Mois : septembre 2015
Mardi 15/09/2015
De tout temps, la fuite et l’expulsion ont été les conséquences de la violence. »
Lundi 14/09/2015
[…] Seid umschlungen, Millionen !
Diesen Kuß der ganzen Welt !»
Tous les hommes deviennent frères ;[..]
Soyez enlacés, millions !
Ce baiser au monde entier !
Un enchantement !
Ce samedi 12 septembre, l’orchestre National de Lyon faisait sa rentrée dans l’écrin de l’auditorium de Lyon.
Léonard Slatkin, qui a donc 70 ans, a choisi la 9ème symphonie de Beethoven qui se termine par l’Ode à la joie sur un texte de Friedrich Schiller pour ce début de sa 5ème saison à Lyon.
Léonard Slatkin est un grand chef qui dirige magistralement ce chef d’œuvre.
Si vous prenez une des grandes interprétations enregistrées de cette œuvre, vous trouverez des chefs comme Furtwaengler, Toscanini, Klemperer, Karajan qui ont encore une plus grande dimension que Slatkin dans l’art de l’interprétation.
Et même si les merveilleux musiciens de l’Orchestre de Lyon forment un bel orchestre, il n’a pas la qualité de l’Orchestre Philharmonique de Berlin, de Vienne, de l’Orchestre du ConcertGebow d’Amsterdam, de la Staatskapelle de Dresde ou du Chicago Symphony Orchestra.
Pourtant, je vous le dis, jamais une musique enregistrée, même écoutée dans les meilleures conditions techniques ne pourra atteindre l’émotion et la somptuosité d’une belle interprétation en direct dans une salle de concert digne de ce nom.
Et comme Slatkin est non seulement un grand chef mais aussi un show man américain, il a eu l’idée à la fin du concert de faire chanter l’ensemble du public de l’auditorium Maurice Ravel, donc 2120 personnes (il ne restait aucune place de libre) un extrait de l’ode à la joie, car on avait distribué une partition à l’entracte.
Cela ajouta à l’euphorie du concert.
Vous allez me poser la question : Mais pourquoi est-il pertinent, mis à part le fait que tu sois allé à ce concert, de parler aujourd’hui de l’ode à la joie de Schiller mise en musique par Beethoven ?
D’abord parce que lorsqu’on est passionné, le besoin de partager sa passion est irréfragable.
Ensuite parce qu’il est toujours sage d’apprendre, même des bribes de savoir, d’un passionné.
Et puis vous n’êtes pas sans savoir que l’ode à la joie sert depuis 1986 comme base à <l’hymne européen>
En raison de la multiplicité des langues de l’Union, il s’agit d’un hymne sans parole, la musique étant un langage universel.
Et cette ode est un hymne à la fraternité que Beethoven, dans sa croyance panthéiste, a offert au Monde.
La fraternité qui est aussi le troisième terme de la devise de la République française.
La fraternité que Régis Debray a expliqué si justement :
«Être fraternel, c’est faire famille avec ceux qui ne sont pas de la famille.»
(Mot du jour du 13 février 2013)
Et c’est pourquoi je trouve ce rappel pertinent en pleine crise des réfugiés.
L’ode à la joie a aussi été utilisée par Léonard Bernstein pour célébrer la chute du mur de Berlin et il a interprété cette œuvre en remplaçant le mot de « joie » par celui de « liberté ».
En français, remplacer « joie » par «liberté» pose une difficulté de syllabes et de rythme.
Mais tel n’est pas le cas en allemand où remplacer « Freude » par « Freiheit » est aisée, on pourrait aussi le remplacer par «Friede» (paix).
Voici une belle interprétation de la 9ème symphonie de Beethoven : <Chicago Symphony Orchestra – Riccardo Muti>
Et voici la 9ème utilisée comme musique d’un ballet de Maurice Béjart. <Il s’agit d’un extrait – ici le 3ème mouvement>
Voici la version de la liberté à Berlin de Bernstein <Bernstein dirige à Berlin l’ode à la Liberté>
Et voici < l’hymne européen >
Voici le texte de L’ode à la joie :
Joie ! Joie ! Belle étincelle divine,
Fille de l’Elysée,
Nous entrons l’âme enivrée
Dans ton temple glorieux.
Ton magique attrait resserre
Ce que la mode en vain détruit ;
Tous les hommes deviennent frères
Où ton aile nous conduit.
Si le sort comblant ton âme,
D’un ami t’a fait l’ami,
Si tu as conquis l’amour d’une noble femme,
Mêle ton exultation à la nôtre!
Viens, même si tu n’aimas qu’une heure
Qu’un seul être sous les cieux !
Mais vous que nul amour n’effleure,
En pleurant, quittez ce chœur !
Tous les êtres boivent la joie,
En pressant le sein de la nature
Tous, bons et méchants,
Suivent les roses sur ses traces,
Elle nous donne baisers et vendanges,
Et nous offre l’ami à l’épreuve de la mort,
L’ivresse s’empare du vermisseau,
Et le chérubin apparaît devant Dieu.
Heureux, tels les soleils qui volent
Dans le plan resplendissant des cieux,
Parcourez, frères, votre course,
Joyeux comme un héros volant à la victoire!
Qu’ils s’enlacent tous les êtres !
>Ce baiser au monde entier !
Frères, au-dessus de la tente céleste
Doit régner un tendre père.
Vous prosternez-vous millions d’êtres ?
Pressens-tu ce créateur, Monde ?
Cherche-le au-dessus de la tente céleste,
Au-delà des étoiles il demeure nécessairement
<554>
Vendredi 11/09/2015
Jeudi 10/09/2015
Il avait tenu un blog pendant ses années de présence à Jérusalem : <http://geopolis.francetvinfo.fr/charles-enderlin/>
Je pense que son dernier reportage sur les fanatiques religieux israéliens est aussi d’un grand intérêt pour tous ceux qui tentent de comprendre ce qui se passe sur cette terre que la folie religieuse a proclamé sacrée : <Au nom du temple>
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Mercredi 9 septembre 2015
Marc Voinchet a quitté les matins de France Culture pour prendre la direction de France Musique.
Il a été remplacé par Guillaume Erner qui dans sa présentation a eu ces mots
«Voici le premier matin ensemble !
Cela compte un premier matin !
Une phrase s’est imposée pour définir les matins qui s’annoncent : comprendre le monde c’est déjà le transformer !
Il y a une foule d’individus qui pensent qu’il va de leur intérêt de maintenir la méconnaissance des choses : les dealers de temps de cerveau disponible, les poujadistes de tout pelage, ceux qui aimerait bien imposer la souveraineté du people sur celle du peuple.
En un mot tous ceux qui ont intérêt à la mésintelligence du monde.
C’est contre eux qu’il faut se réveiller pour interrompre le sommeil de l’intellect.
Tous les verbes qui nous arrachent à la nuit de la pensée : comprendre, expliquer, réfléchir sont des verbes militants.»
J’adhère à cette quête, tout en restant plus modeste : essayons de comprendre le monde…
<551>
Mardi 8 septembre 2015
1598 Henri IV donne à la France L’Édit de Nantes qui offre la liberté de culte aux protestants
1685 Louis XIV révoque l’Édit de Nantes par l’Édit de Fontainebleau qui interdit le culte réformé en France
1787 Louis XVI redonne un Édit de Tolérance à Versailles
Lundi 7 Septembre 2015
une photo fige une scène pour l’éternité »
Dans la difficile quête quotidienne du mot du jour, il faut trouver une citation et son auteur.
Je me souviens avoir lu cette formule qui me parait si exacte, dans la fin des années 1980, alors que je débutais dans la photographie, mais je ne me souviens pas de l’auteur.
Cette phrase m’avait marqué, je m’en souviens encore et j’ai toujours préféré faire des photos que des vidéos.
Les documentaires peuvent expliquer les situations de manière détaillée, argumentée, ils n’auront jamais la force d’une photo.
Aujourd’hui tout le monde ne parle que d’une photo, celle du petit Aylan Kurdi, enfant syrien noyé et trouvé sur une plage de Turquie par la photographe turque Nilüfer Demir.
Les journaux français ont hésité à la publier dans un premier temps, ils avaient peur que la photo fût choquante. Ils ont cependant compris que ce n’était pas la photo qui était choquante, mais la situation qu’elle révèle.
Cette photo va devenir historique comme la photo de l’enfant juif du ghetto de Varsovie, dans les années 40, les mains levées avec des soldats armés en arrière-plan. Ou la photo du Viet Nam d’une jeune fille nue brulée au napalm ou encore cet homme seul qui arrête une colonne de chars lors des évènements de la Place Tien an Men en Chine.
Que d’émotion !
Oui ! c’est un enfant blanc, couché sur la plage. Il est habillé avec un tee shirt rouge et un short bleu comme ceux qu’on peut trouver dans nos magasins.
Oui ! Cela pourrait notre enfant !
Nous n’avons alors aucun mal à nous projeter dans une compassion mimétique. Nous comprenons la douleur du père d’Aylan. Et nous trouvons cela bien sûr terrible et spontanément nous voulons aider.
Cette photo a vraiment renversé les opinions les plus tranchées Comme le journal anglais THE SUN qui se targue aujourd’hui d’avoir publié la photo du jeune Aylan et demandé au Premier ministre d’agir pour aider les réfugiés, mais qui quelque jours auparavant interpellait David Cameron, mais cette fois-ci pour exiger qu’il tire une ligne rouge sur l’immigration qui submerge le Royaume-Uni. Une journaliste du SUN avait comparé les migrants se rendant en Grande-Bretagne à des cafards. Certaines de nos villes, écrivait-elle à l’époque, sont des plaies purulentes couvertes de nuées d’immigrés et de demandeurs d’asile recevant des allocations comme des billets de Monopoly.
D’ailleurs, David Cameron ne voulait pas non plus de réfugiés syriens sur son territoire <avant la photo>, alors que la Grande Bretagne était au côté des Etats Unis de GW Busch lorsqu’il a décidé d’attaquer l’Irak.
En Hongrie on construit un mur pour arrêter les réfugiés, en Pologne on n’en veut pas. Ces deux pays qui alors qu’ils étaient sous le joug soviétique ont vu beaucoup de leurs ressortissants s’enfuir et se réfugier en Europe de l’Ouest.
Les slovaques veulent bien recevoir des réfugiés mais uniquement s’ils sont chrétiens, c’était du moins leur position avant la photo.
L’émotion oui. Il ne faudrait pas que notre cœur se ferme à notre capacité d’être touchée par les sentiments d’humanité. Il est rassurant que nous ne nous soyons pas qu’un cerveau et un portefeuille.
Mais l’émotion peut être suspecte, provoquée, dévoyée.
L’émotion est passagère aussi.
La raison nous ramène à l’Histoire. Pas à un évènement en particulier, mais l’Histoire dans la durée, celle qui permet de comprendre ce qui se passe.
Alors voilà en 1914, l’Irak, la Syrie, la Palestine, l’Arabie était territoire de l’Empire Ottoman.
L’empire Ottoman a été dans le camp des vaincus, il a donc été démembré.
La Grande Bretagne et la France étaient les vainqueurs triomphants.
En 1916 deux hommes un français François Georges-Picot, un anglais Mark Sykes vont se mettre d’accord sur un partage de zones d’influence entre leurs 2 pays. On parlera des accords de Sykes-Picot. La future Syrie est sous responsabilité française et le futur Irak sous protectorat britannique. Ce partage ne tenait pas compte des populations locales.
Et puis après la seconde guerre, le 17 avril 1946 pour la Syrie, sur la base de ce découpage et dans les limites décidées par les occidentaux, la Syrie est devenue un Etat. On a décidé que la population vivant sur ce territoire serait la nation syrienne.
Il a fallu des siècles aux Français pour devenir une nation. Ici, comme en Afrique on a décidé que toutes ces communautés, tous ces clans allaient former un Etat nation.
Bien entendu nos vieux pays, comme aurait dit Dominique de Villepin, connaissaient à merveille cette règle d’or : « diviser pour mieux régner ». Alors ils n’ont rien fait pour rapprocher les communautés bien au contraire.
Alors, comment ces Etats qui ne sont pas une nation sont arrivés à une organisation qui fonctionne à peu près ?
Par un pouvoir fort et dictatorial bien sûr.
L’Irak et la Syrie ont cela de commun que dans ces deux cas c’est toujours une communauté minoritaire qui gouvernait : En Irak des sunnites qui gouvernaient un pays majoritairement chiite et en Syrie une minorité chiite alaouite qui opprimait une majorité sunnite. Au milieu de cela des kurdes qui auraient pu peut-être constituer une nation mais qui n’avait pas eu la grâce d’intéresser suffisamment les occidentaux.
Et c’est dans ces conditions que GW Busch influencé par les néo-cons(ervateurs) a eu cette idée géniale, nous allons renverser Saddam Hussein et créer la démocratie en Irak. Et quand nous aurons réussi cette œuvre de civilisation, les autres peuples autour, comme la Syrie par exemple, par contagion, mimétisme et ferveur vont se convertir aussi à la démocratie.
Et arriva ce qui devait arriver : ils ont chassé Saddam Hussein (vous vous souvenez de cette fable : la 2ème et ou la 3ème armée du monde ?) sans difficulté mais avec beaucoup de bombes et beaucoup de victimes (mais pas occidentales).
Et puis ils ont imposé la démocratie.
Dans un Etat nation comme la France, un lorrain athée vote pour un candidat breton catholique parce qu’il est de droite et un électeur limousin protestant vote pour un candidat normand juif parce qu’il est de gauche.
Mais dans un état communautaire, un chiite vote pour un chiite, un sunnite pour un sunnite et un kurde pour un kurde etc…
Ce n’est alors pas difficile de savoir qui va gagner, en Irak ce fut les chiites.
Les chiites qui ont été opprimés sous Saddam ont souhaité montrer aux sunnites qui était la communauté dominante.
Les sunnites de l’armée de Saddam qui avaient été démobilisés par les américains ne se sont pas laissé faire. Eux qui étaient baasistes, peu intéressés par la religion ont trouvé stratégiquement pertinent de se rapprocher d’illuminés islamiques pour créer une force de défense qui allaient être en mesure de reconquérir des territoires pour les sunnites. Force qu’on appelle DAESH désormais.
L’Irak dont on a chassé le dictateur est un chaos dans lequel se déchaine la violence. Remarquez que depuis, dans ce bel esprit de contagion prophétisé par les néos-cons, il y a bien eu propagation à la Syrie. Mais propagation de ce qu’il y avait en Irak : le chaos et non la démocratie. Le Liban et la Jordanie commencent à être sérieusement menacés.
Dans ce désastre que l’on ait chassé le dictateur comme en Irak ou non comme en Syrie, la situation est à peu près la même.
Et puis les forces sunnites de DAESH remettent en cause les frontières imposées par les occidentaux, elles considèrent la frontière entre la Syrie et l’Irak comme parfaitement artificielle.
Pour se venger, pour qu’on parle d’eux, pour qu’on les craignent, ils règnent par la terreur.
Et voilà pourquoi le petit Aylan Kurdi qui est d’ailleurs un kurde comme son nom l’indique a fui avec sa famille la Syrie, dans des conditions désastreuses, qu’il est tombé à la mer et qu’il est mort.
La France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis ne sont pas responsables de tous les malheurs du monde. Mais pour ce qui se passe au moyen orient, leur responsabilité historique est immense, écrasante.
Pour revenir à une photo, j’avais trouvé celle-ci sur Internet, il y a quelques mois. Les commentaires prétendent qu’elle a été prise en Syrie : un petit garçon protège sa sœur pendant des bombardements. Elle ne nous dit pas ce qui arrive à la fin du périple comme le montre la photo d’Aylan, mais pourquoi ils s’enfuient :
Cette photo se trouve sur des centaines de page d’internet. Je ne peux pas affirmer qu’elle soit authentique. Quoi qu’il en soit elle montre ce que les articles décrivant la situation en Syrie racontent.
Je vous rappelle qu’il y a eu déjà deux mots du jour qui ont parlé de ces réfugiés mais sans photo.
Celui du Jeudi 16 avril 2015 : <La culture du bien-être nous rend insensibles aux cris d’autrui [et] aboutit à une globalisation de l’indifférence..> Pape François
Et le Mardi 28 avril 2015 : <parce que ce qui compte ici, c’est que ce sont des hommes, des hommes en danger de mort.> Jean-Paul Sartre
<549>
Vendredi 4 Septembre 2015
Notre société est nourrie à la croissance. Il s’agit d’une véritable addiction. Tout le monde affirme qu’en dessous d’un certain seuil de croissance il ne peut y avoir de recul du chômage, le financement de nos retraites est fondée sur une hypothèse de croissance continue et solide, l’homme politiques qui ne promettent pas son retour n’ont aucune chance d’être élus. Et surtout ce que la richesse ne peut nous apporter, la croissance en est capable : nous donner le sentiment de bien-être (Paradoxe d’Easterlin) ;
La révolution numérique est basée sur un doublement des performances à peu près tous les 18 mois (loi de Moore) ;
Grâce à ces performances, les programmes informatiques et la robotisation remplacent, dans des domaines de plus en plus large, les métiers des humains de la classe moyenne ;
Depuis 30 ans la croissance des pays développés diminue, pour l’instant la révolution numérique n’a pas provoqué un sursaut de croissance. Si on analyse ces choses de manière rationnelle on doit conclure à une grande incertitude sur le retour de notre drogue : la croissance. Il est possible que nous ne retrouvions pas de croissance avant longtemps.