Dans un article qui n’est qu’à l’état d’ébauche, Wikipedia donne comme définition : « La convergence des luttes est une démarche syndicale en usage dans le syndicalisme de lutte, mais aussi parfois dans le monde associatif militant, qui tend à faire converger dans un mouvement social commun des luttes différentes mais proches. »
Le mouvement Nuit debout a créé un site Convergences des luttes : http://convergencedesluttes.fr/, mais ce site semble bloquer à la date du 20 avril 2016. Il est vrai que « Nuit Debout » avait beaucoup utilisé ce slogan de la convergence des luttes.
Sur un autre site créé par un mouvement appelé Pôle de Renaissance Communiste en France. La page d’accueil de ce site réagit à l’édito politique de Thomas Legrand sur France Inter du 3 avril 2018 :
« Sur France inter ce matin Thomas Legrand s’inquiète de la convergence des luttes qui montent … décrète son illusion et préconise au pouvoir enfin … de la pédagogie en mettant l’accent sur ce qu’il n’y aurait pas de commun entre :
Les cheminots qui veulent garder leur statut, des hospitaliers qui n’arrivent pas à soigner leurs patients … les employés de la grande distribution, les retraités qui craignent pour leur pouvoir d’achat … les étudiants qui ne veulent pas de sélection »
Mais ce qu’ignore ou feint d’ignorer l’éditorialiste au quotidien c’est que la diversité des effets et des situations est le résultat diversifié d’une même politique.
Cette politique et celle de ceux qui l’ont précédé consistant à privilégier les privilégiés, à désorganiser les services publics, à remettre en cause TOUS les conquis de la Libération sous le mensonge récurrent de la nécessité de la « réforme » et de la modernisation, de l’adaptation à la mondialisation …
Mais il arrive toujours un moment où les mensonges craquent et où les efforts de « pédagogie » des classes dominantes échouent comme les épaves et les détritus sur les rivages de nos plages.
Et que la question d’une autre politique, d’un autre pouvoir, d’autres forces dirigeantes … soit posée ! »
Une autre politique ! Oui mais laquelle ?
Ce même jour, le 3 avril, l’autre radio du service public, les matins de France Culture avaient pris comme sujet de débat : « La convergence des luttes : un rêve général ? »
Le sociologue, invité par Guillaume Erner, Manuel Cervera Marzal avait résumé dans une phrase le malaise d’aujourd’hui :
« Quand on parle de réforme aujourd’hui, on parle en réalité de contre-réforme : il s’agit de revenir sur des acquis sociaux. »
Sommes-nous dans un moment de convergences des luttes, comme en mai 68 où les ouvriers ont rejoint les étudiants dans un mouvement où les revendications sociales ont rejoint les revendications sociétales et de libération des mœurs et des idées ?
Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, n’y croit pas. Le journal Libération publie un article : Laurent Berger: «je ne crois pas à la convergence des luttes». Il s’oppose sur ce point avec la CGT :
«Je ne crois pas à la convergence des luttes», a déclaré le patron de la CFDT sur RMC et BFMTV, soulignant qu’il s’agissait d’un «point de désaccord» avec la CGT.
Dans l’autre camp, celui qu’on appellerait dans un langage bienveillant, le partenaire gouvernemental on n’y croit pas non plus :
Cette fois il faut lire le Figaro ou le Journal du dimanche pour entendre l’avis d’Agnès Buzyn :
« La ministre de la Santé balaie dans une interview au Journal du dimanche le scénario d’une « convergence des luttes », au moment où s’exprime le mécontentement des retraités, des cheminots et des fonctionnaires face aux choix du gouvernement. »
Dans l’interview du Palais de Chaillot de dimanche, Emmanuel Macron a utilisé une autre terminologie : « La coagulation des mécontentements » pour préciser qu’il n’y croit pas non plus.
Nous disposons d’un gouvernement d’experts, du moins il se présente ainsi, c’est pourquoi le Point fait appel à des « experts » de l’analyse politique et sociologique pour en arriver à la conclusion :
« La « convergence des luttes »: on n’y est pas encore ».
Dans le corps de l’article, l’hebdomadaire est plus prudent et substitue au terme « expert » le terme « spécialiste » :
« D’abord, il faudrait un objectif politique commun comme faire tomber le gouvernement. Or, personne dans les syndicats n’a cette vision », souligne le politologue Philippe Braud. Ensuite, selon lui, il n’y a pas de « figure charismatique » qui incarne la mobilisation. Enfin, il rappelle la désunion syndicale. […]
Selon l’historienne Danièle Tartakowsky, « la convergence » est « avant tout un slogan pour cristalliser des espoirs et le symptôme de l’absence de stratégie unifiante ».[…]
De son côté, le politologue Jean-Marie Pernot se montre « moins catégorique » sur l’impossibilité d’une « convergence » des luttes, une « stratégie syndicale qui a du sens ». Il rappelle qu’en 1995 aussi, personne ne croyait à l’émergence d’un « grand mouvement ». « Or, les rancœurs sociales aujourd’hui sont très grandes et il y a une vie propre à ces mouvements de mobilisation que les syndicats ne maîtrisent pas », explique-t-il. […]
Quant à créer un éventuel mouvement d’entraînement, c’est celui des cheminots qui est considéré comme « stratégique » par les trois spécialistes. . […]
« Les cheminots sont sur le devant de la scène. Il faudrait vraiment qu’ils gagnent pour que les autres fronts prennent de l’ampleur », affirme Philippe Braud.
Toutefois, il se montre pessimiste sur ce scénario, estimant qu’il y a un « alignement des planètes en faveur de l’acceptation des réformes » par le grand public. « Le taux de soutien aux grévistes est faible alors qu’en France d’habitude, les gens soutiennent majoritairement les mouvements sociaux », ajoute-t-il. »
La convergence des luttes !
Si nous essayons de reprendre un peu de hauteur et d’essayer de comprendre ce qui se passe, que peut-on dire ?
Une phrase de Thomas Legrand dans son édito précité ouvre une piste de réflexion :
« Ces mécontentements ne dessinent pas un modèle alternatif cohérent »
Et il ajoute une phrase tout aussi importante :
« Il peut naître un front du refus. »
Dit plus simplement cela signifie que les NON peuvent s’ajouter pour bloquer le système mais que pour pouvoir s’inscrire dans la durée et dans une organisation viable et pérenne, il faut se mettre d’accord sur un OUI.
Alors évidemment on peut partir de la réflexion de Manuel Cervera Marzal : « Quand on parle de réforme aujourd’hui, […] il s’agit de revenir sur des acquis sociaux. »
Exprimé ainsi, il semble que l’essentiel du problème provienne d’une volonté explicite de ce que les militants de gauche pourraient appeler, « des forces du capital » de rogner toujours davantage les droits, les acquis, les protections des salariés.
Il s’agit évidemment d’un des aspects du problème : l’omnipotence du capitalisme financier sur l’économie mondiale, le refus des plus riches et notamment des grandes multinationales de participer à l’effort commun pour préserver L’État social.
Mais il faut comprendre qu’une grande partie du monde ne veut pas de cet État social. Que la plus grande part de celles et ceux qui participent à la révolution de la Silicon Valley sont des Libertariens qui fustigent l’interventionnisme de L’État.
J’ai découvert tout récemment Ayn Rand qui est une Philosophe, scénariste et romancière américaine d’origine russe, juive athée(1905-1982) qui a écrit La Grève ou La Révolte d’Atlas (titre original en anglais : Atlas Shrugged, littéralement : « Atlas haussa les épaules »). Selon une étude de la bibliothèque du Congrès américain et du Book of the month club menée dans les années 1990, ce livre est aux États-Unis le livre le plus influent sur les sondés, après la Bible. Il a été publié en 1957 aux États-Unis. Elle y développe sa pensée critique de la démocratie sociale interventionniste en envisageant ce que deviendrait le monde si ceux qui le font avancer, les « hommes de l’esprit », décidaient de se retirer : en l’absence de ceux qui soutiennent le monde (tel le légendaire titan grec Atlas), la société s’écroule.
C’était le livre de chevet de Ronald Reagan et de ses principaux conseillers, c’est encore cette pensée qui irrigue les détenteurs du pouvoir dans les entreprises américaines numériques qui dominent le monde. Mais j’y reviendrais dans d’autres mots du jour.
Mais bien au-delà de cette réalité du monde dans laquelle la pensée individualiste est extrêmement puissante, la conservation des acquis sociaux se heurtent à bien d’autres contraintes :
Nos acquis sociaux occidentaux ont reposé pour une grande part sur l’exploitation de nos pays et de nos entreprises sur le reste du monde. J’avais consacré le mot du jour du 21 février 2017 au politologue Zaki Laïdi qui avait cette formule : «La mondialisation c’est la fin de la rente que l’Occident avait sur le monde depuis la révolution industrielle.». Nous ne sommes plus dans cette position avantageuse, dont nous ne devrions d’ailleurs pas être fiers, mais plutôt dans une position beaucoup plus compliquée pour nous de la concurrence avec le reste du monde.
Dans ce contexte quel est notre OUI ?
C’est une question qui me préoccupe depuis longtemps et qui me plonge dans un océan de perplexité, notamment quand je discute avec certains collègues, voisins, connaissances ou que j’entends par voie de presse ou de réseaux sociaux s’exprimer car j’ai le sentiment qu’il y a beaucoup d’illusions et de contradictions dans ce qui est espéré et exprimé.
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J’ai acquis une conviction, c’est que si des idées comme celles que défend Mélenchon arrivaient au pouvoir, nous serions conduits à une alternative :
- La première serait qu’au bout de très peu de temps, il suivrait la voie d’Alexis Tsipras et son parti grec SYRIZA c’est-à-dire qu’il renoncerait à son programme et se soumettrait aux diktats des puissances financières ;
- La seconde serait qu’il ne soumette pas, et mette en œuvre contre vents et marées son programme qui déplairait donc très fort aux puissances financières et mondialisées.
Dans cette seconde hypothèse et pendant longtemps, tous les français qui resteraient en France perdraient énormément de pouvoir d’achat. Il y a des denrées indispensables comme le pétrole dont la France ne dispose pas, d’autres biens services qu’elle ne sait plus faire surtout pas au coût que lui offre la mondialisation.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’alternative, mais la politique qui conduirait à réaliser une politique en France totalement décalée avec l’économie mondiale ne conduit pas à une augmentation du pouvoir d’achat. Le prétendre est un mensonge, le croire est une naïveté.
L’alternative crédible est plutôt dans ce cas celle que propose un homme comme Pierre Rahbi : « Vers la sobriété heureuse » pensée qu’il développe aussi lors de sa conférence à l’université de Lyon 3 dont je vous donne le <lien>.
Dans ce type de société, vous vivez sans doute plus sainement, mieux en harmonie avec la nature, mais vous consommez beaucoup moins. Moins de produits de toute sorte, moins de services achetés, moins de voyages, moins de soins etc. La société française y est-elle prête ?
J’entends surtout : « On veut plus de pouvoir d’achat ! ».
Bien sûr que ce n’est pas la consommation qui rend heureux ou alors quelques minutes simplement et encore ce n’est pas du bonheur, plutôt du plaisir ou de la satisfaction.
Mais sortir de cette société de consommation et de concurrence demande une révolution personnelle et sociétale.
Je ne crois pas qu’on soit prêt à cette révolution, ou qu’il y a suffisamment de volontaires pour créer cela au niveau d’un pays.
Et cela pose d’autres questions :
- Comment payer les dépenses de santé de plus en plus onéreuses ?
- Comment payer les retraites dans une société de plus en plus vieille ?
- Comment payer les études des enfants, alors que là aussi cela coute de plus en plus cher surtout s’il faut faire un passage à l’étranger ?
Et puis il existe un certain nombre de nos concitoyens qui seraient viscéralement contre ce type d’évolution et qui irait mener leurs affaires ailleurs, les destinations ne manquent pas.
Ajouter les « Non » ne suffit pas il faut se retrouver sur un « Oui »
Et encore faut-il penser que ce serait une évolution franco française, alors que le reste du monde continuerait sa course folle vers la consommation et le progrès technique. Au moins aussi longtemps que la nature et la terre ne disent stop à ce désir de démiurge.
<1058>
La prétendue convergence des luttes a, me semble-t-il, d’autant moins de « chances » de réussir que l’individuel a largement pris le pas sur le collectif depuis longtemps.
Quant aux puissances financières, elles sont constituées pour une grande part de fonds de pensions c’est à dire des retraites dans les pays majoritaires où la répartition n’existe pas ou peu, il ne faut pas en attendre autre chose qu’un désir de rentabilité.
C’est pourquoi je pense que nous n’avons pas d’autre choix que de nous adapter ce qui n’exclut pas l’impérieuse nécessité d’apprendre à vivre plus intelligemment en parallèle