Lundi 11 mars 2024

« C’est vous qui avez fait cela ? »
Otto Abetz et Pablo Picasso

C’est un échange connu ou, au moins, raconté entre l’ambassadeur allemand à Paris, Otto Abetz et Pablo Picasso devant une photo de la Toile « Guernica » de l’artiste.

L’ambassadeur demande à Picasso :

« C’est vous qui avez fait cela ? », l’artiste a répondu : « Non… vous »

Gaza est détruit.

Et, il y a plus de 2 000 000 d’habitants.

Ils vivent dans les gravats, la saleté.

Avoir de l’eau potable, avoir de la nourriture est un problème incommensurable chaque jour.

D’un côté comme de l’autre, on utilise des mots : « pogrom », « génocide ». Des mots venant de l’Histoire, qui rappellent d’autre moments, d’autres faits.

Pour faire réagir, pour essayer d’expliquer le désastre, le chaos.

Faire en sorte que le monde réagisse en faveur du camp défendu.

Je ne crois pas que cela soit la bonne méthode.

Peut-on simplement dire les faits ?

Les membres du Hamas ont attaqué Israël le 7 octobre, ils ont tué 1160 personnes, en majorité des civils et ont emmené 250 otages.

Ce furent des massacres, filmés par les assaillants eux-mêmes et diffusés sur les réseaux en forme de propagande.

La violence fut extrême, les viols assez systématiques.

En face, l’armée d’Israël a réagi tardivement. Elle n’a pas anticipé l’attaque

<Des observatrices de l’armée> avaient pourtant informé leurs supérieurs que des choses bizarres se passaient du côté de Gaza. Elles n’ont pas été entendues.

Les troupes qui devaient défendre Israël du côté de Gaza étaient réduites à la portion congrue.

D’abord, parce qu’une partie de ces troupes étaient mobilisée en Cisjordanie, Judée-Samarie disent beaucoup d’israéliens. Elles étaient mobilisées pour défendre les israéliens qui se sont installés sur ces territoires qu’ils considèrent aujourd’hui comme leur pays historique, mais qui avaient été attribués aux arabes dans le plan de partage de l’ONU de 1947.

Cette présence juive sur une terre qui devait former une partie essentielle de l’État arabe de Palestine est contraire au Droit International.

Mais les implantations juives sont de plus en plus importantes et sont évidemment rejetées par la partie Palestinienne d’où le besoin de présence de l’armée pour protéger les citoyens juifs et éviter les désordres.

Ensuite, une partie plus importante de soldats que d’habitude avaient eu le droit de retourner dans leur famille pour des fêtes religieuses après que le gouvernement ait cédé à des lobbys religieux qui demandaient cette évolution.

Ces deux faits : la non anticipation et la présence réduite de forces de défenses ont facilité l’attaque du Hamas et l’ampleur du désastre.

La gravité des massacres sur le territoire israélien et le sort des otages a créé un traumatisme du côté de la population d’Israël qui a exigé et soutenu une action massive contre le Hamas pour punir et empêcher que de tels évènements se reproduisent.

Et c’est ainsi que les bombardements et l’attaque de l’armée d’Israël sur Gaza ont commencé.

Nous sommes ce lundi au 157ème jour de guerre.

Israël a beaucoup détruit, rendant le territoire de Gaza invivable.

Mais aucun des principaux chefs du Hamas n’a pu être neutralisé. Le Hamas n’est pas détruit et continue à agir.

Les habitants de Gaza sont prisonniers sur leur territoire.

Leurs conditions de vie sont terrifiantes.

Je lis régulièrement « Times of Israël » qui donne le point de vue d’israéliens.

Il n’y a aucune information concernant la situation humanitaire, de famine, de chaos, d’urgence sanitaire et d’accès à l’eau de la population de Gaza.

Du côté arabe, notamment d’Al Jazeera, l’ampleur et la barbarie des massacres du 7 octobre sont parallèlement édulcorées.

L’État Hébreu limite aussi le renouvellement des visas des humanitaires pouvant apporter l’aide à Gaza.

On peut lire dans l’Obs : « A Gaza, la famine est devenue une arme de guerre »

« Presque aucune aide n’atteint le Nord, où des enfants commencent à mourir de faim. […]

A l’hôpital Kamal Adwan, le seul hôpital pédiatrique du nord de la bande de Gaza, près de Beit Lahia, une quinzaine d’enfants sont morts de faim depuis le début du mois de mars. Les médecins, débordés, voient chaque jour des mères affamées mendier du lait pour leurs bébés. Très peu nourries pendant leur grossesse, ces femmes ne parviennent plus à allaiter leurs nouveau-nés et sont contraintes de les nourrir d’une à deux dattes écrasées par jour. […]

C’est dans le Nord de Gaza, ravagé par les bombes, désormais sous contrôle militaire israélien et où vivent encore 300 à 500 000 Gazaouis, que la situation est la plus désespérée. « Les terres n’y sont pas cultivables, les puits sont pourris, on y boit de l’eau saumâtre. Les Gazaouis sont prisonniers et crèvent de faim », relate Jean-François Corty, médecin et vice-président de Médecins du Monde. ».

Il y a aussi ce billet de Guillaume Erner sur France Culture <La famine organisée dans la bande de Gaza>

Il parle de son oncle Dov qui vit en Israël et qui a presque 100 ans. Il avait émigré en Israël après la Shoah.

Guillaume Erner le décrit ainsi :

« Dov a été un militant inlassable de la paix, d’une solution à deux États. Il est devenu artiste, grand artiste. »

Et il finit son billet par ces mots :

« Et c’est pourquoi, en voyant ce visage d’enfant Gazaoui émacié, décrit comme étant en train de mourir de faim, je me suis dit que Dov n’avait jamais voulu cela, que ces images insupportables allaient doublement le hanter, comme homme, mais aussi comme rescapé. Si cette image d’un enfant à Gaza est vraie, et rien n’indique aujourd’hui qu’elle soit fausse, alors l’Israël que voulait Dov est un Israël à l’agonie, car rien ne justifie bien sûr cette famine. Famine organisée, une famine que même les États-Unis ne parviennent pas à rompre. Si cet enfant Gazaoui meurt, c’est avec lui une certaine conception d’Israël qui va disparaître. »

Devant ce désastre, on va poser la question : « C’est vous qui avez fait cela ? »

Le « Vous » c’est le Hamas, le Hamas qui garde les otages, qui a pris l’initiative de cette guerre en sachant que les gazaouis deviendraient les victimes de la réaction d’Israël meurtri. Mais pour eux les victimes ne sont pas des humains qui souffrent mais des martyrs qui aident leur cause.

Mais aujourd’hui le « Vous » c’est aussi le gouvernement d’Israël et son bras prolongé l’armée d’Israël qui s’obstine dans une stratégie.

Le peuple de la Shoah peut-il assumer ce qui se passe sur cette petite enclave, prison de 2000 000 d’habitants qui meurent de faim, de soif et de manque de soins ?

C’est vous qui avez fait cela ?

<1797>

Une réflexion au sujet de « Lundi 11 mars 2024 »

  • 11 mars 2024 à 16 h 41 min
    Permalink

    peut-être est-ce aussi NOUS, nous qui jamais n’avons élevé la voix contre la colonisation forcée et la morcellisation des territoires Palestiniens.
    Nous qui n’avons pas protesté contre la politique de complaisance face au Hamas dont on connaissait le danger , et que la politique de Netanayou à encouragé pour faire pièce à l’autorité palestinienne .
    Nous l’Europe qui n’avons pas cherché à pousser les Israéliens à négocier avec les Palestiniens pacifistes ( il y en avait) et avons applaudis les accord avec l’Arabie saoudite qui ignoraient le peuple Palestinien ! c’est eux qui ont fait ça? la responsabilité est , je crois, bien partagée.

    Répondre

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *