Lundi 10 décembre 2018

« C’était de l’ultraviolence. Ils avaient des envies de meurtre. Nous, notre but c’est juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles. »
Une CRS présente à Paris lors de la journée de violences du 1er décembre

Des images ont circulé en boucle montrant des excès des forces de l’ordre françaises contre des lycéens et puis contre les manifestants « gilets jaunes ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué la « violence disproportionnée » des autorités françaises face aux manifestations de « gilets jaunes », ajoutant qu’il suivait la situation « avec préoccupation » :

« Le désordre règne dans les rues de nombreux pays européens, à commencer par Paris. Les télévisions, les journaux regorgent d’images de voitures qui brûlent, de commerces pillés, de la riposte des plus violentes de la police contre les manifestants […] Ah ! Voyez un peu ce que font les policiers de ceux qui critiquaient nos policiers. […] l’Europe a échoué sur les plans de la démocratie, des droits de l’homme et des libertés ».

Quand on lit les propos de cet autocrate qui réprime la liberté dans son pays avec une hargne et cruauté inacceptable, on hésite entre le rire et la colère.

 Même des iraniens, comme le rapporte Libération, critiquent les forces de sécurité française :

« La scène se déroule mercredi dans la capitale iranienne devant l’ambassade de France. Les manifestants dénoncent la répression du mouvement des gilets jaunes. Rebelote vendredi : une poignée d’hommes, gilets jaunes sur le dos, brandissent des pancartes évoquant les «victimes» faites par Macron à Paris et au Yémen… Ces étudiants reprennent le mantra des conservateurs, prompts à épingler les atteintes aux droits humains dès lors qu’elles ont lieu dans les pays occidentaux. «Monsieur Rohani, c’est le bon moment pour téléphoner à votre homologue français et l’exhorter à… la modération», s’amuse sur Twitter une supportrice du régime, dans une allusion à l’appel de Macron au président iranien, en janvier, alors que des manifestations violentes éclataient un peu partout en Iran »

Il y a certes des excès, mais ce que l’on demande aux CRS, aux policiers et aux gendarmes est quasi inhumain.

Comme dans tout groupe humain, il existe des individus qui sortent du cadre. Par faiblesse, par peur ou par manque de maîtrise, ils peuvent déraper. D’ailleurs l’IGPN enquête dans ces cas.

Mais dans leur plus grand nombre, nous disposons de forces de maintien de l’ordre tout à fait remarquables et qui notamment à Paris sont parvenues à maîtriser la violence qui se déchaînait contre eux et contre les biens.

Ce sont des hommes et des femmes qui souvent sur certains points peuvent partager les indignations des gilets jaunes mais qui pour la sauvegarde de l’ordre républicain, dans la discipline et le courage font face aux débordements, la violence et même la haine et mette en danger leur propre intégrité physique.

Je partage ce que Dominique Reynié a déclaré lors de l’émission Esprit Public de ce dimanche

« C’est absolument admirable, ce qui s’est passé hier [le 8 décembre] dans le maintien de l’ordre. Nous avons vraiment des forces de l’ordre qui sont exceptionnelles. Sur le plan technique, chaque minute chaque interaction, chaque confrontation avec le risque d’un incident majeur, c’est manifestement ce qui est recherché par certains groupuscules qui souhaiteraient ardemment qu’il y ait un ou des morts pour enfin passer à la crise inévitable. Cela tient à la gestion du maintien de l’ordre, en ce moment avant même que les mesures soient annoncées par le chef de l’Etat qui convaincront ou non. Tout peut basculer dans une journée comme hier, nous sommes dans une grande fragilité. Un fonctionnaire fatigué ou isolé aurait pu faire basculer la France dans une situation dramatique que certains radicaux souhaitent. »

Et dans ce cas il faut en revenir à notre humanité, regarder ces choses à niveau d’homme ou de femme. Car il y a aussi des femmes dans les rangs des CRS qui sont déployés. Et le Monde consacre un article à une CRS auquel il a donné un pseudo : « Audrey » qui a été blessée lors des violences qui ont lieu à Paris la semaine dernière le 1er décembre : « On sait que la violence va monter d’un cran et on est épuisés physiquement »

La photo que je joins pour illustrer cet article n’est pas liée à l’article du Monde, elle a été publiée par le <Figaro> et raconte aussi des choses qui sont décrites ci-après :

« Elle fait partie de ces anonymes casqués, dont les images ont tourné en boucle sur les téléviseurs. Audrey, gardienne de la paix au sein d’une compagnie républicaine de sécurité (CRS) présente à l’Arc de triomphe samedi 1er décembre, a été blessée à la cuisse par un jet de pavé. Sa chute a été filmée et commentée à foison sur les chaînes d’information en continu les jours suivants.

« Des experts, tranquillement installés dans leur canapé, expliquaient que ça se voyait qu’on était désorganisés. Ça m’a rendue folle ! », raconte-t-elle. »

Il était environ 17 heures quand cette jeune policière, quatre ans et demi de service en tant que CRS au compteur, a chuté sous l’impact du bloc de pierre, qui est passé sous son bouclier. A cet instant, Audrey est sur le pont depuis quinze heures, sans interruption. « Je me suis levée à 0 h 30 pour prendre mon service à 2 heures », se souvient-elle. Sa compagnie, stationnée temporairement à Paris, est affectée à la sécurisation des abords de la place de l’Etoile. A partir de dix heures, elle doit se positionner dans une rue adjacente à l’Arc de triomphe, avec sa section.

Près d’une trentaine de femmes et d’hommes. Casques, jambières, boucliers, l’attirail habituel du maintien de l’ordre.

Pourtant, la journée ne se présente pas comme les autres. « Ma première pensée était : ça pue la révolution. Il y avait une atmosphère de pré-chaos, j’ai senti que c’était apocalyptique dès que j’ai posé le pied sur le pavé parisien ». […]

Des voix grésillent sur les ondes. Des manifestants sont en mouvement. Sa section reçoit l’ordre de les suivre. « On gravitait autour de la place, on rentrait dans les fourgons, puis on ressortait… » Vers 11 h 30, c’est l’heure de la pause sandwich. Les CRS se doutent que l’après-midi risque d’être autrement plus musclée. « On savait que ça allait être violent, avec toutes les conneries écrites sur les réseaux sociaux, les gens se montent le bourrichon. On avait lu que certains voulaient tuer du flic ! »

Soudain, des manifestants commencent à caillasser les véhicules. Les policiers forment un barrage de boucliers autour de leurs fourgons. Ils s’en sortent avec de la tôle froissée. Mais ce n’est que le début. « Ça a dégénéré, on aurait dit une guérilla », raconte Audrey. Sa section est appelée pour sécuriser les abords de l’avenue Kléber, où l’intérieur d’un hôtel particulier est en train de flamber. Les grilles ont été arrachées. « On est tombé dans un guet-apens, ils nous attendaient. J’ai déjà fait des manifestations qui dégénèrent, mais là, c’était de l’ultraviolence. Ils avaient des envies de meurtre. Nous, notre but c’est juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles. »

Elle raconte les insultes des manifestants et le mépris dans leurs yeux. « Quand on était en barrage, les gens passaient devant nous et crachaient à nos pieds. J’ai vu un mec nous expliquer qu’il était père de famille et pacifique. Deux minutes après, il nous jetait un pavé. Les gens deviennent fous. » L’effet de meute ? « L’effet mouton plutôt », corrige-t-elle.

Impossible de savoir l’heure exacte, la jeune CRS est « totalement déconnectée », dans une ambiance saturée de gaz lacrymogène. Mettre ou ne pas mettre le masque ? Un vrai dilemme. « Certains préfèrent faire sans, moi je ne supporte pas le gaz. Mais avec le masque, votre respiration est limitée, et la buée empêche de voir. » Deux de ses collègues, qui ont opéré sans, pour manier les lanceurs de balles de défense 40, ont eu la cornée brûlée.

La nuit commence à tomber quand l’endroit où sont stationnés les fourgons est menacé par les flammes. « Un groupe s’est rendu compte que notre fourgon n’était pas protégé par les CRS, ils ont commencé un énorme caillassage. A ce moment-là, je me suis dit : « Il va falloir que tu t’en sortes. » On a pris une pluie de projectiles, il n’y avait pas de moment d’accalmie. Ils étaient super bien organisés. » Un projectile se fraie un chemin entre le bouclier et la jambière. Elle s’effondre. « J’ai dit à mon binôme que j’étais touchée, il m’entendait mal. Quand il a compris que je n’étais pas bien, ils m’ont extraite de la fumée. J’étais perdue, je respirais le gaz. »

Audrey refuse cependant que le soigneur découpe son pantalon pour jeter un œil à la blessure. Cela aurait signifié pour elle la fin de la journée. Pas question d’abandonner ses collègues. Tout juste passe-t-elle une bombe de froid sous son pantalon. Le spray, actionné trop près, corrode la peau. Qu’importe, elle retourne aux côtés de son binôme, à qui elle cède la gestion du bouclier, incapable de l’appuyer contre sa cuisse.

Les manifestants commencent heureusement à se disperser. Sa compagnie est démobilisée vers 21 heures. Le lendemain, l’aspect de la plaie l’oblige à la signaler. « Ma blessure commençait à faire des cloques. » Écrasement du quadriceps et brûlure au deuxième degré, cinq jours d’arrêt.

Mais c’est moins pour elle que pour ses collègues qu’Audrey semble s’en faire. La compagnie, qui aurait dû être « gelée », selon le jargon policier, après un détachement de deux semaines, a été rappelée pour la journée du 8 décembre. « On sait que la violence va monter d’un cran, et on est épuisés physiquement. »

Le moral n’est pas non plus au beau fixe, notamment avec les accusations de violences policières. « Il faut arrêter de pointer les flics du doigt. Les gens voient une vidéo sur Facebook, sans le contexte, et ils croient qu’ils sont experts du maintien de l’ordre. » Et de cibler les casseurs. « Ils nous visent avec des pavés, des mortiers, des cocktails Molotov… J’en ai vu un prendre les débris de la grille pour en faire un javelot et nous le jeter à la tête. Ils veulent nous tuer. Et nous, on répond avec quoi ? Du gaz qui pique les yeux et des balles en caoutchouc. »

J’ai pratiquement cité tout l’article.

Ces personnes sont des fonctionnaires comme moi. Ils ont fait le choix de se mettre au service de L’État et de la République. Mais quand ils sont appelés à assurer leur mission, sur un théâtre d’opération, ils ne sont pas certains de rentrer en bonne forme le soir, en retournant dans leur famille retrouver leurs enfants, leur compagne ou compagnon.

Que se passerait-il, s’ils n’étaient pas là ?

Le désordre et le chaos !

Oui que se passerait-il si on laissait faire les violents qui ont infiltrés les gilets jaunes et qui ont aussi visiblement sut en entraîner certains ?

Ils prendraient le pouvoir ? Et instaureraient une belle démocratie participative ?

Toute personne qui a une toute petite culture historique sait comment finissent ces émeutes non maîtrisées : un régime autoritaire remplace la République dans ces cas.

C’est grâce à nos forces de maintien de l’ordre que l’Ordre républicain peut se maintenir.

Vouloir en faire des boucs émissaires est indécent.

Les fautes doivent être sanctionnées. Mais quelqu’un de raisonnable peut-il vraiment prétendre que si la quasi-totalité de ces hommes et femmes de devoir et d’abnégation ne maîtrisaient pas leurs actions, il n’y aurait pas un bilan très différent de celui qui est à déplorer.

Leur but est de remplir aussi bien que possible leur mission et comme le dit Audrey : « juste de rentrer en vie chez nous, pour retrouver nos familles ».

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2 réflexions au sujet de « Lundi 10 décembre 2018 »

  • 10 décembre 2018 à 14 h 43 min
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    Comment peut-on en arriver là en France !!! Je conçois qu’il y ait des revendications légitimes chez les gilets jaunes, qu’il y ait à la fois un sentiment de déclassement, de laissés pour compte, d’absence d’avenir et d’une manière plus tangible d’absence de pouvoir d’achat pour une partie non négligeable de la population. Je conçois que certains ne se reconnaissent pas dans le style maladroit affiché par notre jeune Président et les représentants de l’Etat. Mais il y a actuellement un déchainement de violence et de haine que rien ne peut excuser. Pour une fois, il faudrait s’arrêter sur les photos et images diffusées concernant ces deux derniers samedis et s’interroger sur leur sens. Reflètent-elles le droit légitime de manifester pour porter haut des revendications essentielles pour personnes qui battent le pavé ou bien un défoulement invraisemblable et indigne d’une démocratie? La situation de la France justifie t-elle ces scènes d’émeutes et de pillage? Il y a bien une violence disproportionnée car la raison est actuellement abandonnée par tous les acteurs. La situation est très difficile en France pour une partie de la population et il est juste qu’elle exprime son exaspération car elle est oubliée depuis de très nombreuses années de tous nos dirigeants. Mais halte à la démagogie à vouloir toujours excuser ces débordements car la situation de la France ne justifie pas ce déchainement de violence et cette haine, cette ultraviolence et ces envies de meurtre. N’oublions pas que cet été encore, des images nous montraient des êtres humains, prenant des risques insensés pour traversée la méditerranée, qui voyaient en l’Europe et en la France un Eldorado.

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    • 10 décembre 2018 à 16 h 18 min
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      Mon cher André, c’est une évidence que je partage ton analyse

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