Jeudi 21 juin 2018

« Le calcio florentin »
Autre ancêtre du football

Dans les 3 précédents mots du jour, nous nous situions dans les temps du moyen-âge et de l’antiquité. Peu de sources nous permettaient de décrire avec certitude les règles et les conditions de jeu.

Tel n’est pas le cas du dernier jeu que je présenterai dans ce panorama des jeux de ballon qui ont annoncé le football.

C’est mon butinage et mes lectures récentes qui m’ont fait comprendre que si on nomme le championnat de football italien, « Le calcio » c’est pour des raisons historiques.

Le nom complet est : « Calcio Storico Fiorentino ». Il a été inventé au moyen-âge et s’est épanoui à la Renaissance essentiellement dans la ville de Florence.

<Wikipedia> ramène aussi ce jeu à une filiation avec l’ « harpastum » dont il fut question lors du mot de mardi et qui était pratiqué par les légionnaires de l’Empire romain.

C’est donc un sport collectif florentin de la Renaissance qui avait disparu au cours du XVIIIe siècle, mais qui fut relancé à Florence dans les années 1930.

Cette fois les règles sont beaucoup plus claires puisqu’en 1580, le Comte Jean de Bardi di Vernio écrivit le « Discours sur le jeu de calcio florentin » qui restera sans doute comme la première publication des règles écrites sur le football. Giovanni Bardi, comte de Vernio, (né en 1534 et mort en 1612 à Florence) était un écrivain, compositeur de musique et critique d’art italien de la Renaissance. L’art, le sport, le jeu n’étaient pas incompatibles à Florence.

Donc nous savons que la compétition voit s’affronter deux équipes de 27 joueurs : des gardiens, des attaquants, des tireurs. L’objectif est d’aller marquer une « caccia »: mettre le ballon dans les filets d’en face. Il faut marquer plus de buts que l’adversaire.

Depuis 1930, une compétition opposant 4 quartiers de la ville de Florence est à nouveau organisée. Elle se déroule désormais chaque année à la mi-juin sur la piazza Santa Croce.

Le Nouvel Obs est allé enquêter et explique :

« Il y a une part de tactique. Pour libérer la voie aux tireurs, les attaquants s’affrontent dans des combats en un contre un. Ils peuvent se plaquer ou se taper dessus. C’est un mélange de rugby, de lutte et de boxe. »

Historiquement ce n’est pas comme « le mob football anglais » et la « soule française » un jeu du peuple, mais plutôt de l’aristocratie et de la haute bourgeoisie :

Le livre « Le Dieu football » qui m’accompagne dans cette plongée aux origines écrit :

« Se déroulant sur la place du marché florentine, il était pratiqué par l’aristocratie avec un ballon gonflé. C’était une bataille rude entre deux masses constituées de 27 joueurs : il y avait beaucoup d’os fracturés et de sang. Les parties étaient des célébrations rituelles disputées durant les noces royales ou l’arrivée d’hôtes de marque. Elles avaient lieu sur la merveilleuse place de Santa Croce qui mesure approximativement 90 mètres de long et 45 mètres de large, soit à peu près les dimensions du football d’aujourd’hui. Les joueurs avaient le droit d’utiliser leurs mains et leurs pieds pour faire avancer la balle.

[…] Seuls les membres de la haute société pouvaient y participer, jusqu’à ce que la bourgeoisie aisée permît aux marchands et aux employés de banque d’y jouer. Des costumes riches et colorés, des combats âpres, de nombreux blessés à la fin de la partie, telles étaient les caractéristiques essentielles de ce dur amusement. »

Philippe Villemus ajoute ce jugement que certains des lecteurs d’origine italienne trouveront injuste, voire injustifiable :

« Le football italien d’aujourd’hui, intraitable en défense, en a hérité sa légendaire rugosité ! »

Il semble que ce sport fait partie de l’identité florentine. <Wikipedia> décrit le match le plus célèbre de ce jeu qui a été joué le 17 février 1530 :

«  Les Florentins, profitant du pillage de Rome effectué par les forces armées impériales en 1527, chassèrent les Médicis de leur ville et proclamèrent la création de la République florentine. Cela ne plut pas au pape Clément VII, qui demanda une intervention à l’empereur, qui assiégea donc la ville à partir de l’été 1529.

Les Florentins, quoique affaiblis par le manque de nourriture provoqué par le siège de leur ville, ne renoncèrent pas aux festivités de Carnaval ; ils organisèrent un match sur la piazza Santa Croce qui, de par sa position, était bien visible par les troupes ennemies, campées sur les collines aux alentours. Pour se moquer davantage d’eux, des musiciens jouèrent sur le toit de l’église Santa Croce, de façon à donner aux soldats une idée plus claire du déroulement du jeu. Un boulet fut tiré par les soldats, mais il rata son but, tombant loin de l’église sans faire de dégâts, sous les huées de la foule.

On ne sait pas qui gagna cette partie, probablement parce qu’elle est restée dans la mémoire collective des florentins en tant qu’effort collectif contre l’ennemi et non un vrai match. Malgré le courage démontré par les Florentins, la ville fut contrainte de céder face au siège et de se rendre au pouvoir des Médicis. »

Mais comme les autres ancêtres du football et du rugby et à l’exception notable du « Kemari » japonais évoqué lundi, ce sport était d’une rare violence comme le décrit cet article : « Le Calcio storico : trop petit pour qu’on l’appelle la guerre et trop cruel pour être un jeu »

Vous pouvez aussi voir <cette vidéo> qui présente le calcio florentin.

On constate donc bien que le monde moderne est moins violent physiquement que le monde ancien comme plusieurs penseurs qui ont été cité dans les mots du jour l’ont relaté.

Après cela, et tout le monde le sait, ce furent les anglais qui inventèrent le football moderne

Le 26 octobre 1863, des représentants des divers clubs anglais se réunirent à la taverne des francs-maçons. Ils adoptèrent les règles de Cambridge et fondèrent la Football Association (FA). En décembre, les tenants du rugby se séparèrent.

Et la Fédération internationale de football association (désignée par l’acronyme FIFA) fut fondée le 21 mai 1904 à Paris.

Il est vrai que les anglais inventèrent la plupart des jeux collectifs modernes, alors que les français inventèrent les compétitions sportives.

Ainsi si Pierre de Coubertin fut à l’origine des jeux olympiques modernes, c’est aussi un français Jules Rimet, président de la fédération internationale de 1920 à 1954 qui créa en 1924 la Coupe du monde, dont le premier tournoi eut lieu en Uruguay qui gagna la compétition.

La coupe remis au vainqueur pris d’ailleurs le nom de Coupe Jules Rimet. Une règle traditionnelle à l’époque fixait que la nation qui gagnerait trois fois la compétition conserverait définitivement le trophée. C’est ce qui arriva en 1970 et le Brésil après cette victoire et celles de 1958 et 1962 est désormais propriétaire de ce trophée qui a été remplacé par l’actuel en 1974. La règle consécutive à trois victoires n’existe plus.

<Le ballon d’or> qui récompense chaque année le meilleur footballeur jouant en Europe est aussi une invention française : c’est le journal France Football qui le créa en 1956.

Ainsi va la rivalité entre les français et les anglais.

L’emblématique capitaine de l’équipe française de rugby des années 80, Jean-Pierre Rives aurait dit :

« Pour intéresser les anglais à la guerre, il faut leur expliquer que c’est du sport, pour intéresser les français au sport il faut leur dire que c’est la guerre ».

Demain nous reviendrons au football actuel et y porterons le regard critique de François Ruffin.

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Une réflexion au sujet de « Jeudi 21 juin 2018 »

  • 22 juin 2018 à 8 h 16 min
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    La violence existe toujours mais elle semble avoir migré vers les tribunes

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