Lundi 28 mai 2018

Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre »
Anne Sylvestre, « Non non tu n’as pas de nom »

<66,4% des électeurs irlandais ont voté en faveur> de la légalisation de l’avortement dans ce pays où la tradition catholique a si longtemps résisté à cette évolution sociétale. Comme le rapporte <France Info> : « L’interdiction d’avorter est désormais une exception en Occident. Il reste encore la très catholique île de Malte. L’avortement y est totalement interdit. Les femmes qui y auraient recours et leurs médecins risquent trois mois de prison. À Chypre et en Pologne, l’avortement est autorisé, mais seulement en cas de viol, de malformation du foetus ou alors de risque pour la santé de la mère et de l’enfant »

Cette même émission précisait que dans le Monde, notamment sous le poids des religions, la situation n’est pas la même. Environ 60 % des femmes dans le monde n’ont toujours pas accès librement à ce droit.

Il semblerait que le premier État qui ait légalisé l’avortement fut l’Union soviétique en 1920 sous l’impulsion de Lénine. Mais en 1936 Staline l’interdit à nouveau et la légalisation est rétablie en 1955, 2 ans après la mort de Staline. Et c’est, quelques jours avant mai 68, le 27 avril 1968 que l’Angleterre autorise l’interruption volontaire de grossesse.

Pour la France, nous nous en souvenons, qu’il a fallu attendre 1975 et la Loi Veil pour rendre possible l’avortement médicalisé et non réprimé.

Mais lors du mot du jour du 5 septembre 2017 qui rendait hommage à Simone Veil, j’avais rappelé qu’elle avait au début de son intervention devant l’Assemblée Nationale eut ces propos :

« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme. Je m’excuse de le faire devant cette assemblée presque exclusivement composée d’hommes. Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame, cela restera toujours un drame ».

Deux avant 1975, Anne Sylvestre avait écrit, avec son talent et son humaniste, une chanson bouleversante évoquant ce drame, cette déchirure : « Non non tu n’as pas de nom »

Anne Sylvestre est connu par quasi tous les parents et les enfants grâce à ses fabulettes pour enfants. Je crois qu’à la maison nous avons tous les CD de ces chansons enfantines.

Mais ce n’était qu’une deuxième partie de sa vie artistique, la première et celle pour laquelle elle se produisait en public concernait la chanson à texte, chansons pour adultes, chansons engagées.

France Inter lui a consacré une émission parce que <Anne Sylvestre vient de fêter ses 60 ans de carrière de chanteuse à texte>

Elle est née le 20 juin 1934 à Lyon et a donc aujourd’hui 83 ans.

Un de ses petit-fils, Baptiste Chevreau 24 ans est tombé sous les balles des terroristes au Bataclan.

C’est donc en 1973 qu’elle a écrit, composé et chanté cette chanson dont elle disait que ce n’était pas une chanson sur l’avortement, mais une chanson sur l’enfant ou le non-enfant.

Quand on veut en citer un extrait on privilégie souvent :

« Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes »

J’en ai choisi un autre comme exergue de ce mot du jour qui s’intercale entre ceux consacrés à Mai 68, celui consacré aux mères et qui célèbre à la fois cette victoire de la raison en Irlande et les 60 ans de carrière d’une artiste exceptionnelle.

Cette chanson se trouve sur l’album « Une sorcière comme les autres ».

Voici le texte intégral de cette chanson humaniste et qui parle au cœur et aux sentiments.

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Oh non tu n’es pas un être
Tu le deviendras peut-être
Si je te donnais asile
Si c’était moins difficile
S’il me suffisait d’attendre
De voir mon ventre se tendre
Si ce n’était pas un piège
Ou quel douteux sortilège

Non non tu n’as pas de nom…

Savent-ils que ça transforme
L’esprit autant que la forme
Qu’on te porte dans la tête
Que jamais ça ne s’arrête
Tu ne seras pas mon centre
Que savent-ils de mon ventre
Pensent-ils qu’on en dispose
Quand je suis tant d’autres choses

Non non tu n’as pas de nom…

Déjà tu me mobilises
Je sens que je m’amenuise
Et d’instinct je te résiste
Depuis si longtemps j’existe
Depuis si longtemps je t’aime
Mais je te veux sans problème
Aujourd’hui je te refuse
Qui sont-ils ceux qui m’accusent

Non non tu n’as pas de nom…

A supposer que tu vives
Tu n’es rien sans ta captive
Mais as-tu plus d’importance
Plus de poids qu’une semence
Oh ce n’est pas une fête
C’est plutôt une défaite
Mais c’est la mienne et j’estime
Qu’il y a bien deux victimes

Non non tu n’as pas de nom…

Ils en ont bien de la chance
Ceux qui croient que ça se pense
Ça se hurle ça se souffre
C’est la mort et c’est le gouffre
C’est la solitude blanche
C’est la chute l’avalanche
C’est le désert qui s’égrène
Larme à larme peine à peine

Non non tu n’as pas de nom…

Quiconque se mettra entre
Mon existence et mon ventre
N’aura que mépris ou haine
Me mettra au rang des chiennes
C’est une bataille lasse
Qui me laissera des traces
Mais de traces je suis faite
Et de coups et de défaites

Non non tu n’as pas de nom
Non tu n’as pas d’existence
Tu n’es que ce qu’on en pense
Non non tu n’as pas de nom

Paroles et musique: Anne Sylvestre, 1973

En 1998 à l’Olympia, Anne Sylvestre à 68 ans, a redonné une nouvelle interprétation à cette chanson que vous pourrez écouter et voir derrière ce <Lien>.

Sur ce même album « Une sorcière comme les autres », il y a aussi cette très belle chanson : « Un mur pour pleurer ».

<1076>

Mercredi 9 mai 2018

« La musique est dans tout. Un hymne sort du monde »
Victor Hugo, « Les contemplations »

Mon ami Gérald est en Vendée et il est allé dans une crêperie.

Je n’ai pas l’habitude d’écrire des faits surtout depuis le mot du jour du 9 octobre 2017 :

«L’homme médiocre parle des personnes,
L’homme moyen parle des faits,
L’homme de culture parle des idées »
Citation attribuée quelquefois à Jules Romain d’autre fois à Eleanor Roosevelt

Mais dans le cas particulier du mot d’aujourd’hui, il me faut une introduction.

Donc Gérald est dans une crêperie et prend une photo qu’il m’envoie.

Cette photo reproduit la phrase suivante « La musique c’est du bruit qui pense » Victor Hugo

Et il pose la question : « As-tu déjà fait un mot du jour sur cette réflexion affichée dans une crêperie de Noirmoutier ? ». La réponse est négative, mais je trouvais l’idée intéressante après « Mass » de Bernstein :  pourquoi ne pas écrire un mot du jour sur la musique issue du grand Victor Hugo ?

Bien sûr, il faut vérifier.

Sur Internet on trouve beaucoup de sites qui publient cette citation mais jamais en donnant une source sérieuse et vérifiable.

<Même le site du Figaro> cite cette phrase en donnant pour source « / Fragments »

Sur d’autres il y a mention « Les contemplations. »

Il y a en France des personnes passionnées de poésie, jusqu’à créer des sites entièrement dévoués à cet art.

J’ai trouvé celui-ci : http://www.poesie-francaise.fr/

Et ce site permet même de faire une recherche de poèmes à partir d’un mot. Alors j’ai cherché : « La musique »

Le moteur de recherche renvoie 67 poésies dont 9 de Victor Hugo.

1 “Sagesse ” – Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

2 “Que la musique date du seizième siècle ” – Recueil : Les rayons et les ombres (1840).

3 “Littérature ” – Recueil : Les quatre vents de l’esprit (1881).

4 “Psyché ” – Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).

5 “À un riche ” – Recueil : Les voix intérieures (1837).

6 “Georges et Jeanne ” – Recueil : L’art d’être grand-père (1877).

7 “Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique ” – Recueil : Les contemplations (1856).

8 “Melancholia “. – Recueil : Les contemplations (1856).

9 “Bièvre “- Recueil : Les feuilles d’automne (1831).

J’ai vérifié, l’expression dite ne se trouvait dans aucun de ces poèmes.

J’ai continué mes recherches pour finalement trouver un blog qui avait déjà fait des recherches sur cette citation. Et l’auteur écrit :

« “La musique, c’est du bruit qui pense”. Cette célèbre formule, très galvaudée, et sans doute un peu facile, est généreusement attribuée à Victor Hugo. On ne prête qu’aux riches !

La plupart de ceux qui reprennent (en chœur !) cette formule se contentent de nommer l’auteur, dont la réputation suffit à apporter la garantie d’une profondeur géniale. Aucune source n’est généralement précisée. Un ou deux sites prétendent qu’il s’agit d’une citation extraite des Contemplations, ce qui est faux.

D’autres avancent que l’aphorisme est tiré des fragments réunis dans Tas de pierres, un ouvrage posthume. C’est un ouvrage curieux que ce Tas de pierres, consultable sur le site Gallica : ce sont de simples notes manuscrites jetées sur des bouts de papier. Personnellement, je n’y ai pas retrouvé notre citation. La belle formule reste introuvable. Selon Sébastien Mounié (L’école aujourd’hui – élémentaire de janvier 2012), on peut s’interroger sur l’existence même de cette phrase sous la plume de Victor Hugo, en l’absence de toute référence vérifiable. Il pourrait s’agir d’une formule inventée, ou seulement transmise oralement. La citation pseudo hugolienne rendrait “clairement hommage à la musique symphonique de l’époque, à la force évocatrice des idées et des émotions se dégageant d’une mélodie.” Pourquoi pas… »

Mais il me fallait un mot du jour pour le lendemain du 8 mai et il n’était pas question de mettre une citation non labellisée. Je suis donc revenu vers les poèmes trouvés et j’ai préféré le 7 qui est extrait des contemplations :

Titre : Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique

Poète : Victor Hugo (1802-1885)

Recueil : Les contemplations (1856).

À MADEMOISELLE LOUISE B.

La musique est dans tout. Un hymne sort du monde.

Rumeur de la galère aux flancs lavés par l’onde,

Bruits des villes, pitié de la sœur pour la sœur,

Passion des amants jeunes et beaux, douceur,

Des vieux époux usés ensemble par la vie,

Fanfare de la plaine émaillée et ravie,

Mots échangés le soir sur les seuils fraternels,

Sombre tressaillements des chênes éternels,

Vous êtes l’harmonie et la musique même !

Vous êtes les soupirs qui font le chant suprême !

Pour notre âme, les jours, la vie et les saisons,

Les songes de nos cœurs, les plis des horizons,

L’aube et ses pleurs, le soir et ses grands incendies,

Flottent dans un réseau de vagues mélodies ;

Une voix dans les champs nous parle, une autre voix

Dit à l’homme autre chose et chante dans les bois.

Par moment, un troupeau bêle, une cloche tinte.

Quand par l’ombre, la nuit, la colline est atteinte,

De toutes parts on voit danser et resplendir,

Dans le ciel étoilé du zénith au nadir,

Dans la voix des oiseaux, dans le cri des cigales,

Le groupe éblouissant des notes inégales.

Toujours avec notre âme un doux bruit s’accoupla ;

La nature nous dit : « Chante ! » et c’est pour cela

Qu’un statuaire ancien sculpta sur cette pierre

Un pâtre sur sa flûte abaissant sa paupière.
Juin 1833.

Oui la musique est dans tout, mais il faut savoir ouvrir ses oreilles et encore plus son cœur pour l’entendre.

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Vendredi 23 mars 2018

«Je danse chaque jour pour que la journée ne soit pas perdue.»
Nadia Vadori-Gauthier

C’est par l’émission « L’Invité culture » que présente Caroline Broué que j’ai entendu parler une première fois de Nadia Vadori-Gauthier. Cétait l’émission du 24 février 2018.

Nadia Vadori-Gauthier est danseuse et chercheuse. Elle a été, comme beaucoup, choquée en janvier 2015 par l’attentat contre Charlie Hebdo.

Et c’est en voulant réagir à ce crime, à cette violence qu’elle a eu l’idée de danser chaque jour une minute dans un endroit particulier et de poster la vidéo de cette danse sur Internet.

Caroline Broué l’a invité car elle vient de publier un livre Danser, résister : une minute de danse par jour publié aux éditions Textuel, où elle raconte ces performances.

J’ai beaucoup aimé l’énergie positive qui se dégageait de ses réponses et de sa personnalité. Elle a cette belle phrase :

« Je danse chaque jour pour que la journée ne soit pas perdue »

Et elle dispose d’un site Web qui reproduit toutes ces danses : http://www.uneminutededanseparjour.com/

Et où elle décrit son projet et son inspiration :

Le 7 janvier 2015, date de l’attentat à Charlie Hebdo, j’étais très affectée. Ce soir-là, j’ai mis au point le projet de Une minute de danse par jour, pour agir une présence sensible dans le monde. Je voulais agir en m’assignant une action quotidienne petite mais réelle et répétée, qui œuvre pour une poésie en acte, en me mettant réellement en jeu, seule ou en relation à d’autres. Les attaques des jours suivants ont renforcé cette détermination.

C’est dans ce monde qui est le nôtre que, depuis le 14 janvier 2015, je danse chaque jour, sans autres armes que celles du sensible, pour ne pas céder à l’anesthésie, la peur ou la pétrification et créer des connexions vivantes aux autres, aux environnements. Comment agir de façon locale, infinitésimale, à sa mesure, afin de contribuer à la création de liens et au décloisonnement ?

[…] Depuis le 14 janvier 2015, Je danse une minute et quelque, tous les jours, simplement, sans montage avec les moyens du bord, dans les états et les lieux dans lesquels je me trouve, sans technique, ni mise en scène, ni vêtement ou maquillage particulier, rien d’autre que ce qui est là. Et je poste la danse en ligne le jour-même.

Je danse en intérieur ou en extérieur, dans des endroits publics ou privés, seule ou avec d’autres, des inconnus ou des gens que je connais et parfois des amis.

Je danse comme on manifeste, pour œuvrer à une poésie vivante, pour agir par le sensible contre la violence de certains aspects du monde.

C’est la réponse que j’ai trouvé pour m’impliquer en acte à ma mesure, dans une action réelle, répétée, qui puisse déplacer les lignes, faire basculer le plan ou osciller la norme.

J’ai été également inspirée pour ce projet d’une phrase de Nietzsche tirée de Ainsi parlait Zarathustra et qui dit : « Et que l’on estime perdue toute journée où l’on n’aura pas dansé au moins une fois. ». Ca veut dire pour moi qu’il s’agit de vivre, qu’il s’agit de vivre en mouvement, de rester en mouvement.

J’ai été également accompagnée dans l’élaboration de ce projet par un proverbe chinois : « Goutte à goutte l’eau finit par traverser la pierre. ». Cela veut dire qu’une action minime et répétée peut finir par avoir un grand effet.

La goutte d’eau, ce sont les danses, quotidiennes, interstitielles, sans armes ni sans boucliers. et la pierre, c’est un certain durcissement du monde (communautarismes, hiérarchies, consumérismes, dogmatismes), et aussi la désolidarisation d’avec la nature (environnement, animaux, végétaux) et le manque d’une dimension poétique active au quotidien.

Alors pour moi, Une minute de danse par jour, c’est un engagement esthétique, c’est à dire de la sensibilité, un engagement poétique, éthique et microlitique, qui est radical à la petite échelle qui est la mienne.

Je continue à danser tous les jours, pour œuvrer à une place plus sensible dans le monde, pour qu’il y ait des circulations entres les cases, les catégories, les corps.

Je parie que c’est possible.

Chaque jour, tout recommencer à zéro, comme s’il n’y avait jamais eu aucune danse ; tout est à refaire, le corps, la danse ; tout est à danser, à redanser, pour une minute et quelque.

Danser la vie qui passe et qui vibre dans les interstices du quotidien, qui vibre, dans les intervalles entre les images brillantes qui prétendent nous tenir lieu de monde.

<Le Monde lui a aussi consacré un article>

<Cette danse est la numéro 509, elle danse avec un handicapé> c’est beau et émouvant.

Une bien belle personne …


Ici devant le Palais de Tokyo.

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Vendredi 24 Novembre 2017

« J’ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ? »
Barbara,Dans ses mémoires posthumes, se remémorant son enfance trahie et violée par son père incestueux

Nous sommes le 24 novembre. Il y a 20 ans mourait la dame en noir, Barbara.

Immense artiste, poétesse, musicienne, la beauté de ses mélodies, la profondeur de ses textes, l’émotion de sa voix, tout est à souligner.

Elle était aussi sensibilité et dévouement. Le professeur Pierre-Marie Girard est chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Saint-Antoine à Paris. Il raconte l’action de Barbara pour les malades du sida. Il était alors jeune médecin qui, à Bichat, commence à soigner les malades du sida. Pendant dix ans, il fut celui qui permit à Barbara de les rencontrer et de les aider. Il raconte :

« C’est en 1988, au cours d’un dîner […] que j’ai fait connaissance de Barbara. […] Elle a exprimé son souhait de s’engager contre le sida. Je suis devenu son sésame pour qu’elle rencontre des patients à l’hôpital Bichat où je travaillais alors. Elle voulait donner de son temps. […]

Barbara était un être hypersensible […] Elle était profondément émue des visites à l’hôpital. Ces rencontres l’affectaient beaucoup. Ces visites ont duré près de 3 ans : pendant la période la plus terrible du sida. Les grandes avancées remontent à avril 1996, quand les premières tri-thérapies ont transformé la vie des patients. […] Elle donnait son numéro de téléphone aux patients qui pouvaient l’appeler à n’importe quelle heure. »
Hors-Série Barbara page 85

« La nuit Barbara ne mentait pas. Elle décrochait son téléphone dans sa maison silencieuse de Précy et elle écoutait les malades du sida. Ils lui disaient leur solitude, leur douleur, leur peur. Elle tremblait de ne savoir que leur répondre, mais n’en laissait rien paraître, câlinant l’un, morigénant l’autre, toujours attentive. Cela a duré presque dix ans. Le docteur Pierre-Marie Girard […] a attendu 20 ans avant de nous raconter cette expérience qui le bouleversa. »
Hors-Série Barbara page 77

Elle a créé la chanson « Sid’amour à mort » sur la scène du Chatelet en 1987. Elle dira : « ça c’est une chanson que j’aurais vraiment aimé ne pas avoir écrite ».

Dans une interview à Libération du 28 novembre 1988 qui parle de cet engagement, elle répond :

« Bizarrement, on ne relève de mes chansons que la mort. Le morbide est quelquefois dans les autres, mais moi je parle complètement de la vie, parce que je parle de l’amour. […]. C’est justement parce que j’aime la vie que je peux parler de la mort et d’une telle maladie. J’ai chanté beaucoup de chansons d’amour. Or, cette maladie est arrivée là précisément par l’amour. Par le sang et par le sperme. Il n’y avait pas plus grave. »

Elle dit « Je parle complètement de la vie, parce que je parle de l’amour ».

J’avais écrit un mot du jour : « L’homme médiocre parle des personnes, l’homme moyen parle des faits, l’homme de culture parle des idées ».

Barbara me rappelle que j’ai oublié le plus l’important : « L’homme de cœur et en l’occurrence la femme de cœur parle de la vie et de l’amour. »

Tant de belles chansons ont jalonné sa vie.

Après le triomphe remporté à Bobino en 1965, émue par l’accueil du public, elle compose pour le remercier « Ma plus belle histoire d’amour ».

En août 1965, alors qu’elle donne un concert à Chalons sur Marne, Barbara apprend la mort de Liliane Benelli, sa pianiste à L’Ecluse dans un accident de voiture au côté de son fiancé Serge Lama qui est gravement blessé. Dans la nuit elle lui écrit en hommage une chanson : « Une petite cantate »

En 1961, l’histoire d’amour entre Barbara et Hubert Ballay, diplomate mais aussi agent secret s’achève, après un dernier séjour orageux à Abidjan dans l’avion de retour elle écrit les premiers vers de « Dis quand reviendras-tu ? »

En juillet 1964, elle était invitée par des étudiants d’une petite ville universitaire de Göttingen. Il y avait grève des déménageurs, alors les étudiants lui ont apporté son piano sur leurs épaules. Elle leur compose le jour même une chanson pour les remercier. C’est une incroyable chanson de pardon et de réconciliation écrite par une jeune juive, 20 ans après la fin de la seconde guerre mondiale : « Göttingen ». En janvier 2003, le chancelier Schröder en lira un extrait lors du 47ème anniversaire du Traité d’amitié franco-allemand.

Et puis en 1970, elle écrit et chante l’ « aigle noir »

Chanson mystérieuse et merveilleusement belle

Un beau jour,
Ou peut-être une nuit
Près d’un lac, je m’étais endormie
Quand soudain, semblant crever le ciel
Et venant de nulle part,
Surgit un aigle noir.
[…]
De son bec, il a touché ma joue.
Dans ma main, il a glissé son cou.
C’est alors que je l’ai reconnu :
[…]
L’aigle noir, dans un bruissement d’ailes
Prit son vol pour regagner le ciel.
Quatre plumes, couleur de la nuit,
Une larme, ou peut-être un rubis.
J’avais froid, il ne me restait rien.
L’oiseau m’avait laissée
Seule avec mon chagrin.

Certains avaient cru que Barbara parlait de la menace nazi qu’elle avait connu quand jeune juive, elle était pourchassée par les allemands dont l’emblème était un aigle.

Mais ce n’était pas cela.

Et pourtant en 1967, Barbara revient à Saint Marcellin, le village où sa famille s’était cachée de juillet 1943 à octobre 1945. Elle en tire une chanson « Mon enfance » qui se termine par ces vers :

« et je reste seule avec ma détresse,
hélas.
Pourquoi suis-je donc revenue
et seule au détour de ces rues
j’ai froid, j’ai peur, le soir se penche.
Pourquoi suis-je venue ici,
où mon passé me crucifie,
où dort à jamais mon enfance ? »

Elle a même écrit en 1972 « Amours incestueuses » qui raconte une histoire d’amour entre une dame mûre et un jeune homme. Renversement du crime qu’elle a vécu et qu’on a pu lire dans ses mémoires posthumes qui paraissent en 1998 :

« J’ai de plus en plus peur de mon père. Il le sent. Il le sait. J’ai tellement besoin de ma mère, mais comment faire pour lui parler ?
Et que lui dire ? Que je trouve le comportement de mon père bizarre ? Je me tais.

Un soir, à Tarbes, mon univers bascule dans l’horreur. J’ai dix ans et demi.
Les enfants se taisent parce qu’on refuse de les croire.
Parce qu’on les soupçonne d’affabuler.
Parce qu’ils ont honte et qu’ils se sentent coupables.
Parce qu’ils ont peur.
Parce qu’ils croient qu’ils sont les seuls au monde avec leur terrible secret.

De ces humiliations infligées à l’enfance, de ces hautes turbulences, de ces descentes au fond du fond, j’ai toujours ressurgi.
Sûr, il m’a fallu un sacré goût de vivre, une sacrée envie d’être heureuse, une sacrée volonté d’atteindre le plaisir dans les bras d’un homme, pour me sentir un jour purifiée de tout, longtemps après.
J’écris cela avec des larmes qui me viennent.
C’est quoi, ces larmes ?
Qu’importe, on continue !»
Il était un piano noir… Mémoires interrompus, Fayard, 1998.

Dans ce texte, elle raconte simplement le désarroi de l’enfant victime de ce qu’il ne comprend pas mais dont il sent que c’est mal. Comment le dire à ma mère ?

Les enfants se taisent parce qu’on les soupçonne d’affabuler, qu’ils se sentent coupables…

Et tout devenait clair : l’aigle noir est l’histoire d’un inceste que Barbara raconte pour mieux se libérer.

Tous les enfants n’ont pas cette possibilité qu’évoque Barbara dans ses mémoires : « Tu peux dormir tranquille, je m’en suis sortie puisque je chante. »

Depardieu, son ami, a répondu à une interview de Telerama le 4 février 2017 :

« L’inceste a glissé sur elle dès qu’elle a commencé à chanter. Elle s’en est échappée. (…) Barbara était non seulement très joyeuse, mais elle avait en elle une force de vie formidable. Elle savait écouter, recevoir le malheur des gens, et ne se lamentait jamais sur son propre vécu. Avec Nantes, elle montre qu’elle a pardonné ».

Et en effet il y a <Nantes>. Le 21 décembre 1959 ; un coup de téléphone apprend à Barbara que son père Jacques disparu depuis plusieurs années est en train de mourir à Nantes. Elle arrive trop tard et va en tirer une chanson bouleversante qu’elle mettra plusieurs années à achever.

Boris Cyrulnik y voit comme un exemple extraordinairement abouti de résilience dans la poésie.

Barbara fut une immense artiste et poète et une très grande Dame

<Jacques Higelin qui était aussi son ami a dit : j’adore cette femme>. Il n’est pas le seul.

* J’ai pu donner toutes les précisions sur les chansons citées grâce au Hors-série le Monde la vie « Barbara une femme qui chante », numéro d’octobre novembre 2017

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Vendredi 20 octobre 2017

« Le Taj mahal doit être retiré des brochures touristiques indiennes parce qu’il est musulman »
Les responsables de l’Etat indien de l’Uttar Pradesh

Où s’arrêtera la bêtise de certains religieux ?

Je reste prudent et mesuré : tous les religieux et croyants ne sont pas des sectaires débiles.

Mais force est de constater qu’aucune religion n’est épargnée de la présence d’obscurantistes crétinisés.

Après les bouddhistes qui s’attaquent aux musulmans rohingyas, voici que des hindouistes s’attaquent au Taj Mahal parce qu’il est l’œuvre d’un musulman.

<Le Monde> nous apprend à propos du Taj Mahal que :

Les extrémistes hindous au pouvoir dans l’Etat indien de l’Uttar Pradesh l’ont sorti de leur brochure touristique. Le monument du XVIIe siècle avait le malheur de porter la signature d’un empereur moghol, Shâh Jahân, qui, selon la légende, l’a érigé en mémoire de son épouse défunte, Mumtaz Mahal. Dans la nouvelle Inde des extrémistes hindous, les monuments construits par les musulmans ne font pas partie du patrimoine national.

En juin, « Yogi » Adityanath, le prêtre hindou à la tête de l’Uttar Pradesh, s’en est pris à tous ceux qui avaient l’outrecuidance d’offrir aux hauts dignitaires étrangers des « répliques du Taj Mahal » ou « de minarets » qui ne sont pas en « consonance avec la culture indienne ». Depuis l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi en 2014, les chefs d’État étrangers évitent d’ailleurs soigneusement de visiter le Taj Mahal, encore plus de se faire prendre en photo devant.

Avneesh Awasthi, le directeur du tourisme pour l’Uttar Pradesh, a voulu désamorcer les critiques en expliquant que le guide intitulé « Tourisme en Uttar Pradesh : son haut potentiel » ne comprenait que les projets du gouvernement dans le secteur touristique. Une défense qui n’a pas vraiment convaincu, puisque le Taj Mahal est justement l’un de ces monuments indiens au « potentiel » touristique important et qu’il souffre d’un manque d’investissements.

Le mausolée de marbre blanc attire 6 millions de visiteurs chaque année et fait travailler des dizaines de milliers d’Indiens. Après avoir décimé l’industrie de la viande et du cuir – en fermant les abattoirs soupçonnés de tuer des vaches –, le gouvernement de « Yogi » Adityanath n’est sans doute pas à quelques dizaines de milliers d’emplois près.

Quels sont les lieux touristiques que le gouvernement de l’Uttar Pradesh veut promouvoir à la place du Taj Mahal ? Des fonds ont été débloqués pour appâter les touristes dans le village natal de Deendayal Upadhyay, idéologue des extrémistes hindous, grand défenseur du système des castes et ennemi du sécularisme. Pas sûr que le personnage, et encore moins la maison où il est né, attirent les foules du monde entier.

Les autorités veulent aussi promouvoir des circuits touristiques « spirituels », autour de l’épopée mythologique du Râmâyana par exemple, ou du bouddhisme – bref, autour de toutes les traditions spirituelles ayant traversé le nord de l’Inde, sauf l’islam.

Les touristes pourront, sinon, visiter un ravissant petit temple qui se trouve à une bonne dizaine d’heures de route du Taj Mahal. Laxmi Narayan Chaudhary, le ministre de la culture de l’Uttar Pradesh, en a fait la promotion lui-même : « Le Taj Mahal a été sorti du guide touristique à juste titre et devrait être remplacé par le Guru Gorakhnath Peeth. »

Malgré sa structure en marbre blanc, ou plutôt grisâtre, ce temple ne présente aucun intérêt historique ni architectural. Mais il est géré par « Yogi » Adityanath, nouveau dirigeant de l’Uttar Pradesh, et mériterait à ce titre de devenir la septième merveille du monde.

Le Taj Mahal aurait une chance de figurer dans la brochure touristique si seulement il était déclaré comme un temple hindou. Le plus sérieusement du monde, quelques extrémistes ont saisi le tribunal d’Agra afin que le Taj Mahal soit considéré comme tel. Ils prétendent que le mausolée a été construit à l’emplacement du temple Tejo Mahalaya, dédié au dieu Shiva. La justice leur a donné tort, fin septembre.

Pour les touristes intéressés par la découverte de l’extrémisme hindou plutôt que par l’architecture moghole, l’Uttar Pradesh est devenu la destination idéale. »

Les « cons ça osent tout, c’est même à cela qu’on les reconnaît. »

Ça c’est du Michel Audiard.

Mais même à Audiard on ne peut plus faire confiance, nous apprenons qu’il a écrit des choses ignobles dans les journaux collaborationnismes.

Alors contemplons la beauté du Taj Mahal

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Mardi 19 septembre 2017

« J’ai vécu d’art, j’ai vécu d’amour »
Puccini, Tosca, Vissi d’arte

J’ai fini le mot du jour d’hier, consacré à l’artiste Maria Callas, par son interprétation de la Tosca.

Aujourd’hui pour parler de la femme, de sa vie de femme je trouve pertinent d’utiliser, comme exergue, les premiers mots de ce qu’on appelle la prière de la Tosca, dont vous trouverez le texte intégral derrière <ce lien>.

Maria Callas est née le 2 décembre 1923 à New York sous le nom de Sophia Cecelia Kalos alors que sont père avait pour nom patronymique Kaloyeropoulos. Wikipedia écrit :

« On ignore la date exacte à laquelle le nom de Callas remplaça Kalos, qui lui-même avait remplacé Kaloyeropoulos, ni même s’il l’a réellement remplacé »

L’enfance de Maria Callas se passa dans une famille désunie dont le père fut d’abord absent puis séparé de sa mère.

Les relations de Maria Callas avec sa mère furent conflictuelles. Sa mère est décrite comme une personne au proie à des crises d’hystérie ou de dépression et d’un caractère irascible. L’attitude volage et peu responsable du père explique certainement en partie cette situation.

Maria Callas a toujours déclaré qu’elle avait le sentiment que sa mère lui préférait sa sœur Jackie.

En 1957, au cours d’un entretien télévisé, elle confia :

« À l’âge auquel les enfants devraient être heureux, je n’ai pas eu cette chance. J’aurais souhaité l’avoir. ».

Wikipedia cite Time Magazine en 1956 :

« Ma sœur était mince, belle et attirante si bien que ma mère l’a toujours préférée à moi. J’étais un vilain petit canard, grosse, maladroite et mal-aimée. Il est cruel pour un enfant de ressentir qu’il est laid et non désiré… Je ne lui pardonnerai jamais de m’avoir volé mon enfance. Pendant toutes les années où j’aurais dû jouer et grandir, je chantais ou gagnais de l’argent. J’avais toutes les bontés pour elle et tout ce qu’elle me rendait était du mal… »

Dans son ouvrage « Maria Callas », Jacques Lorcey rapporte ces propos de Maria Callas, à propos de ses débuts de cours de chant :

« J’ai chanté parce qu’on m’a fait chanter ! Je n’en avais pas spécialement envie… »

Les musicologues Roland Mancini, John Ardoin et Arianna Stassinopoulos expriment la conviction que sans la détermination de sa mère, il n’y aurait probablement pas eu de Maria Callas.

Dans l’émission de la télévision française citée hier, Maria Callas exprimait cet éthique de sa part de faire bien ce qu’elle devait faire. Elle s’est donc appliquée à bien apprendre à chanter.

Ainsi, elle eut une enfance où manquait un père et la tendresse maternelle.

Comment expliquer autrement que par la recherche d’un père son mariage en 1949 avec le terne Giovanni Battista Meneghini, un industriel italien mélomane, qui non seulement était de vingt-huit ans son aîné, mais avait à cette date plus du double de son âge. D’ailleurs il semble bien que très rapidement Meneghini s’occupa surtout de gérer la carrière de son épouse plutôt que de jouer un rôle de compagnon et d’époux.

La rencontre en 1959 avec Aristote Onassis, grec comme elle, flamboyant et séducteur, fut un vrai bouleversement dans sa vie de femme.

M’intéresser à cette relation m’a conduit à examiner de plus près cet homme extravagant qui s’appelait Aristote et avait pour père Socrate Onassis et comme oncle Homère Onassis. Il appela son fils Alexandre. Seule sa fille eut un prénom qui ne revendiquait pas de glorieux ancêtres grecs : Christina.

Sa relation avec Maria Callas fut celle à la fois du séducteur, puis d’un persécuteur et disons d’un malotru pour finalement toujours revenir chercher l’affection et le soutien de Maria Callas.

Sa rencontre et le début de cette relation amoureuse eu pour conséquence de l’éloigner de la scène. Entre 1959 et 1965, elle n’apparaît que dans quelques rares productions à Paris, Londres et New York. Elle s’installe à Paris, donne de rares récitals et essaye de se convertir dans l’enseignement.

D’ailleurs, Onassis ne faisait pas partie de ses admirateurs fervents car il n’aimait pas particulièrement l’opéra.

Gala ne fait pas partie de mes lectures habituelles, mais j’ai trouvé cet article qui, écrit bien sûr dans le style de Gala, me semble assez proche de ce que j’ai lu dans des ouvrages plus sérieux sur Maria Callas.

Ce journal rapporte notamment un échange entre l’immense artiste et le milliardaire. Onassis s’offrit une île grecque Skorpios, ile sur laquelle il est d’ailleurs enterré ainsi que son fils. Un jour, alors qu’elle lui faisait remarquer qu’il dépensait beaucoup trop pour son île, il se mit en rage. :

«N’oublie jamais que tout ce qui touche à mon plaisir et à mes distractions doit être prêt à l’emploi. C’est la même chose avec mes maîtresses. Je m’assure qu’elles sont rodées avant de les prendre.

– Je ne comprends pas? Que veux-tu dire?

– Exactement ce que j’ai dit.»

Encore un de ces mâles malveillants qui ne peut que nous rendre, nous autres hommes, peu fier d’appartenir à notre genre.

Et puis il y eut la trahison finale, car Maria Callas dans son échelle des valeurs voulaient épouser l’homme qu’elle aimait. Toujours dans l’émission de la télévision française citée hier, Maria Callas exprimait sa vision du monde :

«Dans notre société, les hommes sont polygames, pas les femmes !»

Bien qu’elle fusse rebelle et eut du caractère, elle accepta cependant cette relation déséquilibrée avec un mâle alpha de l’espèce homo sapiens. C’est ainsi selon ce qu’elle rapporta par la suite, elle apprit le futur mariage sur l’île de Skorpios de son homme aimé avec Jackie Kennedy par les journaux, comme le reste du monde.

Cependant le mariage d’Aristote Onassis avec Jackie Kennedy tourna rapidement au désastre. Et très vite, Onassis repris contact avec Maria Callas. L’ancienne secrétaire privée de l’armateur et le journaliste américain Nicholas Gage racontent qu’ils continueront de se voir jusqu’à la fin, au 36 de l’avenue Georges-Mandel à Paris.

Aristote lui confia ses déboires sentimentaux et aussi ses déboires financiers. On a beau être un mâle dominateur on a quand même besoin d’une femme de confiance pour être écouté et consolé.

Toutefois, Maria Callas montra quand même du caractère semble t’il et même du mauvais car lors de ses dernières années de leur vie, si leurs relations furent continues, elles furent orageuses ;

Jacque Lorcey dans son livre Maria Callas, écrit par exemple page 340 :

« Elle refuse de lui ouvrir. Sans se soucier des voisins, Aristote crie pendant de longs moments. :

  • Si tu n’ouvres pas, je fais défoncer la porte par ma rolls !
  • Si tu entres, je te jette par la fenêtre ! Espèce de petit marchand qui se prend pour Jupiter !… »

Mais ce fut bien Maria Callas qui fut sa dernière visite à l’hôpital de Neuilly, le 15 mars 1975, jour de son décès.

Après cette mort elle dit :

« J’ai perdu tout ce qui me rattachait à la vie »

La diva se retira de plus en plus du monde dans son appartement parisien. La mort d’Onassis en 1975 achève de la murer dans sa solitude. Épuisée moralement et physiquement, prenant alternativement des barbituriques pour dormir et des excitants dans la journée, elle meurt le 16 septembre 1977, à l’âge de 53 ans.

La cérémonie funèbre a lieu, le 20 septembre 1977. Maria Callas est incinérée au cimetière du Père-Lachaise où une plaque lui rend hommage.

Après le vol de l’urne funéraire, retrouvée quelques semaines plus tard, ses cendres (ou ce que l’on pense être comme telles) seront dispersées en mer Egée, au large des côtes grecques, selon son vœu.

La Bible de l’opéra comme l’avait baptisée Leonard Bernstein ne survécut donc que deux ans à cet homme auquel elle sera resté attacher jusqu’au bout.

L’amour est aveugle. Maria Callas fut aussi tragédienne dans sa vie privée.

Mais il me semble qu’il y avait là une sorte de soumission de la femme, un peu comme Anne Pingeot à l’égard de François Mitterrand qui comme je l’ai rapporté dans le mot du jour du 27/10/2016 a dit finalement : «En même temps, ce côté de soumission a fait en sorte que j’ai accepté l’inacceptable. »

Accepter l’inacceptable ! Accepter même quand la femme est une des plus grandes artistes que la terre ait porté et qu’elle le savait et qu’en face il n’y avait qu’un marchand, un homme d’affaires cynique dont la seule réussite fut l’argent et dont la trace dans l’Histoire reste médiocre surtout comparé à Maria Callas.

Je finirai par la sagesse de Cocteau :
«Surtout, surtout… sois indulgent,
Hésite sur le seuil du blâme.
On ne sait jamais les raisons
Ni l’enveloppe intérieure de l’âme,
Ni ce qu’il y a dans les maisons,
Sous les toits, entre les gens. »

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Lundi 18 septembre 2017

« La diva, c’est celle qui apporte l’exemple d’un travail, d’une discipline et d’une grande maîtrise du métier »
Maria Callas dans un entretien accordé à L’Express le 19 janvier 1970

Ce week-end, tout le monde était invité à visiter le patrimoine de la France.
Je vous invite à échanger sur un monument du patrimoine de l’art et de la musique de l’humanité.

En effet, ce samedi nous étions le 16 septembre. Or, il y a 40 ans, le 16 septembre 1977, Maria Callas décédait brutalement à l’âge de 53 ans, dans son appartement au no 36 de l’avenue Georges Mandel dans le 16ème arrondissement de Paris.

Beaucoup de choses ont été dites, écrites sur elle, sur son caractère, ses caprices, sur son ego, sur ses faiblesses, sur ses déchirures.
Mais revenons aux fondamentaux. Éloignons-nous de ce qui est futile pour nous centrer sur l’essentiel.

L’essentiel c’est quoi ?

Maria Callas était unique. L’opéra a changé à partir d’elle, il y avait l’opéra avant Maria Callas et il y a l’opéra après Callas.

D’abord l’opéra était devenu le lieu de la performance où les divas et les ténors rivalisaient pour chanter une note non écrite dans la partition mais très haute dans la tessiture ou tenir une note périlleuse pendant beaucoup plus longtemps que le compositeur ne l’avait prévu. Et la salle attendait ces moments de « bravoure » et éclatait dans des vivats exubérants ou des sifflets si la chanteuse ratait le « contre ut ».

Maria Callas savait faire cela mais elle y renonçait pour la musique, car elle n’était que musicalité. Elle était musique et émotion.

Et puis elle rencontra Luchino Visconti et elle devint aussi une exceptionnelle tragédienne, une actrice de théâtre.

J’ai trouvé sur internet un extrait d’une heure d’une émission de la télévision française du 20 avril 1969 « Invitée du dimanche » de Pierre Desgraupes qui outre des chroniqueurs musicaux français avait invité l’ancien administrateur de la scala : « Siciliani » et surtout Luchino Visconti.

<Ici> vous trouvez l’extrait, plus précis, où Luchino Visconti parle de Callas. Et qu’apprend-t ‘on ?.

Que Maria Callas était l’artiste qui venait la première répéter et qui quittait le théâtre la dernière. Et c’était elle qui avant de venir avait le plus travaillé le rôle.

Luchino Visconti dit qu’elle était l’artiste la plus docile et la plus sérieuse qu’il a eu à diriger.

Et quand dans l’émission, Armand Panigel était allé interviewer la professeure de la Callas, Elvira de Hidalgo cette dernière dit la même chose : la plus travailleuse, la plus sérieuse, celle qui écoutait le mieux sa professeure et qui comprenait aussi très vite.

Et lorsqu’on se tourne vers tous les grands artistes qui ont travaillé avec elle, c’est toujours la même version : une perfectionniste, une professionnelle.

Et c’est ainsi qu’elle se présente dans un article de l’express du 19 janvier 1970 que j’ai choisi comme exergue de ce mot du jour

« Suis-je une diva ? Oui ! Mais dans le bon sens :
La diva, c’est celle qui apporte l’exemple d’un travail, d’une discipline et d’une grande maîtrise du métier »

Dans cette même interview elle dit aussi :

« Je ne suis qu’une interprète : une interprète s’empare du personnage qu’elle doit interpréter. […] Je fais mon travail le plus sérieusement possible mais je suis un être humain. »

Et dans un entretien avec le magazine « Elle » le 9 février 1970 elle va encore plus loin :

« Je ne crée rien : j’interprète. Je suis venue au monde pour cela. Je donne vie à ce que le compositeur a créé avant moi. »

Et dans la revue « Les Arts » en 1958 :

« Je ne suis pas parfaite. Je ne prétends pas l’être, mon seul désir est de lutter pour l’art… quoi qu’il m’en doive coûter. Même la plus simple mélodie peut doit être chantée avec noblesse. »

Et dans une émission de l’ORTF en février 1965 de Micheline Banzet

« Dans notre métier, il faut beaucoup de choses, le physique, le jeu scénique, la diction, le respect de la musique. On ne prend plus le temps nécessaire à tout cela. On veut gagner de l’argent, faire des notes aigües, impressionner le public « épater le bourgeois »… Mais ce n’est plus de l’art ! J’accepte les conseils, je les recherche […] avec de la bonté on peut tout obtenir de moi » »

Dans l’émission précitée Luchino Visconti raconte que la première fois qu’il a entendu Maria Callas chanté dans la maison de Tullio Serafin (le chef qui a le plus souvent dirigé Callas) il a été bouleversé car il n’avait jamais entendu chanté comme cela. Et c’est pour Maria Callas qu’il commença à réaliser des mises en scène pour l’opéra, avec notamment une « Traviata » à la Scala de Milan sous la direction de Giulini qui n’a jamais été égalée.

Je ne crois pas qu’il existe une vidéo sur ce spectacle mais on trouve sur internet des extraits audio avec des photos de la mise en scène, <par exemple ici>

Visconti raconte aussi un spectacle à la Scala de Milan où il était venu à la dernière minute et avait pu obtenir une place dans la loge de l’intendant de la Scala. Il ne s’était pas aperçu que s’était installée dans la loge après lui et derrière lui une femme. A la fin de l’acte, il s’est retourné et a vu cette femme pleurer. C’était Elisabeth Schwarzkopf qui était l’équivalent pour Mozart et Richard Strauss de Maria Callas dans Verdi ou le bel canto. Elle a dit à Visconti : « Cette femme est un miracle »

Voilà donc Maria Callas une artiste entièrement dévouée à son art et qui a développé toute son énergie pour servir l’art, jamais pour que l’art ne la serve. Alors oui, elle ne supportait pas quand ses confrères ne donnaient pas autant, quand ils ne travaillaient pas assez, quand ils se contentaient d’approximations ou même arrivaient en retard aux répétitions. Alors elle se mettait en colère.

Et puis quand sa voix la lâchait, son exigence de qualité l’obligeait à renoncer et alors on le lui le reprochait.

Parfois elle essayait pourtant de chanter et sa voix la trahissait et on le lui reprochait encore.

Tout au long de sa carrière, un noyau d’imbéciles l’a poursuivie notamment à la Scala pour la déconcentrer avant les grands airs en lançant des cris ou des insultes et puis en sifflant à la fin du spectacle et en balançant même des légumes à la place des fleurs attendues. Bien sûr, la plus grande partie du public l’acclamait. Mais elle a toujours été l’objet d’une hostilité malveillante de certains.

Après sa mort, comme le relate <Le Point>, on apprend qu’en réalité elle était malade et victime d’une maladie dégénérative qui a affecté ses cordes vocales.

Ce sont deux médecins italiens spécialistes en orthophonie qui soutiennent cette thèse :

Selon ces experts, Franco Fussi et Nico Paolillo, qui ont présenté les résultats de leurs recherches avec l’université de Bologne (nord) à l’occasion d’une table ronde, la soprano était atteinte de dermatomyosite, une maladie qui affecte les muscles et les tissus en général, y compris ceux du larynx.

Ils soulignent que cette maladie est traitée avec de la cortisone et des immunodépresseurs, ce qui peut entraîner à la longue une insuffisance cardiaque et que, selon le rapport médical officiel, la Callas est morte d’un arrêt cardiaque.

L’information, révélée mardi par le quotidien La Stampa, dément que la Callas se soit suicidée après la perte graduelle de sa voix à la suite d’une déception amoureuse dans sa relation avec l’excentrique milliardaire grec Aristóteles Onassis, qui l’a quittée en 1968 pour épouser Jacqueline Kennedy.

Les orthophonistes ont étudié avec des instruments ultra modernes les enregistrements de la cantatrice dans les années 50, sa période la plus achevée, dans les années 60, quand elle commença à avoir des problèmes, et dans les années 70, marquées par une brusque perte de poids et l’altération de sa voix.

“Fussi, un des orthophonistes les plus renommés du pays, et Paolillo ont analysé les dernières vidéos de la Callas qui montrent que les muscles ne répondaient plus car la cavité thoracique ne se gonflait pas quand elle respirait”, soutient le journal de Turin.

“Le déclin de l’icône de l’opéra n’est pas dû à des efforts sur sa voix ou à des causes externes” comme des tensions émotives, affirment les experts, qui ont étudié un des moments les plus critiques de la carrière de la diva, lorsqu’elle ne put pas chanter l’opéra Norma à Rome, le 2 janvier 1958, en l’honneur du président italien de l’époque, Giovanni Gronchi, et de sa femme.

A la fin du premier acte, à l’issue duquel la moitié de l’assistance était déçue, la Callas s’était échappée par une porte dérobée : “cela n’a pas été un caprice, elle était vraiment malade, elle avait une trachéite, les muscles lâchaient. C’était le début de la fin”, disent-ils.

Que de choses ont aussi été écrites sur sa perte de poids en 1953, 30 kilos en un an. Certains osent encore écrire que c’était pour plaire à Onassis alors qu’elle ne le rencontra qu’en 1959. Cette perte de poids elle la désira pour pouvoir mieux jouer ses rôles et parfaire sa silhouette de tragédienne.

Alors d’autres prétendent que cette perte de poids altéra sa voix, alors que probablement c’était cette maladie dégénérative qui était déjà à l’œuvre.

De toute façon même si voix est si particulière et qu’on la reconnait entre toutes, ce n’est pas la plus belle voix du siècle comme l’écrivent des journalistes superficiels et incompétents.Ainsi, Zinka Milanov, Leontyne Price ou même celle dont a voulu faire sa rivale Renata Tebaldi avaient des voix plus somptueuses.

Mais aucune n’avait cette émotion, cette théâtralité dans la voix, dans le jeu, dans l’expression.

Même quand elle donnait un récital, ses yeux, l’expression de son visage, ses mains, son corps tout exprimait l’émotion et la vérité théatrâle.

J’ai rencontré cette émotion à tous les instants pendant ce week end où j’ai écouté et regardé des vidéos de Maria Callas, en préparant l’écriture de ce mot du jour.

C’était une artiste exceptionnelle, unique et merveilleuse.

La femme fut plutôt malheureuse, mais j’y reviendrai demain.

<ARTE a consacré une émission à sa dernière Tosca à Paris en 1964>. Elle sait dompter sa voix rebelle et l’émotion reste unique.

<Ici sur Youtube la prière de la Tosca de ce même spectacle>

 

Les spécialistes se déchirent pour savoir quel est le meilleur disque de Maria Callas.

 Pour moi, il s’agit de la Tosca justement, celle de 1953 avec Victor de Sabata comme chef d’orchestre.

 

C’était Maria Callas, dont je ne saurais dire que du bien.

 

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Mercredi 22 avril 2015

« L’âge d’or des séries américaines »
Brett Martin

Avouons que nous avons tous, d’abord un peu honteux, regarder des séries américaines. Et même nous y avons pris goût.

Nous n’osions le dire mais cela nous plaisait.

Maintenant nous pouvons nous rassurer.

De grands esprits, des philosophes, des universitaires et même des critiques de cinéma du Cahier des Cinémas, nous expliquent qu’il s’est passé un « truc » aux Etats Unis où est né un nouvel espace créatif qui est devenu un phénomène artistique de premier plan, un art majeur.

Un philosophe, spécialiste de Michel Foucault, a ainsi écrit un livre sur le seul sujet de Game of Thrones en analysant la lutte pour le pouvoir dans cette série, 

Si nous aimions, c’est parce que ce sont de vrais œuvres d’art dont certaines même sont géniales.

Il y a maintenant sans cesse des classements pour savoir quelle est la série la plus remarquable :

  • « Mad men »,
  • « Breaking Bad »,
  • « Game of Thrones »,
  • « True Detective »,
  • « The Wire », et bien d’autres.

Brett Martin dans son ouvrage <Des hommes tourmentés>  raconte cette histoire et parle de l’âge d’or des séries américaines, pour être plus précis, il parle du 3ème âge d’or.

Il était l’invité de Nicolas Demorand <Hommage aux antihéros des séries américaines avec Brett Martin>

Il raconte cette révolution de la télévision américaine.

Avant les années 2000, la télévision était le cimetière des ambitions artistiques.

C’était un désert de platitude où régnait la publicité où il ne fallait pas froisser les annonceurs, les grandes marques étaient très conservatrices. Il fallait des héros positifs, des intrigues claires, avec des bons et des méchants et où à fin le bon devait toujours gagner.

C’est surtout une chaine de télévision Home Box-Office (ou HBO), chaîne de télévision payante qui va balayer tout cela.

C’était une chaine d’abonné sans publicité.

Cette chaîne a eu des patrons intelligents, intuitifs et téméraires pour croire et avoir foi en des artistes.

« Ce fut la source magique, faire confiance aux auteurs. » dit Brett Martin

Cela commence par « Les Soprano », histoire d’un mafieux violent mais dépressif et qui a des problèmes avec ses enfants adolescents.

Ils vont récupérer des cinéastes maudits, des scénaristes qui trainaient dans le milieu de la télévision sans jamais avoir eu la chance de se faire connaître et c’est avec eux qu’ils vont créer cet âge d’or.

Ces hommes tourmentés (les antis héros des séries) sont des hommes fragiles entre leur désir de faire le bien et leur tendance à faire le mal et un mal absolu.

Ces séries sont ouvertes et l’intrigue est inventée d’un épisode à l’autre.

Les personnages deviennent très complexes, le spectateur va suivre leurs évolutions pendant des dizaines d’heures et pas seulement 2 heures comme au cinéma.

Et pour que cela captive il faut de véritables auteurs comme David Simon (The Wire) ou Matthew Weiner (Mad Men).

On apprend qu’il a fallu sept ans à Matthew Weiner pour trouver un diffuseur à Mad Men.

Télérama décrit cette évolution :

« Une rage d’écrire autre chose, d’envoyer balader les codes et les bienséances, de rendre sa noblesse à un genre qui plante ses racines chez Dickens et Dumas, dans le feuilleton littéraire du XIXe siècle. Une envie, un besoin, qui renversera les logiques économiques classiques pour pousser HBO, FX, AMC et d’autres chaînes câblées américaines à développer des séries d’auteurs, à fouiller sans retenue la psyché humaine et les entrailles de la société contemporaine. »

Même les matins de France Culture s’y sont mis : <De Dallas à True detective la révolution des séries>.

Et les séries ont leur festival dont c’est la 6ème saison du 17 au 26 avril, donc en ce moment : < https://series-mania.fr/  >  au Forum des images qui se trouve Forum des Halles.

Souvent dans l’Histoire, quand tant d’intellectuels émérites commencent à s’intéresser à un phénomène c’est qu’il touche à sa fin …

Mais Brett Martin pense que ce n’est pas encore la fin de l’âge d’or.

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Mercredi 24 décembre 2014

Mercredi 24 décembre 2014
«Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare.  »
Spinoza, Ultime phrase de L’Ethique de Baruch Spinoza (écrit entre 1661 et 1675)

L’Ethique est selon beaucoup de gens sérieux que j’ai entendu, une des œuvres de l’esprit la plus remarquable de l’humanité. Spinoza (1632-1677) l’a achevée peu de temps avant sa mort.

Dans ce monde où on zappe si facilement, où on nous assèche le désir par de multiples objets dont nous ne savions pas avoir besoin, et peut être particulièrement à Noël, Spinoza nous rappelle que nous ne pouvons aller à la quête du beau et du profond qu’avec effort et en sachant que ces instants sont rares.

Elle me parait aussi singulièrement appropriée après le mot du jour d’hier consacré à Zhu Xiao Mei.

Spinoza parlait surtout de la recherche spirituelle qui fût la quête de sa vie.

Voici la fin de l’Ethique :

« J’ai épuisé tout ce que je m’étais proposé d’expliquer touchant la puissance de l’âme sur ses passions et la liberté de l’homme.

Les principes que j’ai établis font voir clairement l’excellence du sage et sa supériorité sur l’ignorant que l’aveugle passion conduit. Celui-ci, outre qu’il est agité en mille sens divers par les causes extérieures, et ne possède jamais la véritable paix de l’âme, vit dans l’oubli de soi-même, et de Dieu, et de toutes choses ; et pour lui, cesser de pâtir, c’est cesser d’être. Au contraire, l’âme du sage peut à peine être troublée.

Possédant par une sorte de nécessité éternelle la conscience de soi-même et de Dieu et des choses, jamais il ne cesse d’être ; et la véritable paix de l’âme, il la possède pour toujours. La voie que j’ai montrée pour atteindre jusque-là paraîtra pénible sans doute, mais il suffit qu’il ne soit pas impossible de la trouver.

Et certes, j’avoue qu’un but si rarement atteint doit être bien difficile à poursuivre ; car autrement, comment se  pourrait-il faire, si le salut était si près de nous, s’il pouvait être atteint sans un grand labeur, qu’il fût ainsi négligé de tout le  monde ?

Mais tout ce qui est beau est aussi difficile que rare. »

Vous trouverez l’intégralité du texte de Spinoza ici : http://www.lituraterre.org/Spinoza-Ethique.pdf

Nous sommes à la trêve de Noël, après je vais prendre quelques congés et je reviendrai à mon travail le 12 janvier, date de mon prochain mot du jour.

Le silence est aussi, parfois, rempli de sens.

Passer de bonnes fêtes et si vous deviez vous ennuyer des mots du jour, lisez l’Ethique, cette œuvre est remplie de mots du jour.

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Mardi 23 décembre 2014

Mardi 23 décembre 2014
“Zhu Xiao Mei”
Pianiste chinoise qui magnifie Bach
A l’approche de Noël je voudrais partager un moment de grâce.
J’essaye de m’ouvrir à beaucoup de domaines que je partage, mais il n’y a qu’un domaine où je crois qu’on peut me reconnaître une connaissance approfondie, c’est celle de la musique classique occidentale.
Les amis ou les connaissances qui le savent m’interrogent souvent : mais qu’est ce qu’il faut écouter ?
Dans la musique occidentale le plus grand est Jean Sébastien Bach, c’est mon avis c’est aussi l’avis de beaucoup d’autres. J’ai même entendu un jour  Serge Gainsbourg le dire.
Même mal joué, souvent Bach reste beau.
Mais quand Zhu Xiao Mei, se met au piano et joue Bach, la beauté et l’émotion jaillissent immédiatement.
Zhu Xiao Mei est une chinoise qui a 10 ans est entrée au Conservatoire de Pékin où elle commence de brillantes études. Mais ses études sont brutalement interrompues par la Révolution Culturelle maoïste.
Pendant cinq années, elle est envoyée dans un camp de rééducation aux frontières de la Mongolie-Intérieure.
Dans ce camp se trouve un mauvais piano désaccordé, grâce à des gardiens plus laxistes que d’autres elle peut continuer à jouer quelquefois. Elle joue du Bach. Elle recopie aussi pendant des heures sur du mauvais papier de la musique de Bach dont elle se souvient.
Elle dit dans son livre “La rivière et son secret” que Bach lui a permis de survivre dans ces moments d’injustice et de bêtise que des théories humaines menées jusqu’à l’absurde ont imposés à des millions d’humains.
Par suite, elle parvient à s’enfuir de Chine et se retrouve à Paris, on la découvre et elle devient professeur au Conservatoire National de Musique de Paris
J’ai eu la chance de l’entendre jouer les Variations Goldberg à Lyon, salle Molière le 13 janvier 2010. Un de mes plus grands souvenirs musicaux.
Qu’une chinoise, adepte du Tao, puisse jouer ainsi la musique d’un luthérien allemand de culture exclusivement chrétienne montre l’universalité de cette musique.
Zhu Xiao Mei revient à Lyon, au Palais de la Mutualité, le 27/02/2015 jouer, le sommet de la musique de Bach : l’art de la Fugue.
Dans le livret de son dernier disque justement consacré à l’Art de la Fugue elle donne deux clés pour comprendre le lien entre la Chine et Bach à travers ces deux œuvres :
Les variations Goldberg se terminent par l’aria qui les débute et elle l’éclaire par ce mot de Lao-Tseu : “Le retour est le mouvement du Tao
L’art de la fugue se termine par une fugue inachevée et elle fait songer Zhu Xiao Mei à une phrase du Livre des mutations, le Yi King le plus ancien des grands textes chinois “sheng sheng bu xi”ce qui signifie “La vie engendre la vie : il n’y a pas de fin
Mais les mots ne peuvent exprimer ce que sait faire la musique, Arte a capté, dans de remarquables conditions, un concert de Zhu Xiao Mei où elle joue les Variations Goldberg.
Elle les interprète dans le temple de Bach, je veux dire l’Église Saint Thomas de Leipzig où il a été cantor de 1723 jusqu’à sa mort en 1750. Il est enterré dans cette église
A la fin du concert Zhu Xiao Mei qui reçoit des fleurs va immédiatement les déposer sur sa tombe : http://concert.arte.tv/fr/zhu-xiao-mei-variations-goldberg-bach?language=fr
Vous pourrez l’écouter jusqu’au 14/03/2015.
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