Dans le conflit israélo-palestinien, les extrémistes des deux bords sont dans l’exclusion et l’élimination de l’autre.
Par exemple le ministre des finances de Nétanyahou, Bezalel Smotrich, ultranationaliste israélien, a déclaré le 19 mars 2023 dans les salons Hoche, un luxueux centre de réception près des Champs-Elysées à Paris : « Le peuple palestinien n’existe pas. »
Je cite cet article « du Monde » :
« Durant la cérémonie, M. Smotrich s’est exprimé derrière un pupitre décoré d’une carte incluant non seulement l’Etat hébreu et les territoires occupés palestiniens mais aussi le territoire de l’actuelle Jordanie : l’espace du Grand Israël pour les tenants de cette idéologie expansionniste.
Il a prononcé un discours dans lequel il a exhorté les juifs de France à faire leur alya, c’est-à-dire à s’installer en Israël, [Et il a déclaré] :
Le peuple palestinien est une invention de moins de cent ans. Est-ce qu’ils ont une histoire, une culture ? Non, ils n’en ont pas. Il n’y a pas de Palestiniens, il y a juste des Arabes. »
En face, le mouvement Hamas veut créer sur tout le territoire compris entre la Méditerranée et le jourdain et comprenant donc l’État d’Israël, un État islamique de Palestine vierge de présence juive.
Alors, je voudrais partager une vidéo aujourd’hui.
C’est un partage qui me semble plein d’enseignements à plusieurs titres.
D’abord, celui qui s’exprime est François Fillon.
Je n’ai aucune affinité avec cet homme, mais ce n’est pas une raison de ne pas l’écouter pour examiner si ce qu’il dit est pertinent.
De plus en plus de personnes n’écoutent plus que les personnes qui leurs ressemblent et professent les mêmes idées qu’eux.
Il arrive même que ce soit des présupposés qui vont conduire à ce que l’on refuse d’écouter un tel parce qu’il serait homophobe, islamophobe, antisémite, islamo-gauchiste toute qualification qui ne vont pas plus loin qu’une simple impression, une rumeur ou simplement une interprétation hâtive d’une phrase sortie de son contexte.
Pour ma part je préfère écouter les personnes et faire mon jugement ensuite.
C’est ainsi que j’ai écouté et regardé François Fillon.
J’ai vu d’abord cette petite vidéo avec comme titre : « Free Palestine ».
Vous voyez François Fillon dire :
« Il y a trois ans je rencontrais à Téhéran l’ayatollah Rafsandjani, l’ancien président iranien.
Et un moment dans la conversation, on parlait d’Israël et il me dit qu’il faut qu’il s’en aille !.
Je lui réponds
- Mais qu’est-ce que vous voulez dire ?
- Ils n’ont rien à faire en Palestine, il faut qu’ils partent.
- Vous ne pouvez pas dire cela, même si vous le pensez, de toute façon ça ne se produira pas.
- Donnez-moi une seule raison pour laquelle il pourrait rester ?
- Ben oui, ils étaient là, il y a deux mille ans.
Il éclate de rire et il me dit : nous il y a 5000 ans on était en Inde, on ne va pas y retourner.
Et là je ne sais plus quoi dire.
La vidéo s’arrête là avec une question : « et vous qu’auriez-vous répondu à la place de François Fillon ? »
Le sous-titre à cette question suggère qu’il n’y a pas de réponse et la conclusion en découle simplement : il n’y a aucune raison à ce que les juifs disposent d’un État en Palestine.
Puisque même François Fillon ne trouve rien à répondre, cette vidéo donne raison aux partisans des palestiniens qui veulent chasser les juifs de Palestine.
A ce stade, il y a encore deux enseignements :
Le premier est que la publication de cette vidéo est tronquée. Celui qui a publié a coupé à l’endroit qui lui permettait de renforcer sa thèse. Mais j’y reviendrai après.
Le second, c’est quand même que la réponse de François Fillon est très problématique : Les juifs ont le droit de créer un État juif parce qu’ils étaient là, il y a deux mille ans.
Cela fait partie du narratif d’Israël, sur lequel je reviendrai dans un mot du jour ultérieur.
Mais de manière rationnelle, ce que signifie cette prétention : ils ont droit d’être là parce qu’ils y étaient il y a deux mille ans, conduit à un concept très déstabilisant : le droit du premier occupant !
Je me souviens d’une déclaration de Valéry Giscard d’Estaing qui avait porté ce jugement définitif :
« En droit international, il n’existe pas de droit du premier occupant. »
Quand on évoque un concept de droit, il faut en examiner les conséquences.
Sainte Sophie d’Istanbul est une immense église chrétienne qui a été érigée au IVème siècle de notre ère dans la ville de Constantinople. Elle a été commandée par l’empereur romain Constantin en 325. Elle est restée une église Chrétienne Orthodoxe, comme Constantinople est resté la capitale chrétienne byzantine jusqu’à 1453. Bref 1100 ans. En 1453, immédiatement après la prise de Constantinople par les Ottomans, la basilique fut convertie en mosquée, Plus tard elle devint musée, jusqu’à ce que ce compagnon de route des frères musulmans, le président turc, Recep Tayyip Erdoğan a décidé d’en refaire une mosquée. Devant cet acte de provocation, nous devrions faire jouer le droit du premier occupant, Constantinople est musulmane depuis 570 ans, alors qu’elle a été chrétienne pendant 1100 ans. Nous devrions exiger que Constantinople redevienne Chrétienne, nous étions là avant !
J’ai voulu dans un premier exemple parler de symboles, de religions puisque ce sont des éléments très utilisés dans le conflit qui secoue le territoire entre la méditerranée et le Jourdain.
De manière plus pratique, quelle serait les conséquences d’une application du droit du premier occupant aux États Unis et au Canada ? En Australie et en Nouvelle Zélande ? Et dans tant d’autres lieux de notre planète ?
L’expliciter ainsi, montre la fragilité de cet argument et la potentialité de la violence et des conflits que cela entraînerait.
J’espère que personne n’émettra l’idée d’un Dieu qui aurait promis quelque chose.
Car si le Dieu des armées, Yahvé a promis cette terre au peuple élu, Allah a de la même manière, selon les musulmans, consacré cette terre comme Dar al-Islam, c’est-à-dire terre d’Islam.
En faire un conflit entre deux dieux qui selon ce que j’ai compris de leurs croyances, est le même, n’a aucune vocation à simplifier le problème.
Il vaut beaucoup mieux en rester à une proposition de partage de l’Assemblée générale de l’ONU qui a souhaité un état juif et un état arabe et de constater qu’aujourd’hui la disparition de l’un des deux peuples sur le territoire convoité par une épuration ethnique est inadmissible de cruauté et de haine future.
J’en reviens au premier enseignement, la manipulation.
François Fillon a d’abord été déstabilisé c’est vrai, mais, après avoir repris ses esprits il a répondu.
Et j’ai trouvé l’interview intégrale, c’était une émission de la Radio-Télévision Suisse : < Interview de François Fillon par Darius Rochebin, de la RTS>
Il évoque à partir de 22:16, la tendance de se replier sur sa communauté.
Il évoque d’abord la communauté géographique en parlant du Brexit britannique ou de la Catalogne.
Puis il parle du repli au sein de communauté religieuse.
« On voit monter une forme de sectarisme, de fondamentalisme religieux. Plutôt chez les musulmans aujourd’hui, mais qui peut demain, en réaction, appeler une sorte de fondamentalisme dans les autres religions […]
Je ne peux pas ne pas raconter cette histoire parce que je trouve qu’elle est très révélatrice.
Il y a trois ans je rencontrais à Téhéran l’ayatollah Rafsandjani, l’ancien président iranien.
Et un moment dans la conversation, on parlait d’Israël et il me dit qu’il faut qu’il s’en aille !.
Je lui réponds
- Mais qu’est-ce que vous voulez dire ?
- Ils n’ont rien à faire en Palestine, il faut qu’ils partent.
- Vous ne pouvez pas dire cela, même si vous le pensez, de toute façon ça ne se produira pas.
- Donnez-moi une seule raison pour laquelle il pourrait rester ?
- Ben oui, ils étaient là, il y a deux mille ans.
Il éclate de rire et il me dit : nous il y a 5000 ans on était en Inde, on ne va pas y retourner.
Et là je ne sais plus quoi dire.
« Et donc je rassemble toutes mes forces pour trouver une réponse et je lui dis : C’est ça, continuer comme ça : Mettez les chrétiens dehors, mettez les juifs dehors et vous ne croyez pas qu’un jour les européens voudront mettre les musulmans dehors ?
Il y a eu un peu de silence et en repartant dans la voiture je me suis dit au fond, je n’ai pas réfléchi à cette phrase, elle est brutale, elle est provocatrice, mais c’est la vérité.
Si on laisse monter l’intolérance, elle fait naître de l’intolérance en face.
On a aujourd’hui des communautés religieuses qui peuvent se radicaliser.
On a un repli communautaire ethnique. »
Je trouve cette réponse pleine de sagesse.
Les communautés chrétiennes sont aujourd’hui opprimées dans les pays musulmans. Le nombre de chrétiens a diminué de manière considérable par rapport au début du XXème siècle en Turquie, en Égypte, en Syrie, en Irak etc…
Et que personne ne se trompe, il ne s’agissait pas de chrétiens occidentaux, venant d’Europe de l’Ouest qui auraient colonisé ces pays. Pas du tout, ce sont des populations locales qui s’étaient convertis au christianisme il y a longtemps et qui lors de l’expansion de l’Islam ont refusé de se convertir à ce troisième monothéisme.
Et la situation est encore plus dégradée pour les communautés juives dans ces pays. Si les pays arabes ne voulaient pas d’Israël, il aurait été intelligent, me semble t’il, qu’ils convainquent les juifs de leurs pays de rester et qu’ils prennent les mesures adéquates pour rendre ce séjour paisible et serein.
En parallèle dans nos pays, les communautés musulmanes augmentent notamment dans le nombre de celles et de ceux qui se soumettent à des pratiques religieuses ostensibles.
Tout n’est pas parfait dans nos pays, loin s’en faut : il existe des discriminations et des intolérances mais sans commune mesure avec ce qui se passe, en Turquie, en Égypte etc.
La cohabitation des religions dans un monde tolérant et acceptant l’autre constitue un grand progrès de l’humanité.
L’empire ottoman a su pendant longtemps, jusqu’à l’arrivée au pouvoir du gouvernement jeunes turcs, réaliser grosso modo cette cohabitation paisible.
Amin Maalouf parle même de son enfance au Liban et en Égypte où cette coexistence de communautés religieuses restait harmonieuse.
Il faudrait retrouver ce chemin de la tolérance qui appelle à la tolérance chez tous.
Ce qui conduit à écarter tous les discours qui veulent chasser l’autre, comme ce discours de l’ayatollah Rafsandjani.
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