Mardi 11 décembre 2018

« Ce n’est pas seulement une question de fiscalité et d’économie qui se pose, c’est de notre système démocratique dont il est question. De la défense de notre modèle social, de la préservation de l’ensemble de notre tissu industriel. »
Bernard Benhamou

J’ai écouté notre jeune président…

Et il me semble qu’après l’avoir entendu, il n’y a que ce chat qui a une attitude raisonnable.

Il faudrait quand même savoir combien cela coute ?

Et où il va trouver l’argent ?

Nos amis allemands qui décrivent les français comme ces personnes qui veulent toujours voyager en première classe avec un billet de seconde classe ne se trompent pas.

Moins d’une heure après l’allocution présidentielle le grand journal <die Frankfurter Allgemeine Zeitung> titrait sur son site en page d’accueil :

Macrons Kehrtwende
La volte-face (ou le demi-tour) de Macron.

Er sei kein Weihnachtsmann, hatte der französische Präsident Emmanuel Macron zuvor gesagt.
Il n’était pas le père Noël, avait déclaré auparavant le président français Emmanuel Macron

Doch fast ein Monat mit teils gewalttätigen Protesten zeigt jetzt Wirkung: Zum 1. Januar gibt es in Frankreich Geldgeschenke.
Mais presque un mois de manifestations, en partie violentes, montre désormais son effet : le 1er janvier, il y aura des cadeaux monétaires en France.

Les allemands ne sont pas très gentils. Il est vrai que notre Président leur avait promis qu’avec lui la France serait gouvernée de manière rigoureuse et arrêterait de creuser la dette.

Je suis un peu dubitatif sur ce qui est annoncé.

A court terme, cela pourra, peut-être, calmer certains, les plus raisonnables des gilets jaunes.

Mais à long terme, qu’en est-il de la transition écologique ? Qu’en est-il des investissements ? Comment faire cela sans creuser davantage la dette.

Toutefois mon intention est de parler d’une autre décision essentielle qui a été prise dans l’Union Européenne et dans laquelle nos amis allemands ne jouent pas le rôle vertueux qu’ils aiment incarner. Ils ont plutôt jouer les peureux et les « courtermistes ».

Ils ont, en effet, lâché la France dans sa volonté de taxer les GAFA.

Parce si les États veulent récupérer de l’argent, il est certain qu’il faut d’abord aller le chercher dans les entreprises très riches, qui gagnent beaucoup d’argents en Europe et paient des impôts ridicules.

Mais l’Allemagne a peur. Peur que Trump taxe en retour les voitures allemandes. Et cela c’est au-dessus de la rigueur et de l’esprit de justice de nos amis issus de la révolution Luthérienne.

Pour illustrer cette situation j’ai trouvé trois articles qui m’ont paru instructifs :

Les Inrocks nous apprennent que selon une estimation de la Commission européenne, les GAFA ne seraient imposés qu’à hauteur de 8,5 % à 10,1 % de leurs profits dans l’Union européenne contre une fourchette de 20,9 % et 23,2 % pour les autres entreprises, dites “classiques”. A titre d’exemple, pour l’année 2017, Amazon aurait ainsi généré 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires en Europe pour un impôt quasi nul.

Et les Inrocks de continuer :

« Alors que les gilets jaunes battent le pavé et réclament plus de justice fiscale, le signe aurait été le bienvenu. Loupé. Le projet de taxe européenne sur les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), et plus largement sur les “services numériques” dont le chiffre d’affaire mondial dépasse 750 millions d’euros (et 50 millions en Europe), a été repoussé aux calendes grecques ce mardi 4 décembre. »

Et le Monde d’écrire :

« Mais cette mesure, qui apparaissait comme un signal important pour l’Union européenne (UE) en instaurant un peu plus de justice fiscale, est déjà largement vidée de sa substance et ne sera soumise à l’approbation des Vingt-Sept qu’en mars 2019. Quant à sa mise en œuvre, en cas d’accord, elle n’interviendra pas avant janvier 2021. Une fois de plus, les égoïsmes nationaux et les règles institutionnelles européennes sont en train de conduire à un immobilisme mortifère. »

C’est le site de Capital qui est le plus didactique :

« Pendant longtemps, le point d’achoppement s’est résumé à une confrontation entre Paris et Berlin. Le gouvernement allemand craint des mesures de rétorsion de la part des États-Unis, qui pourraient augmenter les taxes sur l’importation des voitures allemandes. Finalement, un accord a bien eu lieu le 4 décembre, grâce à une concession clé de la part de la France : la taxe de 3% sur le chiffre d’affaires concernera seulement la vente d’espaces publicitaires alors que l’activité globale était initialement concernée. Au terme d’une haute lutte, Berlin a également obtenu du dispositif qu’il ne s’applique pas avant 2021. […]

Cette concession majeure de la part de Paris réduit considérablement la portée de la taxe. Alors qu’une taxation globale aurait dû rapporter autour de cinq milliards d’euros par an à l’Union européenne, la limitation à l’imposition de la publicité ne remplirait les caisses que de 1,3 milliard, selon les estimations de Bercy. La taxe ne concernerait plus que quasi-exclusivement Google et Facebook, excluant de facto Amazon, Netflix, Microsoft, Uber, etc. qui ne vendent pas d’espaces publicitaires. »

Bien sûr, cette idée de taxation était nouvelle, puisqu’il s’agissait de taxer le chiffre d’affaires. Cette mesure disruptive ne va pas sans créer des problèmes juridiques qui pourraient conduire à une impasse.

« Traditionnellement, il est d’usage de taxer les seuls bénéfices des entreprises. Dans le cadre de la taxation des GAFA, les Européens ont quant à eux décidé de s’attaquer au chiffre d’affaires, afin d’éviter au maximum les techniques d’optimisation fiscale. Cette mesure d’efficacité revient néanmoins à traiter les entreprises du numérique différemment des autres, de manière discriminatoire, sans que cela soit justifié. De quoi fournir des arguments aux géants du Net en vue d’une contestation devant la Cour de justice de l’UE. »

Je passe sur la règle de l’unanimité et les Etats qui comme l’Irlande sont tous dévoués au GAFA pour en venir à un lobbying d’entreprises européennes se sentent solidaires des GAFA.

« On imagine que les géants du Net sont tous américains, mais l’Europe compte également quelques pépites. Les patrons de 16 grandes entreprises numériques européennes (Spotify, Zalando, Booking, Rovio, etc.) ont d’ailleurs écrit fin octobre aux 28 ministres des Finances de l’Union Européenne pour le leur rappeler. « Cette taxe a été conçue pour toucher des sociétés immenses et très profitables, mais il faut réaliser qu’elle aurait un impact bien plus important sur les sociétés européennes, et renforcerait la distorsion de concurrence », ont-ils rédigé dans une lettre que le Financial Times s’est procurée. Ils continuent : « Nous avons encore besoin de la totalité de nos ressources pour continuer à croître, et nos profits sont intégralement réinvestis. Cette taxe priverait nos entreprises d’une source indispensable de capital pour mener la compétition à l’échelle mondiale » Cet appel a visiblement été entendu car seule la publicité est désormais concernée par la taxe.»

Le site des Inrocks nous apprennent que les « Empires » sont à l’œuvre pour empêcher l’Union Européenne d’agir :

« Les Etats-Unis n’ont pas été en reste et ont également pesé de tout leur poids pour qu’une telle taxe n’aboutisse pas. De nombreuses sources diplomatiques attestent ainsi de « pressions directes de l’administration américaine ». « N’oublions pas que l’ambassadeur américain en Allemagne a clairement déclaré que son job était de faire monter l’ensemble des droites dures et eurosceptiques en Europe, complète Bernard Benhamou. On se retrouve dans une situation inédite où les trois grandes puissances mondiales, Etats-Unis, Chine et Russie, se retrouvent quant à l’idée de nuire à l’Europe. Ils ont un intérêt commun à la destruction de l’UE ou du moins, à son affaiblissement » ».

Et il donne la conclusion à Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique (ISN) et ancien diplomate.

« Les GAFA sont aujourd’hui des sociétés qui interviennent tous secteurs confondus, ce ne sont plus seulement des sociétés technologiques. […]

Si on n’est pas capable de montrer les dents face à ces entreprises, ce n’est pas seulement une question de fiscalité et d’économie qui se pose, c’est de notre système démocratique dont il est question. De la défense de notre modèle social, de la préservation de l’ensemble de notre tissu industriel.

Vous savez ce que disent les diplomates américains au sujet de l’Union Européenne ? Ils disent qu’on a créé un animal sans dents. Un animal qui n’a pas les moyens d’être tranchant, qui ne sait pas mordre. Il faut impérativement créer un rapport de force avec ces entreprises. Et cela passe nécessairement par la constitution d’un axe franco-allemand fort. D’une vision commune”. Nul doute que pour y parvenir, la route reste longue. »

« Un animal sans dents ! »

Voilà ce que disent les américains de l’Union Européenne.

Et pour finir, le Monde reparle de notre jeune Président.

«  Le volontarisme tricolore motivé par l’obsession de permettre à Emmanuel Macron de brandir un trophée avant les élections européennes de 2019 a conduit à braquer certains partenaires, qui ont fini par se lasser du ton professoral adopté par Paris. »

Il n’y a pas que les « gilets jaunes » qui sont agacés par une certaine attitude…

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