Léonard Bernstein était un humaniste, un progressiste, un homme de paix.
Dans le magazine « Répertoire des disques compacts » de septembre 1998 on lit ces propos de Lenny :
« La musique, l’art en général, est le seul langage humain qui permette à l’homme de se retrouver non seulement comme individu, mais aussi et surtout comme un être humain qui vit et qui doit vivre dans la fraternité de ses semblables. La musique est le langage le plus profond de l’homme. Grâce à elle, nous pouvons encore nous sentir unis et, j’en suis sûr, si nous voulons vraiment être des hommes, il est indispensable que nous soyons unis ».
Dans ce même journal on apprend que Léonard Bernstein songeait à écrire un grand opéra dramatique sur la shoah qui devait représenter l’histoire des cinquante dernières années, à partir de la deuxième Guerre Mondiale, et mettre en scène en plusieurs langues , divers lieux et villes désolés par la barbarie nazie, mais aussi insuffler l’espérance d’un monde meilleur :
« Nous devons édifier un monde nouveau et il ne suffit pas pour cela de détruire l’ancien : il faut réussir à améliorer ce monde ci et nous devons tous contribuer à cet effort. […] J’éprouve un grand soulagement quand je vois s’effondrer un régime totalitaire et le pouvoir de ces dictateurs qui privent un peuple de sa liberté en se camouflant derrière de nobles idéaux et de bonnes intentions.»
Il dénonce le maccarthysme, cette chasse à l’homme menée par les autorités américaines dans les années 1950 contre tous ceux qu’elles soupçonnaient d’être communistes, dans son opérette « Candide » selon le texte de Voltaire.
Bernstein désapprouve ouvertement la guerre engagée par les États-Unis au Vietnam, soutient l’intégration des minorités ainsi que le mouvement des droits civiques.
L’humanisme et l’engagement de Bernstein inquiètent les services de renseignement intérieur. Aujourd’hui, on sait que le dossier que le FBI possédait contre lui comptait plus de 650 pages.
Vous pouvez écouter la journaliste Nathalie Moller raconter cette histoire en 5 minutes.
Ou encore lire cette page sur le site de France Musique <Pourquoi Leonard Bernstein était-il surveillé par le FBI ?>
J’en tire les extraits suivants :
« En 1951, le nom de Bernstein apparaît pour la première fois dans le Security Index, la fameuse liste des personnes jugées dangereuses par les services de renseignement américains. Deux ans plus tard, le compositeur se voit refuser le renouvellement de son passeport et frôle même la détention…
Pour récupérer son passeport, Bernstein doit jurer sur l’honneur qu’il ne fait pas et n’a jamais fait partie d’une quelconque organisation communiste. Voilà notre compositeur pris au piège de la folie maccarthyste et victime de la ‘chasse aux sorcières’.
Autre engagement, autre fait qui dérange. Le 14 janvier 1970, Bernstein et sa femme Félicia organisent une soirée de soutien aux Black Panthers, un mouvement afro-américain qui, du fait de son caractère révolutionnaire, a été désigné comme principale menace pour la sécurité intérieure par John Edgar Hoover, le directeur du FBI. A ses yeux, Bernstein cumule les provocations… »
Et puis il y a l’épisode de « Mass » dont nous avons déjà parlé. Nous savons donc que Jacqueline Kennedy avait commandé à son ami ‘Lenny’ une œuvre pour l’inauguration du Kennedy Center of Performing Arts, un lieu de culture ainsi nommé en hommage à son défunt mari, le président John F. Kennedy.
Pour écrire cette œuvre, Bernstein demande l’aide d’un prêtre catholique, Philip Berrigan. Un choix qui lui coûtera bien cher… Car Philip Berrigan est un militant pacifiste particulièrement actif, farouchement opposé à la guerre du Viet Nam et qui, entre deux allers-retours en prison, subit lui aussi la surveillance accrue du FBI. Berrigan et Bernstein réunis ? Il n’en faut pas plus pour rendre le FBI parano.
Et si Bernstein avait glissé des messages anti-gouvernementaux dans son texte latin ? Et s’il avait demandé à ses interprètes d’injurier le président Nixon en plein spectacle ? Réunion de crise à la Maison Blanche : Richard Nixon ne doit pas assister au concert, et il serait bien qu’une critique négative de l’œuvre soit publiée dès le lendemain, dans le New York Times.
La mauvaise critique sera publiée, le président Nixon ne viendra pas à la cérémonie.
Dans l’émission de France Musique : <Léonard Bernstein, radical chic. Vraiment ?> Vous entendrez un enregistrement de Nixon et de ses conseillers qui discutent de cet évènement avant qu’il n’ait lieu. Vous remarquerez la vulgarité de Nixon qui n’a rien à envier à celle de Donald Trump.
Radical chic renvoie vers un évènement et un article de journal qui affecteront beaucoup Bernstein et son épouse.
Nous avons évoqué la soirée de soutien aux Black Panthers organisé par les Bernstein dans leur appartement de New York
« Radical chic », par ces mots le journaliste Tom Wolfe qualifiait Bernstein dans un article publié dans les colonnes du New York Magazine en juin 1970. Article venimeux et accusateur qui allait faire beaucoup de mal à Lenny et à son entourage…
Juin 1970, en pleine révolution des Black Panthers, guerre du Vietnam et assassinats des Kennedy et Martin Luther King, le journaliste et écrivain Tom Wolfe publie un article sur Bernstein intitulé Radical Chic : That Party at Lenny ‘s. Le jeune journaliste se paye, le grand chef international, le compositeur national et le grand bourgeois parvenu qui se revendique homme de gauche Leonard Bernstein. Un texte archi brillant mais venimeux dont l’impact a été dramatique.
Lenny dupe de ses bons sentiments affirme Wolfe. Rappelons que Tom Wolfe, mort en 2018 n’est pas que célèbre en raison de cet article, mais aussi parce qu’il est l’auteur du «bûcher des vanités.».
La fille de Bernstein, Jamie, révèle :
« C’est un texte très bien écrit, c’est très malin, très ironique, c’est un très bon écrivain, mais il causé des dommages incalculables à ma famille. Il ne s’est pas rendu compte à quel point il avait pu faire du mal. »
Et je finirai ce mot consacré à l’humanisme et aux combats politiques de Bernstein par son hymne à la liberté qu’il imposa en changeant, dans l’ode à la joie de Schiller qui finit la neuvième symphonie de Beethoven, le mot « Freude » c’est-à-dire « joie » par le mot « Freiheit » qui signifie en allemand « Liberté ».
La chute du mur de Berlin le 9 Novembre 1989 moins d’un an avant sa mort lui donna beaucoup de joie et un immense espoir. :
« Je vis un moment historique, incomparable avec tous les autres de ma longue, longue existence »
Bernstein accepta spontanément l’invitation à diriger deux représentations de la 9e symphonie de Beethoven, pour célébrer la liberté. Deux concerts, chacun ayant lieu dans une partie de la ville divisée pendant 28 années : à la Philharmonie de Berlin Ouest le 23 Décembre, et Berlin Est le 25 Décembre 1989. Il apparût naturel que la liberté nouvelle de l’Allemagne de l’Est soit célébrée par cette symphonie.
« Je suis sûr que Beethoven nous aurait donné sa bénédiction. »
Ajouta-t-il.
A cette occasion, Léonard Bernstein, conduisit un orchestre et chœur composés de musiciens venant des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, de France, et de l’Union soviétique.
L’orchestre de la radio bavaroise et son chœur fut ainsi rejoint par le London Symphony, le New York Philharmonic, l’Orchestre de Paris, le Staatskapelle Dresden, l’Orchestre du Théâtre Kirov à Stalingrad …
<Vous trouverez la vidéo d’un de ces concerts derrière ce lien>
Un disque existe aussi
<1102>
Même s’il est très critique sur Lenny, tu le fais disparaitre bien tôt l’ami Tom…
Merci Pierre-Yves pour ta vigilance. J’ai ainsi pu corriger l’erreur.