Vendredi 25 janvier 2019

« La dernière étreinte »
Jan van Hooff et Mama

Avant ce week-end, je quitte légèrement la réflexion sur le temps et l’inspiration à partir du numéro de Courrier International déjà évoqué. Légèrement car il est bien ici question encore de temps, de temps qui passe, de temps qui reste…

Au départ il y a un nouveau livre de Franz de Waal : « La dernière étreinte »

J’avais évoqué l’éthologue et primatologue Frans de Waal lors du mot du jour du 28 juin 2017 : « Est-ce que l’homme est plus intelligent que le poulpe ? On ne sait pas »

J’ai d’abord entendu Frans de Waal parler de son dernier ouvrage lors d’une émission de France Culture : « La vie intérieure des animaux » qui a été diffusée le jour de Noël le 25/12/2018.

Frans de Waal travaille sur les émotions des animaux et leur capacité d’empathie.

Dans ce nouvel ouvrage il évoque le rire, le deuil, la colère, la pitié car les animaux éprouvent une palette d’émotions extrêmement variées.

Comme je l’ai écrit lors du précédent article, les études et la connaissance de Frans de Waal remettent en cause nos certitudes.

Il fait ainsi état des recherches récentes sur les émotions animales : les mammifères et la plupart des oiseaux ressentent des émotions : tristesse, joie, colère, deuil, désir de pouvoir ou sens de l’équité…

Et ce qu’il nous dit c’est que plutôt que de penser qu’il se laisse aller à « l‘anthropomorphisme » qui est la tendance à assimiler l’attitude des animaux à celles des hommes, nous devrions plutôt nous interroger sur notre « anthropodéni », c’est-à-dire la croyance vaniteuse des hommes en l’incomparabilité de leur espèce.

Mais je voudrais insister sur « la dernière étreinte » qu’évoque Frans de Waal et à laquelle il n’a pas participé. L’humain impliqué dans cette histoire qui s’est déroulée en avril 2016 est un autre scientifique néerlandais : Jan van Hooff

Une petite vidéo de 2 mn montre ce moment d’émotion et de grâce : <La dernière étreinte>

Aux Pays-Bas, le Burger’s Zoo d’Arnhem compte une colonie de chimpanzés étudiée de près par les scientifiques. Depuis les années 1970, une équipe de chercheurs observent la vie quotidienne et les comportements de cette communauté. Jusqu’en 2016, Mama, une femelle chimpanzé de 59 ans, était la matriarche de la communauté.

En avril 2016, à quasiment 60 ans, l’animal arrivait à la fin de sa vie. Mama était malade et refusait de manger.

L’équipe du zoo a alors eu l’idée de faire venir le professeur Jan van Hooff. Ce primatologue néerlandais est le co-fondateur de cette colonie de chimpanzés. Il connaissait Mama depuis 1972 et il avait tissé des liens profonds avec elle.

Alors qu’elle était sur le point de mourir, la vieille femelle chimpanzé reconnait le professeur qui avait commencé à s’occuper d’elle il y a près de 50 ans. Lorsque l’homme s’est approché d’elle et qu’il a commencé à lui parler et à la caresser, son visage s’est illuminé. L’animal affaibli a souri et a tendu sa main vers le professeur.

Lorsque Jan van Hooff se penche vers elle, Mama le touche, le caresse, se laisse nourrir et semble l’enlacer tandis que Jan van Hooff lui parle.

Une semaine après ces retrouvailles, Mama s’est éteinte à l’âge de 59 ans. Le professeur Jan van Hooff avait publié cette vidéo sur YouTube.

A sa mort, le scientifique lui a rendu hommage :

« Mama était un caractère unique, si puissant que tous les adultes mâles essayaient de rester dans ses bonnes grâces mais elle était aussi une source de réconfort et de soutien pour tous ceux qui étaient dans le besoin, tant qu’ils ne menaçaient pas sa position […] Elle me reconnaissait à chaque fois que je visitais le zoo et se montrait impatiente de « parler » avec moi et de m’épouiller. Elle nous manquera beaucoup ».

Mama jouait un rôle social important au sein de la colonie de chimpanzés d’Arnhem. Et c’est dans ce cadre que Frans de Waal l’a connu et en a tiré une partie de l’expérience relaté dans « La Politique du chimpanzé ».

J’ai tiré l’ensemble de ces informations de l’entretien à France Culture déjà cité et sur deux pages :

https://www.maxisciences.com/chimpanze/l-emouvante-reaction-d-une-chimpanze-mourante-face-a-l-homme-qui-prenait-soin-d-elle_art39956.html

https://fr.metrotime.be/2017/10/18/must-read/video-point-de-mourir-cette-chimpanzee-heureuse-de-retrouver-vieil-ami/

L’émotion, l’affection est évidente, la mémoire et les souvenirs aussi.

Mais est-ce que Mama comprenait que pour elle c’était le temps de la fin, qu’elle était en train de mourir ? C’est une question.


Parce que cette réponse de Snoopy à Charlie Brown est très belle, mais cela c’est de l’anthropomorphisme.

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Une réflexion au sujet de « Vendredi 25 janvier 2019 »

  • 25 janvier 2019 à 9 h 24 min
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    Il est probable que Mama ressentait durement son incapacité nouvelle à tenir sa place de matriarche et qu’elle lâchait prise face à sa communauté qui probablement l’avait abandonnée.
    Est-ce que la vision du professeur la replaçait un temps à une époque heureuse de sa vie? En tous les cas, c’est étonnant et repose le problème des frontières entre les espèces.

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