Mardi 15/09/2015

Mardi 15/09/2015
« La situation peut vous sembler nouvelle, mais elle ne l’est pas, […]
 De tout temps, la fuite et l’expulsion ont été les conséquences de la violence. »
Joachim Mertes, maire de Buch dans la Rhénanie-Palatinat
Encore un mot du jour sur les réfugiés. Je voudrais partager avec vous un article du Monde sur l’accueil de réfugiés d’un petit village d’Allemagne : “Buch”
Toutefois, il ne s’agit pas d’être angélique et de penser que la bonne volonté suffit. D’ailleurs le gouvernement de Merkel a été obligé à revenir à la dure réalité des faits après avoir laissé planer l’illusion que l’Allemagne serait capable d’accueillir quasi sans limite tous les réfugiés qui se présenteront. Ce qui n’est évidemment pas le cas.
Après le mot du jour sur le revenu de base pour tous, Daniel avait répliqué : «Donc on ouvre largement les frontières aux réfugiés, puis on met en place le revenu de base pour tous ! Ça peut peut-être marcher….. sur le papier»
Juste interrogation. Toutefois si vous avez écouté l’émission sur le revenu de base, il faut comprendre que dans cette perspective il n’y a plus aucune prestation sociale, pas plus que de retraite sauf pour ceux qui auront souscrit des assurances privées. Le revenu de base constitue réellement un changement de paradigme qui pose cependant la question des frontières et de la communauté des citoyens qui y ont accès.
Mais ce qui me parait important c’est d’inverser la logique du raisonnement. Il me semble que le raisonnement du plus grand nombre est :
1° Nous n’avons pas les moyens 2° Nous ne pouvons donc pas accueillir de réfugiés même si nous éprouvons de la compassion pour eux.
Et ce raisonnement doit être inversé :
1° Nous devons accueillir ces réfugiés c’est une question de valeur et de Droit – 2° En pratique que pouvons-nous faire pour aller aussi loin que possible dans l’accueil, même si nous savons qu’il y a des limites ?
Ceci nous ramène à la petite ville de Buch, dont l’expérience me parait très instructive :
Un jour de mai 2014, le maire de Buch adressa un courrier à ses concitoyens ( 1 000 habitants) : commençant par cette phrase  « Maintenant, la misère du monde nous a rejoints. » Et puis cette annonce : « Cinq jeunes hommes d’Egypte et de Syrie vont s’installer en tant que réfugiés dans notre village de Buch, où nous disposons de logements vacants. Ils sont les bienvenus. » Les habitants de la petite bourgade allemande étaient conviés dans la salle des fêtes, le jeudi suivant, pour de plus amples informations.
Lors de cette réunion il commença par ces mots : « La situation peut vous sembler nouvelle, mais elle ne l’est pas, dit-il devant les quelques dizaines de villageois venus l’écouter. De tout temps, la fuite et l’expulsion ont été les conséquences de la violence. » .
Il puise dans les racines chrétiennes de ses concitoyens pour les convaincre et conclut par ces mots : « Nous, à Buch, nous devons accueillir ceux qui doivent fuir […] . Nous montrerons que l’humanité et l’aide du prochain font partie des valeurs européennes que sont la démocratie, la liberté et la solidarité. Nous souhaitons la bienvenue à nos hôtes. »
Tout le monde applaudit. Ceux qui n’approuvent pas l’initiative n’osent pas le dire tout haut : c’est gagné. « Ce n’était pas forcément facile pour les gens, observe Joachim Mertes, mais je savais que des chrétiens ne pouvaient qu’être réceptifs à un appel à l’humanité. Un discours politique, c’est comme une mélodie : ça dépend de la première note. Si les gens ne sont pas concernés, c’est fichu. Si on leur dit quelque chose qui leur rappelle leur éducation, ça résonne en eux. »
La suite de l’article montre que les habitants se sont peu à peu mobilisés. Il y avait aussi des difficultés mais selon l’article la bienveillance et la fermeté ont aussi pu donner la possibilité de l’intégration de ces familles (Il y en eut d’autres après).
Ainsi dans cet épisode : « l’un des garçons prend mal de se voir donner des ordres, surtout par une femme, sur le tri sélectif des ordures : Je t’explique, lui dit-elle, ici, on ne met pas le plastique et les déchets dans la même poubelle… »
Cette autorité pédagogique n’a pas plu au jeune Egyptien. Une mise au point a été nécessaire, raconte Joachim Mertes : « Ici, il n’y a pas une sœur, une mère ou une grand-mère qui va nettoyer pour toi, tu dois le faire toi-même. » Un fonctionnaire du Land le résume encore mieux, en français avec un bel accent allemand : « Il a vallu leur expliguer gue chez nous, c’est auzi les nanas qui dézident ! »
Dans la conclusion on peut lire : « Buch est l’un des villages d’Allemagne qui accueille le plus de réfugiés proportionnellement à la population, et la Rhénanie-Palatinat le Land qui compte le plus de volontaires pour les réfugiés : 41 %. La situation frontalière favorisait l’ouverture au monde, la présence des réfugiés bouleverse les mentalités. « Ils nous apportent beaucoup, note le jeune maire conservateur, Tobias Vogt (CDU), élu il y a un an à la suite de Joachim Mertes qui, après trente années de service, a passé la main. On s’occupe d’eux, ils créent du lien, les villageois se parlent plus qu’avant, c’est extraordinaire. »
Mais ce n’est pas simple bien sûr