Liverpool est avec Manchester United le plus grand club de football anglais.
Bill Shankly (1913-1981) fut un de ses plus célèbres entraineurs.
Il était connu pour ses aphorismes sur le football :
«Quand vous êtes premier, vous êtes premier. Quand vous êtes deuxième, vous n’êtes rien.»
«Dans un club de foot, il y a une sainte trinité: les joueurs, les entraîneurs, les supporters. Les dirigeants ne sont là que pour signer des chèques.»
« La pression, c’est travailler à la mine. La pression, c’est être au chômage. La pression, c’est essayer d’éviter de se faire virer pour 50 shillings par semaine. Cela n’a rien à voir avec la Coupe d’Europe ou la finale de la Cup. Ça, c’est la récompense ! »
Mais il semble que pour les véritables passionnés de football en Angleterre la phrase la plus célèbre concernant le football est celle mise en exergue.
Il semble que la phrase exacte serait celle-ci :
«Certaines personnes pensent que le football est une question de vie ou de mort. Je n’aime pas cette attitude. Je peux leur assurer que c’est beaucoup plus sérieux que cela.»
Un article de Slate du 31 août 2013 fait l’histoire de cette phrase et raconte :
« Finalement, la version la plus facilement trouvable de la phrase a été prononcée par Shankly en avril 1981, six mois avant sa mort, lors d’une interview pour la chaîne de télévision Granada TV : »
«Tout ce que j’ai, je le dois au football. Vous obtenez seulement de ce jeu ce que vous y investissez. Je m’y suis donc jeté corps et âme, à tel point que ma famille en a souffert.
– Avez-vous le moindre regret?
– Je le regrette beaucoup. Quelqu’un m’a un jour dit: « Pour vous, le football est une question de vie et de mort. ». J’ai répondu: « Ecoutez, c’est bien plus important que cela. » Et ma famille en a souffert, elle a été négligée.»
Il semblerait selon l’article que cette phrase a en réalité pour origine des entraineurs américains de football américain.
Mais le journaliste de Slate Jean-Marie Pottier analyse de manière plus approfondie le sens de cette phrase :
« Reste le principal débat: celui sur le sens de cette citation. Depuis la mort de son auteur, elle a souvent été réfutée: comment le football pourrait-il être encore plus important que la vie et la mort? Plus important que la vie d’un joueur, que le meurtre d’un arbitre, qu’une guerre, que le 11-Septembre?
L’aphorisme paraissait d’autant plus décalé [que] deux autres coachs mythiques de l’époque, Matt Busby et Jock Stein (qui lui ont été associés dans un beau documentaire) ont vu le foot les meurtrir dans leur chair: le premier a été grièvement blessé dans la catastrophe aérienne de Munich, en 1958, le second est mort d’une crise cardiaque sur le banc, lors d’un match qualificatif pour la Coupe du monde en 1985.
Quant au club de Liverpool, il fut, après la mort de Shankly, au cœur des deux grands drames du football des années 80: le Heysel en 1985 (39 morts à la suite d’une charge de supporters anglais sur une tribune) et Hillsborough en 1989 (96 morts dans un mouvement de foule). Dans son autobiographie, l’ailier des Reds John Barnes jugeait que cette dernière catastrophe faisait sonner la phrase de Shankly «encore plus faux»:
Les évènements du 15 avril 1989 à Hillsborough m’ont fait réaliser ce qui est vraiment important dans la vie. […] Le football a perdu sa signification obsessionnelle; il n’avait pas à être tout et l’aboutissement de tout. Comment pouvait-il l’être quand 96 personnes sont mortes, quand des parents ont perdu un enfant et des enfants un parent? La phrase de Bill Shankly selon laquelle « le football n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus important que cela » sonnait encore plus faux après Hillsborough. Le football est un jeu, une quête glorieuse, mais comment pourrait-il être plus important que la vie elle-même?»
Barnes n’est pas le seul à s’être servi de la phrase de Shankly comme d’un repoussoir: elle est régulièrement citée par les journalistes dès qu’un problème de violence envahit le football. Mais sans doute l’ont-ils comprise de travers: son auteur n’a pas asséné que «le football n’est pas qu’une question de vie ou de mort», mais «n’est pas une question».
Nuance de taille. Au Heysel comme à Hillsborough, le football était justement devenu une question de vie ou de mort, et rien d’autre, rendant le jeu dérisoire: des gens y sont passés de la vie à la mort lors d’un match de football. La phrase de Shankly, elle, écarte ce moment où l’on bascule entre vie et mort (voire entre victoire et défaite: il est d’ailleurs l’entraîneur le plus célèbre de Liverpool alors que c’est pourtant son successeur qui a de loin le palmarès le plus fourni) au profit de tout le reste.
De la façon, «bien plus importante», dont le football occupe une vie entière, au quotidien, dans les moments les plus intimes et infimes. Jour après jour, entraînement après entraînement, match après match, saison après saison.
Dans sa fameuse interview de 1981, Shankly, socialiste convaincu, échangeait ainsi sur sa vision du football avec l’ancien Premier ministre travailliste Harold Wilson:
«WILSON: C’est une religion aussi, n’est-ce pas?
SHANKLY: Je le pense, oui.
WILSON: Une façon de vivre.
SHANKLY: C’est une bonne expression, Sir Harold. Une façon de vivre. Tellement important que cela en devient incroyable.»
Le football n’est donc en effet pas une question de vie ou de mort. Lorsqu’il devient question de mort, il devient dérisoire.
Mais pour beaucoup c’est une question essentielle qui occupe tout l’espace de la vie disponible.
On peut certes juger cela excessif, déraisonnable mais cela correspond au quotidien d’un grand nombre de personnes et notamment des supporters des clubs anglais : Manchester United, Liverpool, Arsenal, Chelsea…
On dit toujours qu’un anglais quand il se présente ne parle pas comme un français du métier qu’il exerce mais du club de football dont il est le supporter.
Je ne juge pas, je constate.
Le football est quelque chose de très important pour un grand nombre de personnes.
En montant sur un piédestal et en me réfugiant derrière ma prétention d’obsession intellectuelle et artistique je dirais : « Le football occupe leurs journées, mais ne la remplit pas».
Mais en descendant de ce piédestal et en redevenant humble, comme il sied à quelqu’un qui a la tentation de comprendre le monde, je dois reconnaître que : « Le football remplit leurs journées ».
Et qui suis-je pour juger ?
Même si je peux éprouver un regret, en constatant comme Eduardo Galeano que derrière cette passion dévorante de gens que je ne permets pas de juger, des personnes cupides tirent les ficelles et profitent de l’importance que le football représente dans la vie de ces passionnés pour en tirer des profits indécents.
Vous voyez ci-dessus la porte du stade de Liverpool qui a pour nom « Shankly Gate »
Cette porte est surmontée du titre du chant que les supporters de Liverpool entonnent pour encourager leur équipe : « You’ll never walk alone ».
Derrière <ce lien> vous trouverez une des nombreuses vidéo qui vous montrent le peuple des supporters d’Anfield chanter leur hymne.
Ces supporters communient ensemble et son unis par une cause qui les dépasse.
Exactement comme une communauté religieuse rassemblée par une ferveur mystique.
La vidéo n’est certainement qu’un pâle reflet de ce qui se vit et se passe dans le stade.
En tout cas cela explique mieux que par des mots ce que j’ai écrit ci-avant.
<1089>
Ce que l’on peut constater à minima c’est qu’il y a une corrélation entre les lieux d’enthousiasme populaire les plus forts et le niveau de misère sociale.
Sans doute un moyen de retrouver une identité et une fierté