Mardi 29 octobre 2019

« L’éradicateur »
Désignation du rôle d’Erdogan en Syrie par le magazine « Le Point »

J’ai acheté le « Le Point » de cette semaine qui a pour titre « l’éradicateur » et qui accuse Erdogan de nettoyage ethnique.

Et le président turc attaque le magazine en justice.

Suite à cette « une », l’avocat de M. Erdogan, Hüseyin Aydin, a déposé une plainte auprès du bureau du procureur général d’Ankara pour « insulte au chef de l’État ». Cette plainte vise le directeur du magazine Etienne Gernelle ainsi que le rédacteur en chef de la rubrique “International”, Romain Gubert.

Etienne Gernelle a répondu par un édito publié sur le site du magazine :

« Recep Tayyip Erdogan a décidément un problème avec la liberté. Son avocat a déposé aujourd’hui une plainte contre Le Point, auprès du bureau du procureur général d’Ankara, pour « insulte au chef de l’État », […]

En cause ? Notre dernier dossier de couverture, intitulé « L’éradicateur », dans lequel nous détaillons son opération de nettoyage ethnique à l’encontre des Kurdes de Syrie. Notre reportage raconte les exactions, les évictions de populations, la crainte de l’anéantissement. Notre enquête explique également comment le pouvoir turc a pactisé avec d’anciens de Daech et Al-Qaïda, qui se chargent pour lui des sales besognes.

Il est logique que cela ne plaise pas à Erdogan. Bien évidemment, nous ne retirons pas un mot de ce que nous avons écrit.

Au contraire : le fait qu’il nous attaque pour « insulte au chef de l’État », sorte de crime de lèse-majesté, tend plutôt à confirmer notre précédente couverture à son propos, dont le titre était « Le dictateur ». À l’époque (c’était en mai 2018), il avait publiquement attaqué notre journal. Dans le même temps, en France, des affiches du Point étaient arrachées par ses partisans, et des kiosquiers étaient menacés. Notre journal aussi avait reçu des menaces de mort directes.

Erdogan a fait emprisonner de nombreux journalistes en Turquie et pense peut-être que ses pulsions de censure peuvent s’exercer aussi dans des pays où la presse est libre. L’hubris du maître d’Ankara connaît visiblement peu de limites. Il sera déçu : nous ne lâcherons rien.

Notre numéro Erdogan, l’éradicateur est disponible en kiosque et dans notre boutique. »

Je pense que dans ce genre de situation, il faut aider les journaux qui font leur travail.

Car il s’agit bien d’une volonté de nettoyage ethnique du Nord de la Syrie, nettoyage des habitants kurdes.

Et Erdogan utilise des milices supplétives pour faire le sale boulot.

Un exemple a été donné par l’assassinat sordide et barbare d’Havrin Khalaf.

Si vous voulez lire des détails vous les trouverez sur le site de TV5 : « Havrin Khalaf : une voix kurde pour les femmes et la paix assassinée »

Je conseille aux âmes sensibles de s’abstenir d’aller lire les détails.

Havrin Khalaf avait 35 ans. Elle était kurde, ingénieure, à la tête du parti Avenir de la Syrie et engagée auprès des femmes dans le nord de la Syrie. Elle a été exécutée par des mercenaires islamistes en plein chaos provoqué par l’offensive turque.

TV5 la présente ainsi :

« Havrin Khalaf était connue de toutes celles et ceux qui travaillent dans le nord de la Syrie : diplomates, journalistes, politiques… Tout le monde connaissait le visage et la détermination de cette militante pour la conciliation, la négociation, la paix. Coprésidente du parti Avenir de la Syrie et membre de la direction du Conseil démocratique syrien, le bras politique de l’alliance de forces kurdes et arabes alliées de Washington dans la lutte antijihadiste, elle multipliait les initiatives en faveur du pluralisme. Elle prônait le rapprochement pacifique entre Arabes, Kurdes et Turkmènes, musulmans, chrétiens et yézidis, qu’elle voulait réunir dans un même combat, à la fois contre le régime de Bachar El-Assad et l’Etat Islamique.

Havrin Khalaf s’investissait auprès des femmes musulmanes dans le Rojava (Kurdistan occidental), auprès desquelles elle défendait le modèle d’égalité hommes- femmes et de coprésidence auquel elle adhérait – l’autre coprésident d’Avenir de la Syrie était un homme, arabe. Le mois dernier encore, elle assistait à un forum des femmes tribales à Tabqa, où elle disait sa fierté au vu des “progrès accomplis par les femmes dans le nord-est de la Syrie sous le gouvernement kurde ».

Ceux qu’elle dérangeait l’ont facilement identifiée et localisée ce samedi 12 octobre, entre les localités de Qamishli et Minjeb, dans le nord de la Syrie. Elle circulait en voiture avec son chauffeur – lui aussi exécuté – quand elle a été prise dans une embuscade sur la route M4, l’axe international qui relie le nord-est, dominé par les Kurdes, au nord-ouest de la Syrie, contrôlée par la rébellion.

Elle n’a pas été que tuée, elle a été torturée, mutilée, massacrée.

Et le site TV5 d’ajouter :

« L’assassinat d’Havrin Khalaf s’inscrit dans le chaos qui s’est emparé de la Djézireh, la partie nord-est de la Syrie, depuis le lancement de l’offensive turque. Une opération qui a provoqué un déchaînement de violences sans précédent dans la région et qui, selon l’ONU, a poussé 130 000 personnes à fuir la région. Dans la même journée de samedi, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme, huit autres civils ont assassinés par les supplétifs syriens qui participent à l’opération militaire turque ; certaines exécutions ont été filmées.

Ceux que l’on appelle “supplétifs” sont d’anciens combattants islamistes contre le régime syrien qui ont changé de camp, financés par les Turcs pour se battre contre les Kurdes. Pendant que l’armée turque installe sa zone dite de sécurité, ils sont chargés d’éliminer. Selon le quotidien allemand FAZ, entre autres, l’assassinat d’Havrin Khalaf serait le fait du groupe Ahrar al-Cham, composé de rebelles salafistes et apparu au cours de la guerre civile syrienne.»

Les Etats-Unis ont condamné. Un responsable du département d’Etat américain a déclaré :

« Nous trouvons ces informations extrêmement préoccupantes, à l’instar de la déstabilisation générale du nord-est de la Syrie depuis le déclenchement des hostilités… Nous condamnons le plus fermement possible tout mauvais traitement et exécution extrajudiciaire de civils ou de prisonniers, et sommes en train d’étudier de plus près les circonstances de ces événements, »

Bien sûr, ils ne feront rien.

Quant à la France et à l’Europe, ils sont tout simplement impuissants, ils sont sortis de l’Histoire.

Quand le chef d’état-major particulier d’Emmanuel Macron ; l’amiral Rogel a voulu recevoir une responsable politique kurde Ilham Ahmed, les diplomates ont tenté de l’en dissuader en expliquant que cela vaudrait à la France de sérieuses fâcheries avec beaucoup de monde, à commencer par les turcs. Mais l’amiral l’a reçue quand même. Emmanuel Macron est aussi venu par la suite pour saluer les kurdes et discuter avec eux. Mais c’est bien peu.

Il s’agit bien d’un éradicateur qui est au pouvoir en Turquie.

Il fait toujours partie de l’OTAN, comme nous.

D’ailleurs il n’est pas prévu de pouvoir exclure un État de l’OTAN.

<1298>

Mardi 16 avril 2019

« Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte,
Ébauchée à grands traits à l’horizon de feu ;
Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre,
Semblent les deux grands bras que la ville en prière,
Avant de s’endormir,
élève vers son Dieu. »
Théophile Gautier

Théophile Gautier (1811-1872) a écrit un poème « Notre Dame » dans un recueil « La comédie de la mort » publié en 1838.

En voici des extraits :

« Las de ce calme plat où d’avance fanées,
Comme une eau qui s’endort, croupissent nos années ;
Las d’étouffer ma vie en un salon étroit,
Avec de jeunes fats et des femmes frivoles,
Échangeant sans profit de banales paroles ;
Las de toucher toujours mon horizon du doigt.

Pour me refaire au grand et me rélargir l’âme,
Ton livre dans ma poche, aux tours de Notre-Dame,
Je suis allé souvent, Victor,
A huit heures, l’été, quand le soleil se couche,
Et que son disque fauve, au bord des toits qu’il touche,
Flotte comme un gros ballon d’or.

Tout chatoie et reluit ; le peintre et le poète
Trouvent là des couleurs pour charger leur palette,
Et des tableaux ardents à vous brûler les yeux ;
Ce ne sont que saphirs, cornalines, opales,
Tons à faire trouver Rubens et Titien pâles,
Ithuriel répand son écrin dans les cieux.

[…]

Comme, pour son bonsoir, d’une plus riche teinte,
Le jour qui fuit revêt la cathédrale sainte,
Ébauchée à grands traits à l’horizon de feu,
Et les jumelles tours, ces cantiques de pierre,
Semblent les deux grands bras que la ville en prière,
Avant de s’endormir, élève vers son Dieu.

[…]

Que c’est grand ! Que c’est beau ! Les frêles cheminées,
De leurs turbans fumeux en tout temps couronnées,
Sur le ciel de safran tracent leurs profils noirs,
Et la lumière oblique, aux arêtes hardies,
Jetant de tous côtés de riches incendies
Dans la moire du fleuve enchâsse cent miroirs.

[…]

Et cependant, si beau que soit, ô Notre-Dame,
Paris ainsi vêtu de sa robe de flamme,
Il ne l’est seulement que du haut de tes tours.
Quand on est descendu tout se métamorphose,
Tout s’affaisse et s’éteint, plus rien de grandiose,
Plus rien, excepté toi, qu’on admire toujours. »
Théophile Gautier.

Le poème intégral se trouve derrière ce lien : https://www.poesie-francaise.fr/theophile-gautier/poeme-notre-dame.php

<1225>

Lundi 25 février 2019

« La haine des juifs »
Réflexions sur une abomination qui remonte à la nuit des temps et subsiste dans nos sociétés modernes

Ils ont osé ! :

  • Peindre des croix gammées sur le visage peint de Simone Veil !
  • Couper les arbres en mémoire d’Ilan Halimi !
  • Marquer le graffiti « Juden » sur un magasin de l’enseigne Bagelstein sur l’île Saint-Louis !

Le ministère de l’Intérieur a mesuré 74 % d’augmentation des actes antisémites en 2018, en France.

Je trouve plus percutant et plus juste de parler de la « haine des juifs ».

Mais plutôt que de m’étendre sur les chiffres et l’argumentation par les nombres, je m’arrêterai d’abord sur un certain nombre d’actes sordides et révélateurs de la haine et de l’incommensurable bêtise de certains.

Ainsi ces croix gammées, couvrant le visage de Simone Veil.

Des croix gammées ! Le symbole des nazis eux qui ont industrialisé la haine des juifs et sont allés le plus loin dans l’abject et la déshumanisation des comportements.

Les nazis qui ont assassiné le père, la mère et le frère de Simone Veil et l’ont martyrisé dans les camps de la honte de la race humaine.

Il n’y a pas de  justification, pas d’explication possible devant de tels actes de méchanceté absolue.

Simone Veil qui après ce qu’elle avait vécu, avait comme réponse mené le combat de la réconciliation avec l’Allemagne et la construction européenne.

Elle qui écrivait dans son livre « Une Vie » :

« Venus de tous les continents, croyants et non-croyants, nous appartenons tous à la même planète, à la communauté des hommes. Nous devons être vigilants, et la défendre non seulement contre les forces de la nature qui la menacent, mais encore davantage contre la folie des hommes. »

Et que dire de la profanation du site et des arbres qui avaient été plantées en mémoire d’Ilan Halimi.

Ilan Halimi avait été attiré en 2006 dans un guet-apens par le gang des barbares dirigé par Youssouf Fofana. Il a été séquestré et torturé pendant 24 jours parce qu’il était juif et parce que les « juifs sont riches » et que ces criminels espéraient pouvoir toucher une rançon. Mais ce crime a été encore plus odieux par des tortures infligées uniquement par la haine des juifs que ces malades portaient dans leur esprit malade.

Les parents d’Ilan Halimi n’étaient pas riches. Et même s’ils avaient été riches, rien ne peut justifier cette barbarie, ces actes d’inhumanité.

Même la mort n’a pas arrêté la bêtise et haine de s’acharner.

Une stèle avait été érigée dans un parc de Bagneux en 2011. Une première fois profanée en 2015 et réhabilitée. Elle a été une seconde fois souillée en 2017 couverte d’une croix gammée, le slogan « libérez Fofana » et le nom « Hitler » étant inscrits sur la stèle.

Et en février 2019, deux arbres qui avaient été plantés, en 2007 et 2016, en son honneur ont été retrouvés coupés.

Ces arbres se trouvaient sur le site, le long de la voie ferrée, à quelques mètres de la gare de Sainte-Geneviève-des-Bois, où son corps nu, torturé, brûlé, avait été découvert par une conductrice un matin de février 2006.

Comment appeler cette persistance dans la vilenie et la bassesse ?

Seule la haine peut permettre d’apporter un début de compréhension à l’incompréhensible.

Il n’y a rien de rationnel dans cela.

Certains esprits ose mettre ces actes en regard avec la politique condamnable de l’Etat d’Israël à l’égard des palestiniens.

Ces deux actes décrits ci-avant n’ont rien à voir avec cette justification.

Rien !

Pas plus d’ailleurs que le mot « Juden » écrit sur la devanture d’un magasin de l’enseigne Bagelstein.

Les croix gammées, le mot « Juden », la référence à Hitler, toutes ces références font appel à l’imaginaire nazi

Comme cette photo des années noires en Allemagne, où apparaît le mot « juden » pour dire plus précisément « Allemand, défendez-vous, n’achetez pas chez les juifs »

Ces références ne peuvent que signifier dans ces esprits malsains qu’il faut continuer l’œuvre des nazis à savoir la destruction des juifs.

La « haine des juifs », l’antisémitisme comme on l’appelle communément est un racisme, mais il est plus que cela. Le « Juif » est le bouc émissaire premier qu’on a désigné dans nos sociétés.

Quand un malheur arrivait dans un village, il fallait trouver un coupable et systématiquement la population chrétienne se retournait vers l’« autre » et le désignait comme le responsable.

Des centaines d’écrits et de témoignages racontent de tels faits.

L’accusation de meurtres rituels qui aurait été commis par les juifs était particulièrement répandue, comme ce récit : <Accusation de meurtre rituel contre les juifs d’Uzès>.

Ou en encore cette <Accusation de meurtre rituel à Metz en 1670>

Il y a aussi ce livre de Pierre Hebey <Les disparus de Damas – Deux histoires de meurtre rituel > qui relate un évènement qui s’est passé en Syrie en 1840 et dans lequel un représentant du gouvernement français a joué un rôle considérable :

« Le 21 février 1840, le père Thomas, religieux d’origine sarde résidant depuis de nombreuses années à Damas, ainsi que son serviteur disparaissent. Aussitôt les Chrétiens de la ville accusent les Juifs d’avoir ” immolé ” le religieux afin de recueillir son sang. Ce drame se produit moins de quatre mois après l’arrivée du premier consul de France en Syrie, le comte Ulysse de Ratti-Menton. Or un traité franco-turc de 1740 reconnaît aux diplomates français un droit de protection sur les catholiques de l’Empire ottoman. Le nouvel arrivé en profite pour mener l’enquête concernant ces disparitions. Sa conviction, dès les premières heures, est établie : les coupables sont les membres d’une famille juive de notables. Avec la police du Pacha, il va s’attacher à le démontrer. Le consul, que les méthodes d’interrogatoire orientales ne rebutent pas, bouclera son instruction en quelques semaines. Ses conclusions devront forcément déboucher sur des exécutions. Les communautés juives de France et d’Angleterre -alors que leurs pays sont au bord du conflit- décideront d’envoyer deux hommes pour sauver de prétendus coupables dont l’innocence paraît évidente. Henri Heine, en poste à Paris pour La Gazette d’Augsbourg, consacrera plusieurs articles à l’Affaire de Damas. Dès le 7 mai 1840, révolté par ce qu’il a pu apprendre, il écrit : ” … tandis que nous rions et oublions… le bourreau exerce la torture et, martyrisé sur le chevalet de la question, le Juif de Damas avoue…  ».

Et pour la suite de cette affaire vous pouvez lire ce <petit article>

Vous pourrez lire cet article de Wikipedia : <Accusation de meurtre rituel contre les Juifs>

La foule haineuse les accusera aussi d’empoisonner l’eau des puits et de tous les complots qui puissent s’imaginer.

Je n’entends pas multiplier les exemples qui sont nombreux à en avoir la nausée.

L’historienne Annette Wierworka <invitée de Léa Salamé sur France Inter le 19 février> distingue 3 types d’antisémitisme en France :

  • L’antisémitisme populaire qui se révèle chaque fois qu’il y a des moments de fièvre, comme l’épisode actuel des gilets jaunes. Cet antisémitisme est celui qui s’inscrit dans l’image du juif, maître de la Finance internationale, influençant tous les pouvoirs et adepte du complot dans lequel les juifs seraient les tireurs de ficelle…
  • L’antisémitisme d’extrême droite, identitaire, qui reproche au juif d’être « cosmopolite » un intrus dans la nation, d’être non assimilable, toujours soupçonné de toutes les traîtrises. C’est évidemment cet antisémitisme qui était à l’œuvre lors de l’affaire Dreyfus et pendant la dernière guerre.
  • L’antisémitisme gaucho-islamiste, antisémitisme de l’extrême gauche qui prend ses racines et ses prétextes dans le conflit israélo-palestinien en prétendant que n’importe quel juif dans le monde est forcément en accord avec la politique du gouvernement d’Israël et plus que cela responsable de la politique d’Israël.

Annette Wierworka ne cite pas une autre face de l’antisémitisme chrétien, celui du peuple déicide, puisque selon les Évangiles, ce sont des juifs qui ont réclamé aux romains de mettre à mort le Christ. Si l’on accepte de prendre au sérieux le récit des évangiles, cette accusation ne tient pas d’abord parce que ce n’est pas le peuple juif qui a demandé la mort de Jésus mais une partie de l’aristocratie de Judée et détenteur du pouvoir religieux qui ne représentait qu’une petite minorité au sein du peuple juif. Et ensuite et surtout pour une raison de fond que des non chrétiens et des non croyants ne peuvent pas comprendre, mais une raison qui doit illuminer des croyants de la Foi chrétienne : Le récit de la rédemption incarnée par le Christ qui est mort, plus exactement qui a été sacrifié pour « laver les péchés du monde » impliquait qu’il devait être crucifié pour pouvoir réaliser le cœur de la foi chrétienne. Dans « cette logique » il s’agissait d’un « plan divin » dans lequel le petit nombre de juifs qui ont participé à la mise en œuvre de ce sacrifice n’étaient que des acteurs inconscients d’un grand dessein qui les dépassait. J’ai bien précisé que les non croyants auraient de grandes difficultés de comprendre mon argumentaire…

Toujours est-il qu’il a fallu attendre le concile de Vatican 2 (1962-1965) pour que l’Église catholique rompe solennellement avec la notion de «peuple déicide» et avec l’antijudaïsme séculaire de l’Église. Ce n’est pas si vieux 1962, je vivais déjà. Et c’est encore plus récemment, en 2011, que le pape Benoit XVI dans un de ses écrits reprend le premier argument que j’ai soulevé ci-avant, c’est-à-dire de la responsabilité d’un petit nombre d’aristocrates <Slate> consacre un article à ce sujet :

« Le pape Benoît XVI publie, mercredi 9 mars, le deuxième tome de son livre Jésus de Nazareth dans lequel il traite en particulier de la Passion et de la mort de Jésus-Christ. Non seulement il reprend le récit évangélique de cet événement central de la foi chrétienne, mais il en propose une relecture qui exonère explicitement les juifs de toute responsabilité dans la mort de Jésus. L’expression «les juifs», associée dans les Évangiles et les écrits des Pères de l’Église à la Passion du Christ, «n’indique en aucune manière le peuple d’Israël comme tel et elle a encore moins un caractère raciste», écrit le pape. Elle désigne certains «aristocrates du peuple», mais certainement pas l’ensemble des juifs. »

Concernant l’antisémitisme d’extrême droite on pensait que la seconde guerre mondiale l’avait définitivement anéanti. On cite souvent la phrase, sorti de son contexte, de Georges Bernanos : « Hitler a déshonoré à jamais le mot antisémitisme ». J’avais déjà, dans un mot du jour précédent, cité la tribune de Philippe Lançon, l’auteur du « Lambeau » qui a resitué la phrase de Bernanos dans l’ensemble du propos qu’il avait écrit alors et qui évite de le classer dans la case antisémites. <Libération – le 2 septembre 2008>

Il reste cependant qu’on pensait que plus personne n’oserait exprimer cette haine anti-juive.

Sauf peut-être le général De Gaulle qui après la guerre des six jours, en 1967, a eu cette déclaration surprenante qui plonge ses racines dans le vieil antisémitisme de droite :

« …Certains même redoutaient que les juifs, jusqu’alors dispersés, qui étaient restés ce qu’ils avaient été de tout temps, un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur, n’en viennent, une fois qu’ils seraient rassemblés dans le site de leur ancienne grandeur, à changer en ambition ardente et conquérante les souhaits très émouvants qu’ils formaient depuis dix-neuf siècles : l’an prochain à Jérusalem… »

Raymond Aron a alors pris la plume et a eu le glaive vengeur et estimé que le général de Gaulle avait solennellement réhabilité l’antisémitisme.

« Aucun homme d’Etat occidental n’avait parlé des juifs dans ce style, ne les avait caractérisés comme « peuple » par deux adjectifs, nous les connaissons tous, ils appartiennent à Drumont, à Maurras »
Pages 50 & 51 de l’ouvrage « Essais sur la condition juive contemporaine » qui réunit les textes de Raymond Aron sur ce sujet et qui occupe aussi une place de choix dans ma bibliothèque.

Pourtant quand le cimetière juif de Carpentras fut profané en 1990, il y eut des <manifestations importantes> pour condamner cet acte parce que tout le monde pensait que cet acte venait des mouvances de l’extrême droite. Ce qui se révéla d’ailleurs faux.

Mais quand en 2012, le criminel djihadiste dont je ne cite pas le nom à dessein après avoir assassiné deux militaires s’est introduit dans une école juive et je laisse <Le Monde> continuer :

« Vers 8 heures, un homme armé sur un scooter de grosse puissance gare son engin devant l’école juive Ozar-Hatorah dans un quartier résidentiel tout proche du centre de Toulouse. Il ouvre le feu avec un pistolet-mitrailleur, qui s’enraye, puis une arme de calibre 11,43, la même qui a servi pour tuer les parachutistes. Il tue Jonathan Sandler, 30 ans, professeur de religion juive, et ses deux fils Arieh, 5 ans, et Gabriel, 3 ans, qui attendaient ensemble le ramassage scolaire. Il poursuit dans la cour une fillette de huit ans, Myriam Monsonego, la rattrape et l’abat d’une balle dans la tête. Il blesse un adolescent de 17 ans, puis s’enfuit en deux-roues. »

Il n’y eut aucune manifestation, hormis des membres de la communauté juive.

Rien !

Le silence, l’indifférence.

Cette fois l’antisémitisme est celui désigné par Wierworka sous le nom « gaucho-islamiste ».

Des enfants !

Responsable !

Aujourd’hui un ignoble personnage comme Alain Soral réalise la conjonction entre les deux antisémitismes d’extrême droite et du gaucho-islamisme. Écoutez à ce propos l’émission <Le Grain à moudre du vendredi 15 février : < Antisémitisme, antiparlementarisme : comme un air de fascisme ?>

Non, « la haine des juifs » n’est pas comparable au racisme, au colonialisme à l’esclavagisme qui sont tous des fractures de l’humanisme qu’il faut combattre et dénoncer, bien sûr.

Mais la haine des juifs apportent en plus cette idée abjecte, ignoble qu’ils sont un peu coupables de ce qui leur arrive. Même les enfants sont coupables.

Moi je crois que le plus comparable avec cette attitude est celle à l’égard des femmes, des femmes violées à qui des hommes vont dire de manière aussi ignoble qu’elles l’ont bien cherché…

Cette disposition pathologique et nauséabonde a même saisi ce centriste pataud, aimant s’endormir à l’Assemblée après un bon repas, celui que Giscard avait désigné comme le plus grand économiste de France et qu’il avait aussi nommé premier Ministre.

Raymond Barre avait eu, en 1980, après l’attentat de la rue Copernic contre une synagogue, ce propos qui avait une première fois fait la synthèse entre l’antisémitisme d’extrême droite et de l’extrême gauche :

Raymond BARRE se déclare « plein d’indignation » à l’égard de cet attentat « odieux » :

« qui voulait frapper les Israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic »

Non, il ne s’agit pas de propos maladroits.

Cela vient de loin, d’idées et d’une corruption de l’esprit et des valeurs profondément ancrée. C’est cela l’antisémitisme :

  • 1° Les juifs doivent être distingués des français
  • 2° Les juifs ne peuvent pas être innocents

Pourquoi cette haine ?

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Mercredi 12 décembre 2018

«Giletjaunologue !»
Julien Damon

« Logue » vient Du grec ancien λόγος, logos (« étude »).

Dès lors, quand on ajoute « logue » à un mot on comprend qu’il s’agit de quelqu’un qui étudie ce que le mot désigne.

Toutefois, l’étude des mots, proprement dits, n’est pas faite par un « motologue ». Etudier les mots c’est la « sémantique ». En général c’est un « linguiste » qui étudie la sémantique.

En revanche :

  • Le météorologue étudie la météo
  • Le criminologue étudie le crime et les criminels
  • Le vulcanologue étudie les volcans
  • Le politologue étudie la politique.

Quelquefois c’est un peu plus compliqué. Ainsi on ne dit pas « vinologue » pour spécialiste du vin mais « œnologue » du grec ancien οἶνος, oînos (« vin »).

C’est qu’il faut faire savant.

Dans le même esprit, tout le monde comprend que le cancérologue est un spécialiste du cancer. Mais on préfère aujourd’hui le terme d’oncologue, De « onco »- (« tumeur », lui-même du grec ὄγκος, onkos, (« tas, masse »)

Toutes ces précisions ont été abondamment copiées dans Wikipedia.

Revenons au politologue, parmi eux, lorsque j’étais jeune il existait une catégorie à part qui s’appelaient les « kremlinologues ».

C’est à dire c’était des spécialistes du Kremlin qui était le palais qui abritait le gouvernement soviétique. C’était donc des spécialistes de la politique soviétique.

Alexandre Adler fut l’un d’eux :

« Je l’utilisai d’abord pour résoudre les énigmes policières de l’histoire soviétique qui m’avait obsédé, non sans quelques succès qui jalonnèrent ma première carrière kremlinologique à Libération. »
(Alexandre Adler, Au fil des jours cruels, 1992-2002, 2003, p.1984)

Je l’ai un jour entendu expliquer ce qu’il faisait en tant que kremlinologue.

Il ne savait rien, les luttes de pouvoir et d’influence chez les responsables soviétiques étaient totalement secrètes et personne ne savait ce qui se passait.

Alors le plus infime détail était analysé : l’absence de tel responsable à telle cérémonie, la place respective des uns et des autres sur une tribune, lorsque tel responsable parlait à l’oreille d’un autre responsable lors d’une cérémonie àlaquelle le kremlinologue pouvait assister.

A partir de ces détails, le kremlinologue tissait des hypothèses, élaborait des théories, osait des prévisions.

Prévisions le plus souvent démenties par les faits

Tout ceci a occupé un grand nombre de gens et leurs analyses étaient abondamment relayées par les journaux occidentaux.

C’est probablement à cette pseudo science de kremlinologie que Julien Damon a pensé pour inventer le concept de cette nouvelle spécialité
le : « Giletjaunologue »

Julien Damon est professeur associé à Sciences Po et conseiller scientifique de l’Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale. Il est présenté comme un sociologue des inégalités.

Il a écrit plusieurs ouvrages :

Et il a été invité à l’émission la Grande Table du 3 décembre 2018 : « “Gilets jaunes” : quelles réponses à quelles questions ? »

Et c’est lors de cette émission, qu’il a, en l’appliquant d’abord à lui-même puis à Emmanuel Todd et à d’autres experts auto-désignés, créé cette spécialité de « Giletjaunologue ».

Donc des experts à qui on demande d’expliquer qui sont les gilets jaunes, quelles sont leurs exactes revendications et quels sont leurs objectifs.

Ils n’en savent rien mais ils parlent quand même comme les kremlinologues d’antan.

Car, on ne sait pas très bien qui ils sont, à part une collection d’individus mécontents.

On ne sait pas ce qu’ils pensent puisqu’ils expriment des revendications multiples, diverses, parfois irréalistes et surtout contradictoires.

On ne peut pas leur parler, sauf à des individus qui se représentent eux même. Les gilets jaunes ? Quel numéro de téléphone ? aurait dit Henry Kissinger, puisqu’ils refusent de se désigner des représentants.

Mais nous avons des spécialistes, des experts qui savent décrypter et nous expliquer ce que veulent les gilets jaunes et comment les contenter : ce sont des « Giletjaunologues ».

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Lundi 10 décembre 2018

« C’était de l’ultraviolence. Ils avaient des envies de meurtre. Nous, notre but c’est juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles. »
Une CRS présente à Paris lors de la journée de violences du 1er décembre

Des images ont circulé en boucle montrant des excès des forces de l’ordre françaises contre des lycéens et puis contre les manifestants « gilets jaunes ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué la « violence disproportionnée » des autorités françaises face aux manifestations de « gilets jaunes », ajoutant qu’il suivait la situation « avec préoccupation » :

« Le désordre règne dans les rues de nombreux pays européens, à commencer par Paris. Les télévisions, les journaux regorgent d’images de voitures qui brûlent, de commerces pillés, de la riposte des plus violentes de la police contre les manifestants […] Ah ! Voyez un peu ce que font les policiers de ceux qui critiquaient nos policiers. […] l’Europe a échoué sur les plans de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés ».

Quand on lit les propos de cet autocrate qui réprime la liberté dans son pays avec une hargne et cruauté inacceptable, on hésite entre le rire et la colère.

 Même des iraniens, comme le rapporte Libération, critiquent les forces de sécurité française :

« La scène se déroule mercredi dans la capitale iranienne devant l’ambassade de France. Les manifestants dénoncent la répression du mouvement des gilets jaunes. Rebelote vendredi : une poignée d’hommes, gilets jaunes sur le dos, brandissent des pancartes évoquant les «victimes» faites par Macron à Paris et au Yémen… Ces étudiants reprennent le mantra des conservateurs, prompts à épingler les atteintes aux droits humains dès lors qu’elles ont lieu dans les pays occidentaux. «Monsieur Rohani, c’est le bon moment pour téléphoner à votre homologue français et l’exhorter à… la modération», s’amuse sur Twitter une supportrice du régime, dans une allusion à l’appel de Macron au président iranien, en janvier, alors que des manifestations violentes éclataient un peu partout en Iran »

Il y a certes des excès, mais ce que l’on demande aux CRS, aux policiers et aux gendarmes est quasi inhumain.

Comme dans tout groupe humain, il existe des individus qui sortent du cadre. Par faiblesse, par peur ou par manque de maîtrise, ils peuvent déraper. D’ailleurs l’IGPN enquête dans ces cas.

Mais dans leur plus grand nombre, nous disposons de forces de maintien de l’ordre tout à fait remarquables et qui notamment à Paris sont parvenues à maîtriser la violence qui se déchaînait contre eux et contre les biens.

Ce sont des hommes et des femmes qui souvent sur certains points peuvent partager les indignations des gilets jaunes mais qui pour la sauvegarde de l’ordre républicain, dans la discipline et le courage font face aux débordements, la violence et même la haine et mette en danger leur propre intégrité physique.

Je partage ce que Dominique Reynié a déclaré lors de l’émission Esprit Public de ce dimanche

« C’est absolument admirable, ce qui s’est passé hier [le 8 décembre] dans le maintien de l’ordre. Nous avons vraiment des forces de l’ordre qui sont exceptionnelles. Sur le plan technique, chaque minute chaque interaction, chaque confrontation avec le risque d’un incident majeur, c’est manifestement ce qui est recherché par certains groupuscules qui souhaiteraient ardemment qu’il y ait un ou des morts pour enfin passer à la crise inévitable. Cela tient à la gestion du maintien de l’ordre, en ce moment avant même que les mesures soient annoncées par le chef de l’Etat qui convaincront ou non. Tout peut basculer dans une journée comme hier, nous sommes dans une grande fragilité. Un fonctionnaire fatigué ou isolé aurait pu faire basculer la France dans une situation dramatique que certains radicaux souhaitent. »

Et dans ce cas il faut en revenir à notre humanité, regarder ces choses à niveau d’homme ou de femme. Car il y a aussi des femmes dans les rangs des CRS qui sont déployés. Et le Monde consacre un article à une CRS auquel il a donné un pseudo : « Audrey » qui a été blessée lors des violences qui ont lieu à Paris la semaine dernière le 1er décembre : « On sait que la violence va monter d’un cran et on est épuisés physiquement »

La photo que je joins pour illustrer cet article n’est pas liée à l’article du Monde, elle a été publiée par le <Figaro> et raconte aussi des choses qui sont décrites ci-après :

« Elle fait partie de ces anonymes casqués, dont les images ont tourné en boucle sur les téléviseurs. Audrey, gardienne de la paix au sein d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS) présente à l’Arc de triomphe samedi 1er décembre, a été blessée à la cuisse par un jet de pavé. Sa chute a été filmée et commentée à foison sur les chaînes d’information en continu les jours suivants.

« Des experts, tranquillement installés dans leur canapé, expliquaient que ça se voyait qu’on était désorganisés. Ça m’a rendue folle ! », raconte-t-elle. »

Il était environ 17 heures quand cette jeune policière, quatre ans et demi de service en tant que CRS au compteur, a chuté sous l’impact du bloc de pierre, qui est passé sous son bouclier. A cet instant, Audrey est sur le pont depuis quinze heures, sans interruption. « Je me suis levée à 0 h 30 pour prendre mon service à 2 heures », se souvient-elle. Sa compagnie, stationnée temporairement à Paris, est affectée à la sécurisation des abords de la place de l’Etoile. A partir de dix heures, elle doit se positionner dans une rue adjacente à l’Arc de triomphe, avec sa section.

Près d’une trentaine de femmes et d’hommes. Casques, jambières, boucliers, l’attirail habituel du maintien de l’ordre.

Pourtant, la journée ne se présente pas comme les autres. « Ma première pensée était : ça pue la révolution. Il y avait une atmosphère de pré-chaos, j’ai senti que c’était apocalyptique dès que j’ai posé le pied sur le pavé parisien ». […]

Des voix grésillent sur les ondes. Des manifestants sont en mouvement. Sa section reçoit l’ordre de les suivre. « On gravitait autour de la place, on rentrait dans les fourgons, puis on ressortait… » Vers 11 h 30, c’est l’heure de la pause sandwich. Les CRS se doutent que l’après-midi risque d’être autrement plus musclée. « On savait que ça allait être violent, avec toutes les conneries écrites sur les réseaux sociaux, les gens se montent le bourrichon. On avait lu que certains voulaient tuer du flic ! »

Soudain, des manifestants commencent à caillasser les véhicules. Les policiers forment un barrage de boucliers autour de leurs fourgons. Ils s’en sortent avec de la tôle froissée. Mais ce n’est que le début. « Ça a dégénéré, on aurait dit une guérilla », raconte Audrey. Sa section est appelée pour sécuriser les abords de l’avenue Kléber, où l’intérieur d’un hôtel particulier est en train de flamber. Les grilles ont été arrachées. « On est tombé dans un guet-apens, ils nous attendaient. J’ai déjà fait des manifestations qui dégénèrent, mais là, c’était de l’ultraviolence. Ils avaient des envies de meurtre. Nous, notre but c’est juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles. »

Elle raconte les insultes des manifestants et le mépris dans leurs yeux. « Quand on était en barrage, les gens passaient devant nous et crachaient à nos pieds. J’ai vu un mec nous expliquer qu’il était père de famille et pacifique. Deux minutes après, il nous jetait un pavé. Les gens deviennent fous. » L’effet de meute ? « L’effet mouton plutôt », corrige-t-elle.

Impossible de savoir l’heure exacte, la jeune CRS est « totalement déconnectée », dans une ambiance saturée de gaz lacrymogène. Mettre ou ne pas mettre le masque ? Un vrai dilemme. « Certains préfèrent faire sans, moi je ne supporte pas le gaz. Mais avec le masque, votre respiration est limitée, et la buée empêche de voir. » Deux de ses collègues, qui ont opéré sans, pour manier les lanceurs de balles de défense 40, ont eu la cornée brûlée.

La nuit commence à tomber quand l’endroit où sont stationnés les fourgons est menacé par les flammes. « Un groupe s’est rendu compte que notre fourgon n’était pas protégé par les CRS, ils ont commencé un énorme caillassage. A ce moment-là, je me suis dit : “Il va falloir que tu t’en sortes.” On a pris une pluie de projectiles, il n’y avait pas de moment d’accalmie. Ils étaient super bien organisés. » Un projectile se fraie un chemin entre le bouclier et la jambière. Elle s’effondre. « J’ai dit à mon binôme que j’étais touchée, il m’entendait mal. Quand il a compris que je n’étais pas bien, ils m’ont extraite de la fumée. J’étais perdue, je respirais le gaz. »

Audrey refuse cependant que le soigneur découpe son pantalon pour jeter un œil à la blessure. Cela aurait signifié pour elle la fin de la journée. Pas question d’abandonner ses collègues. Tout juste passe-t-elle une bombe de froid sous son pantalon. Le spray, actionné trop près, corrode la peau. Qu’importe, elle retourne aux côtés de son binôme, à qui elle cède la gestion du bouclier, incapable de l’appuyer contre sa cuisse.

Les manifestants commencent heureusement à se disperser. Sa compagnie est démobilisée vers 21 heures. Le lendemain, l’aspect de la plaie l’oblige à la signaler. « Ma blessure commençait à faire des cloques. » Écrasement du quadriceps et brûlure au deuxième degré, cinq jours d’arrêt.

Mais c’est moins pour elle que pour ses collègues qu’Audrey semble s’en faire. La compagnie, qui aurait dû être « gelée », selon le jargon policier, après un détachement de deux semaines, a été rappelée pour la journée du 8 décembre. « On sait que la violence va monter d’un cran, et on est épuisés physiquement. »

Le moral n’est pas non plus au beau fixe, notamment avec les accusations de violences policières. « Il faut arrêter de pointer les flics du doigt. Les gens voient une vidéo sur Facebook, sans le contexte, et ils croient qu’ils sont experts du maintien de l’ordre. » Et de cibler les casseurs. « Ils nous visent avec des pavés, des mortiers, des cocktails Molotov… J’en ai vu un prendre les débris de la grille pour en faire un javelot et nous le jeter à la tête. Ils veulent nous tuer. Et nous, on répond avec quoi ? Du gaz qui pique les yeux et des balles en caoutchouc. »

J’ai pratiquement cité tout l’article.

Ces personnes sont des fonctionnaires comme moi. Ils ont fait le choix de se mettre au service de L’État et de la République. Mais quand ils sont appelés à assurer leur mission, sur un théâtre d’opération, ils ne sont pas certains de rentrer en bonne forme le soir, en retournant dans leur famille retrouver leurs enfants, leur compagne ou compagnon.

Que se passerait-il, s’ils n’étaient pas là ?

Le désordre et le chaos !

Oui que se passerait-il si on laissait faire les violents qui ont infiltrés les gilets jaunes et qui ont aussi visiblement sut en entraîner certains ?

Ils prendraient le pouvoir ? Et instaureraient une belle démocratie participative ?

Toute personne qui a une toute petite culture historique sait comment finissent ces émeutes non maîtrisées : un régime autoritaire remplace la République dans ces cas.

C’est grâce à nos forces de maintien de l’ordre que l’Ordre républicain peut se maintenir.

Vouloir en faire des boucs émissaires est indécent.

Les fautes doivent être sanctionnées. Mais quelqu’un de raisonnable peut-il vraiment prétendre que si la quasi-totalité de ces hommes et femmes de devoir et d’abnégation ne maîtrisaient pas leurs actions, il n’y aurait pas un bilan très différent de celui qui est à déplorer.

Leur but est de remplir aussi bien que possible leur mission et comme le dit Audrey : « juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles ».

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Lundi 29 octobre 2018

« Pour moi, jusqu’à la fin de mes jours, tant que j’aurai un souffle Monsieur Faurisson, vous ne serez jamais, vous et vos pareils que des faussaires de l’Histoire.»
Robert Badinter, 12 mars 2007. 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris.

Robert Faurisson est mort le 21 octobre 2018. Il fut le premier négationniste emblématique, il est mort mais ses idées perdurent. Dieudonné par exemple lui a rendu hommage.

Et parallèlement, l’antisémitisme qui s’était terré depuis la seconde guerre mondiale resurgit en Occident avec de plus en plus de vigueur.

Georges Bernanos l’avait écrit : « Hitler a déshonoré à jamais le mot antisémitisme ». Donc on ne pouvait plus rien dire.

Pour être juste avec Bernanos, cette phrase est sortie de son contexte et même s’il appartint dans sa jeunesse à l’Action Française, il ne peut pas être classé simplement parmi les anti-sémites. <Lire à ce propos la tribune de Philippe Lançon dans Libération le 2 septembre 2008>

<Même dans l’Université>, que l’on pourrait espérer épargné par ce sentiment primaire et haineux l’antisémitisme progresse.

Et aux Etats-Unis les actes antisémites sont aussi en forte progression. Un <article du Monde> nous apprend que le nombre d’actes antisémites recensés par l’Anti-Defamation League a augmenté de 57 % entre 2016 et 2017.

Et la fusillade qui a lieu ce week end et qui a fait 11 morts dans une synagogue à Pittsburgh (Pennsylvanie), samedi 27 octobre, « est probablement l’attaque la plus meurtrière contre la communauté juive de l’histoire des Etats-Unis », a estimé Jonathan Greenblatt, le directeur de l’Anti-Defamation League (ADL), principale association de lutte contre l’antisémitisme du pays. Mais cette fusillade n’est pas une attaque isolée, puisqu’il y a eu une recrudescence des actes antisémites sur le sol américain.

En France, des familles juives ne se sentant plus en sécurité dans leur quartier déménagent vers d’autres lieux.

Cette triste réalité a plusieurs causes. Dans certains milieux de gauche on explique cela par l’assimilation que font certains entre la communauté juive et la politique de l’Etat d’Israël. Ce qui ne rend l’antisémitisme ni défendable, ni justifiable.

Mais dans un certain nombre de cas, on constate qu’est de retour ce « fantasme antisémite traditionnel » du juif qui est riche et qu’on peut faire payer. Ce fut las cas du meurtre d’Ilan Halimi mais aussi d’affaires plus récentes.

Il existe des juifs riches, mais il existe aussi des musulmans riches, des protestants riches, des catholiques riches, des bouddhistes riches, des hindouistes riches et même des athées riches.

Il existe aussi des juifs pauvres <Et selon lesinrocks ce n’est pas facile de faire diffuser> un documentaire sur ce sujet.

Robert Badinter qui était l’invité du 7-9 de France Inter du vendredi 26 octobre 2018. Dans cette émission il raconte que l’entraide n’existait pas vraiment, avant-guerre, dans la communauté juive entre les quelques riches et la masse des pauvres.

Mais pour que cet antisémitisme puisse resurgir, il a fallu des hommes comme Faurisson pour nier la shoah, nier les chambres à gaz, nier le génocide juif.

Car le génocide est un crime très spécial dans l’Histoire d’homo sapiens. On tue tout le monde qui appartient à une communauté spécifique, désignée comme telle.

Il y a eu d’autres génocides, celui des arméniens, celui des tziganes, celui des Tutsis au Rwanda.

Faurisson a inventé ce concept d’ « escroquerie politico-financière » pour tenter de jeter la suspicion sur la réalité du génocide , en essayant d’expliquer que c’était un complot pour obtenir des avantages politiques et financiers.

Lors d’une émission d’ARTE, le 11 novembre 2006, Robert Badinter l’a alors traité de « faussaire de l’Histoire ».

Robert Faurisson a alors assigné en diffamation Robert Badinter pour l’avoir qualifié ainsi.

Et au centre de ce mot du jour, je voudrais partager la saine colère de Robert Badinter lors de ce procès qui fut bien sûr a son avantage.

« Tout à l’heure vous avez encore répété : « cette escroquerie politico-financière »
Alors ça veut dire quoi ? Si on traduit dans sa vérité humaine comme moi je l’ai vécu.
Ça veut dire que tout ceux qui sont morts, mes parents et les autres, tous ceux-là sont devenus les instruments conscients utilisés par tous les juifs, pour quoi faire ?

Pour arracher des réparations auxquelles ils n’auraient pas eu droit ?

Je me souviens de ma mère qui recevait de misérables indemnités dont il ne restait rien. Alors elle était quoi ? La complice d’une escroquerie politico financière ? C’était ça qu’elle faisait à cet instant-là ?

Et ses fils, nous étions quoi ? Des profiteurs, les bénéficiaires de cette escroquerie ?

Les mots ont un sens, sauf pour ceux qui les utilisent comme vous.

Pour qu’il n’y ait aucune équivoque, pour que les choses soient claires

Pour moi, jusqu’à la fin de mes jours, tant que j’aurai un souffle Monsieur Faurisson, vous ne serez jamais, vous et vos pareils que des faussaires de l’Histoire.

Des faussaires de l’Histoire et de l’Histoire la plus tragique qui soit, dont j’espère que l’Histoire tirera la leçon et gardera le souvenir ».

<Ici la vidéo de cette intervention>

Je crois qu’il faut la regarder.

France Inter avait consacré, en 2017, une émission d’« Affaires sensibles » à cet épisode et plus généralement aux faussaires de l’Histoire.

Lors de l’émission de France Inter de vendredi précité, Robert Badinter est revenu sur ce moment :

« Je me souviens de cette passion qui m’a emportée, c’était insupportable. Il m’avait assigné parce que j’avais, de mémoire, un jour, dit que la dernière affaire que j’ai plaidée dans ma vie c’était contre Faurisson et les révisionnistes, ils avaient été condamnés comme faussaires de l’histoire. Ce n’était pas faussaires de l’histoire, c’était qu’ils avaient manqué au devoir de l’historien. D’où l’assignation”.

“Mais de l’entendre, de le voir, à ce moment-là, j’ai revu tout ce que j’avais connu, j’ai mesuré l’infamie des propos révisionnistes… ma grand-mère paternelle avait près de 80 ans quand on l’a jetée dans le wagon qui l’a emmenée à Auschwitz… ça c’est l’illustration du crime contre l’humanité ».

La grand-mère paternelle est morte dans le wagon à bestiaux, pendant le voyage.

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Vendredi 11 mai 2018

« Heb’di »
« Accroche-toi », journal alsacien qui a mis en ligne l’échange entre le Samu de Strasbourg et Naomi Musenga

A moins que vous ayez décidé de vous isoler de toutes informations et de tous médias, il n’est pas possible que vous ignoriez le destin tragique de Naomi Musenga qui a appelé le Samu de Strasbourg en se sentant mourir et qui au lieu d’être prise en charge, a fait l’objet de moqueries au téléphone et a été abandonnée à son sort. Quand quelques heures plus tard elle a enfin été amenée à l’hôpital public, elle est morte d’une hémorragie interne.

Avant de continuer, une photo, tant il est vrai que lorsqu’on voit une image de cette jeune femme rayonnante, on perçoit une part encore plus grande d’empathie.

Ce drame a eu lieu le vendredi 29 décembre 2017, et on n’en parle qu’aujourd’hui, 6 mois après !

Le journal « LE MONDE » publie un communiqué des hôpitaux Universitaires de Strasbourg le 3 mai 2018 dans lequel on peut lire :

« La Direction générale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg a pris connaissance vendredi 27 avril, d’un article paru dans le journal Heb’di, relatif aux conditions de traitement d’un appel réceptionné au SAMU 67.

Avant toute chose, les HUS s’associent à la peine de la famille et des proches de la patiente et leur présentent leurs sincères condoléances.

Les HUS diligentent dans la foulée une enquête administrative destinée à faire toute la lumière sur les faits relatés dans l’article »

Car c’est bien un tout petit journal alsacien, lanceur d’alerte, qui a eu de la compassion et a fait confiance à la famille de Naomi Musenga pour faire éclater cette histoire 6 mois après les faits.

Aujourd’hui tout le monde s’émeut de cette histoire, mais au-delà du dérapage de deux opératrices (la première des sapeurs-pompiers qui passe la communication à l’opératrice du samu) plante un décor de suspicion et de moquerie :

 “Elle m’a dit qu’elle ‘va mourir’. Elle a 22 ans, elle a des douleurs au ventre, (…) elle a de la fièvre, et ‘elle va mourir’ “,

Tout cela dit sur un ton manifestement incrédule et la seconde opératrice va continuer dans ce sens.

J’ai découvert l’existence, le rôle et aussi les difficultés de ce petit journal Hebdi par la revue de presse de France Inter du 9 mai 2018 qui va un peu plus loin dans l’interrogation :

« Naomi Musenga qui appelait le Samu de Strasbourg  le 29 décembre dernier parce qu’elle se sentait mourir, et elle est morte effectivement, après avoir été moquée et retardée par l’opératrice de la plateforme d’urgence…

“Le scandale qui secoue le Samu” est la Une du Parisien, qui rappelle que Naomi n’est pas seule à avoir été maltraitée en urgence, Thomas en témoigne qui fut amputé de la jambe droite après avoir été invité à réduire lui-même sa fracture avant d’aller à l’hôpital.

Mais pour que toute cette compréhension nous arrive, il a fallu d’abord que l’on entende la voix de Naomi parlant  au Samu,  et il a fallu qu’un journal le publie en premier… Il s’appelle Heb’di, ce qui est un jeu de mots, heb’di signifie accroche-toi en alsacien…  Journal impoli, de dessins caustiques et de papiers fâchés, et un mensuel qui dans sa dernière édition dénonçait l’agonie d’un centre anti cancer à Strasbourg… Heb’di avait mis en ligne l’enregistrement de Naomi le 27 avril… Il a fallu plus de dix jours que le scoop des dissidents devienne un scandale confirmé et authentifié par les media légitimes…

Mais qui est légitime? Heb’di est  porté par son fondateur Thierry Hans… Un ancien électricien passé à la presse parce que les journaux qu’il lisait ne le satisfaisaient pas… il a lancé Heb’di en autoentrepreneur et le maintient en dépit des banques…  Il a raconté tout cela sur un site, capital investissement, consacré aux PME…   Car Heb’di ne va pas bien et pétitionne pour vivre, il reste 75 jours pour sauver le journal qui nous a fait connaitre l’agonie de Naomi…

Et c’est donc une histoire de journalisme aussi que l’on raconte ce matin, quand les grands journaux veulent éclairer l’inquiétante obscurité de la planète… »

C’est donc Heb’di qui sur <cette page> va publier l’enregistrement audio et va révéler cette affaire incroyable :

« Le 29 décembre 2017, 11 heures. Prise de très fortes douleurs, Naomi, à bout de force appelle le SAMU de Strasbourg.

Comme l’indique l’enregistrement les deux opératrices, manifestement de bonne humeur, ricanent. Elles ont un comportement étonnant, moqueur voire méchant.

Elles ne donnent pas suite à la demande d’assistance de la jeune femme, qui est renvoyée vers SOS-Médecins….

La jeune femme de 22 ans arrivera à contacter SOS-Médecins, qui demande… au SAMU d’intervenir !

À l’arrivée des secouristes, Naomi est consciente mais son état se dégrade fortement. Son rythme cardiaque baisse de façon inquiétante lors du transfert aux urgences du Nouvel Hôpital Civil (NHC) de Strasbourg.

Sur place, la jeune maman passe rapidement un scanner, lors duquel elle présente un arrêt cardiaque. Dix minutes de massage cardiaque seront nécessaires. Elle est transférée au service de réanimation où elle décède à 17h30.

Une autopsie sera pratiquée 5 jours après sur un corps « en état de putréfaction avancée ». La cause annoncée est une défaillance multi-viscérale : un ensemble de symptômes comprenant des difficultés très importantes de l’appareil pulmonaire (du type détresse respiratoire) associés à une insuffisance de fonctionnement de plusieurs organes comme le cœur ou le système nerveux. Les rapports médicaux et d’autopsie n’indiquent pas les origines de cette défaillance multi-viscérale.

La famille de Naomi souhaite connaître les réelles causes du décès et savoir si une intervention directe du SAMU aurait pu sauver Naomi. Le procureur a été saisi.

Naomi devait fêter son vingt-troisième anniversaire le premier avril. Sa fille aura deux ans en juillet.

Nous avons contacté les services du SAMU de Strasbourg .

Il nous a été demandé de faire une demande écrite par mail et, à ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse. »

Aujourd’hui selon les propos de différentes autorités du SAMU et de la Santé, l’opératrice a commis une faute professionnelle en ne faisant pas appel à un médecin régulateur.

Ainsi on peut lire sur site de <France Info> :

« Christophe Gautier, directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, a indiqué que l’enquête s’achemine “vers un élément de faute personnelle” […] Dans les premiers éléments que nous avons pu mettre en avant, il m’est apparu que la présomption d’une faute grave de manquement à une procédure avait été constatée. Cela m’a conduit à prendre la décision de suspension à titre conservatoire, qui ne préjuge pas des conclusions définitives, mais qui est nécessaire dans le contexte de ce drame. »

Et sur <cette autre page> de France Info on peut lire

Les propos qui sont tenus par l’opératrice du Samu ne sont “pas acceptables”, confirme François Braun, président de Samu-Urgences de France, sur franceinfo. Selon lui, l’opératrice n’avait pas à prendre seule la décision de rediriger Naomi vers SOS Médecins. “Ce qui est encore moins acceptable, poursuit-il, c’est que normalement tout appel est transmis à un médecin régulateur. C’est ce médecin qui prend les décisions après un interrogatoire médical et, dans ce cas, l’appel n’a pas été transmis au médecin. Ce n’est absolument pas la procédure. Ce n’est absolument pas ce que l’on apprend à nos opératrices. On ne demande pas aux gens de rappeler, on le fait nous-mêmes et on transmet l’appel éventuellement à un autre service.”

Mais au-delà de cette faute,

  • Comment se fait-il que l’autopsie ait été si tardive ?
  • Comment est-il possible qu’il n’y ait pas immédiatement d’enquête interne pour comprendre ce qui s’est passé ?

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a insisté ce jeudi sur France Info :

« Quand il y a un événement indésirable grave qui aboutit au décès, on doit obligatoirement en référer à l’Agence régionale de santé (ARS) qui doit mener une enquête, voire le faire remonter au ministère.” Or, suite à la mort de la jeune femme, l’ARS n’a rien reçu. »

C’est finalement la famille qui a obtenu après de nombreuses démarches l’enregistrement du SAMU et c’est ce petit journal HEB’DI qui a relayé l’information et non les grands journaux alsaciens « Les dernières nouvelles d’Alsace » ou « L’Alsace » qui ont d’ailleurs publiés l’information encore beaucoup plus tardivement que les autres journaux nationaux qui n’avait pas été rapide (10 jours !) comme s’en étonnait le journaliste de la Revue de Presse de France Inter.

C’est pourquoi, il est important qu’il existe des journaux indépendants, des journaux lanceurs d’Alerte.

Vous pouvez, comme moi, faire un don pour que ce journal puisse continuer à vivre et à agir contre l’indifférence et chaque fois que les institutions et les autres médias sont aveugles, sourds, fainéants ou peut être pire, complice…


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Jeudi 1 février 2018

« Les bagarres du Nutella »
Synthèse des réactions et réflexions personnelles sur ces faits divers

Et voici donc que des gens a priori « normaux » viennent à créer une émeute et se bagarrent dans des intermarchés, parce que ces derniers ont décidé de faire une <promotion sur le Nutella>.

La promotion était importante, il s’agissait d’une réduction de 70 %, ce qui mettait le pot de 950 grammes à 1,41 euro au lieu de 4,70 euros.

Certains affirment que parmi eux il y avait des professionnels de la restauration qui voulaient acquérir cette pâte à peu de frais.

Immédiatement les réseaux sociaux se sont déchainés pour se moquer de « ces abrutis » ou « cassoc » qui se battaient pour du Nutella.

Assez vite Jean-Luc Mélenchon s’est insurgé contre ces réactions de moqueries contre « des personnes très modestes » qui voulaient profiter d’une bonne affaire. « Quand l’émeute montre la misère, l’idiot regarde le #Nutella », a-t-il dit, dénonçant ainsi la misère dans laquelle vivaient ces personnes.

Une employée d’un Intermarché de ma ville natale, Forbach, a décrit à l’AFP :

« Les gens se sont rués dessus, ils ont tout bousculé, ils en ont cassé. C’était l’orgie ! »

Ceci me fait aussi penser à <La fermeture du Virgin Megastore de Lyon> en 2013 qui avait conduit à des soldes énormes et des comportements indignes de la part de certains acheteurs. Des vendeurs qui allaient perdre leur travail étaient confrontés à des personnes ayant perdu tout savoir vivre dans leur recherche de produits à prix bas.

Le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert rejoint l’explication de Jean-Luc Melenchon. Il a déclaré dimanche 28 janvier sur BFMTV :

« Ce sont des gens qui vivent de peu, ce sont des gens qui se ruent sur une pâte à tartiner qu’ils ne peuvent pas offrir à leurs enfants »

Le Parisien ne dit pas autre chose

«Samedi, à l’Intermarché Beauvais-nord (Oise), sous un ciel sans couleur, le calme est revenu. Mais les scènes de cohue, provoquées par une promotion à -70% sur le Nutella, font honte aux habitants. Chacun s’interroge : comment un pot de 950 grammes à 4,70€, soldé 1,41€ du 25 au 27 janvier, a pu créer une telle bousculade au sein des rayons ? « Bêtise », « cinglés », « sauvages ». Les insultes pleuvent. Mais, très vite, certains chuchotent un autre mot « précarité ». Comme si cette guerre pour 3€ n’était que la photographie d’une détresse sociale, que l’on préfère ignorer.»

Pierre Rondeau, Professeur d’économie développe une analyse plus nuancée : ce n’est pas la misère qui pousse à de tels comportements, mais la peur d’y entrer . Son article a été publié par Slate :

« Ce ne sont donc pas les inégalités ou la grande précarité qui expliquent les heurts violents, la destruction de la solidarité et la fragilisation de la cohésion sociale, puisque ces causes semblent disparaître depuis une trentaine d’années. Le problème est plus complexe: c’est le sentiment d’insécurité économique, la peur du déclassement et la croissance de la méfiance collective qui semblent expliquer ces comportements.

Nous en venons à nous jeter sur les promotions pas forcément parce que nous sommes pauvres mais parce que nous avons le sentiment que cela pourrait nous arriver. Le sociologue Eric Maurin expliquait déjà ce phénomène dans son livre « La peur du déclassement », en 2009:

[…] Et certains en viennent alors à se battre pour du Nutella … »

Un autre angle d’analyse rapporte le propos d’un employé d’un Intermarché à Revigny-sur-Ornain (Meuse) :

« A – 70%, c’est un pousse-au-crime et on casse l’échelle de valeur. Le client se dit que si le pot de Nutella peut être vendu à – 70%, c’est que le reste de l’année, on marge énormément, alors qu’il est vendu à marge zéro toute l’année… ».

D’ailleurs l’administration et <Le journal Libération posent la question si le rabais de 70% était légal> :

En droit français, la vente à perte (c’est-à-dire le fait de vendre un produit à un prix moins cher que celui auquel on l’a obtenu) est interdite Soit Intermarché achète son Nutella pour un prix inférieur ou égal à 1,41 euro… ce qui implique que le supermarché se fait une belle marge de 233% en vendant les pots de 950 g à 4,70 euros en temps normal. Soit Intermarché achète son Nutella à Ferrero pour un prix supérieur à 1,41 euro et il aurait alors pratiqué de la vente à perte avec sa promotion

L’article cependant nuance, il existe des exceptions qui autorisent la vente à perte. Dans le cas qui nous occupe, ce serait possible si cette vente correspond à des soldes, ce qui est permis pour des produits alimentaires

Un autre point de vue s’exprime par « des dentistes et des médecins » qui rappellent à juste titre que désormais les autorités publiques sont convaincus de la nocivité de la trop grande consommation de sucre et s’étonnent qu’on tolère de tels agissements :

« De quoi aurait l’air la campagne anti-tabac actuellement menée si demain des bureaux de tabac pouvaient faire une réduction de 70% sur un simple coup de tête?”, s’interroge l’Union nationale des étudiants en chirurgie dentaire (UNECD) dans un communiqué.

Les futurs dentistes ou chirurgiens interpellent le groupe Intermarché, à l’origine de cette opération, ainsi que les autorités, pour “entamer une réflexion sur la taxation des produits sucrés”, après l’instauration d’une taxe soda sous la présidence de Nicolas Sarkozy »

Les goûts et couleurs ne se discutent pas. Ma fille Natacha affirme que le Nutella a très bon goût.

Peut-être, mais ce n’est certainement pas bon pour la santé

Cet article nous apprend que la composition du Nutella diffère d’un pays à l’autre, Ferrero tenant compte des préférences exprimées en fonction des régions et des législations en vigueur concernant le chocolat. En France, le Nutella est d’abord composé de sucres (>50 %) puis d’huile végétale, c’est-à-dire d’huile de palme (17 %). Viennent ensuite les noisettes (13 %), le cacao maigre (7,4 %), le lait écrémé en poudre (6,6 %), puis le lactosérum en poudre.

Enfin, on retrouve dans le Nutella des émulsifiants : des lécithines de soja et de la vanilline.

Bref, surtout du sucre, beaucoup de gras, un peu de noisettes et encore moins de cacao.

J’ai trouvé cette illustration qui essaye de représenter la composition du Nutella de manière encore plus explicite.

Enfin plus récemment il est apparu qu’en outre le Nutella contenait du phtalate DEHP qui est une substance chimique qui permet d’augmenter la flexibilité des matières plastiques. Les phtalates sont des perturbateurs hormonaux qui provoquent des dérèglements induisant notamment la stérilité chez l’homme. Il est estimé que, dans les pays industrialisés, un homme produit deux fois moins de spermatozoïdes que n’en produisait son grand père au même âge. Les phtalates sont également soupçonnés d’être cancérigènes. En 2008, après avoir fait une étude sur le développement de testicules in vitro, l’INSERM a affirmé que les phtalates étaient “délétères pour la mise en place du potentiel reproducteur masculin dans l’espèce humaine”.

La Croix nous apprend qu’avec 26% de la consommation mondiale La France est championne du monde de la consommation de Nutella>. Je ne suis pas certain que nous devons nous enorgueillir de ce titre.

Pour ma part je crois, même si les arguments développés ci-avant peuvent présenter quelques intérêts, le problème que cela pose est avant tout notre enfermement dans le consumérisme.

Le consumérisme est très présent dans les mille premiers mots du jour.

Et le mot du jour du 4 avril 2017 s’efforçait d’en faire une synthèse. Mais le mot qui est allé le plus loin dans la dénonciation de cette pulsion incontrôlée est certainement la phrase du philosophe allemande Peter Sloterdijke :

«La liberté du consommateur et de l’individu moderne, c’est la liberté du cochon devant son auge. »

Nul besoin de nous enchainer pour que nous perdions notre liberté. Il suffit que la publicité et le comportement des autres nous fassent croire que c’est par notre consommation que nous sommes reconnus par nos pairs. Il y a même des messages subliminaux qui veulent nous faire croire que la consommation rend heureux.

Le mot du jour du 14 avril 2014 citait Annie Arnaux : «Je suis de plus en plus sûr que la docilité des consommateurs est sans limite.». Car bien entendu, le Nutella n’est pas indispensable à notre alimentation. Il n’est même pas bon pour la santé. Ce n’est donc pas un besoin vital qui pousse les gens à vouloir l’acheter. Ce sont d’autres mécanismes qui sont à l’œuvre : l’image du plaisir, le prestige de la marque, une publicité alléchante, une once de luxe par rapport à d’autres pâtes à tartiner moins prestigieuses (et probablement pas meilleurs pour la santé) et notre formidable addiction au sucre que des décennies de pratiques des professionnels de l’alimentaire ont su développer.

 

Au fait, Intermarché vient de récidiver avec des promotions sur les couches culottes pampers qui semblent aussi avoir déclenché des désordres.

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Mardi 9 janvier 2018

« Pour la première fois de l’histoire de l’aviation : le transport aérien commercial de passagers n’enregistre aucun décès à bord des avions de plus de 20 sièges en 2017. »
Aviation Safety Network, agence qui recense les accidents d’avion

Vous savez qu’il faut se méfier des chiffres, les interroger et surtout se demander s’il s’agit d’un chiffre dur ou d’un chiffre mou comme je l’avais développé lors du mot « des chiffres et des hommes ».

Cette fois nous sommes dans un chiffre dur, qui a du sens, qui est indiscutable et qui est positif.

C’est un chiffre révélé par Aviation Safety Network, l’année  2017 a été la plus sûre pour le transport aérien depuis 1946 et l’établissement de statistiques sur les accidents d’avions.

Un article du Point du 1er janvier 2018 détaille un peu cette statistique.

Quatre milliards de passagers ont voyagé en 2017.

Si des blessés sont à déplorer lors d’une centaine d’accidents en 2017, le transport aérien commercial de passagers n’enregistre aucun décès l’année passée à bord des avions de plus de vingt sièges. Une première dans l’histoire de l’aviation. […] Le premier accident avec des morts impliquant des avions assurant le transport de passagers à titre commercial et payant s’était produit le 7 avril 1922 avec la collision en vol de deux appareils assurant des liaisons entre Londres et Paris.

Depuis, la sécurité du transport aérien n’a cessé de progresser. En 2016, les statistiques montraient déjà qu’aucun accident n’avait touché les passagers des compagnies occidentales. Ce qui met en valeur l’efficacité des mesures de sécurité des vols concernant la formation des équipages, la maintenance et les opérations aériennes mises en place notamment par la Federal Aviation Administration (agence fédérale américaine) et l’Agence européenne de la sécurité aérienne.

[…] La moyenne annuelle de ces dix dernières années est de 32 accidents avec 676 morts, faisant du transport aérien le moyen de déplacement le plus sûr. Quatre milliards de passagers ont pris l’avion l’an dernier, et ce chiffre devrait doubler d’ici à 2036. En 2017, les accidents mortels ne concernent que des vols cargo ou des avions de moins de vingt sièges, comme hier encore avec le crash d’un hydravion en Australie et aussi d’un vol touristique au Costa Rica.

Comme commentaires de cet article on peut lire :

« Ne parlez pas de malheur !

Ce n’était pas la peine de communiquer sur ce statistique.
Vous allez nous porter la poisse pour les mois à venir.  »

Ou encore

« Stupidité de journaliste
Pourquoi annoncer une telle chose, vous voulez porter la guigne et nous annoncer un crash demain ?  »

Que dire de tels propos ?

Que ces gens ne savent ce qu’est un chiffre dur ?

Qu’ils sont superstitieux et peu rationnels.

Et que même s’il y avait des morts, par malheur, dans des avions commerciaux en 2018, l’aviation commerciale reste le moyen de transport le plus sûr qui existe.

Et cela parce qu’il y a beaucoup de régulation, de règles et de contrôles de sécurité.

Cela pourrait donner des idées à d’autres domaines de l’économie…

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Mercredi 13 décembre 2017

«Les honneurs, je les méprise, mais je ne déteste pas forcément ce que je méprise »
Jean d’Ormesson (16/06/1925 – 05/12/2017) dans «Dieu, les  affaires et nous»

Il faut des mots du jour court.
En voici un.

Le mot du jour a plusieurs fois fait appel à Jean d’Ormesson :

Le mot du mardi 2 février 2016 :

« La vie naturellement est une vallée de larmes
C’est aussi une vallée de roses.»
Jean d’Ormesson

C’est lui aussi qui avait accueilli Simone Veil à l’Académie française. Et j’avais cité la fin de son discours :

« Je baisse la voix, on pourrait nous entendre : comme l’immense majorité des Français, nous vous aimons, Madame. Soyez la bienvenue au fauteuil de Racine, qui parlait si bien de l’amour. »

Je l’avais aussi mobilisé pour décrire François Mitterrand :

«c’est un homme qui avait un rapport complexe avec la vérité».

Pour revenir à l’exergue de ce mot du jour et pour l’éclairer il faut peut-être faire appel à Nietzsche qui aurait dit selon Fabrice Lucchini :

« Ce sont nos contradictions qui nous rendent féconds »

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