Cet article est le 11ème de la série consacrée au football. Il me semble amusant de s’arrêter à 11 qui est le nombre de joueurs d’une équipe qui joue un match de football selon les règles prévues.
J’aurais pu aborder encore beaucoup d’autres sujets.
Parce exemple parler de la science du football comme cet article du Monde <Le foot est plus qu’un art c’est une science> qui est accessible aux abonnés et dans lequel on apprend que les deux plus grandes bases de données d’articles scientifiques, Scopus (propriété d’Elsevier) et Web of Science (propriété de Clarivate Analytics), recensent respectivement 20 120 et 18 870 publications avec le terme « soccer » (le nom du football aux Etats-Unis) dans leur titre ou résumé. Le plus vieil article remonte à 1932 dans Scopus, avec une étude sur l’évaluation du foot à l’école.
Et aussi cette vidéo de 3mn qui fait partie d’une série publiée également par <le Monde> et qui révèle que le football est le sport collectif le plus imprévisible. Un économiste David Sally qui a beaucoup étudié ce sujet a pu déterminer que dans le football le favori ne gagne en fin de compte qu’une fois sur deux. C’est presque comme une partie de pile ou face.
Sur les mêmes bases au base ball le favori l’emporte 3 fois sur 5 et au basket 2 fois sur 3. Selon David Sally la raison principale est que le football est un sport où les scores sont faibles. Entre 1901 et 2012, 17% des matches se sont achevés sur le score de 1-0. Et c’est probablement pour cela qu’il faut injecter autant de moyens financiers dans une équipe pour espérer faire diminuer de manière substantielle l’imprévisibilité du résultat.
J’aurais aussi pu évoquer tous ces livres qui ont paru sur le football, ces derniers mois en profitant de l’opportunité de la compétition actuelle qui mobilise tellement de supporters.
Si on va sur le site de la FNAC et qu’on recherche les livres parus en 2018, il en sort des dizaines, dont voici une partie :
Et bien sûr, il y a des livres plus anciens dont j’ai déjà évoqué certains.
J’ai ainsi lu l’ouvrage du philosophe Jean-Claude Michéa : « le plus beau but était une passe ». Ce titre est une des répliques du film que le grand Ken Loach a consacré à Eric Cantona : « Looking for Eric » et c’est la réponse que le footballeur a répliqué à la question : quel était votre plus beau but ?
Dans ce livre, Jean Claude Michéa explique :
« Contrairement aux anciennes forme de domination politique ; qui laissaient généralement subsister en dehors d’elles des pans entiers de la vie individuelle et sociale, le système capitaliste ne peut maintenir son emprise sur les peuples qu’en pliant progressivement à ses lois l’ensemble des institutions, des activités et des manières de vivre qui lui échappaient encore.
Il aurait donc été étonnant qu’un phénomène culturel aussi massif et aussi internationalisé que le football puisse échapper indéfiniment à ce processus de vampirisation. Et, de fait, comme chacun peut le constater aujourd’hui, ce sport est devenu, en quelques décennies, l’un des rouages les plus importants de l’industrie mondiale du divertissement – à la fois source de profits fabuleux et instrument efficace du soft power (puisque c’est ainsi que les théoriciens libéraux de la « gouvernance démocratique mondiale » ont rebaptisé le « vieil opium du peuple ». »
Bref, le football n’est que la continuation de la marchandisation générale du monde.
Même Alain Finkielkraut, qui il est vrai a toujours affirmé son amour du foot, a consacré deux émissions à ce sujet.
Le 9 septembre 2017 « Peut-on encore aimer le football ? », puis le 16 juin 2018 « Football, amour et désamour » où il a invité Vincent Duluc, journaliste de l’équipe et Robert Redeker, écrivain et agrégé de philosophie qui vient de faire paraître un livre « Peut on encore aimer le football ?» qui reprend le titre de la première émission de Finkielkraut et que vous voyez dans les ouvrages reproduits ci-dessus. C’est ce titre que j’ai choisi comme exergue à ce dernier mot du jour de la série.
Dans son livre Robert Redeker écrit
« Que dit-on d’un régime politique qui cadenasse l’information jusqu’à ce qu’elle devienne unidimensionnelle, qui fait en sorte qu’à longueur de page, d’heures d’antenne radio et télédiffusées, le même sujet soit traité avec un constance qui finit par donner la nausée, que la géographie y tienne lieu d’esprit critique, que les intellectuels y soient tellement asservis qu’ils ne trouvent rien de mieux à faire que de s’épancher urbi et orbi en analyses de café des sports dont le premier supporter venu serait capable. Le jugement tombe sans appel : il s’agit d’un régime totalitaire.
Tous les 4 ans, pendant un mois, nos journaux, nos médias, nos intellectuels à travers leur monotonie ressemblent à ceux de l’ex-RDA de sinistre mémoire. Le foot, le foot, et encore le foot . Présence totale qui ne manque pas de rappeler la presse communiste : le parti, le parti, le parti. »
Et puis pour finir vraiment, je voudrais revenir à la visite d’Emmanuel Macron à l’équipe de France de football à Clairefontaine. Pendant cette visite il a eu ce jugement :
«Une compétition est réussie quand elle est gagnée»
Montrant bien que pour lui ce sont les gagnants que l’on doit admirer et honorer.
C’est une philosophie de vie, c’est une morale.
Une morale que je ne partage pas.
Et le football encore m’aide à l’expliquer.
L’équipe de France de 1982 a perdu à Séville contre l’Allemagne. Je crois que tous ceux qui aiment le foot gardent beaucoup d’affection pour cette équipe de perdants.
Et l’équipe de 1986 qui avait battu le champion du monde sortant italien en 1/8ème finale. En ¼ de finale elle a rencontré l’équipe de Brésil de Socratés que j’ai déjà évoqué lors du mot du jour de vendredi. Certains historiens du football disent que ce fut le plus beau match de l’Histoire du football, tous disent que ce fut l’un des plus beaux. Et ce fut l’Argentine qui gagna la coupe du monde, l’Argentine de Maradona qui se qualifia grâce à la tricherie de ce dernier marquant un but avec la main contre l’Angleterre.
L’équipe de France de Platini et l’équipe du Brésil de Socratés furent des équipes de perdants, mais des perdants magnifiques.
Heureusement, M Macron que le monde de nos souvenirs et de nos célébrations n’est pas qu’un monde de gagnants. Il serait beaucoup moins beau, avec moins d’émotion, d’intelligence, de saveur, plus uniforme, plus triste.
« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois… » disait Albert Camus.
C’est avec cette phrase que cette série a débuté…
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