Mercredi 4 décembre 2019

« Le document 9 »
Document secret du pouvoir central chinois présidé par Xi Jinping

L’excellent documentaire, « Le monde selon Xi-Jinping » montre d’abord que le Président chinois est un prince rouge. C’est-à-dire un enfant du premier cercle de Mao lors de la proclamation en 1949 de la République populaire de Chine.

C’est une sorte de noblesse qui perpétue son pouvoir dans la Chine communiste et capitaliste non libéral.

Il raconte aussi la descente en enfer de son père et de lui-même lors de la purge réalisée pendant la révolution culturelle. Et dans laquelle ils comptèrent parmi les victimes. Il dit lui-même que les gardes rouges ont plusieurs fois menacé de le fusiller. Il fut victime de violences physiques, morales et aussi d’un travail dur à la campagne au milieu de rudes paysans. Sa sœur ainée s’est suicidée pendant cette période

Mais il garda toute sa confiance dans le Parti Communiste, il y adhéra après bien des péripéties. Puis, il fut suffisamment consensuel pour grimper tous les échelons.

Lors des dernières marches il sut écarter ceux qui pouvaient être des concurrents. Il affiche un motif noble : la lutte contre la corruption. Il semble que la corruption est importante en Chine communiste.

Dès lors, beaucoup peuvent être inquiétés pour cette raison.

Ainsi, il a pu écarter un autre prince rouge « Bo Xilai » qui apparaissait comme un rival très sérieux. Condamné à la prison à perpétuité et spolié de tous ces biens il ne constitue plus un obstacle pour Xi Jinping.

Mais la famille de XI Jinping est à la tête d’une fortune colossale de plus de 290 millions d’euros, selon une enquête de Bloomberg qui a valu au site de l’agence d’être suspendu quelques jours en Chine pendant l’été.

Cette fortune n’est elle que le fruit du travail ?

Xi Jinping est devenu le secrétaire général du Parti communiste en novembre 2012 et Président de la République le 14 mars 2013.

Normalement depuis Deng Xiao Ping, ce poste était occupé pendant dix ans puis tranquillement l’élite du Parti se mettait d’accord sur un successeur. Xi Jinping a rapidement su mettre en place les conditions de la prolongation indéfinie de son mandat. Il souhaite probablement « le refaire à la Mao » rester au pouvoir jusqu’à sa mort ?

Aujourd’hui, je souhaite m’arrêter sur un autre point développé dans le documentaire, le « document 9 ».

Xi Jinping, n’était pas depuis longtemps au pouvoir quand a été divulgué, en 2013, un document secret du Comité Central, « le document 9 ».

Le pouvoir chinois a accusé la journaliste Gao Yu née à Chongqing en 1944 et qui faisait partie de cercles d’intellectuels dissidents, d’être la responsable de cette fuite.

Elle avait été arrêtée en 1989 après les manifestations de la place Tian’anmen et libérée 14 mois plus tard pour raison de santé. De nouveau arrêtée en octobre 1993 et condamnée à 6 ans de prison, elle est arrêtée une troisième fois le 24 avril 2014, en raison du document 9.

Gao Yu est réapparu le 8 mai 2014 sur les écrans de la télévision chinoise, filmée assise sur une chaise en fer dans une salle capitonnée, une salle d’interrogatoire, d’un centre de détention, exprimant, d’un ton las et hésitant, une autocritique, pour son «crime», qui porterait «atteinte aux intérêts nationaux». Ses amis s’interrogent sur les moyens et les pressions exercées sur cette femme de conviction solide pour lui arracher une telle autocritique

En avril 2015, Gao Yu est condamnée, à une peine de sept ans de prison.

Ce document 9 dont un des principaux auteurs serait le président chinois lui-même, Xi Jinping, a vocation à servir de référence à la politique chinoise dans les dix ans à venir. Ce document identifie dix périls à combattre dans la société chinoise :

Le tout premier est la «démocratie constitutionnelle occidentale».

Les autres incluent la promotion des «valeurs universelles» des droits de l’homme, les idées d’indépendance des médias et de participation citoyenne inspirées par l’Occident, le «néolibéralisme» qui défend avec ardeur l’économie de marché et les critiques «nihilistes» du passé traumatisant du parti ».

Bref, il rejette toutes les valeurs auxquels nous autres occidentaux, malgré nos différences, sommes attachées.

François Bougon est journaliste au « Monde », il avait été correspondant de l’AFP en Chine pendant 5 ans. Il a écrit un livre : « Dans la tête de Xi Jinping » publié en 2017 et édité par Actes Sud.

François Bougon insiste d’abord sur une illusion que nous autres occidentaux pourrions avoir d’espérer qu’apparaisse au sein du PCC, un Gorbatchev chinois qui parle de réforme, de transparence, de refus de la violence et qui fasse évoluer la Chine vers un régime plus proche de nos valeurs.

C’est un espoir vain, selon ce journaliste. Gorbatchev est l’anti-modèle pour les responsables chinois.

Et particulièrement Xi Jinping est marqué par la chute de l’URSS en 1991, suite à la « mollesse » de Gorbatchev. Il est résolu à éviter cette faute et considère que le salut du Parti est dans la lutte pied à pied contre la démocratie, et la réactivation d’un marxisme aux couleurs de la Chine.

Bougon s’intéresse au document « n°9 » de 2013 et considère particulièrement important de constater que Xi Jinping y pourfend les « valeurs universelles », la « démocratie constitutionnelle», les ONG, les « forces hostiles » de l’étranger, et le « nihilisme historique » – le fait de tourner en dérision les héros révolutionnaires et leurs actes.

Bougon le constate mais il est sceptique sur les chances de survie d’un régime ayant tourné le dos à toute concession et toute réforme politique. L’auteur suggère que le pouvoir, entré dans la dernière phase de son existence, joue ses dernières cartes et ne pourrait survivre plus d’une à deux décennies. Sous l’angle économique, Xi veut rendre ses concitoyens réactifs et créatifs, pour obtenir des entreprises et des universités mondialement compétitives. Mais sous l’angle politique, Xi veut en même temps maintenir cette société muselée.

Un tel grand écart devrait devenir rapidement intenable : « aucun Parti ne peut régner ad vitam aeternam », conclut F. Bougon.

Vous pouvez voir François Bougon présenter longuement son ouvrage et ses idées dans une <vidéo> d’une conférence qu’il a fait à la fondation Jean Jaurés.

Il explique notamment que par rapport aux discours des droits de l’homme des occidentaux, aux leçons des valeurs universelles, Xi Jinping ne se situe pas dans une posture défensive, mais dans un discours revendicatif, un discours conquérant et même de sanctions économiques pour ceux qui ne voudraient pas comprendre. La Chine a sa propre civilisation, a des solutions pour le monde qui ne s’inscrivent absolument pas dans le corpus idéologique des occidentaux. Notamment dans cette vision, la Loi n’a pas pour vocation de garantir des droits individuels mais d’imposer des solutions pour que la Société fonctionne efficacement.

L’obsession de Xi Jinping est que la Chine «communiste» devienne la première puissance mondiale économique et militaire pour le centenaire de sa création, en 2049, et qu’elle surpasse enfin les Etats-Unis. Pour atteindre ce but, il choisit de faire prendre au pays un virage de plus en plus totalitaire.

<Le Figaro> parle aussi de ce document 9 et conclut très justement :

« En réalité, il ouvre une guerre idéologique frontale à un Occident qui, aveuglé par les chimères de l’eldorado chinois, réduit au commerce sa relation à la Chine. »

<Le Monde> explique

« Le Document n°9 apparaît aujourd’hui comme ayant tracé la feuille de route exacte de la répression qui n’a cessé de s’intensifier, dès l’automne 2013 et la fin du procès de Bo Xilai, contre la société civile chinoise, les intellectuels, les blogueurs, les avocats ou les militants d’ONG. […]

Cette « note de l’Office général du Comité central du parti », diffusée jusqu’aux plus bas échelons de l’organisation, a pris le nom de « Document n°9 », car il est alors le neuvième document de ce type diffusé depuis le début de l’année, selon le site China File, qui en offre une traduction intégrale en anglais, tirée de la version en chinois publiée par le magazine papier du site Mingjing News aux Etats-Unis en septembre 2013. […] le « Document n°9 » se lit comme le pense-bête d’un régime obnubilé par l’Occident, un »kit anti-subversion » qu’il faut suivre à la lettre. Il prévient que « les forces occidentales antichinoises et les « dissidents » de l’intérieur sont toujours en train d’essayer activement d’infiltrer la sphère idéologique chinoise et de mettre au défi notre principale idéologie ». Le combat est « complexe et intense », prévient le préambule. Pour ce faire, sept tendances ont été identifiées comme autant de moyens inventés par l’Occident pour saper l’autorité du parti et le renverser. Le document expose les principaux arguments en leur faveur, et les condamne d’autorité.

On y trouve la « démocratie constitutionnelle occidentale » : Certains « attaquent les dirigeants en disant qu’ils se placent au-dessus de la Constitution ». « D’autres prétendent que la Chine a une Constitution, mais qu’elle n’est pas gouvernée de manière constitutionnelle ». « Leur objectif est d’utiliser l’idée de la démocratie constitutionnelle occidentale pour saboter le rôle dirigeant du parti, abolir la démocratie populaire et nier la Constitution de notre pays ». Les « valeurs universelles » : « Ces gens croient que la liberté, la démocratie, les droits de l’homme sont universels et éternels. C’est évident dans la manière dont ils tordent la promotion par le parti de la démocratie, la liberté (etc.) ». « Le but est d’utiliser le système de valeurs de l’Occident » pour « supplanter les valeurs fondamentales du Socialisme ».

Suivent la « société civile », accusée d’être « une tentative de démantèlement de la fondation sociale du parti dirigeant » ; le « néolibéralisme économique » ; le « journalisme à l’Occidental » (qui « met en question le principe que les médias et l’édition doivent être soumis à la discipline du Parti »). Le « nihilisme historique » : certains « dénient la valeur scientifique et pédagogique de la pensée Mao Zedong », d’autres « tentent de détacher ou même d’opposer entre elles la période de l’ouverture et des réformes [à partir de 1978] et celle qui a précédé [le maoïsme]. […]

Le « Document n°9 » s’attache ensuite à démasquer tous ceux qui œuvrent et s’agitent contre le parti : « Certains ont diffusé des lettres ouvertes et des pétitions en appelant à la réforme politique, à l’amélioration des droits de l’homme, (…) à revenir sur le verdict du 4 juin [1989] ». D’autres ont « monté en épingle la transparence du patrimoine chez les dirigeants », l’idée de la « supervision du gouvernement par les médias », ou ont prétendu « combattre la corruption sur l’Internet ». D’autres encore « réalisent des documentaires sur des sujets sensibles », « manipulent et montent en épingle les immolations de Tibétains » ou les « problèmes ethniques ou religieux ». Attention « aux ambassades étrangères, aux médias et aux ONG » qui « opèrent en Chine sous diverses couvertures, répandent les valeurs occidentales et cultivent à dessein les forces antigouvernementales ».

J’ai aussi trouvé cet article de <Slate>

Cet homme ne nous considère pas comme des partenaires, mais comme des ennemis.

Pendant ce temps les entrepreneurs occidentaux voient dans la Chine un marché immense et dévoilant tant de potentiel…

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