Mon ami Gérald est en Vendée et il est allé dans une crêperie.
Je n’ai pas l’habitude d’écrire des faits surtout depuis le mot du jour du 9 octobre 2017 :
«L’homme médiocre parle des personnes,
L’homme moyen parle des faits,
L’homme de culture parle des idées »
Citation attribuée quelquefois à Jules Romain d’autre fois à Eleanor Roosevelt
Mais dans le cas particulier du mot d’aujourd’hui, il me faut une introduction.
Donc Gérald est dans une crêperie et prend une photo qu’il m’envoie.
Cette photo reproduit la phrase suivante « La musique c’est du bruit qui pense » Victor Hugo
Et il pose la question : « As-tu déjà fait un mot du jour sur cette réflexion affichée dans une crêperie de Noirmoutier ? ». La réponse est négative, mais je trouvais l’idée intéressante après « Mass » de Bernstein : pourquoi ne pas écrire un mot du jour sur la musique issue du grand Victor Hugo ?
Bien sûr, il faut vérifier.
Sur Internet on trouve beaucoup de sites qui publient cette citation mais jamais en donnant une source sérieuse et vérifiable.
<Même le site du Figaro> cite cette phrase en donnant pour source « / Fragments »
Sur d’autres il y a mention « Les contemplations. »
Il y a en France des personnes passionnées de poésie, jusqu’à créer des sites entièrement dévoués à cet art.
J’ai trouvé celui-ci : http://www.poesie-francaise.fr/
Et ce site permet même de faire une recherche de poèmes à partir d’un mot. Alors j’ai cherché : « La musique »
Le moteur de recherche renvoie 67 poésies dont 9 de Victor Hugo.
1 « Sagesse » – Recueil : Les rayons et les ombres (1840).
2 « Que la musique date du seizième siècle » – Recueil : Les rayons et les ombres (1840).
3 « Littérature » – Recueil : Les quatre vents de l’esprit (1881).
4 « Psyché » – Recueil : Les chansons des rues et des bois (1865).
5 « À un riche » – Recueil : Les voix intérieures (1837).
6 « Georges et Jeanne » – Recueil : L’art d’être grand-père (1877).
7 « Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique » – Recueil : Les contemplations (1856).
8 « Melancholia « . – Recueil : Les contemplations (1856).
9 « Bièvre « – Recueil : Les feuilles d’automne (1831).
J’ai vérifié, l’expression dite ne se trouvait dans aucun de ces poèmes.
J’ai continué mes recherches pour finalement trouver un blog qui avait déjà fait des recherches sur cette citation. Et l’auteur écrit :
« « La musique, c’est du bruit qui pense ». Cette célèbre formule, très galvaudée, et sans doute un peu facile, est généreusement attribuée à Victor Hugo. On ne prête qu’aux riches !
La plupart de ceux qui reprennent (en chœur !) cette formule se contentent de nommer l’auteur, dont la réputation suffit à apporter la garantie d’une profondeur géniale. Aucune source n’est généralement précisée. Un ou deux sites prétendent qu’il s’agit d’une citation extraite des Contemplations, ce qui est faux.
D’autres avancent que l’aphorisme est tiré des fragments réunis dans Tas de pierres, un ouvrage posthume. C’est un ouvrage curieux que ce Tas de pierres, consultable sur le site Gallica : ce sont de simples notes manuscrites jetées sur des bouts de papier. Personnellement, je n’y ai pas retrouvé notre citation. La belle formule reste introuvable. Selon Sébastien Mounié (L’école aujourd’hui – élémentaire de janvier 2012), on peut s’interroger sur l’existence même de cette phrase sous la plume de Victor Hugo, en l’absence de toute référence vérifiable. Il pourrait s’agir d’une formule inventée, ou seulement transmise oralement. La citation pseudo hugolienne rendrait « clairement hommage à la musique symphonique de l’époque, à la force évocatrice des idées et des émotions se dégageant d’une mélodie. » Pourquoi pas… »
Mais il me fallait un mot du jour pour le lendemain du 8 mai et il n’était pas question de mettre une citation non labellisée. Je suis donc revenu vers les poèmes trouvés et j’ai préféré le 7 qui est extrait des contemplations :
Titre : Écrit sur la plinthe d’un bas-relief antique
Poète : Victor Hugo (1802-1885)
Recueil : Les contemplations (1856).
La musique est dans tout. Un hymne sort du monde.
Rumeur de la galère aux flancs lavés par l’onde,
Bruits des villes, pitié de la sœur pour la sœur,
Passion des amants jeunes et beaux, douceur,
Des vieux époux usés ensemble par la vie,
Fanfare de la plaine émaillée et ravie,
Mots échangés le soir sur les seuils fraternels,
Sombre tressaillements des chênes éternels,
Vous êtes l’harmonie et la musique même !
Vous êtes les soupirs qui font le chant suprême !
Pour notre âme, les jours, la vie et les saisons,
Les songes de nos cœurs, les plis des horizons,
L’aube et ses pleurs, le soir et ses grands incendies,
Flottent dans un réseau de vagues mélodies ;
Une voix dans les champs nous parle, une autre voix
Dit à l’homme autre chose et chante dans les bois.
Par moment, un troupeau bêle, une cloche tinte.
Quand par l’ombre, la nuit, la colline est atteinte,
De toutes parts on voit danser et resplendir,
Dans le ciel étoilé du zénith au nadir,
Dans la voix des oiseaux, dans le cri des cigales,
Le groupe éblouissant des notes inégales.
Toujours avec notre âme un doux bruit s’accoupla ;
La nature nous dit : « Chante ! » et c’est pour cela
Qu’un statuaire ancien sculpta sur cette pierre
Un pâtre sur sa flûte abaissant sa paupière.
Juin 1833.
Oui la musique est dans tout, mais il faut savoir ouvrir ses oreilles et encore plus son cœur pour l’entendre.
<1066>
Si on ne peut pas attribuer avec certitude la pérennité de cette phrase à Victor Hugo, j’ai tendance à penser que c’est plutôt rassurant.
Il m’arrive d’associer certaines musiques au bruit mais ces moments n’élèvent pas la pensée
Il est vrai que je n’ai rien dit sur la pertinence ou sur la portée, sur le fond du sujet, de cette citation. Mais à chaque jour suffit sa peine et donc à chaque mot du jour sa difficulté sans y ajouter de la complexité supplémentaire. Toutefois pour aller dans ton sens, j’ai entendu récemment un commentateur, pour décrire ce que tu évoques, dire : «les musiques à deux notes». Je trouve d’ailleurs dommage et sans doute peu pertinent de donner le mot de musique à beaucoup trop d’expressions sonores différenciées. Je trouverais plus juste comme lorsqu’on parle d’arts graphiques dans lesquels on trouve la peinture, mais aussi les bandes dessinées, les tags et tant d’autres expressions artistiques, de parler d’arts sonores dont la musique n’est qu’un des éléments.
Cela étant, pour revenir à l’association de la «musique» et du «bruit», je crois que la définition de Jean-Jacques Rousseau : « La musique est l’art d’accommoder les sons de manière agréable à l’oreille » est datée et devenue inexacte, je préfère celle de Claude Debussy, « la musique commence là où la parole est impuissante à exprimer ».
Mais dans l’expression vue par Gérald dans une crêperie de Noirmoutier, il y a le verbe «penser», «le bruit qui pense» et cela me semble t’il change tout. Mais je ne vais pas disserter sur cette expression, conformément à ce que j’écris au début de ce commentaire.