il surveillé par le FBI ?>

J’en tire les extraits suivants :

« En 1951, le nom de Bernstein apparaît pour la première fois dans le Security Index, la fameuse liste des personnes jugées dangereuses par les services de renseignement américains. Deux ans plus tard, le compositeur se voit refuser le renouvellement de son passeport et frôle même la détention…

Pour récupérer son passeport, Bernstein doit jurer sur l’honneur qu’il ne fait pas et n’a jamais fait partie d’une quelconque organisation communiste. Voilà notre compositeur pris au piège de la folie maccarthyste et victime de la ‘chasse aux sorcières’.

Autre engagement, autre fait qui dérange. Le 14 janvier 1970, Bernstein et sa femme Félicia organisent une soirée de soutien aux Black Panthers, un mouvement afro-américain qui, du fait de son caractère révolutionnaire, a été désigné comme principale menace pour la sécurité intérieure par John Edgar Hoover, le directeur du FBI. A ses yeux, Bernstein cumule les provocations… »

Et puis il y a l’épisode de « Mass » dont nous avons déjà parlé. Nous savons donc que Jacqueline Kennedy avait commandé à son ami ‘Lenny’ une œuvre pour l’inauguration du Kennedy Center of Performing Arts, un lieu de culture ainsi nommé en hommage à son défunt mari, le président John F. Kennedy.

Pour écrire cette œuvre, Bernstein demande l’aide d’un prêtre catholique, Philip Berrigan. Un choix qui lui coûtera bien cher… Car Philip Berrigan est un militant pacifiste particulièrement actif, farouchement opposé à la guerre du Viet Nam et qui, entre deux allers-retours en prison, subit lui aussi la surveillance accrue du FBI. Berrigan et Bernstein réunis ? Il n’en faut pas plus pour rendre le FBI parano.

Et si Bernstein avait glissé des messages anti-gouvernementaux dans son texte latin ? Et s’il avait demandé à ses interprètes d’injurier le président Nixon en plein spectacle ? Réunion de crise à la Maison Blanche : Richard Nixon ne doit pas assister au concert, et il serait bien qu’une critique négative de l’œuvre soit publiée dès le lendemain, dans le New York Times.

La mauvaise critique sera publiée, le président Nixon ne viendra pas à la cérémonie.

Dans l’émission de France Musique : <Léonard Bernstein, radical chic. Vraiment ?> Vous entendrez un enregistrement de Nixon et de ses conseillers qui discutent de cet évènement avant qu’il n’ait lieu. Vous remarquerez la vulgarité de Nixon qui n’a rien à envier à celle de Donald Trump.

Radical chic renvoie vers un évènement et un article de journal qui affecteront beaucoup Bernstein et son épouse.

Nous avons évoqué la soirée de soutien aux Black Panthers organisé par les Bernstein dans leur appartement de New York

« Radical chic », par ces mots le journaliste Tom Wolfe qualifiait Bernstein dans un article publié dans les colonnes du New York Magazine en juin 1970. Article venimeux et accusateur qui allait faire beaucoup de mal à Lenny et à son entourage…

Juin 1970, en pleine révolution des Black Panthers, guerre du Vietnam et assassinats des Kennedy et Martin Luther King, le journaliste et écrivain Tom Wolfe publie un article sur Bernstein intitulé Radical Chic : That Party at Lenny ‘s. Le jeune journaliste se paye, le grand chef international, le compositeur national et le grand bourgeois parvenu  qui se revendique homme de gauche  Leonard Bernstein. Un texte archi brillant mais venimeux dont l’impact a été dramatique.

Lenny  dupe de ses bons sentiments affirme Wolfe. Rappelons que Tom Wolfe, mort en 2018 n’est pas que célèbre en raison de cet article, mais aussi parce qu’il est l’auteur du «bûcher des vanités.».

La fille de Bernstein, Jamie, révèle :

« C’est un texte très bien écrit, c’est très malin, très ironique, c’est un très bon écrivain, mais il causé des dommages incalculables à ma famille. Il ne s’est pas rendu compte à quel point il avait pu faire du mal. »

Et je finirai ce mot consacré à l’humanisme et aux combats politiques de Bernstein par son hymne à la liberté qu’il imposa en changeant, dans l’ode à la joie de Schiller qui finit la neuvième symphonie de Beethoven, le mot « Freude » c’est-à-dire « joie » par le mot « Freiheit » qui signifie en allemand « Liberté ».

La chute du mur de Berlin le 9 Novembre 1989 moins d’un an avant sa mort lui donna beaucoup de joie et un immense espoir. :

« Je vis un moment historique, incomparable avec tous les autres de ma longue, longue existence »

Bernstein accepta spontanément l’invitation à diriger deux représentations de la 9e symphonie de Beethoven, pour célébrer la liberté. Deux concerts, chacun ayant lieu dans une partie de la ville divisée pendant 28 années : à la Philharmonie de Berlin Ouest le 23 Décembre, et Berlin Est le 25 Décembre 1989. Il apparût naturel que la liberté nouvelle de l’Allemagne de l’Est soit célébrée par cette symphonie.

« Je suis sûr que Beethoven nous aurait donné sa bénédiction. »

Ajouta-t-il.

A cette occasion, Léonard Bernstein, conduisit un orchestre et chœur composés de musiciens venant des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de France, et de l’Union soviétique.

L’orchestre de la radio bavaroise et son chœur fut ainsi rejoint par le London Symphony, le New York Philharmonic, l’Orchestre de Paris, le Staatskapelle Dresden, l’Orchestre du Théâtre Kirov à Stalingrad …

<Vous trouverez la vidéo d’un de ces concerts derrière ce lien>

Un disque existe aussi


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Mardi 4 septembre 2018

«En apprenant aux autres, j’apprends d’eux»
Leonard Bernstein

Bernstein était interprète et compositeur, mais c’était surtout un exceptionnel pédagogue.

ARTE a diffusé plusieurs épisodes tirés de l’émission emblématique  : « Young People Concerts » :

Deux semaines après sa nomination en tant que directeur musical de la Philharmonie de New-York, Bernstein enregistre son premier concert des Jeunes le 18 Janvier 1958.Cette tradition existait avant sa venue, mais c’est grâce à son talent que cette émission va connaître un immense succès et qu’aujourd’hui encore on les rediffuse pour en montrer la qualité et la richesse de l’enseignement produit.

Entre la première émission qui eut lieu au Carnegie Hall de New York, jusque la dernière le 26 mars 1972 au Lincoln Center de New York 14 ans et 53 émissions ont passées.

Il s’agissait d’abord d’une leçon de musique réalisée dans une immense salle de concert remplie entièrement de jeunes et de leurs parents, avec l’Orchestre Philharmonique de New York. Séance diffusée en prime time sur une chaîne de grande écoute la CBS

Une de ces émissions que je vous recommande est consacrée au sujet suivant : <Les modes>

Il commence par expliquer ce qu’est le mode majeur et mineur puis il décline d’autres modes plus anciens :

  • Le mode Dorien
  • Le mode Phrygien
  • Le mode Lydien
  • Le mode Mixolydien
  • Etc.

Et en illustrant ces différentes tonalités musicales par des morceaux classiques mais aussi des œuvres pop ou rock comme les Beatles ou Tandyn Almer, il rend ces théories compliquées très simples. Pour ce faire, il utilise termes simples, ludiques et accessibles à des publics profanes. Car Bernstein s’intéresse à tout : opéra, jazz, rock’n roll ou encore musiques latines. Il ne crée aucune hiérarchie entre les genres musicaux.

Essayez, vous verrez qu’on apprend énormément à l’écouter, c’est un véritable voyage dans l’histoire de la musique.

Cette série de « leçons » a abordé des sujets comme qu’est-ce qu’une mélodie ? Que signifie la musique? Qu’est-ce que l’orchestration ?

Avant cette série d’émissions, il participa déjà en 1954 à une autre émission pédagogique appelée Omnibus. Jusqu’en 1961, Bernstein participa une dizaine de fois à Omnibus avec des sujets comme «Pourquoi un orchestre a besoin d’un chef?» ou «Pourquoi la musique moderne est-elle aussi étrange?». Libération avait en 1995 publié un article plein d’éloges sur ces émissions.

Arte a diffusé deux autres émissions des « Young People Concerts <Qui était Gustav Mahler ?> et <Un quiz musical>. Toutes ces émissions sont disponible jusque fin novembre 2018.

C’est dans le magazine « Classica » de novembre 2012 que j’ai trouvé l’exergue de ce mot du jour.

« Enseigner, c’est surtout avoir le don des mots pour le dire, le don de susciter le silence et l’empathie, donner envie d’en savoir plus. Ces qualités, que Bernstein possédait comme peu, seront immédiatement profitables à son métier de chef d’orchestre. D’ailleurs Bernstein considérait que diriger était une manière d’enseigner : « En apprenant aux autres, j’apprends d’eux », aimait-il à répéter. »

Léonard Bernstein prétendait que ses talents de pédagogue étaient un héritage de son père :

« J’ai soudain compris que mon instinct de pédagogue, j’en avais hérité de mon père et de tous mes professeurs qui m’ont appris comment on enseigne. Cet instinct presque rabbinique pour instruire, expliquer, formuler, trouvait un véritable paradis dans le monde électronique de la télévision. »

Dans l’entretien qu’il avait accordé à Judith Karp dans le magazine «Musiques» de septembre 1979, il était encore plus explicite :

«Je suis un enseignant. Un rabbin caché. Voilà pourquoi peut être je fais autant de gestes au pupitre. Je cherche désespérément à communiquer.»

France musique a consacré une émission à ce talent unique : <Leonard Bernstein et l’enseignement : l’histoire d’une vie>

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Lundi 3 septembre 2018

« Le déchirement d’un génie : Leonard Bernstein »
Documentaire réalisé par Thomas von Steinaecker et présenté par Arte

J’ai écrit une introduction avant le sujet de ce mot du jour. Mais pour ne pas alourdir excessivement cet article, je l’ai finalement retirée et mise en commentaire.

Le 25 août 1918, naissait à Lawrence, dans le Massachusetts (Etats-Unis), Léonard Bernstein dont on fête les 100 ans de la naissance. Or Léonard Bernstein est un personnage considérable du monde des arts et de la musique en particulier.

J’avais déjà consacré, un premier mot le 7 mai 2018 à Bernstein et à son œuvre éclectique, visionnaire et géniale : « Mass »(1)

Lors de ce mot du jour, j’annonçais :

« C’était un homme charismatique, plein de fougue et d’excès, j’y reviendrai dans un mot du jour ultérieur, plus proche de sa date anniversaire. »

Je vais donc respecter cette promesse et évoquer cet homme talentueux, séducteur, pédagogue, humaniste et possédant aussi sa part d’ombre. Cela m’occupera toute cette semaine.

La grande cantatrice allemande Christa Ludwig qui a beaucoup travaillé avec le musicien, comme avec Herbert von Karajan a dit en toute simplicité :

«Léonard Bernstein ne faisait pas de la musique, il était la musique!»

(Propos rapportés par le Figaro du 18 mars 2018)

Et elle ajoutait :

« On estimait Karajan, on aimait Bernstein »

Car en effet si Karajan et Bernstein ont souvent été comparés, seul Bernstein avait cette dimension que Karajan ne possédait pas : il était compositeur.

Et Bernstein a aussi tenté et souvent réalisé d’aimer toutes les musiques. Finalement la seule musique qu’il a vraiment rejetée fut la « musique classique contemporaine atonale », c’est-à-dire celle dont Pierre Boulez était le chantre comme Karl Heinz Stockhausen.

Celles et ceux que je connais et qui lisent ce blog me semblent en phase avec cette vision de Bernstein de préférer les Beatles, les Pink Floyd à Stockhausen, Nono et consorts.

Il disait lui-même :

« J’éprouve beaucoup plus de plaisir à suivre les aventures musicales de Simon et Garfunkel ou du groupe qui chante « Along Comes Mary » qu’à écouter la majorité des œuvres de la communauté des compositeurs d’avant-garde »

Beaucoup d’articles et d’émissions de télévision ont été consacrés à Léonard Bernstein ces dernières semaines.

France musique lui a consacré de nombreuses émissions et notamment une série <Un été avec Bernstein> réalisée par Emmanuelle Franc que j’ai écouté intégralement.

Cependant, pour ce premier article, je vais surtout faire référence à un documentaire diffusé par Arte et que vous pourrez visualiser jusqu’au 16/11/2018 derrière ce lien <Le déchirement d’un génie>.

C’est d’ailleurs le titre de ce documentaire que j’ai choisi comme exergue de ce premier article. Ce documentaire fait notamment intervenir les 3 enfants de Léonard Bernstein.

Avant d’en venir à l’explication de ce déchirement qui se situe selon moi à deux niveaux, quelques mots sur le début de la carrière du musicien.

Il n’est pas né dans une famille de musicien. Et Sam Bernstein, son père a même voulu empêcher son fils de devenir musicien, il souhaitait qu’il devienne rabbin. Léonard négocie : il pourrait devenir professeur de musique et entrer à Harvard. C’est d’ailleurs là qu’il fait ses premières grandes rencontres, avec Aaron Copland et Dimitri Mitropoulos. Le jeune homme fait ses humanités et passe ses nuits à animer les fêtes en jouant du boogie woogie !

Vous trouverez plus de précisions dans cette émission de France Musique : <Les débuts de Léonard Bernstein : Un étudiant brillant, forcément brillant !>.

L’Histoire raconte que tout commença à l’âge de 10 ans avec le piano de la tante Clara  :

« Et puis un beau jour, l’année de mes 10 ans, ma tante Clara a dû quitter Boston où nous habitions. Elle ne savait pas quoi faire de quelques meubles encombrants parmi lesquels un énorme piano droit sculpté. On l’a donc entreposé chez nous avec des chaises rembourrées. Je l’ai vu, j’en suis tombé éperdument amoureux et je le suis toujours. »

10 ans c’est tard pour devenir un virtuose mais Léonard ou Lenny, comme tout le monde l’appelle, mis les bouchées doubles : il était talentueux et il travailla beaucoup et devint rapidement un incroyable musicien remarqué par des grands chefs d’orchestre installés aux Etats-Unis, tous d’origine européenne. Car ceci a une grande importance, Léonard Bernstein devint le premier grand chef d’orchestre né américain.

Il travailla beaucoup et su embrasser les opportunités notamment une qu’il raconte lui-même :

« J’étais sur le point de me noyer [au sens figuré, il n’avait pas de ressources] ce 25 août lorsque je reçu un appel téléphonique […] d’Artur Rozinski que je n’avais jamais rencontré. […] C’était un chef d’orchestre célèbre […] il me demanda de venir le voir. ».

Il se rend donc dans une ferme à Stockbridge où résidait Rozinski :

« Il m’entraîna vers une meule de foin où nous nous assîmes et me dit « comme vous le savez (je n’en savais rien) je viens d’être nommé directeur du Philharmonique de New York [et ajouta] j’ai besoin d’un chef assistant. Je ne suis pas sûr de mon choix. Alors j’ai demandé à Dieu qui je devais choisir et Dieu a dit : prenez Bernstein ! Aussi vous au-je appelé. Prenez-vous le job ? »

Authentique !

Donc Bernstein accepta et explique que son « Job » consistait à étudier les partitions et à se trouver prêt pour le cas où Rodzinski ou un chef invité serait dans l’incapacité de diriger pour les remplacer en répétitions ou au concert.

Bref une doublure. Bien sûr cela n’arrive quasi jamais :

« Je crois que pendant quinze ans, personne n’est jamais tombé malade à New York. »

Mais Bernstein étudiait toutes les partitions. Et un jour Bruno Walter, l’un des plus grands chefs de l’Histoire de la musique est tombé malade et Rodzinski n’avait pas la disponibilité de le remplacer ce fut donc à Bernstein de le faire.

Voici ce qu’on peut lire à ce propos :

« Or, le 14 Novembre 1943, le chef d’orchestre Bruno Walter qui doit assurer le concert tombe malade. C’est au tour de Lenny de jouer l’après-midi même. Il n’a pas le temps de répéter, il n’a jamais dirigé ce programme. Tétanisé, il passe au Drugstore en face du Carnegie Hall prendre un café. Il explique au pharmacien pourquoi il se sent si mal. Celui-ci lui donne une pilule pour avoir de l’énergie, une autre pour être calme… »

J’ai mis les deux pilules dans ma poche et je me souviens qu’avant de monter sur scène, je les ai prises et je les ai jetées aussi loin que j’ai pu à l’autre bout des coulisses du Carnegie Hall. Et j’y suis allé. Je ne me souviens de rien entre ce moment et la fin du concert. »

Pour en savoir plus sur ces débuts, écoutez l’émission de France musique : <Léonard Bernstein : De la vie de bohème au miracle >

Vous trouverez aussi sur le site de France Musique une copie de l’affiche de ce concert avec le nom de Bruno Walter barré et celui de Léonard Bernstein rajouté.

Ce n’est que le haut de l’affiche, car le morceau essentiel de ce concert était une partition horriblement difficile : Le Don Quichotte de Richard Strauss.

Ce fut un triomphe !

<Vous trouverez, ici une interprétation somptueuse avec le rival Karajan et l’irremplaçable Rostropovitch>

Et pour en savoir plus sur la rivalité et aussi le respect mutuel entre ces deux artistes vous pourrez écouter l’émission sur France Musique : <Léonard Bernstein et Herbert von Karajan : le duel>

Mais revenons au « déchirement ».

Le premier déchirement que Bernstein connut était celui d’être à la fois interprète et compositeur. Par raison et pour la postérité, il voulait surtout être compositeur.

Mais dans le documentaire d’Arte, sa fille Jamie dit « La direction était une véritable drogue pour lui !»

Bernstein explique lui-même que la composition est un exercice dur et solitaire, la récompense vient souvent très tard et parfois même pas du tout. Alors que l’interprétation est un exercice que l’on réalise en équipe et la récompense arrive beaucoup plus vite par les applaudissements du public.

Il a essayé plusieurs fois d’arrêter la direction pour se consacrer à la composition et chaque fois il a craqué. Quand finalement, notamment parce que son médecin lui a dit qu’il s’agissait d’une histoire de vie ou de mort il a décidé de faire son dernier concert à Boston le 19 août 1990, la vie ne lui a plus été accordée que pour quelques semaines, il est décédé le 14 octobre 1990.

Un disque a gardé le témoignage sonore de ce dernier moment d’extase.

La reconnaissance du public, des critiques et du monde musical était aussi particulièrement déséquilibrée : Des concerts de louange pour l’interprète, un scepticisme peu bienveillant, voire une hostilité manifeste à l’égard du compositeur, sauf pour les œuvres qu’il a écrite pour Broadway et notamment <West Side Story>, bien entendu.

Et nous arrivons eu second déchirement : sa bisexualité.

Il a des amours homosexuels depuis sa jeunesse mais il rencontre la belle actrice chilienne née à Costa Rica : Félicia Montaleagre en 1946, ils se marient en 1951 et auront 3 enfants.

En 1951, quelques mois seulement après leur mariage, Félicia écrit à Lenny :

« Tu es homosexuel et cela ne changera sans doute jamais […] Je suis prête à t’accepter tel que tu es […] car je t’aime passionnément ».

C’est une relation assez unique et une hauteur d’âme de la part de Felicia remarquable à une époque où l’homosexualité était encore peu admise. Et Félicia écrit aussi :

« Notre mariage n’est pas fondé sur la passion mais sur une tendresse et un respect mutuel ».

Et Lenny écrit en 1957 :

« Les principales nouvelles c’est que je t’aime et que tu me manques, plus que je n’aurai jamais su »

Pendant 25 années l’épouse a toléré les relations extra-conjugales de son mari tant que celles-ci « restent discrètes ».

Et puis voici la fin de l’Histoire telle que la relate le magazine Diapason de juillet/août 2018 :

« Quand après un quart de siècle et trois enfants, ressurgit le dieu primordial sous les traits du jeune musicologue Tom Cothran, l’ogre jamais rassasié abandonne le domicile conjugal. Quelques mois plus tard, Felicia tombe malade. Cancer du poumon. Lenny lâche Tom et rentre à la maison, où Felicia s’éteint le 16 juin 1978. Il ne dort plus : tout est de sa faute. Dieu l’a puni. Whisky, médicaments, rien ne l’apaise. Le monde est plein de jolis garçons qu’il consomme sans respirer… ».

« de jolis garçons qu’il consomme sans respirer », je reviendrai sur cette addiction jeudi.

Il ne cessera cependant de parler et d’évoquer son épouse pendant les 14 ans qui lui restent à vivre.

Il lui dédiera des œuvres ou des interprétations comme ce Requiem de Mozart du 6 juillet 1988 qui a été enregistré par DG et dont vous trouverez la version vidéo sur cette page de la Philharmonie de Paris ainsi qu’un commentaire qui exprime l’émotion de cette interprétation

(1) Depuis que j’ai écrit le mot sur « Mass> J’ai trouvé sur Youtube, une version théâtrale jouée par des artistes de l’Université de Yale.

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Lundi 28 mai 2018

Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre »
Anne Sylvestre, « Non non tu n’as pas de nom »

<66,4% des électeurs irlandais ont voté en faveur> de la légalisation de l’avortement dans ce pays où la tradition catholique a si longtemps résisté à cette évolution sociétale. Comme le rapporte <France Info> : « L’interdiction d’avorter est désormais une exception en Occident. Il reste encore la très catholique île de Malte. L’avortement y est totalement interdit. Les femmes qui y auraient recours et leurs médecins risquent trois mois de prison. À Chypre et en Pologne, l’avortement est autorisé, mais seulement en cas de viol, de malformation du foetus ou alors de risque pour la santé de la mère et de l’enfant »

Cette même émission précisait que dans le Monde, notamment sous le poids des religions, la situation n’est pas la même. Environ 60 % des femmes dans le monde n’ont toujours pas accès librement à ce droit.

Il semblerait que le premier État qui ait légalisé l’avortement fut l’Union soviétique en 1920 sous l’impulsion de Lénine. Mais en 1936 Staline l’interdit à nouveau et la légalisation est rétablie en 1955, 2 ans après la mort de Staline. Et c’est, quelques jours avant mai 68, le 27 avril 1968 que l’Angleterre autorise l’interruption volontaire de grossesse.

Pour la France, nous nous en souvenons, qu’il a fallu attendre 1975 et la Loi Veil pour rendre possible l’avortement médicalisé et non réprimé.

Mais lors du mot du jour du 5 septembre 2017 qui rendait hommage à Simone Veil, j’avais rappelé qu’elle avait au début de son intervention devant l’Assemblée Nationale eut ces propos :

« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame ».

Deux avant 1975, Anne Sylvestre avait écrit, avec son talent et son humaniste, une chanson bouleversante évoquant ce drame, cette déchirure : « Non non tu n’as pas de nom »

Anne Sylvestre est connu par quasi tous les parents et les enfants grâce à ses fabulettes pour enfants. Je crois qu’à la maison nous avons tous les CD de ces chansons enfantines.

Mais ce n’était qu’une deuxième partie de sa vie artistique, la première et celle pour laquelle elle se produisait en public concernait la chanson à texte, chansons pour adultes, chansons engagées.

France Inter lui a consacré une émission parce que <Anne Sylvestre vient de fêter ses 60 ans de carrière de chanteuse à texte>

Elle est née le 20 juin 1934 à Lyon et a donc aujourd’hui 83 ans.

Un de ses petit-fils, Baptiste Chevreau 24 ans est tombé sous les balles des terroristes au Bataclan.

C’est donc en 1973 qu’elle a écrit, composé et chanté cette chanson dont elle disait que ce n’était pas une chanson sur l’avortement, mais une chanson sur l’enfant ou le non-enfant.

Quand on veut en citer un extrait on privilégie souvent :

« Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes »

J’en ai choisi un autre comme exergue de ce mot du jour qui s’intercale entre ceux consacrés à Mai 68, celui consacré aux mères et qui célèbre à la fois cette victoire de la raison en Irlande et les 60 ans de carrière d’une artiste exceptionnelle.

Cette chanson se trouve sur l’album « Une sorcière comme les autres ».

Voici le texte intégral de cette chanson humaniste et qui parle au cœur et aux sentiments.

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Oh non tu n’es pas un être
Tu le deviendras peut-être
Si je te donnais asile
Si c’était moins difficile
S’il me suffisait d’attendre
De voir mon ventre se tendre
Si ce n’était pas un piège
Ou quel douteux sortilège

Non non tu n’as pas de nom…

Savent-ils que ça transforme
L’esprit autant que la forme
Qu’on te porte dans la tête
Que jamais ça ne s’arrête
Tu ne seras pas mon centre
Que savent-ils de mon ventre
Pensent-ils qu’on en dispose
Quand je suis tant d’autres choses

Non non tu n’as pas de nom…

Déjà tu me mobilises
Je sens que je m’amenuise
Et d’instinct je te résiste
Depuis si longtemps j’existe
Depuis si longtemps je t’aime
Mais je te veux sans problème
Aujourd’hui je te refuse
Qui sont-ils ceux qui m’accusent

Non non tu n’as pas de nom…

A supposer que tu vives
Tu n’es rien sans ta captive
Mais as-tu plus d’importance
Plus de poids qu’une semence
Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes

Non non tu n’as pas de nom…

Ils en ont bien de la chance
Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre
C’est la solitude blanche
C’est la chute l’avalanche
C’est le désert qui s’égrène
Larme à larme peine à peine

Non non tu n’as pas de nom…

Quiconque se mettra entre
Mon existence et mon ventre
N’aura que mépris ou haine
Me mettra au rang des chiennes
C’est une bataille lasse
Qui me laissera des traces
Mais de traces je suis faite
Et de coups et de défaites

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Paroles et musique: Anne Sylvestre, 1973

En 1998 à l’Olympia, Anne Sylvestre à 68 ans, a redonné une nouvelle interprétation à cette chanson que vous pourrez écouter et voir derrière ce <Lien>.

Sur ce même album « Une sorcière comme les autres », il y a aussi cette très belle chanson : « Un mur pour pleurer ».

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Vendredi 25 mai 2018

« Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles. »
Albert Cohen « Le livre de ma mère » chapitre 27

Ce dimanche est consacré à la fêtes des mères. Pour ce jour je voudrais partager ce mot d’Albert Cohen.

L’immense écrivain, Albert Cohen a écrit un livre : « Le livre de ma mère », livre d’un fils qu’il a consacré à sa mère alors qu’elle ne faisait plus partie de la communauté des vivants.

C’est un livre bouleversant qui est certainement résumé par ces quelques mots que j’ai mis en exergue.

C’est un livre aussi très drôle où il raconte des anecdotes sur sa mère qui est une mère juive.

Mais toutes les mères sont un peu « des mères juives ».

Alors elle est bien sûr inquiète que son fils ne suive pas les règles communautaires :

« Dis mon enfant, à Genève, tu ne manges pas de l’Innommable ? [traduction : du porc].
Enfin, si tu en manges, ne me le dis pas, je ne veux pas savoir. » (page 25)

Ou encore :

« Écoute, mon fils, même si tu ne crois pas en notre Dieu, à cause de tous ces savants, maudits soient-ils, eux et leurs chiffres, va tout de même un peu à la synagogue, supplia t’elle gentiment, fais-le pour moi. (page 24

Elle était simple, pieuse et suivait scrupuleusement les règles religieuses qu’on lui avait enseigné. Elle était pourtant très lucide sur les fondements de sa religion :

« Mon fils, vois-tu, les hommes sont des animaux. Regarde-les, ils ont des pattes, des dents pointues. Mais un jour des anciens temps, notre maître Moïse est arrivé et il a décidé, dans sa tête, de changer ces bêtes en hommes, en enfants de Dieu, par les Saints Commandements, Tu comprends. Il leur a dit : tu ne feras pas ceci, tu ne feras pas cela, c’est mal […]. Moi, je crois que c’est lui qui a inventé les Dix commandements en se promenant sur le Mont Sinaï pour mieux réfléchir. Mais il leur a dit que c’était Dieu pour les impressionner, tu comprends. Tu sais comment ils sont, les juifs. Il leur faut toujours le plus cher. […] Alors, Moïse qui les connaissait bien, s’est dit : si je leur dis que les commandements viennent de l’Eternel, ils feront plus attention, ils respecteront davantage. » (Page 69)

La sagesse des simples…

Mais il n’est finalement que peu question de sujets proprement juifs dans ce livre. Il est bien davantage question de l’histoire universelle des fils avec leur mère.

Et Albert Cohen de raconter ce qu’il a vécu avec sa mère qui était toujours prête à l’impossible pour lui, à toutes les attentions et lui de raconter toutes ces fois où il a manqué de temps, d’attention, de douceur ou même les cas où il a été injuste à son égard. Et nous arrivons au chapitre 27 :

« Et pourtant je l’aimais.
Mais j’étais un fils.
Les fils ne savent pas que leurs mères sont mortelles.
Fils des mères encore vivantes, n’oubliez plus que vos mères sont mortelles.
Je n’aurai pas écrit en vain, si l’un de vous, après avoir lu mon chant de mort, est plus doux avec sa mère, à cause de moi et de ma mère.
Soyez doux chaque jour avec votre mère.
Aimez-la mieux que je n’ai su aimer ma mère.
Que chaque jour vous lui apportiez une joie, c’est ce que je vous dis du droit de mon regret, gravement du haut de mon deuil.
Ces paroles que je vous adresse, fils des mères encore vivantes, sont les seules condoléances qu’à moi-même je puisse m’offrir. […]

Aucun fils ne sait vraiment que sa mère mourra et tous les fils se fâchent et s’impatientent contre leurs mères, les fous si tôt punis.» (page 168-170)

On dit que les hommes de la guerre 14-18, endurcis et prêt à tous les sacrifices, au moment ultime et dans leur plus grande détresse n’avez qu’un mot qui venait spontanément : « Maman »

Fils des mères encore vivantes, n’oubliez pas que vos mères sont mortelles.

Car il y a une vie avant la mort, pendant laquelle vous pouvez agir avec attention, en bienveillance et en douceur.


<1075>

Vendredi 6 avril 2018

« Hedy Lamarr »
Actrice, productrice de cinéma et inventrice autrichienne et américaine

Je ne sais pas si vous connaissez Hedy Lamarr ou si vous en avez déjà entendu parler.

Hedy Lamarr était une femme extraordinaire dont le destin fut romanesque, flamboyant et finalement tragique.

Elle a fait l’objet de plusieurs articles de journaux récents parce qu’un documentaire retraçant sa vie vient de paraître.

Mais commençant par une photo d’Hedy Lamarr au temps de sa splendeur rayonnante.

Pour ma part, j’ai entendu parler la première fois d’Hedy Lamarr lors d’une chronique de Xavier de la Porte, le 20 janvier 2017, consacrée au numérique.

Dans cette chronique, Xavier de la Porte a lui-même avoué qu’il avait découvert l’existence de cette femme étonnante que depuis peu.

Xavier de la Porte a commencé son propos en constatant et regrettant le peu de femmes connues dans les technologies et dans l’informatique pour introduire son sujet sur cette figure féminine époustouflante.

Pour présenter son apport à la technologie, Xavier de la Porte a dit :

« Hedy Lamarr est restée dans l’Histoire des technologies pour avoir inventé un système dont je vous livre la meilleure description que j’ai trouvée : « Elle proposa en 1941 un système secret de communication applicable aux torpilles radioguidées qui permettait au système émetteur-récepteur de la torpille de changer de fréquence, rendant pratiquement impossible la détection de l’attaque sous-marine par l’ennemi. Il s’agit d’un principe de transmission (étalement de spectre par saut de fréquence) toujours utilisé pour le positionnement par satellites (GPS…), les liaisons cryptées militaires, les communications des navettes spatiales avec le sol, la téléphonie mobile ou dans la technique Wifi ».

Le GPS et le Wifi se servent de l’invention d’Heddy Lamarr.

Notre ami Google, l’a bien compris et lui avait consacré un de ses fameux <doodle> pour son 101ème anniversaire le 9 novembre 2015.

Hedy Lamarr avait pour nom de naissance Hedwig Eva Maria Kiesler. Elle est née le 9 novembre 1914 à Vienne dans ce qui était encore l’Empire d’Autriche-Hongrie, puisqu’elle est née 2 jours avant la fin de la première guerre mondiale.

Elle est née dans une famille de religion juive, d’une mère roumaine et d’un père ukrainien. C’est une famille bourgeoise : son père est banquier et sa mère est pianiste. Elle attire vite l’attention par sa fascinante beauté.

Un documentaire de France Culture de février 2017 <la dame sans passeport d’Hollywood> nous apprend que « .Dès son enfance, elle a une révélation en voyant Metropolis de Fritz Lang et veut devenir actrice. Elle abandonne l’école pour travailler en Allemagne avec un metteur en scène de théâtre Max Reinhardt. »

Puis elle gagne Berlin en 1931 où elle commence à tourner un certain nombre de films, jusqu’à un film où une scène l’a rendue célèbre. C’est un film tchèque « Extase », elle a 18 ans et elle simule un orgasme à l’écran. C’est la première fois que le cinéma montre une telle scène qui bien sûr fait scandale, provoque la condamnation du Pape Pie XII, mais lui confine une immense notoriété.

On trouve tout sur internet, il est donc possible de visionner ce premier orgasme au cinéma : <Hedy Lamarr in Ekstase>

Elle fait un premier mariage avec un autrichien fasciste et important fabricant d’armes. Elle se forme alors technologiquement pour comprendre comment fonctionne les torpilles. Par la suite dégoutée des nombreuses visites de nazis qu’accueille son mari, elle s’enfuit et rencontre alors Louis B. Mayer, producteur de cinéma et fondateur de la célèbre Metro-Goldwyn-Mayer.

Voici comment Wikipedia raconte cette rencontre :

« Apparemment peu intéressé par Hedy, gêné par sa prestation dans Extase (selon l’intéressée), le magnat d’Hollywood lui propose un contrat peu avantageux (six mois d’essai et 150 dollars par semaine) qu’elle refuse. D’après ses propres dires, la future Hedy Lamarr travaille comme gouvernante du jeune violoniste prodige Grisha Goluboff avec qui elle s’embarque sur le Normandie. Durant la croisière (Cole Porter, qui écrira une chanson sur elle, figure entre autres parmi les passagers) Hedy Lamarr convainc Mayer de l’engager aux conditions qu’elle souhaite. »

C’est Louis B. Mayer qui lui demande de changer de nom pour celui d’Hedy Lamarr en hommage à une actrice du cinéma muet, Barbara La Marr.

Au cours de sa carrière cinématographique, elle a joué sous la direction des plus grands réalisateurs : King Vidor, Jack Conway, Victor Fleming, Jacques Tourneur, Marc Allégret, Cecil B. DeMille ou Clarence Brown.

Et c’est un journal Suisse, « Le Temps » qui en dit davantage sur son invention : <Hedy Lamarr, l’étoile d’Hollywood qui inventa les bases du Wi-Fi et du GPS> :

« Lors d’une soirée à Hollywood, le chemin d’Hedy Lamarr croise celui du compositeur et écrivain George Antheil. De leur rencontre naîtront des échanges non pas sur le cinéma mais à propos d’armement. Une industrie que l’actrice a côtoyée lors de son premier mariage et que le musicien maîtrise, ayant travaillé comme inspecteur des munitions aux États-Unis. Tous deux discutent des techniques de transmission radio avec les torpilles qui, à l’époque, n’étaient pas encore téléguidées. Le signal était sur une seule fréquence et pouvait donc être facilement brouillé ou intercepté.

Hedy Lamarr, âgée de 26 ans, et George Antheil réfléchissent pendant leur temps libre à une nouvelle technique qui permettrait un téléguidage plus sécurisé. En s’informant auprès d’un professeur en électronique de l’institut technologique Caltech à Los Angeles, l’idée leur vient d’envoyer le signal sur plusieurs bandes de fréquences entre l’émetteur et le receveur. Ils mettent au point une technique dite d’étalement de spectre qui émet l’information non pas sur une, mais quatre-vingt-huit fréquences, le nombre de touches du clavier d’un piano. La séquence d’émission est pseudo-aléatoire et reconnue par le récepteur qui la reconstitue. Le système est déposé au Bureau des brevets des USA le 10 juin 1941 et enregistré le 11 août 1942.

Sensibles à l’effort de guerre, les deux co-inventeurs cèdent immédiatement le brevet à l’armée américaine. Mais c’est seulement au début des années 1960, lors de la crise de Cuba et de la guerre du Vietman, que l’armée américaine a développé des applications pratiques de cette technologie dans la transmission radio. Le brevet est depuis tombé dans le domaine public et il a été utilisé pour mettre au point les techniques de base des signaux Wi-Fi ou de la géolocalisation par satellite, le fameux GPS! »

Le journal présente une reproduction de la première page du brevet US 2292387 déposé par Hedy Lamarr et George Antheil.

Le documentaire France Culture précise qu’Hedy Lamarr a rétroactivement reçu le prix de l’Electronic Frontier Foundation américaine en 1997 et a été admise avec George Antheil au National Inventors Hall of Fame en 2014.

Xavier de la Porte précise :

« Par ailleurs, elle était très belle, et grande séductrice. La liste des hommes avec lesquelles elle a eu des aventures est impressionnante. En sus de ses 6 mariages, je vous en donne une idée : Howard Hugues, John Kennedy, Franck Capa, Marlon Brandon, Errol Flynn, Orson Welles, Charlie Chaplin, Billy Wilder, Otto Preminger, James Stewart, Spencer Tracy, peut-être Clark Gable (mais il nie) et…. Jean-Pierre Aumont… Elle avait d’ailleurs quelques théories sur la question amoureuse et on lui attribue cette phrase : « En dessous de 35 ans, un homme a trop à apprendre, et je n’ai pas le temps de lui faire la leçon. »

Et sa carrière cinématographique ?

En 1946, la star se lance même dans la production indépendante. Elle connue alors des hauts et des bas. En 1949 elle joua son rôle le plus célèbre Dalila dans le péplum Samson et Dalila de Cecil B. DeMille inspiré du récit biblique. Elle tourna encore des films mais sa carrière s’acheva en 1957, l’année de la mort de Mayer qui la soutint beaucoup.

Et la fin ?

Un naufrage : ruinée par une succession d’échecs dans la production cinématographique et par sa vie dispendieuse, elle est condamnée pour vol à l’étalage à répétition et meurt dans le quasi anonymat en 2000, à l’âge de 85 ans.

Entretemps elle se soumit à des opérations de chirurgie esthétique qui l’enlaidirent beaucoup.

Un diaporama de photos montrent la beauté de cette femme jusqu’à une dernière où la chirurgie esthétique l’a abimé.

Elle fut élue « femme la plus belle du monde » mais elle dit : « N’importe quelle femme peut avoir du glamour. Il suffit de se tenir tranquille et d’avoir l’air idiot ».

J’ai trouvé aussi cette bd qui raconte une partie de sa vie sur un blog du Monde : http://lesculottees.blog.lemonde.fr/2016/09/19/hedy-lamarr-actrice-inventrice/

<Sciences et Avenir évoque le documentaire récent> qui justifie les nombreux articles consacrées à cette femme intelligente, belle et tragique.

<1051>

Jeudi 5 avril 2018

« Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant, car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne. Je ne m’inquiète plus. »
Martin Luther King, le 3 avril 1968 à Memphis

Il s’en est passé des choses en 1968…

Le 4 avril 1968 à18h01, Martin Luther King est assassiné à Memphis dans le Tennessee. Il avait 39 ans.

Un article de Wikipedia est consacré à cet assassinat dont on n’a jamais trouvé les vrais coupables :

« Fin mars 1968, Martin Luther King se déplace à Memphis (Tennessee) pour soutenir les éboueurs noirs locaux qui sont en grève depuis le 12 mars afin d’obtenir un meilleur salaire et un meilleur traitement. Les Afro-Américains étaient payés 1,70 dollar de l’heure et n’étaient pas payés quand ils ne pouvaient pas travailler pour raison climatique, contrairement aux travailleurs blancs. Des violences éclatent autour des marches pacifiques, un jeune Afro-Américain est tué.

Le 3 avril, au Mason Temple, Martin Luther fait le discours prophétique « I’ve Been to the Mountaintop » (« J’ai été au sommet de la montagne ») devant une foule euphorique. […]

Le 4 avril 1968 à 18 h 1, Martin Luther King est assassiné alors qu’il se trouve sur le balcon du Lorraine Motel à Memphis dans le Tennessee.[…] Il est déclaré mort au St. Joseph’s Hospital à 19 h 05.

L’assassinat provoque une vague d’émeutes raciales dans 60 villes des États-Unis (125 au total5) qui fait de nombreux morts et nécessite l’intervention de la Garde nationale.

Cinq jours plus tard, le président Johnson déclare un jour de deuil national, le premier pour un Afro-Américain, en l’honneur de Martin Luther King. 300 000 personnes assistent à ses funérailles. […]

[…] La ville de Memphis négocie la fin de la grève d’une manière favorable aux éboueurs après l’assassinat.

D’après le biographe Taylor Branch, l’autopsie de King révéla que bien qu’il ait seulement 39 ans, son cœur paraissait celui d’un homme âgé de 60 ans, montrant physiquement l’effet du stress de 13 ans dans le mouvement des droits civiques. Entre 1957 et 1968, King avait voyagé sur [des] millions de kilomètres, parlé en public plus de 2 500 fois, été arrêté par la police plus de vingt fois et agressé physiquement au moins quatre fois. »

Beaucoup d’émissions et d’articles ont été consacrés à la commémoration de cet évènement. Notamment les matins de France Culture du 4 avril ont été consacrés à Martin Luther King.

La situation des noirs a un peu évolué depuis 1968, mais il reste aux Etats-Unis toujours d’immenses inégalités dont les noirs sont les victimes, comme ils sont les victimes de la violence des blancs et des policiers. Le titre de l’émission était : « 50 ans après l’assassinat de Martin Luther King, le retour de la question noire ? »

Une des invités de l’émission a dit justement :

« La représentation du corps noir comme source d’angoisse et de criminalité est permanent dans l’histoire américaine. Le problème n’est pas le policier qui tue, le problème est l’ensemble des Blancs derrière leur bureau qui considèrent qu’il n’y a pas d’injustice. »

Christiane Taubira qui était une des invités de cette émission a expliqué :

« L’Amérique est toujours travaillée par ses vieux démons. On a cru que l’élection de Barack Obama correspondrait à une Amérique postraciale, lui-même a reconnu s’être trompé »

Mais ce qui m’a marqué lors de cette émission c’est d’avoir entendu un extrait du dernier discours de Martin Luther King : « J’ai été au sommet de la montagne », prononcé un jour avant son assassinat.

Ce discours vous le trouverez en intégralité traduit en français sur ce site : https://nofi.fr/2018/02/suis-alle-jusquau-sommet-de-montagne-dernier-discours-de-martin-luther-king/37614

<Vous trouverez ici une version audio de ce discours>

<Ici un extrait vidéo de la fin de ce discours>

Martin Luther King est un militant de la non-violence, il est révolté par les injustices et il est du côté de celles et ceux qui combattent pour leurs droits sociaux.

Mais il est aussi un Pasteur, il est croyant et sa Foi chrétienne se rencontre souvent dans son discours dont je voudrais partager quelques extraits aujourd’hui :

« Notre nation est malade. Le pays est en proie à des troubles. La confusion règne partout. C’est là une demande bizarre. Mais d’une façon ou d’une autre, vous ne voyez les étoiles que s’il fait assez noir pour cela. Et je vois Dieu à l’œuvre, en cette période du XXè siècle.

Quelque chose est en train d’arriver à notre monde. Les masses populaires se dressent. Et partout où elles s’assemblent aujourd’hui – que ce soit à Johannesburg, en Afrique du Sud, à Nairobi, au Kenya, à Accra, au Ghana, dans la ville de New York, à Atlanta, en Géorgie, à Jackson, au Mississippi, ou à Memphis, dans le Tennessee – le cri est toujours le même: « Nous voulons être libres. » Et une autre raison pour laquelle je suis heureux de vivre à notre époque, c’est que nous nous trouvons, par force, à un point où il faudra nous colleter avec les problèmes que les hommes ont tenté d’empoigner pendant toute leur histoire, sans que l’urgence soit telle qu’ils s’y trouvent forcés. Mais il y va maintenant de notre survie. Les hommes depuis des années déjà parlent de la guerre et de la paix.

Désormais, ils ne peuvent plus se contenter d’en parler; ils n’ont plus le choix entre la violence et la non-violence en ce monde; c’est la non-violence ou la non-existence. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Il en va de même pour ce qui concerne la révolution en faveur des droits de l’homme: si rien n’est fait de toute urgence dans le monde entier pour sortir les peuples de couleur de leurs longues années de pauvreté, des longues années pendant lesquelles ils ont été maltraités et laissés à l’abandon, c’est le monde entier qui ira à sa perte. Aussi suis-je heureux que Dieu m’ait permis de vivre à notre époque pour voir ce qui s’y passe. Et je suis heureux qu’il m’ait accordé de me trouver aujourd’hui à Memphis.»

Et puis il évoque le sujet pour lequel il se trouve à Memphis : la défense des éboueurs noirs et il en appelle au combat social :

« Nous devons nous donner à ce combat jusqu’au bout. Rien ne serait plus désastreux que de nous arrêter en chemin, à Memphis.

Nous devons en finir. Quand nous aurons notre manifestation, il faut que vous y participiez. Même si cela signifie que vous devez planter là votre travail, même si cela signifie que vous devez sécher l’école, soyez présents. Pensez à vos frères. Vous pouvez ne pas faire grève.

Mais ou bien nous progresserons tous ensemble, ou bien nous coulerons tous ensemble. »

Puis il évoque la parabole du bon samaritain à laquelle j’avais consacré le mot du jour du 8 mars 2017. Et il conclut à la fin du récit évangélique :

«  Vous savez, il est possible que le prêtre et le lévite aient vu cet homme allongé et se soient demandé si les brigands n’étaient pas encore dans les parages. Peut-être même ont-ils cru que l’homme faisait seulement semblant. Qu’il feignait d’avoir été dévalisé et blessé pour les piéger sur-le-champ, les tromper pour se saisir d’eux tout soudain et plus aisément. (Oh oui.) Aussi la première question que le lévite avait posée était-elle: «Si je m’arrête pour aider cet homme, que va-t-il m’arriver? »

Mais le Bon Samaritain était alors passé. Et il avait posé la question à l’envers: «Si je ne m’arrête pas pour aider cet homme, que va-t-il lui arriver ? » Telle est la question qui se pose à vous ce soir. Ce n’est pas: «Si je m’arrête pour aider les éboueurs, que va-t-il en être de mon travail ?» Ce n’est pas: «Si je m’arrête pour aider les éboueurs, que va-t-il en être de toutes ces heures que j’ai l’habitude de passer à mon bureau de pasteur chaque jour et chaque semaine? » La question n’est pas: «Si je m’arrête pour aider cet homme dans le besoin, que va-t-il m’arriver ? » Elle est: «Si je ne m’arrête pas pour aider les éboueurs, que va-t-il leur arriver? » Voilà la question.

Dressons-nous ce soir avec plus encore d’empressement. Levons-nous avec une plus grande détermination. Marchons, en ces jours décisifs, en ces jours de défi, pour faire de l’Amérique ce qu’elle doit être. Nous avons une chance de faire de l’Amérique une nation meilleure. Et je veux remercier Dieu, une fois encore, de m’avoir permis d’être ici avec vous. »

Il raconte alors un épisode de sa vie, une des premières tentatives d’assassinat et une lettre d’une jeune fille qui l’a ému :

« Vous savez, il y a plusieurs années, j’étais à New York, en train de dédicacer le premier livre que j’avais écrit. Et pendant que j’étais assis, en train de dédicacer des livres, une femme noire, une démente, a surgi. La seule question que j’ai entendue de sa bouche a été: «Êtes-vous Martin Luther King? » Sans lever les yeux de ce que j’étais en train d’écrire, j’ai répondu: «Oui. » Et la minute d’après j’ai senti un coup dans la poitrine. Avant même de m’en rendre compte, j’avais été poignardé par cette démente.

J’ai été rapidement expédié à l’hôpital de Harlem. C’était par un sombre après-midi de samedi. Et cette lame m’avait traversé. Et les rayons X ont révélé que la pointe de la lame avait frôlé l’aorte, la principale artère. Une fois que celle-ci est perforée, votre propre sang vous étouffe; c’en est fini de vous. Le New York Times du lendemain matin disait que si j’avais éternué, je serais mort.

Eh bien, quatre jours plus tard environ, après l’opération, après que ma poitrine eut été ouverte et que la lame eut été extraite, on me permettait déjà de me promener dans une chaise roulante à l’intérieur de l’hôpital. On me permettait de lire une partie du courrier qui me parvenait; de tous les États-Unis et de toutes les parties du monde me parvenaient des lettres pleines de gentillesse. J’en ai lu un bon nombre, mais il en est une que je n’oublierai jamais. J’avais reçu des messages du président et du vice-président. J’ai oublié ce que disaient ces télégrammes. J’avais reçu la visite et une lettre du gouverneur de l’État de New York, mais j’ai oublié ce que disait sa lettre.

Mais il y avait une autre lettre qui venait d’une petite fille, d’une jeune fille, une élève du lycée de White Plains. Et j’ai regardé cette lettre, et je ne l’oublierai jamais. Elle disait seulement: «Cher pasteur King, je suis en seconde au lycée de White Plains. » Elle disait: « Bien que cela ne devrait pas compter, je voudrais mentionner que je suis blanche. l’ai appris par le journal le malheur qui vous est arrivé et combien vous souffrez. Et j’ai lu que si vous aviez éternué vous seriez mort. Et je vous écris simplement pour vous dire que je suis bien heureuse que vous n’ayez pas éternué. » Je veux vous dire que je suis heureux, moi aussi, de ne pas avoir éternué. Car si j’avais éternué, je n’aurais pas été là en 1960 quand les étudiants ont commencé à occuper, dans tout le Sud, les comptoirs des lieux de restauration. Et je savais que s’ils s’asseyaient devant ces comptoirs, ils n’en étaient pas moins debout, dressés pour ce qu’il y avait de meilleur dans le rêve américain; et je savais qu’ils ramenaient toute la nation aux grandes sources de la démocratie, profondément creusées dans le sol par les pères fondateurs, auteurs de notre Déclaration d’indépendance et de notre Constitution. »

Et enfin, il conclut dans un message prophétique et prémonitoire quand on sait ce qui va se passer un jour après :

« J’ai quitté Atlanta ce matin; au moment du décollage de l’appareil, nous étions six, le pilote nous a dit par l’interphone: «Nous sommes désolés d’avoir du retard, mais nous avons le pasteur Martin Luther King à bord. Et pour être sûrs que tous les sacs avaient été examinés, pour être sûrs que rien de mal n’arriverait à l’avion, il nous a fallu tout vérifier soigneusement. Nous avons fait surveiller l’appareil toute la nuit. » Et je suis arrivé à Memphis. Certains commençaient à énumérer ou à commenter les menaces qui circulaient. Et ce que voulaient me faire certains de nos frères blancs dont l’âme était malade.

Eh bien, je ne sais pas ce qui va arriver maintenant. Nous avons devant nous des journées difficiles. Mais peu m’importe ce qui va m’arriver maintenant, car je suis allé jusqu’au sommet de la montagne. Je ne m’inquiète plus. Comme tout le monde, je voudrais vivre longtemps. La longévité a son prix. Mais je ne m’en soucie guère maintenant. Je veux simplement que la volonté de Dieu soit faite. Et il m’a permis d’atteindre le sommet de la montagne. J’ai regardé autour de moi. Et j’ai vu la Terre promise. Il se peut que je n’y pénètre pas avec vous. Mais je veux vous faire savoir, ce soir, que notre peuple atteindra la Terre promise. Ainsi je suis heureux, ce soir. Je ne m’inquiète de rien. Je ne crains aucun homme. Mes yeux ont vu la gloire de la venue du Seigneur. »

C’est admirable ! Ce combat continue.

Aujourd’hui c’est probablement le mouvement « Black Lives Matter »(BLM), qui se traduit en français par « les vies des Noirs comptent » qui poursuit le chemin entamé par ce grand homme qu’était Martin Luther King.

Tombe de Martin Luther King et de son épouse Coretta à Atlanta sur laquelle on peut lire « Free at last » (Enfin libre).

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Mardi 3 avril 2018

« La liberté se confond avec le bonheur et le courage avec la liberté ! »
Périclès rendant hommage aux morts athéniens pendant la guerre du Péloponnèse

Le Président de La République, Emmanuel Macron a décrit, dans son hommage aux Invalides, les conditions dans lesquelles le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a accepté de prendre la place de l’otage que détenait le terroriste islamiste :

«Il était environ onze heures ce vendredi 23 mars 2018, lorsque le lieutenant-colonel Arnaud BELTRAME s’est présenté avec ses hommes devant la grande surface de Trèbes dans l’Aude. Un quart d’heure seulement leur avait suffi pour être sur les lieux. Que savait-il à ce moment-là du terroriste qui s’y était retranché ? Il savait qu’il avait un peu plus tôt tué le passager d’un véhicule, Jean-Michel MAZIERES, et grièvement blessé son conducteur Renato GOMES DA SILVA.  Qu’il avait fait feu sur des CRS aux abords de leur caserne et blessé l’un d’entre eux à l’épaule, le brigadier Frédéric POIROT. Que dans ce commerce où il s’était retranché il avait abattu deux hommes à bout portant : Hervé SOSNA, un client, et Christian MEDVES, le chef boucher.  Nous pensons en cet instant à ces blessés, à ces morts, nos morts, et à leurs familles dans le recueillement.

Il savait aussi que le terroriste détenait une employée en otage. Qu’il se réclamait de cette hydre islamiste qui avait tant meurtri notre pays. Qu’avide de néant ce meurtrier cherchait la mort. Cherchait sa mort. Cette mort que d’autres avant lui avaient trouvée. Une mort qu’ils croyaient glorieuse, mais qui était abjecte : une mort qui serait pour longtemps la honte de sa famille, la honte des siens et de nombre de ses coreligionnaires ; une mort lâche, obtenue par l’assassinat d’innocents.

L’employée prise en otage était de ces innocents. Pour le terroriste qui la tenait sous la menace de son arme, sa vie ne comptait pas, pas plus que celle des autres victimes. Son sort sans doute allait être le même.  Mais cette vie comptait pour Arnaud BELTRAME. Elle comptait même plus que tout car elle était comme toute vie la source de sa vocation de servir.

Accepter de mourir pour que vivent des innocents, tel est le cœur de l’engagement du soldat. Être prêt à donner sa vie parce que rien n’est plus important que la vie d’un concitoyen, tel est le ressort intime de cette transcendance qui le portait. Là était cette grandeur qui a sidéré la France.  Le lieutenant-colonel BELTRAME avait démontré par son parcours exceptionnel que cette grandeur coulait dans ses veines. Elle irradiait de sa personne. Elle lui valait l’estime de ses chefs, l’amitié de ses collègues et l’admiration de ses hommes.

A cet instant toutefois d’autres, même parmi les braves, auraient peut-être transigé ou hésité. Mais le lieutenant-colonel BELTRAME s’est trouvé face à la part la plus profonde et peut-être la plus mystérieuse de son engagement.  Il a pris une décision qui n’était pas seulement celle du sacrifice, mais celle d’abord de la fidélité à soi-même, de la fidélité à ses valeurs, de la fidélité à tout ce qu’il avait toujours été et voulu être, à tout ce qui le tenait. »

Arnaud Beltrame est un héros.

Certains voudraient faire de toutes les victimes du terrorisme des héros, mais ce n’est pas le cas. Les victimes sont des victimes, elles sont assassinées parce que les terroristes islamistes les considèrent comme faisant partie de la communauté de leurs ennemis.

La nation française doit leur rendre hommage parce que c’est en raison de leur appartenance à notre nation qu’elles ont été tuées, qu’à travers leur mort chacun de nous a été atteint. Il faut entourer leurs proches, aider les blessés, accompagner positivement les uns et les autres dans la compassion, dans l’entraide et dans la fraternité de notre devise, car elles ont été atteints dans leur chair en tant que frère dans la nation.

Mais ce ne sont pas des héros. Arnaud Beltrame est un héros.

C’est un héros, parce que sachant ce qu’il savait, il a agi pour prendre la place d’une otage et connaissant l’instinct de mort de l’ignoble individu qui se trouvait dans le supermarché, il savait que le risque pour lui de mourir était immense.

Il a accepté ce risque, parce qu’il croyait à des valeurs qui étaient plus importantes que sa vie, que la conservation de sa vie.

<Mohammed Merah a dit : moi la mort je l’aime comme vous aimez la vie>

Il semblerait que Ben Laden dans une de ses diatribes contre l’Occident aurait écrit : « Nous vous avons préparé des hommes qui aiment la mort autant que vous aimez la vie. »

Toujours est-il que dans l’idéologie de ces criminels illuminés leur premier objectif est de donner la mort fusse-ce au prix de leur mort. Ils prétendent aimer la mort.

Arnaud Beltrame aimait la vie jusqu’au point de donner la sienne pour en sauver une autre. C’est une réponse immense, extraordinaire à la folie de nos ennemis : « Vous recherchez la mort pour donner la mort, il en est parmi nous qui sont capable de mourir pour sauver des vies ».

Parce qu’il existe des combats qui sont plus grands que nous, des causes plus grandes que notre vie.

Nous ne savons pas individuellement si nous serions capables de ce courage dans de telles circonstances.

Celui qui prouve ce courage est un héros.

C’est pourquoi le Colonel Arnaud Beltrame en est un.

C’est Thierry Pech, directeur général du think tank Terra nova, lors de l’émission l’Esprit Public du dimanche de Pâques qui a cité les mots de Périclès mis en exergue de ce mot du jour :

« La réponse que cet homme a apportée aux islamistes est la plus terrible qui ait été apportée jusqu’à présent.Ils croient que nous ne croyons en rien. Ils pensent qu’eux seuls ont le courage de sacrifier leur vie pour leur cause.
Et ils ont eu devant eux un sacrifice démocratique. Ils ont eu un martyr pour la vie, non pas un martyr pour la mort.
Il faut bien sûr célébrer le courage de cet homme.
Il faut célébrer cette idée que la démocratie est plus grande que nous et qu’elle mérite qu’on aille jusqu’à là, jusqu’au sacrifice ultime. »

Et il cite Périclès qui rend hommage aux morts athéniens :

« Sachez que chez nous la liberté se confond avec le bonheur, et le courage avec la liberté ! »

Propos rapportés par le grand historien grec, Thucydide, dans la Guerre du Péloponnèse.

Et vous pouvez trouver l’intégralité de la traduction de la Guerre du Péloponnèse de Thucydide sur Internet.

L’extrait dont parle Thierry Pech se trouve dans le Livre II au chapitre XLIII. Voici ce chapitre : . –

« C’est ainsi qu’ils se sont montrés les dignes fils de la cité. Les survivants peuvent bien faire des voeux pour obtenir un sort meilleur, mais ils doivent se montrer tout aussi intrépides à l’égard de l’ennemi ; qu’ils ne se bornent pas à assurer leur salut par des paroles. Ce serait aussi s’attarder bien inutilement que d’énumérer, devant des gens parfaitement informés comme vous l’êtes, tous les biens attachés à la défense du pays. Mais plutôt ayez chaque jour sous les yeux la puissance de la cité ; servez -la avec passion et quand vous serez bien convaincus de sa grandeur, dites-vous que c’est pour avoir pratiqué l’audace, comme le sentiment du devoir et observé l’honneur dans leur conduite que ces guerriers la lui ont procurée. Quand ils échouaient, ils ne se croyaient pas en droit de priver la cité de leur valeur et c’est ainsi qu’ils lui ont sacrifié leur vertu comme la plus noble contribution. Faisant en commun le sacrifice de leur vie, ils ont acquis chacun pour sa part une gloire immortelle et obtenu la plus honorable sépulture. C’est moins celle où ils reposent maintenant que le souvenir immortel sans cesse renouvelé par les discours et les commémorations. Les hommes éminents ont la terre entière pour tombeau. Ce qui les signale à l’attention, ce n’est pas seulement dans leur patrie les inscriptions funéraires gravées sur la pierre ; même dans les pays les plus éloignés leur souvenir persiste, à défaut d’épitaphe, conservé dans la pensée et non dans les monuments. Enviez donc leur sort, dites-vous que la liberté se confond avec le bonheur et le courage avec la liberté et ne regardez pas avec dédain les périls de la guerre. Ce ne sont pas les malheureux, privés de l’espoir d’un sort meilleur, qui ont le plus de raisons de sacrifier leur vie, mais ceux qui de leur vivant risquent de passer d’une bonne à une mauvaise fortune et qui en cas d’échec verront leur sort complètement changé. Car pour un homme plein de fierté, l’amoindrissement causé par la lâcheté est plus douloureux qu’une mort qu’on affronte avec courage, animé par l’espérance commune et qu’on ne sent même pas. »

Jean-Luc Melenchon a eu des paroles lumineuses, comme il sait parfois les porter, à l’Assemblée nationale :

« Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a remis le monde humain en ordre. Il a assumé la primauté d’un altruisme absolu : celui qui prend pour soi la mort possible de l’autre, illustrant ainsi les valeurs de foi et de philosophie auxquelles il était attaché personnellement. En ce sens, le lieutenant-colonel Beltrame est un héros de la condition humaine. »

Robert Badinter, du haut de la sagesse de ses 90 ans a rendu cet hommage au Colonel Beltrame

« Que le colonel Beltrame soit mort en héros, les hommages et les larmes de tant de Français de toutes origines et de toutes conditions l’ont proclamé. Un héros est en effet celui qui accepte de donner sa vie pour servir son idéal. Mais au-delà de cette grandeur, on doit s’interroger sur le sens de ce sacrifice, sur la cause pour laquelle il choisit de mourir, car il est des causes qui font horreur.

Ainsi en est-il du terrorisme. Le jihadiste qui se fait exploser au milieu de ces victimes innocentes commet un acte monstrueux. Mais pour les partisans de son idéologie, il est un martyr. Assassin pour nous, martyr pour les siens : c’est pourtant du même homme et du même acte dont il s’agit.

Dès lors, s’agissant de notre héros le colonel Beltrame, il faut, pour prendre la mesure de son sacrifice, dégager le sens de son action. Le colonel Beltrame est mort parce qu’il a donné sa vie pour sauver d’autres vies. C’est la plus noble expression de la fraternité. Son sacrifice est à l’opposé du crime du jihadiste, qui meurt pour que d’autres êtres humains périssent avec lui ou à cause de lui.

Comme les fascistes espagnols, hurlant jadis dans les ruines de Tolède « Viva la muerte ! », c’est au culte de la mort que le jihadiste se voue. Le colonel Beltrame, lui, agit à l’opposé. C’est pour épargner la vie d’innocents qu’il a donné la sienne. Que son souvenir demeure vivant à travers les générations. Il a servi la cause de l’humanité toute entière. Merci, mon colonel ! »

Oui Merci mon colonel, d’avoir remis le monde humain en ordre.

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Lundi 26 mars 2018

« Claude de France »
Achille Claude Debussy

Le 25 mars 1918, mourait Claude Debussy. Tous les journaux lui rendent hommage.

Le Figaro titre : « Il y a 100 ans, la mort du génial compositeur Claude Debussy »

Le Monde : « Claude Debussy, ce moderne méconnu »

La Croix : « Debussy, un moderne mort il y a cent ans »

Ou encore la voix du Nord : « Centenaire de Claude Debussy, père de la musique des «sens» »

Dans un autre article du Monde : « Debussy, le musicien de toutes les guerres », nous apprenons :

« Le 25 mars 1918, à 6 h 50, le premier obus de la journée tombe sur Paris. Un autre suit, puis un deuxième, un troisième. « Le gros canon boche n’est plus qu’un ennuyeux personnage de faits divers », commente Le Figaro. Vers 22 heures, Claude Debussy pousse son dernier soupir, terrassé par un cancer, à l’âge de 55 ans. La nouvelle est rapportée dans les journaux, qui consacrent l’essentiel de leurs maigres pages à la bataille qui fait rage en Picardie. L’hommage prend un tour antigermanique. « C’est la musique de Debussy qui nous a délivrés du prestige maléfique de Wagner, assure Louis Laloy, à une heure où nos meilleurs artistes en étaient victimes. » »

Mais c’est probablement la page d’hommage du site « Culturebox » qui est la plus intéressante parce qu’elle présente des vidéos remarquables par exemple celle où Boulez explique la modernité du ballet « Jeux » ou une vidéo d’animation qui présente « Pelleas et Mélisande » et aussi parce qu’il donne la parole au grand pianiste Philippe Cassard qui a écrit un livre sur Debussy qui vient d’être publié :

« Au départ admirateur du génie de Richard Wagner, Claude Debussy se révolte rapidement contre l’ornière romantique et la musique allemande. « Quelle était la vague en 1885 à Paris? C’était Wagner, Wagner, Wagner, tous les compositeurs succombaient à cette espèce de tsunami wagnérien. « Le Prélude à l’après-midi d’un faune » était « la réponse d’un compositeur français à l’invasion sonore allemande […] C’est intime, c’est lyrique, avec beaucoup de poésie et de délicatesse […] Il est né le 22 août 1862 à Saint-Germain-en-Laye, à l’ouest de Paris, au sein d’une famille de petits commerçants. Alors qu’on ne discutait pas culture en famille, on l’a confié à la belle-mère de Verlaine », la pianiste Antoinette Mauté, elle-même élève de Chopin. »

On constate donc que s’il n’est pas né dans une famille d’artiste, il a rapidement été baigné dans un univers culturel particulier

Il est vrai comme l’écrit ce site qu’on compare Debussy non pas à d’autres musiciens mais à plutôt à d’autres artistes de son époque, notamment les Impressionnistes et les Symbolistes. « Prélude » est une interprétation musicale très libre d’un poème de Stéphane Mallarmé, tandis que « Fêtes galantes » et le célébrissime « Clair de Lune » sont à l’origine des poèmes de Paul Verlaine. Bertrand Dermoncourt qui a été nommé conseiller artistique pour le centenaire de Debussy par Emmanuel Macron explique :

« C’est un peu le Claude Monet de la musique (…) car ses œuvres sont très proches de la nature », comme « La mer » Ce sont les mêmes impressions qu’on peut retrouver dans les tableaux de Monet, de petites touches qui créent des ambiances. […] Il annonce toute la musique du 20e siècle, tous les compositeurs après se réclament de lui»

Emmanuel Macron qui a dit cette phrase énigmatique « On a tous en nous quelque chose de Johnny », surtout depuis qu’on en sait davantage sur la grande propension de cet artiste de vouloir pratiquer l’évitement fiscal et le refus de se soumettre au droit français concernant l’héritage, joue aussi du piano et a fait part, dans une déclaration transmise à l’AFP, de son admiration pour le maître de musique français :

« J’accorde une place toute particulière aux Préludes pour piano, dont on ne finit jamais de sonder la nouveauté radicale ».

Certainement Debussy fut un compositeur de piano tout à fait étonnant, avec de petites pièces ciselées, toute en poésie et en finesse.

Parmi les préludes évoqués par le Président de la République, il y a cette délicieuse pièce « La Fille aux cheveux de lin »

D’abord pour votre culture et développer votre capacité de jugement, je vous invite à regarder cette pitrerie : « Lang Lang joue La fille aux cheveux de lin »
Cet acteur de théâtre du nom de Lang Lang que certains prétendent pianiste fait semblant d’interpréter l’œuvre de Debussy.

Ici, beaucoup plus mal enregistré, vous écouterez un vrai pianiste, Arturo Benedetti Michelangeli jouer cette œuvre avec grâce et musicalité

Vous pouvez aussi écouter une belle interprétation à la harpe par Sasha Boldachev

<Le quatuor à cordes opus 10> est aussi un chef d’œuvre de la musique, le lien vous emmène vers une interprétation du 1er mouvement par le Jerusalem Quartet.

Et encore une œuvre moins connue que j’aime particulièrement <Danse sacrée et profane pour Harpe et orchestre à cordes>

Et puis aussi cette œuvre surprenante, pleine de poésie <Syrinx> pour flûte solo jouée par Emmanuel Pahud.

Enfin le chef d’œuvre, unique, absolu, celui dans lequel Claude Debussy atteint au sublime : son opéra « Pélléas et Mélisande » dans une interprétation de l’Opéra de Lyon sous la direction de John Eliot Gardiner.

Il aimait signer ses partitions du nom de « Claude de France » et il est vrai qu’il est par essence le musicien français comme le décrit superbement Wikipedia que je cite :

« D’une audace imprévisible, mais d’une sûreté de goût absolue, harmoniste inclassable et dramaturge subtil, Debussy est comme Rameau auquel il a rendu hommage dans ses Images pour piano, un compositeur d’esprit très français (il signait d’ailleurs certaines de ses partitions Claude de France). Mais grâce à la révolution qu’il opère dans l’histoire de la musique, à travers les ponts qu’il lance en direction des autres arts et des multiples sensations qu’ils éveillent (les sons et les parfums, les mots et les couleurs), il fait accéder sans doute mieux qu’aucun autre la musique française à l’universalité : celle du corps, de la nature et de l’espace. »

<Vous trouverez ici un site entièrement consacré à l’œuvre de Claude Debussy>

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Jeudi 22 mars 2018

« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie »
Albert Londres dansTerre d’ébène

Pour répondre à question d’hier : « Comment lutter contre les fake news ? », la meilleure solution n’est certainement pas une loi nouvelle mais des journaux indépendants en qui on peut avoir confiance et des journalistes rigoureux et intègres.

Celui qui devant l’Histoire a incarné ce journalisme est Albert Londres. Et c’est d’ailleurs le prix Albert-Londres qui couronne chaque année, à la date anniversaire de sa mort, le meilleur « Grand Reporter ».

Albert Londres n’a jamais pris en considération les pouvoirs publics, les gouvernements pour écrire ce qu’il voyait pendant la première guerre mondiale, dans la Russie bolchevique, dans le bagne de Cayenne, en Chine.

Il part une première fois en Chine en 1920 et écrira :

« La Chine : chaos, éclat de rire devant le droit de l’homme, mises à sac, rançons, viols. Un mobile : l’argent. Un but : l’or. Une adoration : la richesse. »

Quelques années plus tard, il meurt dans le paquebot qui le ramenait de Chine, dans la nuit du 15 au 16 mai 1932, dans l’incendie du navire. Beaucoup pensent qu’il s’agissait d’un assassinat car il était sur une enquête d’ampleur, un scandale international. Ses notes ont brulé dans le même incendie. Il avait 48 ans

Et l’exergue de cet article est celui le plus souvent cité d’Albert Londres, sorte de devise du journaliste idéal.

C’est encore grâce à Mediapart et Edwy Plenel que nous savons que ces mots sont

« les premiers de Terre d’ébène, le grand reportage d’Albert Londres sur l’Afrique occidentale française, paru en 1929. Un livre en forme de réquisitoire sur la servitude coloniale, le travail forcé, le déni de la justice, l’inégalité instituée, etc. « Tout ce qui porte un flambeau dans les journaux coloniaux est venu me chauffer les pieds », ajoute Londres.

Or c’est dans le même avant-propos de ce livre qu’on trouve la formule désormais canonique, communément citée par les journalistes pour défendre leur indépendance professionnelle et leur liberté critique – la plume dans la plaie. Rappel qui mérite une citation intégrale :

« Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie ».

Entêté, Albert Londres y revient dans l’épilogue, élargissant le propos au-delà du journalisme professionnel pour viser à la responsabilité civique : « Flatter son pays n’est pas le servir, et quand ce pays s’appelle la France, ce genre d’encens n’est pas un hommage, mais une injure. La France, grande personne, a droit à la vérité ».

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