Mercredi 16/09/2015
« L’utopie est le rêve nécessaire et la réalité le défi permanent. »
Daniel Cohn-Bendit
Je sais que parmi les destinataires de ce mot, Daniel Cohn-Bendit ne fait pas l’unanimité.
Je trouve cependant qu’il dit souvent des choses très justes et qu’il a cette faculté de pouvoir à la fois s’inscrire dans l’Histoire et se projeter dans l’avenir. Ce que peu d’hommes politiques savent faire.
Voici des extraits d’un article du Monde où il répond à des questions de Raphaelle Bacqué
« Juste après 68, j’ai été de ceux qui théorisaient l’aliénation dans la lignée de Jean-Jacques Rousseau : l’homme est bon, mais c’est la société qui en a fait un monstre, changeons le système et l’homme pourra s’accomplir dans toute sa valeur.
C’est au milieu des années 1970 que je suis devenu plus proche de ce que disait Hannah Arendt : l’homme n’est ni bon ni mauvais par essence, mais une même personne peut être admirable ou abominable selon les périodes. Les juifs ou les réfugiés sont des victimes mais ils ne sont pas par essence des hommes bons et je ne veux pas simplement m’identifier avec des victimes. Je suis solidaire mais je veux rester lucide. L’utopie est le rêve nécessaire et la réalité le défi permanent. Je suis imprégné de cette philosophie qu’Edgar Morin a ensuite appelée la philosophie de la complexité. »
«Une révolution est un moment de changement violent, mais la désaliénation prend forcément du temps. C’est ce que les révolutionnaires n’ont pas compris ou pas voulu admettre. Ils ont une conception de l’homme qui suppose de lui imposer le changement d’en haut, « pour son bien ». C’est la quintessence du marxisme qui amène logiquement au parti bolchevique, seul à savoir ce qui est bien pour les autres. Mais il faut distinguer entre la révolution politique et la transformation de la société. Celle-ci est longue. Tenez la Révolution française. Elle a déclenché un processus de démocratisation qui a duré, avec des soubresauts, jusqu’en 1945 lorsque les femmes ont eu le droit de vote. L’important, c’est comment changer le monde et qui va le changer. Il faut être capable d’accompagner l’évolution des mentalités des citoyens. La révolution idéologique est un long fleuve plus ou moins tranquille qui, malheureusement, à certains moments, risque d’être victime de la sécheresse de la pensée.
Changer le monde, c’est croire en l’humanisation des mentalités. »
A la question : Comment imaginez-vous le monde dans cinquante ans ? Il répond :
« Dans cinquante ans, nous aurons une Europe fédérale, une gouvernance européenne, un budget européen ! »
Comme vous êtes optimiste ! s’exclame Raphaelle Bacqué
« Mais oui ! Si je vous avais prédit la chute du communisme en Europe de l’Est, en 1988, vous m’auriez cru fou. Je vous dis donc que dans la mondialisation qui va gagner encore, dans cinquante ans, l’Allemagne aura l’importance qu’a le Luxembourg et la France aura celle qu’a Malte dans l’Europe d’aujourd’hui. Notre projet de civilisation est-il de vivre pépère comme le Luxembourg et Malte ? Si on a un projet de civilisation, on ne peut le faire que par l’Europe. C’est en définissant le rêve que l’on définit la direction et en définissant la direction on peut réussir le changement. »
Moi j’aime !
Sans utopie notre vie n’a pas de sens, pas de but.
Mais cette utopie doit être confrontée et s’inscrire dans la réalité. C’est un défi raisonnable. Et ce qui est raisonnable peut être accompli.