Vendredi 11 mai 2018

« Heb’di »
« Accroche-toi », journal alsacien qui a mis en ligne l’échange entre le Samu de Strasbourg et Naomi Musenga

A moins que vous ayez décidé de vous isoler de toutes informations et de tous médias, il n’est pas possible que vous ignoriez le destin tragique de Naomi Musenga qui a appelé le Samu de Strasbourg en se sentant mourir et qui au lieu d’être prise en charge, a fait l’objet de moqueries au téléphone et a été abandonnée à son sort. Quand quelques heures plus tard elle a enfin été amenée à l’hôpital public, elle est morte d’une hémorragie interne.

Avant de continuer, une photo, tant il est vrai que lorsqu’on voit une image de cette jeune femme rayonnante, on perçoit une part encore plus grande d’empathie.

Ce drame a eu lieu le vendredi 29 décembre 2017, et on n’en parle qu’aujourd’hui, 6 mois après !

Le journal « LE MONDE » publie un communiqué des hôpitaux Universitaires de Strasbourg le 3 mai 2018 dans lequel on peut lire :

« La Direction générale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg a pris connaissance vendredi 27 avril, d’un article paru dans le journal Heb’di, relatif aux conditions de traitement d’un appel réceptionné au SAMU 67.

Avant toute chose, les HUS s’associent à la peine de la famille et des proches de la patiente et leur présentent leurs sincères condoléances.

Les HUS diligentent dans la foulée une enquête administrative destinée à faire toute la lumière sur les faits relatés dans l’article »

Car c’est bien un tout petit journal alsacien, lanceur d’alerte, qui a eu de la compassion et a fait confiance à la famille de Naomi Musenga pour faire éclater cette histoire 6 mois après les faits.

Aujourd’hui tout le monde s’émeut de cette histoire, mais au-delà du dérapage de deux opératrices (la première des sapeurs-pompiers qui passe la communication à l’opératrice du samu) plante un décor de suspicion et de moquerie :

 « Elle m’a dit qu’elle ‘va mourir’. Elle a 22 ans, elle a des douleurs au ventre, (…) elle a de la fièvre, et ‘elle va mourir’ « ,

Tout cela dit sur un ton manifestement incrédule et la seconde opératrice va continuer dans ce sens.

J’ai découvert l’existence, le rôle et aussi les difficultés de ce petit journal Hebdi par la revue de presse de France Inter du 9 mai 2018 qui va un peu plus loin dans l’interrogation :

« Naomi Musenga qui appelait le Samu de Strasbourg  le 29 décembre dernier parce qu’elle se sentait mourir, et elle est morte effectivement, après avoir été moquée et retardée par l’opératrice de la plateforme d’urgence…

« Le scandale qui secoue le Samu » est la Une du Parisien, qui rappelle que Naomi n’est pas seule à avoir été maltraitée en urgence, Thomas en témoigne qui fut amputé de la jambe droite après avoir été invité à réduire lui-même sa fracture avant d’aller à l’hôpital.

Mais pour que toute cette compréhension nous arrive, il a fallu d’abord que l’on entende la voix de Naomi parlant  au Samu,  et il a fallu qu’un journal le publie en premier… Il s’appelle Heb’di, ce qui est un jeu de mots, heb’di signifie accroche-toi en alsacien…  Journal impoli, de dessins caustiques et de papiers fâchés, et un mensuel qui dans sa dernière édition dénonçait l’agonie d’un centre anti cancer à Strasbourg… Heb’di avait mis en ligne l’enregistrement de Naomi le 27 avril… Il a fallu plus de dix jours que le scoop des dissidents devienne un scandale confirmé et authentifié par les media légitimes…

Mais qui est légitime? Heb’di est  porté par son fondateur Thierry Hans… Un ancien électricien passé à la presse parce que les journaux qu’il lisait ne le satisfaisaient pas… il a lancé Heb’di en autoentrepreneur et le maintient en dépit des banques…  Il a raconté tout cela sur un site, capital investissement, consacré aux PME…   Car Heb’di ne va pas bien et pétitionne pour vivre, il reste 75 jours pour sauver le journal qui nous a fait connaitre l’agonie de Naomi…

Et c’est donc une histoire de journalisme aussi que l’on raconte ce matin, quand les grands journaux veulent éclairer l’inquiétante obscurité de la planète… »

C’est donc Heb’di qui sur <cette page> va publier l’enregistrement audio et va révéler cette affaire incroyable :

« Le 29 décembre 2017, 11 heures. Prise de très fortes douleurs, Naomi, à bout de force appelle le SAMU de Strasbourg.

Comme l’indique l’enregistrement les deux opératrices, manifestement de bonne humeur, ricanent. Elles ont un comportement étonnant, moqueur voire méchant.

Elles ne donnent pas suite à la demande d’assistance de la jeune femme, qui est renvoyée vers SOS-Médecins….

La jeune femme de 22 ans arrivera à contacter SOS-Médecins, qui demande… au SAMU d’intervenir !

À l’arrivée des secouristes, Naomi est consciente mais son état se dégrade fortement. Son rythme cardiaque baisse de façon inquiétante lors du transfert aux urgences du Nouvel Hôpital Civil (NHC) de Strasbourg.

Sur place, la jeune maman passe rapidement un scanner, lors duquel elle présente un arrêt cardiaque. Dix minutes de massage cardiaque seront nécessaires. Elle est transférée au service de réanimation où elle décède à 17h30.

Une autopsie sera pratiquée 5 jours après sur un corps « en état de putréfaction avancée ». La cause annoncée est une défaillance multi-viscérale : un ensemble de symptômes comprenant des difficultés très importantes de l’appareil pulmonaire (du type détresse respiratoire) associés à une insuffisance de fonctionnement de plusieurs organes comme le cœur ou le système nerveux. Les rapports médicaux et d’autopsie n’indiquent pas les origines de cette défaillance multi-viscérale.

La famille de Naomi souhaite connaître les réelles causes du décès et savoir si une intervention directe du SAMU aurait pu sauver Naomi. Le procureur a été saisi.

Naomi devait fêter son vingt-troisième anniversaire le premier avril. Sa fille aura deux ans en juillet.

Nous avons contacté les services du SAMU de Strasbourg .

Il nous a été demandé de faire une demande écrite par mail et, à ce jour, nous n’avons reçu aucune réponse. »

Aujourd’hui selon les propos de différentes autorités du SAMU et de la Santé, l’opératrice a commis une faute professionnelle en ne faisant pas appel à un médecin régulateur.

Ainsi on peut lire sur site de <France Info> :

« Christophe Gautier, directeur général des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, a indiqué que l’enquête s’achemine « vers un élément de faute personnelle » […] Dans les premiers éléments que nous avons pu mettre en avant, il m’est apparu que la présomption d’une faute grave de manquement à une procédure avait été constatée. Cela m’a conduit à prendre la décision de suspension à titre conservatoire, qui ne préjuge pas des conclusions définitives, mais qui est nécessaire dans le contexte de ce drame. »

Et sur <cette autre page> de France Info on peut lire

Les propos qui sont tenus par l’opératrice du Samu ne sont « pas acceptables », confirme François Braun, président de Samu-Urgences de France, sur franceinfo. Selon lui, l’opératrice n’avait pas à prendre seule la décision de rediriger Naomi vers SOS Médecins. « Ce qui est encore moins acceptable, poursuit-il, c’est que normalement tout appel est transmis à un médecin régulateur. C’est ce médecin qui prend les décisions après un interrogatoire médical et, dans ce cas, l’appel n’a pas été transmis au médecin. Ce n’est absolument pas la procédure. Ce n’est absolument pas ce que l’on apprend à nos opératrices. On ne demande pas aux gens de rappeler, on le fait nous-mêmes et on transmet l’appel éventuellement à un autre service. »

Mais au-delà de cette faute,

  • Comment se fait-il que l’autopsie ait été si tardive ?
  • Comment est-il possible qu’il n’y ait pas immédiatement d’enquête interne pour comprendre ce qui s’est passé ?

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a insisté ce jeudi sur France Info :

« Quand il y a un événement indésirable grave qui aboutit au décès, on doit obligatoirement en référer à l’Agence régionale de santé (ARS) qui doit mener une enquête, voire le faire remonter au ministère. » Or, suite à la mort de la jeune femme, l’ARS n’a rien reçu. »

C’est finalement la famille qui a obtenu après de nombreuses démarches l’enregistrement du SAMU et c’est ce petit journal HEB’DI qui a relayé l’information et non les grands journaux alsaciens « Les dernières nouvelles d’Alsace » ou « L’Alsace » qui ont d’ailleurs publiés l’information encore beaucoup plus tardivement que les autres journaux nationaux qui n’avait pas été rapide (10 jours !) comme s’en étonnait le journaliste de la Revue de Presse de France Inter.

C’est pourquoi, il est important qu’il existe des journaux indépendants, des journaux lanceurs d’Alerte.

Vous pouvez, comme moi, faire un don pour que ce journal puisse continuer à vivre et à agir contre l’indifférence et chaque fois que les institutions et les autres médias sont aveugles, sourds, fainéants ou peut être pire, complice…


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Mercredi 4 avril 2018

« La hausse de la morbidité et de la mortalité des Américains blancs non hispaniques à mi-vie au XXIe siècle.»
Anne Case et Angus Deaton

Plusieurs intellectuels ont souligné ce phénomène régressif aux Etats-Unis : l’augmentation de la mortalité d’une certaine partie de la population des Etats-Unis.

Deux articles du journal « Les Echos » ont attiré mon attention :

Ces deux articles renvoient vers un article américain de 2015 d’un couple de professeurs de Princeton Anne Case et Angus Deaton : « La hausse de la morbidité et de la mortalité des Américains blancs non hispaniques à mi-vie au XXIe siècle »

Angus Deaton avait obtenu le Prix Nobel d’Economie de 2015. C’est un spécialiste de la consommation, la pauvreté, le développement et la mesure du bien-être

Cet article avait été commenté par Sylvie Kauffmann dans le Monde : « La vague de morts de désespérance a continué de déferler sur l’Amérique blanche »

Vous disposez ainsi de toutes mes sources…

Le point de départ est que parmi les pays développés, les Etats-Unis se singularisent par un phénomène surprenant : une hausse de la mortalité à des âges intermédiaires depuis le tournant du millénaire, hausse suffisamment importante pour affecter négativement l’espérance de vie.

Beaucoup font le rapprochement entre cette évolution et une autre particulièrement marquée aux Etats-Unis : le niveau élevé et en progression continue de l’inégalité des revenus.

Anne Case et Angus Deaton font remarquer que cette évolution touche une partie précise de la population : des Blancs âgés de 45 à 54 ans dont l’éducation ne dépasse pas le secondaire.

La mortalité se situe autour de 400 pour cent mille et augmente régulièrement depuis la fin des années 1990. Case et Deaton font marquer qu’à tout âge, la mortalité poursuit sa diminution séculaire pour les populations afro-américaines et hispaniques et pour les personnes disposant d’un niveau supérieur d’éducation. Il ne s’agit donc pas d’un effet direct de revenu puisque les Noirs et les Hispaniques ont connu les mêmes chocs économiques que les Blancs moins éduqués.

D’ailleurs, dans tous les autres pays riches, au contraire, le taux de mortalité de cette population diminue et se situe aujourd’hui entre 200 et 300 pour cent mille, notamment grâce aux progrès de la lutte contre le cancer et les maladies cardio-vasculaires. Dans les années 1990, elles étaient de 30 pour cent mille en Amérique contre 60 en France ; elles sont maintenant de 80 pour cent mille contre 45 en France.

Case et Deaton émettent l’hypothèse que « La hausse de la mortalité se doit principalement à une augmentation des décès qualifiés de mort par désespoir ». Les causes de décès sont le suicide, l’alcoolisme et la drogue.

Thomas Philippon évoque le fonctionnement du système de santé et la surprescription d’opioïdes. Cette surprescription est en partie responsable d’une épidémie pire que celle du crack des années 1980. La mortalité due au crack était de 2 pour cent mille, celle due aux opioïdes dépassent 10 et atteint 40 pour cent mille en Virginie-Occidentale. Certes, les morts de désespoir existaient avant l’introduction de lOxyContin, mais les opioïdes ont dramatiquement accéléré le processus. « La participation au marché du travail a plus chuté dans les régions où la sur-prescription d’opioïdes est plus forte »

François Bourguignon est plus précis sur les raisons profondes de ce phénomène tel que l’analyse Case et Deaton :

« Ce n’est pas l’inégalité croissante des revenus mesurée en chaque point du temps qui est cause de la hausse de la mortalité, mais plus probablement une modification de la distribution des perspectives professionnelles et sociales d’une génération à une autre, elle-même possiblement le résultat de la mondialisation et du changement technique. »

Et François Bourguignon conclut son article de la manière suivante :

« Dans ce cadre intergénérationnel, l’analyse statistique révèle un facteur évolutif commun à la progression des suicides, de l’alcoolisme, de certaines affections physiques, notamment les douleurs articulaires et les sciatiques, des dépressions, de l’isolement familial, mais aussi, et surtout, au retrait du marché du travail et à la baisse des salaires non-qualifiés. […] Au total, Case et Deaton voient cet ensemble de phénomènes comme l’expression de l’effondrement au début des années 1970 de la classe ouvrière américaine, alors à son apogée.

Ils ont probablement raison et l’on ne peut s’empêcher de rapprocher cette conclusion du populisme de Donald Trump clamant sa volonté de rapatrier l’industrie américaine et ses « jobs » disparus. Il a réussi à convaincre une large part de la classe ouvrière par ce discours. Mais, bien sûr, ces jobs ne reviendront pas.

Alan Krueger a récemment analysé le déclin de la participation sur le marché du travail américain. Le taux de participation, qui était de 67,3 % en 2000, est tombé à 62,4 % en 2015. Parmi les pays de l’OCDE, seule l’Italie a un taux de participation plus faible que celui des Etats-Unis. Si l’on se penche sur les hommes en âge de travailler mais qui sont sans emploi, on observe que la moitié d’entre eux prend tous les jours des médicaments contre la douleur.

Globalement, la participation au marché du travail a plus chuté dans les régions où la surprescription d’opioïdes est plus forte. Chez les femmes, la participation a cessé d’augmenter et stagne à un niveau plus faible que dans les autres pays développés. La crise du travail et l’épidémie d’opioïdes s’entremêlent.

On s’aperçoit aujourd’hui de la difficulté immense à faire machine arrière. Confrontées à la crise sanitaire, les autorités ont limité l’accès aux opioïdes. Mais ces restrictions ont poussé les usagers à se tourner vers d’autres drogues. On estime que plus d’un demi-million d’Américains sont accros à l’héroïne et que 80 % d’entre eux ont commencé par abuser des opioïdes. De fait, des chercheurs ont pu relier l’augmentation spectaculaire des overdoses par héroïne aux restrictions imposées sur l’OxyContin.

Et la cerise sur le gâteau empoisonné s’appelle fentanyl, un opioïde de synthèse beaucoup plus puissant que la morphine, souvent mélangé avec l’héroïne. Les overdoses par fentanyl ont augmenté de 540 % depuis 2015, dont celle du chanteur Prince en 2016. Un kilogramme de fentanyl s’achète entre 3.000 et 5.000 dollars en Chine, transite par le Mexique et se revend pour 1,5 million de dollars. Dans ces conditions, briser le cercle vicieux est très difficile.

La leçon politique est claire : surtout ne pas mettre le doigt dans l’engrenage. Les pays européens sont mieux protégés par leurs traditions sociales et leurs systèmes de santé, mais la vigilance est indispensable. »

Que retenir de tous ces éléments ?

Que dans une société de consommation et du travail être privé ou se sentir privé d’utilité sociale est une cause de désespoir. La société de consommation a encore une solution à proposer à ce désespoir : des drogues et des médicaments.

Ce sont les blancs qui avaient été habitués à dominer le monde, même par procuration d’autres blancs plus fortunés pour qui cette situation est la plus pénible.

Dans ce cadre, l’élection de Trump par ces catégories de blancs n’est pas un accident mais une conséquence logique d’un système social à la dérive et d’un individualisme forcené.

Mais les électeurs de Trump sont-ils conscients de la part que l’individualisme libéral joue dans leur malheur ?

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Lundi 19 mars 2018

«Un sentiment de lassitude et de souffrance » »
Martin Hirsch directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, parlant des personnels hospitaliers

Vous trouverez en commentaire le témoignage de Florence qui apporte la réalité du vécu à cet article issu du travail de journalistes

Dans le journal le Monde du 17/03/2018 j’ai lu un article : « Les urgences hospitalières confrontées à une surchauffe inhabituelle sur l’ensemble du territoire »

Et voici ce que j’ai lu :

« Confrontées à un afflux de patients âgés et à un manque de lits d’hospitalisation, les urgences explosent.

Selon des chiffres fournis par le ministère de la santé vendredi 16 mars, 97 hôpitaux sur les 650 – publics ou privés – comportant une structure d’urgences avaient, au 13 mars, activé le plan « hôpital en tension », un dispositif qui permet notamment de libérer des lits dans les différents services en reportant des opérations programmées. Une saturation inhabituelle à cette époque de l’année.

Depuis le début du mois, dans les services d’urgences adultes des établissements de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), le taux d’occupation est aussi en augmentation, selon l’heure de la journée, de 15 % à 25 % par rapport au taux moyen en 2016, soit « pratiquement le niveau observé au pic des épidémies hivernales ». Par comparaison, ces deux dernières années, le taux d’occupation en mars était proche du taux moyen annuel (soit + 5 % environ).

Un autre indicateur a également viré au rouge : le nombre de passages de personnes de plus de 75 ans dans les hôpitaux de l’AP-HP a enregistré ces sept derniers jours des hausses comprises entre 8 % et 20 % par rapport à la même période l’année dernière. Dans un prestigieux hôpital parisien, un médecin urgentiste explique avoir été ce mois-ci « en situation de crise permanente ». « Nous n’avons plus de salle d’examen disponible et nous examinons donc les patients dans les couloirs », raconte-t-il sous le couvert de l’anonymat.

Le phénomène touche toute la France. « On a l’impression de revivre la canicule de 2003, témoigne Pierre Mardegan, le responsable des urgences à l’hôpital de Montauban. Devoir hospitaliser entre 25 et 30 personnes âgées par jour, je n’ai jamais connu ça en vingt ans d’exercice. » Signe de la gravité de la crise, au centre hospitalier de Bourges, il a été expressément demandé aux habitants « de ne venir aux urgences qu’en cas de nécessité absolue ».

A Strasbourg, les syndicats FO et CFTC ont dénoncé une situation « extrêmement critique » et ont lancé un appel à la grève à partir du 20 mars.

« Depuis une semaine, c’est la catastrophe », assure Mathias Wargon, le chef des urgences de l’hôpital Delafontaine, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). « On ne prend pas de risque vital avec les patients, mais ce n’est pas de la bonne médecine », regrette-t-il.

« Ça craque de partout, l’hôpital est en train de s’écrouler », juge Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France et membre de la CGT.

« Cette situation est le signe que le modèle hospitalier est au bout du bout et qu’il doit se réorganiser », abonde François Braun, le président de Samu-Urgences de France. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, son organisation a mis en place un dispositif de comptage quotidien – sur la base du volontariat – du nombre de personnes admises aux urgences ne trouvant pas de lits d’hospitalisation.

Le résultat est édifiant : entre le 10 janvier et le 9 mars, sur une centaine de services d’urgences (sur un total de 650), plus de 15 000 patients ont passé la nuit sur un brancard, faute de lit d’hospitalisation. « En extrapolant à tous les services, cela représente près de 100 000 patients en deux mois », précise M. Braun. Cette surcharge « entraîne une augmentation de la mortalité de 9 % pour tous les patients et de 30 % pour les patients les plus graves », affirme Samu-Urgences de France, dans un communiqué. La médiatisation de décès survenus ces derniers jours dans plusieurs services d’urgences saturés ont d’ailleurs mis en lumière la situation de crise dans ces hôpitaux. A Reims et à Rennes, des enquêtes judiciaires ont même été ouvertes.

A quoi attribuer cette fréquentation inhabituelle ? La direction de l’AP-HP fait valoir que « ces derniers jours, l’épidémie de grippe saisonnière, marquée par une proportion plus importante de souche virale B, impacte davantage la population âgée, ce qui a entraîné une augmentation des hospitalisations pour pathologies respiratoires ».

L’hypothèse d’un effet grippe ne suffit pas aux urgentistes. « Le pic de l’épidémie était mi-janvier », assure M. Braun. « On est en dehors de tout épisode épidémique, la situation n’est donc pas liée uniquement à cela », complète M. Mardegan, à Montauban. Pour ces médecins, un tel degré d’engorgement est d’abord la conséquence de toute une série de « dysfonctionnements » de l’hôpital. Alors que la population est vieillissante et que les médecins de ville sont de moins en moins nombreux et accessibles, ils font valoir que l’hôpital ne s’est pas réorganisé en conséquence et ne dispose pas de suffisamment de lits d’hospitalisation générale pour accueillir des personnes âgées polypathologiques. »

Frédéric Pommier qui a consacré une grande partie de sa revue de presse de dimanche à ce sujet, a commenté : « Les services des urgences sont donc au bord de l’explosion, et les hôpitaux parisiens sont à bout de souffle eux-aussi. Le personnel soignant, comme les chefs de service dénoncent un manque de moyens. »

Et Martin Hirsch, le directeur de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris reconnaît lui-même dans le même journal « un sentiment de lassitude et de souffrance ». Il appelle à une transformation profonde de l’hôpital. Sachant qu’on est sans doute au-delà de la lassitude.

Et puis le Monde a publié un autre article : <« Ras-le-bol », « découragement », « perte de sens » : le malaise de l’AP-HP>

On lit :

L’hôpital public, pour elle, c’est terminé. A la fin du mois, après douze années comme infirmière de bloc opératoire dans un hôpital de la banlieue parisienne de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Agathe (tous les prénoms ont été modifiés) va raccrocher la blouse. A 43 ans, elle se dit « fatiguée » et « triste » d’avoir dû se résoudre à ce choix. Il y a huit ans, le service d’obstétrique où elle travaille effectuait 2 800 accouchements par an. Il en fait aujourd’hui 900 de plus, à effectif constant. « Ils ont fait de notre service une usine, raconte-t-elle. On nous presse, on nous stresse, on nous demande du rendement… La chef de service nous rappelle constamment que, si on ne fait pas tel chiffre d’activité, on nous réduira les postes… »

A quelques kilomètres de là, dans un établissement parisien de l’AP-HP, Pascale, une aide-soignante de 35 ans, songe, elle aussi, parfois, à démissionner. Elle dénonce l’évolution « négative et dangereuse » du métier qu’elle exerce depuis treize ans. « Pour payer mes études, j’avais bossé à McDo. Toute la journée, on entendait : « On y va ! On y va ! » J’ai retrouvé ça au bloc ces dernières années. On n’a plus le temps de discuter avec les patients angoissés avant une opération… »

Et pendant ce temps, où les infirmières n’ont plus le temps de s’occuper vraiment des malades, de leur parler, de les toucher, bref exprimer de l’humanité, les scientifiques nous disent :

«  Des études de plus en plus nombreuses prouvent les bienfaits du contact corporel.
La dernière en date publiée la semaine dernière dans la revue PNAS a étudié les effets analgésiques induits par le toucher. […]

Parce qu’on sait à quel point le lien tactile est important dans les interactions entre les humains. Le toucher pouvant diminuer le stress et l’anxiété et renforcer l’attachement à tous les âges de la vie.
C’est le cas bien sûr entre le bébé et sa maman avec les effets du « peau à peau » qui sont bien connus mais aussi chez les personnes âgées dont le corps est pourtant souvent repoussé et mis à distance. Des études ont montré que le toucher faisait baisser la peur et l’angoisse de la mort chez des patients en fin de vie.

Le philosophe du corps Bernard Andrieu regrette cette perte du lien tactile dans nos sociétés.

Il observe que le toucher et ce besoin d’être touché, disparaissent au profit du virtuel et de l’immatériel. Et il nous invite sans tarder à une reconquête sensorielle pour découvrir ces pouvoirs immenses. »

Ces informations vous les trouverez dans cette émission : <le pouvoir du toucher> dans la chronique de Mathieu Vidard du 15 mars 2018.

Une émission de Mathieu Vidard plus ancienne, de 2016, expliquait tout cela plus longuement <La tête au carré du 3 février 2016>. Et il suggérait :

« Le toucher pourrait bien être celui de nos cinq sens qui nous connecte le plus directement à nos semblables. »

A force de rendement, de compétition, de productivité nous allons vers plus d’inhumanité.

Dans le mot du jour qui parlait des abeilles qui pollinise avant de produire du miel, Yann Moulier Boutang rappelait :

« Qu’est-ce que fait l’humain principalement ? Un output marchand à partir de marchandise ?
Non ! il produit essentiellement du vivant à partir du vivant.

L’humain ne fait pas que se reproduire, il met au monde des enfants mais qu’il élève et en cela il crée quelque chose de nouveau !

Il produit son environnement, il produit des relations, il produit du lien etc.

Mais pour des humains, en dehors des sociologues qui faisait de grandes déclarations qui disaient « le lien social c’est important », les assistantes sociales qui disaient « il ne faut pas couper dans les dépenses publiques », « il ne faut pas couper dans l’éducation parce que c’est la base de la société, parce que c’est la richesse de la société ». Parce que c’est aussi la possibilité pour les entreprises de ne pas avoir des employés qui sont totalement malades ou totalement handicapés sur tous les plans. »

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Mardi 27 février 2018

«Nous avons été de la viande à charbon. »
François Dosso, porte-parole de la cellule maladies professionnelles de la CFDT des mineurs de charbon de Lorraine

Je suis né à Forbach et ma maison parentale se trouvait dans la ville voisine de Stiring-Wendel. Ces deux villes faisaient partie du bassin houiller de Lorraine, les mines de charbon. Si mon père n’y a travaillé que pendant une très petite période, la plus grande partie de ma famille : oncles, cousins, petits cousins y ont travaillé toute leur vie.

La Lorraine était une région industrielle de mines, les mines de fer près de Thionville, les mines de charbon autour de Forbach, Freyming Merlebach et aussi des mines de sel près de la ville bien nommée Château-salins.

En avril 2004, le dernier puits du bassin houiller lorrain a fermé, il s’agissait du puits de la Houve à Creutzwald. Le siège de Merlebach avait fermé au mois d’octobre 2003.

Mais c’est bien l’arrêt de la production, le 23 avril 2004, du puits de la Houve qui marque la fin de l’exploitation du charbon en France.

<Vous trouverez derrière ce lien une histoire documentée de l’aventure du Charbon à Freyming-Merlebach>

Wikipedia nous apprend que la présence du charbon dans la région fût connue dès le XVIe siècle, mais que c’est au début du XIXe siècle que l’exploitation du bassin lorrain va connaître son développement. Ainsi, c’est en 1810 que deux ingénieurs du corps impérial des Mines dressent le premier atlas du bassin houiller lorrain dans la continuité du bassin de la Sarre qui se trouve au-delà de la frontière du côté de l’Allemagne qui n’a pas encore opérée son unification.

Nous apprenons aussi que le bassin houiller lorrain s’étend sur une superficie de 49 000 ha, qu’il peut être délimité par le triangle Villing (près de Creutzwald) – Faulquemont – Stiring-Wendel et qu’il regroupe environ 70 communes. Enfin on y dénombra plus de 58 puits construits entre 1818 et 1987.

En 1946, au lendemain de la guerre les mines de charbon furent nationalisées et on créa les Houillères du bassin de Lorraine (HBL), un établissement public à caractère industriel.

L’exploitation est donc désormais arrêtée depuis 14 ans, mais de graves problèmes demeurent dans ma région natale.

D’abord un problème économique, cette région est sinistrée depuis cette fermeture qui correspond à une désindustrialisation que rien n’a su compenser pour donner des emplois stables et rémunérateurs. J’avais esquissé cette problématique en évoquant le documentaire de Régis Sauder <Retour à Forbach>

Ensuite des problèmes géologiques, en effet, l’eau s’engouffre dans les galeries et cause des affaissements de terrain et des effondrements miniers qui endommagent les immeubles et les routes.

Mais la technique n’est rien sans les hommes explique « l’Humanité » dans ce bel article de 2003 < Freyming-Merlebach, ou la vie après la mine>. Vu à hauteur d’homme, cet article raconte comment dans ce lieu de labeur se sont côtoyés des travailleurs venant de pays différents :

« Des convois d’Italiens, de Polonais surtout, arrivent en gare de Toul. On leur pend un écriteau autour du cou. Ils s’ajoutent par dizaines aux Slovènes, aux Hongrois, et bien sûr aux Allemands. Depuis le début du siècle, ils acceptent de descendre aux côtés des paysans de Freyming. Du coup, les effectifs salariés progressent de 13 500 à 24 775 de 1920 à 1938. »

Mon grand-père maternel faisait partie du contingent polonais qui est venu renforcer la force de travail dans les mines de charbon de Moselle dans les années 1920.

Dans cet univers aussi se côtoyait ceux qui ne croyaient pas et ceux qui croyaient. Après un article du journal l’Humanité, je suis tombé sur un article de 2013 du journal « La Croix » : <La retraite contrastée des mineurs de Lorraine> :

On pourrait penser que le destin d’un mineur de charbon était enviable :

« Dans le charbon, on cessait le travail à 50 ans pour les mineurs de fond et à 55 ans quand on travaillait au jour. Mais quand les Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) ont progressivement cessé leurs activités, entre la fin des années 1990 et 2008 (l’exploitation avait pris fin en 2004), l’âge a encore été avancé à 45 ans. »

Mais la journaliste de la Croix raconte aussi la perte de sens, l’ennui et le vide :

« Heureusement, j’habite dans une maison et il y a du travail, poursuit Stanislas. Mais beaucoup sont en appartement, ils n’arrivent pas à s’occuper, passent leurs journées dans leur canapé, devant la télévision, à boire et à fumer. J’en connais un, pourtant bon vivant, qui a divorcé, puis s’est suicidé. Un autre a fait une tentative, récemment. Ils avaient pourtant tout pour avoir une vie extraordinaire. Mais ce qui manque le plus, c’est le contact. […]

En tant que médecins du travail, nous aurions voulu continuer à les suivre au-delà de 2008, témoigne Pierre Heintz, ancien médecin des Houillères, mais cela n’a pas été validé par Charbonnages de France. La direction estimait que ça ne pouvait que bien se passer. Nous, nous avions le retour des premiers mineurs partis, dont certains s’étaient mis à boire, avaient un sentiment de perte d’identité car leur métier n’existait plus. »

Et la journaliste rappelle « Le Pacte charbonnier », un accord inimaginable aujourd’hui :

« En 1994, alors que les Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) emploient 12 000 personnes, le « Pacte charbonnier » est signé sous la houlette de Gérard Longuet, alors ministre de l’industrie. Cet accord, inimaginable aujourd’hui, est justifié par la crainte de ne pas réussir à reclasser les « gueules noires », dont beaucoup sont victimes de maladies professionnelles (amiante et silicose) et envers qui la Nation se sent redevable d’une dette.

Un « congé charbonnier de fin de carrière » (CCFC) est ouvert à tous les ouvriers et agents de maîtrise de plus de 45 ans ayant au moins vingt-cinq ans d’ancienneté (vingt ans pour ceux ayant plus de 20 % d’invalidité) »

Ils touchent 80 % de leur salaire, ne peuvent travailler en parallèle (plus tard, ils auront la possibilité de toucher un faible revenu) et conservent tous leurs avantages (gratuité des soins, du logement, du chauffage), y compris pour les veuves».

Mais si j’écris aujourd’hui un mot du jour à ce sujet, c’est en raison d’un article « des Echos » du 15 février 2018 écrit par Pascale Braun : <La dernière bataille des mineurs de Lorraine> :

« Exposés à des conditions de travail dangereuses et insalubres dans les années 1980, plus de 3.000 mineurs tentent aujourd’hui de faire reconnaître la faute inexcusable des Houillères à leur encontre. […]»

« Nous avons été de la viande à charbon. Les houillères ont envoyé au casse-pipe des jeunes de vingt ans. Nous ne cesserons pas de nous battre tant que nous n’aurons pas obtenu la reconnaissance collective de cette ignominie », expose sans ambages François Dosso, porte-parole de la cellule maladies professionnelles de la CFDT. »

Car avant de partir à la retraite les mineurs de charbon qui travaillaient au fond de la mine ont été soumis à des poussières, des gaz, la terrible silice, l’amiante et d’autres produits dangereux :

«  A partir du choc pétrolier déclenché en 1973 par la guerre du Kippour et jusqu’à la catastrophe du puits Simon de Forbach en 1985, les houillères du bassin de Lorraine (HBL) ont imposé aux mineurs une productivité très élevée.

Les rendements ont progressé de manière spectaculaire, passant de 4,4 tonnes par homme et par jour en 1974 à 6 tonnes par homme et par jour en 1990. Les embauches ont repris à un rythme soutenu – jusqu’à 3.000 mineurs par an, avec un turnover atteignant parfois les deux tiers – jusqu’à l’arrêt brutal des recrutements en 1983. […]

Sur le plan sanitaire, cette période s’est avérée funeste. Les syndicats se sont d’abord inquiétés des accidents – 16 morts lors de la catastrophe de Merlebach en septembre 1976, mais aussi 15 morts et 600 blessés graves en moyenne chaque année hors accidents collectifs. Le souci des maladies n’est apparu que plus tard. […]

Les mineurs sont tombés malades. Pour l’année 1992, considérée comme ordinaire, les affiliés au régime minier présentent un taux de prévalence de maladies professionnelles 144 fois plus élevé que pour les affiliés au régime général. Au fond des puits, ils utilisent massivement des huiles minérales ou bitumineuses et du trichloréthylène. Ils respirent des vapeurs de gazole, des fumées de tirs d’explosifs et des fibres de roche.

En fonction des sites et des métiers, ils ont pu entrer en contact avec 24 produits cancérigènes ou pathogènes. [Ils] ont été exposés en moyenne à 11 d’entre eux au cours de leur carrière.

La dernière mine de Lorraine ferme en 2004 . Quatre ans plus tard, Charbonnage de France est liquidé et relayé par l’Agence nationale pour la garantie des mineurs (ANGDM). Disparaît ainsi un employeur qui régna en maître dans le bassin houiller durant un siècle et demi. Les langues se délient.

Peu avant la liquidation, certains médecins et cadres communiquent aux syndicats des informations jusqu’alors inédites sur la toxicité des produits utilisés. S’engage alors la troisième bataille du charbon, visant à faire reconnaître et à indemniser les victimes sanitaires d’une exploitation hors norme.

Le combat sans concession commence par l’amiante. Dans un premier temps, CDF conteste l’exposition elle-même. Déboutée jusqu’en cassation, l’entreprise attaque systématiquement toutes les demandes de reconnaissance de faute inexcusable, mais se voit presque immanquablement condamnée, au terme d’une guérilla juridique évaluée à 5.000 euros par cas, soit un coût de plus de 15 millions d’euros.

Aujourd’hui, entre 10 et 15 dossiers sont plaidés et gagnés chaque semaine au tribunal des affaires sanitaires et sociales de Metz.

A ces quelque 3.500 plaintes en cours se sont ajoutés au moins 500 dossiers portant sur la silicose et les maladies respiratoires inscrites aux tableaux 30 et 30 bis de la Sécurité sociale . »

L’avocat spécialisé en santé et sécurité au travail, Michel Ledoux explique :

« Pendant des décennies, nous avons échoué à contrer le raisonnement communément admis selon lequel on ne peut extraire du charbon sans générer de la silice. Nous sommes ensuite parvenus à démontrer que les houillères n’avaient pas respecté les mesures de sécurité qu’elles avaient elles-mêmes mises en place. Mais chaque dossier constitue un gros travail, car les mineurs ont exercé à des époques différentes, dans différents puits et à différentes tâches ».

C’est donc une bataille juridique qui s’est engagée. Elle est très incertaine pour les mineurs

« En juillet 2017, 755 anciens mineurs de l’Est mosellan ont pourtant encaissé une sévère déconvenue : la cour d’appel de Metz les a déboutés à la fois de leur demande d’indemnisation au titre du préjudice d’anxiété et de leur plainte contre Charbonnages de France (CDF) pour violation de l’obligation de sécurité.

Les plaignants avaient obtenu partiellement gain de cause le 30 juin 2016 devant le tribunal des prud’hommes de Forbach , qui leur a accordé un préjudice d’anxiété – jusque-là réservé aux victimes relevant du dispositif spécifiquement dédié aux victimes de l’amiante – avec une indemnisation de 1.000 euros contre les 15.000 demandés.

Ils ont décidé de se pourvoir en cassation, mais tous ne seront peut-être pas au rendez-vous. Entre juin 2013, date de la première instance aux prud’hommes, et le lancement de la procédure en appel en septembre 2015, 14 des 844 plaignants sont morts, à l’âge moyen de 61 ans. La décision de la cour est attendue courant 2019. »

Tout récemment sur des motifs analogues, des mineurs de fer de Lorraine ont été déboutés par la Cour de Cassation le mercredi 21 février 2018.

Nous sommes ici au cœur de la complexité du monde industriel dans lequel des ouvriers étaient fiers de leur travail et donnaient du sens à leur action tout en perdant leur vie à la gagner.

Pour celles et ceux que cela intéresse, j’ai encore trouvé <Un diaporama montrant le travail dans les mines de charbon lorraines et son évolution>

Et <Ici> toute une collection de photos du patrimoine minier.

Il y a énormément de ressources sur Internet. Ainsi sur ce blog on trouve une page décrivant chacun des 58 puits de l’Histoire des charbons de Lorraine, du puit de Schoeneck (1818) à La Houve (Creutzwald), le puits ouest (1987)

<1025>


Vendredi 2 février 2018

« Ce ne sont plus exactement des homo sapiens, mais des humains 2.0, des surhommes crispérisés »
Frédéric Beigbeder

Ce mot du jour renvoie vers certaines découvertes concernant la santé et notamment la capacité d’intervenir sur l’ADN. Vous retrouverez en fin d’article des liens et des explications montrant que le propos de Frédéric Beigbeder n’est pas vraiment humoristique mais plutôt questionnant le monde de demain.

Avant de commencer il faut quand même parler de <crispr> et plus précisément de « CRISPR-Cas9 » (prononcez « crispère »)

L’acronyme CRISPR vient de l’anglais : «  Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats  », en français (« Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées ». Et Cas9 est une enzyme.

« CRISPR-Cas9 » constitue une innovation révolutionnaire qui permet de cibler une zone spécifique de l’ADN, la couper et y insérer la séquence que l’on souhaite remplacer. Dans le langage courant on parle de « ciseau génétique ».

Le journal du CNRS explique de manière un peu plus technique cette invention : https://lejournal.cnrs.fr/articles/crispr-cas9-des-ciseaux-genetiques-pour-le-cerveau

Après cette courte introduction, revenons à Frédéric Beigbeder qui est un écrivain ayant déjà eu deux prix littéraires. Il réalise une chronique sur France Inter à la fin du 7-9.

Le jeudi 18 janvier 2018, il a fait son intervention après Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique, qui était l’invité de Nicolas Demorand pour le lancement des Etats généraux de bioéthique, qui se dérouleront jusqu’au 7 juillet. Le sujet de l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) promis par Emmanuel Macron lors de sa campagne, la reconnaissance des enfants nés grâce à la gestation pour autrui (GPA), l’arrivée de l’intelligence artificielle dans la médecine ou les interventions sur le génome ont notamment été évoqués.

Frédéric Beigbeder a joué, dans sa chronique, le rôle d’un médecin qui s’adresserait à son confrère, c’est-à-dire à Jean-François Delfraissy.

Et il lui a tenu ce langage :

« Pourquoi tous les génomes français ne sont-ils pas séquencés, ce qui permettrait de détecter les cancers avec 30 ans d’avance ?
Pourquoi le sang artificiel créé par Luc Douai est-il interdit en France ?
Et quid de la congélation des cellules pluripotentes induites également réprimées chez nous ?
Comme le stockage des cordons ombilicaux ?
On a l’impression de vivre dans un monde à deux vitesses.
Une large majorité de mortels peu informés. Et puis nous l’élite mondiale qui sait comment repousser la mort, mais garde le remède secret. […]
En 2015, la grande déclaration du comité international de bioéthique réuni à Paris, à L’Unesco était la suivante :
La révolution génétique soulève de graves inquiétudes, en particulier si l’ingénierie du génome humain devait être appliquée à la lignée germinale…

Donc on ne comprend rien
Une superbe déclaration consultative puisque des thérapies génétiques n’ont cessé d’être testées depuis sur les humains en Grande Bretagne, aux Etats-Unis, en Chine avec des modifications de l’ADN.

Parfois elles ont sauvé des vies, celle de Leila Richards, un bébé leucémique à Londres dont l’espérance de vie était d’une semaine et qui vit toujours. Cet enfant peut être considéré, comme le premier HGM, « humain génétiquement modifié », va-t-on par souci éthique lui interdire de faire des EGM « enfant génétiquement modifié »

Je traduis en français pour les non spécialistes : Vous avez entendu parler des OGM, organisme génétiquement modifié mais vous ignorez probablement qu’il existe désormais des Humains génétiquement modifiés des HGM, et il en existera de plus en plus. Ce ne sont plus exactement des homo-sapiens, mais des humains 2.0, des surhommes crispérisés, crispr étant le nom des ciseaux génétiques, permettant de faire les manipulations génétiques.

Sachant que pour guérir du cancer on va passer par cette crispérisation qui coute des millions de dollars.
Quelle tête feront les gens quand ils sauront qu’un pauvre atteint du cancer devra en mourir et qu’un RGM, riche génétiquement modifié pourra en guérir ?

Si j’ai gaffé, ne répétez à personne cette information confidentielle »

Jean-François Delfraissy, interpellé par Demorand pour répondre à Beigbeder a fait cette réponse :

« Beaucoup de choses intéressantes [ont été dites] et qui montre que ce confrère suit parfaitement les données de la science, les avancées scientifiques. Et qui soulève en effet toute une série de questions, en particulier je retiens la notion de médecine à deux vitesses. Je retiens la question qui pourra y avoir accès. Les problèmes éthiques soulèvent un certain nombre de questions économiques d’accès à la santé et aux nouvelles techniques.

Parlons-en. Sortons du débat d’expert et parlons aux citoyens. »

Vous trouverez la chronique de Beigbeder, derrière <ce lien> et l’émission avec Jean-François Delfraissy derrière <celui-ci>

C’est par la série sur Sapiens de Yuval Noah Harari que j’ai commencé à aborder ce sujet. Dans le mot dont l’exergue est « La singularité ». Je cite Harari qui écrit :

« Si cette question ne vous donne pas le frisson, c’est probablement que vous n’avez pas assez réfléchi».

Mais il va probablement plus loin dans Homo Deus où il évoque une nouvelle religion le dataisme, autrement dit la confiance dans les big data et où il explique que nous allons laisser faire ces évolutions précisément parce qu’elles nous promettent une meilleure santé.

Bien évidemment les parents de Leila Richards ne peuvent qu’être immensément reconnaissants devant toutes ces techniques.

Mais la crainte que cette évolution avec celle de l’« homme augmenté » va créer deux types d’hommes : « l’homo sapiens canal historique » dont nous faisons partie et « homo 2.0 » comme l’appelle Beigbeder dont la chance, si c’en est une, d’en faire partie parait très mince.

Ces évolutions posent aussi des questions de société qui donnent le frisson comme dit Harari.

Au départ, la raison de ces recherches est bien sûr médicale pour guérir, reculer les limites de la mort et de la souffrance.

Mais une fois qu’un petit groupe d’humains aura cette technique faustienne de créer des Hommes Génétiquement Modifiés, qu’adviendra t’il ?

La cupidité de certains est si grande, notamment parmi les puissants et les hyper riches.

L’esprit d’entraide existe aussi saura t’il être le plus fort ?

Jean-François Delfraissy a raison : « Parlons-en. Sortons du débat d’expert. »

Post Scriptum :

Après la chronique de Frédéric Beigbeder, j’ai fait quelques recherches.

J’ai ainsi trouvé le <Rapport du 2 octobre 2015 du Comité international de Bioéthique>. Dont voici des extraits :

Page 8

De nouveaux outils expérimentaux permettent aux scientifiques d’insérer, de retirer et de corriger la séquence de gènes, ouvrant la possibilité de traiter, voire de guérir, certaines maladies monogéniques telles que la béta-thalassémie et la drépanocytose, ainsi que certaines formes de cancer. Si ces procédures s’améliorent et que leur innocuité pour les patients est démontrée, elles permettront le succès longtemps attendu de la thérapie génique somatique. Dans plusieurs pays, la thérapie génique somatique a reçu une approbation éthique et réglementaire parce que les modifications génétiques obtenues ne se transmettent pas à la génération suivante. Les préoccupations des éthiciens et des scientifiques ont précisément été soulevées par la possible application de ces technologies à la modification de la lignée germinale, à des fins thérapeutiques ou à des fins d’amélioration des particularités d’un individu. En conséquence, des appels à un moratoire sur ces technologies ont été lancés, au moins jusqu’à ce que leurs conséquences à long terme et leur sécurité soient mieux évaluées. Certains pays ont interdit toute modification de la lignée germinale chez l’homme alors que d’autres n’imposent pas d’interdictions légales, mais ont élaboré des réglementations administratives ou éthiques (« soft law ») interdisantces expériences sur les gamètes ou les embryons humains.

Page 29

En même temps, cette révolution nécessite des précautions particulières et soulève de graves inquiétudes, en particulier si l’ingénierie du génome humain devait être appliquée à la lignée germinale en introduisant des modifications héritables, qui seraient transmises aux générations futures.

Et si vous voulez en savoir davantage sur le traitement qui a été appliqué à Layla, dans Sciences et avenir j’ai trouvé l’article : « Leucémie : la guérison « miracle » de Layla Richards », pour la première fois, un enfant atteint d’une leucémie aiguë lymphoblastique est entré en rémission grâce à un traitement expérimental utilisant des cellules immunitaires génétiquement modifiées.

Un article sur les recherches du docteur Luc Douay : < On a fabriqué du sang artificiel>

Les cellules pluripotentes évoquées sont des cellules qui dans le processus embryonnaires sont des cellules avant différenciation, c’est-à-dire des cellules qui sont capable de se différencier par la suite en de nombreux types cellulaires différents. Ces cellules existent dans un embryon, on les appelle « les cellules souches embryonnaires »: ces cellules souches sont obtenues à partir d’un embryon de 5 à 7 jours ; pour des questions éthiques, leur utilisation est très réglementée. Mais les scientifiques ont pu fabriquer des « cellules souches pluripotentes induites », dont parle Frédéric Beigbeder. Ces cellules souches sont obtenues à partir de cellules adultes différenciée. Elles sont reprogrammées de manière génétique et peuvent alors se multiplier à l’infini et donner différents types cellulaires.

Sur le site Futura Science j’ai trouvé une vidéo de 2 minutes où un chercheur explique ce qu’il espère réaliser à partir de ces cellules pluripotentes.

Et puis, vous l’avez certainement entendu on vient de créer le premier primate cloné : Et c’est des chinois qui l’on fait.

Techniquement il n’y a plus rien qui empêche qu’on crée le premier humain cloné.

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Jeudi 14 décembre 2017

« Nous avons 3 cerveaux : le cerveau, l’intestin et le cœur »
Frédéric Laloux

Je partagerai demain des réflexions sur le management que fait Frédéric Laloux via cette vidéo où il présente son livre « Reinventing Organizations ».

Au début de cette vidéo, il pose la question à la salle : « Savez-vous combien vous avez de cerveaux ? ».
Cette question ne peut que nous interpeller alors qu’il y a peu, une semaine avait été consacrée à notre cerveau, celui qui est dans notre tête, et qu’on croyait unique.

Et puis il donne sa réponse : trois.

  • Le premier est évident, c’est celui qui se trouve dans notre boite crânienne et qui porte précisément le nom de cerveau.
  • Le second est désormais bien établi c’est l’intestin.
  • Et le troisième est plus surprenant, il s’agirait du cœur.

En premier lieu, il s’agit de définir ce que signifie le terme de « cerveau » dans la question : combien avez-vous de cerveaux ?

Dans cette question ce terme signifie, « un centre de décisions ». Plus prosaïquement cela signifie que l’organe concerné donne des ordres et que nous agissons en suivant cet ordre.

La sagesse populaire ancienne avait annoncé cette réalité :

  • On dit par exemple : « Cette décision, je l’ai prise avec mes tripes ! », donc l’intestin.
  • Et bien sûr, « C’est une décision que j’ai prise avec le cœur ».

Ainsi, selon Frédéric Laloux, nous avons trois cerveaux, parce que nous avons trois systèmes nerveux indépendants, trois  systèmes  neuronaux indépendants  et  complémentaires. L’un  piloté  par  le  cerveau  situé  dans  la  tête,  bien  connu. Un deuxième centre neuronal, de la taille de celui d’un rat de laboratoire, est logé dans le cœur, tandis que le troisième, de la taille de celui d’un chien, est logé dans les intestins.

Mais la communauté scientifique est-elle globalement convaincue ?

Pour les intestins la chose semble établie :

<Un livre a d’ailleurs pour titre : l’intestin notre deuxième cerveau> . C’est un ouvrage de Francisca Joly Gomez, gastroentérologue et professeur en nutrition à L’Université Paris VII Denis Diderot.

Un livre a fait encore plus de bruit, il est l’œuvre d’une jeune allemande : Giulia Enders « Le charme discret de l’intestin »

Certains pensent, à raison probablement que nous avons certainement « digéré » avant de « penser ». Parce que notre système digestif abrite 200 Millions de neurones soit approximativement le même nombre de cellules nerveuses que dans le cerveau d’un chien, comme écrit ci-avant, ou d’un chat  En outre, … il y a 100 fois plus de bactéries dans notre intestin que de cellules dans notre corps. Et il a été démontré dans de nombreuses études que ces bactéries, si elles ont bien un rôle dans notre bien-être digestif, seraient aussi responsables de la manière dont nous « digérons » nos émotions.

Je crois que c’est l’expérience de beaucoup que les émotions peuvent immédiatement impacter notre système digestif.

Mais concernant le cœur, il semble que selon mes recherches, les choses soient un peu moins établies.

Je n’ai pas trouvé de publication scientifique indiscutable.

Sur ce site : « alternative santé » qui est un site spécialisé dans la médecine non conventionnelle, il est affirmé que :

On a découvert que le cœur contenait un système nerveux indépendant et bien développé, avec plus de 40.000 neurones et un réseau complexe et dense de neurotransmetteurs, de protéines et de cellules d’appui. Grâce à ces circuits, il semble que le cœur puisse prendre des décisions et passer à l’action indépendamment du cerveau et qu’il puisse apprendre, se souvenir et même percevoir.

Il existe quatre types de connexions qui partent du cœur et vont vers le cerveau de la tête.

  • Première connexion : neurologique
    Entre cœur et cerveau il y a une communication neurologique au moyen de la transmission d’impulsions nerveuses. Le cœur envoie plus d’information au cerveau qu’il n’en reçoit, il est l’unique organe du corps doté de cette propriété, et il peut inhiber ou activer des parties déterminées du cerveau selon les circonstances. Cela signifie-t-il que le cœur peut influencer notre manière de penser ? Il peut influer sur notre perception de la réalité, et de ce fait sur nos réactions.
  • Deuxième connexion : biochimique
    Le cœur envoie des informations biochimiques au moyen des hormones et des neurotransmetteurs. C’est le cœur qui produit l’hormone ANF, celle qui assure l’équilibre général du corps : l’homéostasie. L’un de ses effets est d’inhiber la production de l’hormone du stress, et de produire et de libérer l’ocytocine, connue comme hormone de l’amour.
  • Troisième connexion : biophysique
    Elle se fait au moyen des ondes de pression. Il semble qu’au travers du rythme cardiaque et de ses variations, le cœur envoie des messages au cerveau et au reste du corps.
  • Quatrième connexion : énergétique
    Le champ électromagnétique du cœur est le plus puissant de tous les organes du corps, 5.000 fois plus intense que celui du cerveau. Et on a observé qu’il varie en fonction de l’état émotif. Quand nous avons peur, que nous ressentons une frustration ou du stress, il devient chaotique. Et se remet-il en ordre avec les émotions positives ? Oui. Et nous savons que le champ magnétique du cœur s’étend de deux à quatre mètres autour du corps, c’est-à-dire que tous ceux qui nous entourent reçoivent l’information énergétique contenue dans notre cœur.

Et l’article continue :

« À quelles conclusions nous amènent ces découvertes ?

Le circuit du cerveau du cœur est le premier à traiter l’information, qui passe ensuite par le cerveau de la tête. Ce nouveau circuit ne serait-t-il pas un pas de plus dans l’évolution humaine ? Il y a deux types de variation de la fréquence cardiaque : l’une est harmonieuse, avec des ondes amples et régulières, et prend cette forme quand la personne a des émotions. L’autre est désordonnée, avec des ondes incohérentes. Elle apparaît avec la peur, la colère ou la méfiance.

Mais il y a plus : les ondes cérébrales sont synchronisées avec ces variations du rythme cardiaque, c’est-à-dire que le cœur entraîne la tête. La conclusion en est que l’amour du cœur n’est pas une émotion, c’est un état de conscience intelligente… N’est-ce pas, finalement, une confirmation supplémentaire de la théorie de la Médecine Chinoise, qui dit que le Coeur est le centre du Shen (terme chinois qui englobe les émotions, la conscience, l’esprit et le psychisme). »

Un autre article développe aussi cette thèse : http://www.epochtimes.fr/le-coeur-fonctionnerait-il-comme-le-cerveau-25065.html

Certains membres de la communauté scientifique sont, pour l’instant, fermés à cette hypothèse. Ainsi Jean-Didier Vincent, neurobiologiste, professeur à l’Institut Universitaire de France et à la faculté de médecine de Paris-Sud affirme avec netteté

« Le cerveau c’est l’origine de l’individuation, nous n’avons qu’un cerveau et nous sommes ce qu’est notre cerveau. Tout se passe dans notre cerveau. Ce n’est pas la raison qui est là, ce sont les sentiments. Si on parle encore du cœur : « Il a du cœur« , c’est toujours le cœur qui garde la prééminence. Pourtant c’est dans le cerveau que tout se passe et pas ailleurs.. »

Pour l’instant, il me semble donc que dire que le cœur est notre troisième cerveau n’a pas encore convaincu toute la communauté scientifique. Mais attendons, peut être que de nouvelles découvertes donneront encore davantage corps à cette  belle théorie.

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Vendredi 1 décembre 2017

«A la naissance, un bébé humain distingue l’ensemble des phonèmes humains [mais un] mécanisme d’oubli progressif commence assez tôt avant l’âge d’un an»
Lionel Naccache, « Le cerveau bilingue » 32ème émission de la série « Parlez-vous cerveau ? »

Même ma mère, qui avait arrêté l’école à 14 ans, le disait : « Un enfant apprend mieux une langue étrangère qu’un adulte ». Elle le savait, mais elle ignorait pourquoi.

Lionel Naccache va nous l’expliquer :

« Parler une langue, requière déjà de reconnaître ses phonèmes, les unités de son élémentaire que composent ses mots parlés. Les linguistes ont dénombré plusieurs centaines de phonèmes distincts, à travers les milliers de langues parlées par l’homme.

Premier scoop : chaque langue n’utilise en général que quelques dizaines de phonèmes. 36 précisément en français.
C’est pourquoi un locuteur japonais adulte sera sourd à la différence des phonèmes « re » et « le » qui sont différenciés en français mais pas en japonais. »

Et Lionel Naccache de s’amuser en s’écriant : « palfaitement ».

« Inversement nous sommes sourds à des phonèmes distingués en japonais et non en français. »

Second scoop : merveilleux argument en faveur de l’universalité de l’espèce humaine : A la naissance, un bébé humain distingue l’ensemble des phonèmes humains.

Comment le sait-on ?

Par exemple en comptant le taux de succions d’une tétine par un bébé de trois mois, alors qu’on lui fait écouter des phonèmes. Ce taux de succion augmente, lorsque le phonème change. Ce qui permet donc de vérifier si le cerveau du bébé a fait la différence entre des sons que nous adultes sommes incapables de distinguer, avec ou sans tétine.

Moralité : l’apprentissage d’une langue repose sur un mécanisme de renforcement des sons utiles, mais également un mécanisme d’oubli des sons inutilisés. Ce mécanisme d’oubli progressif commence assez tôt avant l’âge d’un an.

C’est pourquoi notamment l’apprentissage d’une seconde langue sera d’autant plus efficace, qu’il surviendra tôt dans la vie.

Après 25 ans, par exemple, aucun espoir de la parler avec un accent parfait et ceci quelle que soit votre intelligence. »

En 1988, j’avais assisté au mariage d’un ami en Allemagne avec sa compagne allemande. Un moment, la mère de la mariée est venue me voir et m’a posé la question (en allemand bien sûr) : êtes-vous vraiment français ? Je lui ai répondu : Oui pourquoi ? Mais vous n’avez aucun accent ! Quand j’étais bébé, mes deux grands-mères ne parlaient qu’allemand et ce sont donc régulièrement adressées à moi dans cette langue. Je suis assez mauvais en grammaire allemande, j’écris avec pas mal de fautes, mais je parle sans accent. J’ai entendu un discours de Jean-Marc Ayrault, alors premier ministre de la France, lui est agrégé en allemand il connait beaucoup mieux cette langue que moi. Mais quand il parle, il n’y a aucun doute, il n’est pas allemand.

Ce constat : «A la naissance, un bébé humain distingue l’ensemble des phonèmes humains. » est très révélateur. Il signifie qu’un bébé humain ne naît pas français, allemand, espagnol, chinois, sénégalais, israélien, syrien, il le devient.

Lionel Naccache invite bien sûr l’éducation nationale à tirer toutes les conséquences de cette connaissance des neuro sciences :

« La plasticité cérébrale des réseaux impliqués dans la prononciation et la perception des phonèmes présentent donc des périodes critiques. Périodes critiques dont il faudrait s’inspirer pour élaborer les programmes d’apprentissage linguistique à l’école.

Il semble d’ailleurs que l’exposition précoce et la maîtrise de deux langues différentes soit à l’origine d’une meilleure flexibilité mentale. Comme si la gymnastique permanente de savoir jongler entre deux ou trois langues bénéficiait à notre agilité cognitive en général. »

Vous trouverez l’émission de Lionel Naccache derrière ce lien : <Le cerveau bilingue>

J’arrête ici, la série de mots du jour consacré aux 35 émissions de « Parlez-vous cerveau », mais il y en a beaucoup qui sont tout aussi passionnants.

Je citerai particulièrement avec entre parenthèse le numéro de l’émission

  • La prise de conscience (24)
  • La conscience de soi (25)
  • La créativité (26)
  • La société comme un cerveau (28)
  • Le système de récompense (29)
  • La matrice de la douleur (30)
  • Les neurones miroirs (31)
  • Le cerveau de demain (35)

Dans la société comme un cerveau, Lionel Naccache ose une analogie hardie entre la mondialisation et le cerveau humain :

« L’une des facettes de la mondialisation tient au contraste d’une part d’une accélération inédite des moyens de voyager et d’autre part une atténuation sans cesse croissante de l’expérience de dépaysement.

J’ai bougé sans difficulté et en même temps je n’ai pas vraiment bougé, à cause de l’uniformisation du monde.

Cet oxymore du voyage immobile peut être éprouvé à plusieurs échelles spatiales : entre les différents quartiers d’une même ville, entre les différentes villes d’un même pays, ou entre différents endroits du monde. Son illustration, la plus parfaite est <le mall>, le centre commercial identique à Los Angeles, à Paris et à Tokyo.

Ce voyage immobile associe donc l’uniformisation et l’appauvrissement des lieux avec l’augmentation massive de communication entre eux.

Une analogie s’imposa à moi.

Il existe dans le cerveau une situation de voyage immobile marquée par ces 3 propriétés : Excès de communication entre lieux cérébraux, uniformisation et appauvrissement de ces lieux, c’est une crise d’épilepsie.

Ce qui reviendrait donc à traduire en langue du cerveau, l’expression «méfaits de la mondialisation» par crise d’épilepsie.
Une crise d’épilepsie du monde.

Or, dès qu’une crise d’épilepsie s’étend dans notre cerveau et gagne le réseau cérébral de la conscience, que se passe t’il ?
Le patient demeure éveillé, il continue à agir de manière automatique, mais il perd conscience.

Si nous rebasculons du côté du macrocosme social, un nouveau concept apparaît alors :
Celui d’une perte de conscience épileptique d’une société. »

Il pousse l’analogie un peu loin, vous ne trouvez pas ?

En tout cas tout cela est passionnant vous trouverez les 35 émissions derrière ce lien

<J’ai trouvé aussi ce site qui a pour vocation de comprendre le cerveau et son fonctionnement>

<979>

Jeudi 30 novembre 2017

« Le cerveau vit dans un temps particulier : le futur du présent »
Lionel Naccache, « Le cerveau parle au futur du présent» 33ème émission de la série « Parlez-vous cerveau ? »

Dans cet épisode, il n’y a pas de révélation aussi étonnante que celles concernant la plasticité ou l’invention du monde que le cerveau réalise à partir des informations envoyées par ce que les yeux voient.

Ici nous sommes dans l’univers de l’intelligence et de la philosophie.

Car Lionel Naccache s’interroge sur le temps du cerveau. Notre cerveau vit au présent mais pas seulement. Il y a un temps particulier plus important pour notre vie.

Car le cerveau anticipe continuellement pour connaître l’univers immédiat futur vers lequel nous nous engageons :

« Contrairement à notre intuition immédiate, notre cerveau ne vit pas au présent. Ou plus exactement pas uniquement au présent.

Il vit dans un temps particulier que j’aime à appeler le futur du présent.

A chaque instant notre cerveau construit ce à quoi devrait ressembler notre futur immédiat. Ce que nous devrions percevoir et vivre dans l’instant qui suit : le futur du présent. »

Lorsque son anticipation est confirmée par la réalité, Lionel Naccache conclut : « le cerveau sourit silencieusement ».

Mais quand le cerveau se rend compte que son anticipation était erronée :

« Il chamboule son modèle du futur à venir. Et cela correspond à d’amples réponses cérébrales que nous enregistrons avec nos outils de neuro-imagerie.

Prenons un exemple.
Imaginons que j’enregistre l’activité de votre cerveau pendant que je vous fais écouter un même son (un bip assez agaçant à mon oreille) qui se répète inlassablement.
Voici la réponse que j’enregistrerai : Une première réponse très ample des zones auditives de votre cortex, liée à la surprise du premier son entendu, suivie de réponses de plus en plus atténuées au fil des bips. »

Lionel Naccache explique que cette atténuation vient de la partie du cerveau qui réfléchit au futur du présent. Car plus le même son se répète, plus le modèle prédictif mis en place constate la diminution de l’incertitude pour l’avenir immédiat. Il peut donc mettre au repos cette fonction.

Ainsi, la partie du cerveau qui pense au présent reste stable, alors que celle qui pense au futur du présent voit son activité tendre vers zéro.

« Bien entendu, si j’arrête brutalement le son. J’enregistrerai une réponse ample de votre cerveau, car il a dû chambouler son modèle du futur immédiat qui vient d’être contredit. »

Et puis Lionel Naccache va plus loin dans son analyse de cette fonction du cerveau à toujours anticiper le futur prévisible :

« Ce n’est pas du cerveau au singulier qu’il faut parler, En réalité il faut imaginer les réseaux de notre cerveau, comme une foule d’acteurs produisant des anticipations différentes de l’avenir. Des anticipations inconscientes mais aussi des anticipations conscientes qui peuvent se jouer, elles, sur des intervalles très long.

Même lorsque nous décidons d’effectuer un geste, nous simulons ce à quoi il devra ressembler et quelles seront les conséquences après son exécution.

En parlant au futur du présent, notre cerveau ne cesse donc d’anticiper ce qu’il va vivre.
Cela fait partie de notre condition humaine.
Une anticipation qui peut constituer un avantage de survie précieux dans un monde dangereux et mouvant.

Une anticipation qui permet aussi d’envisager que le monde puisse être autre qu’il n’est. De simuler mille et un scénarios possibles vers lesquels se projeter.
Une anticipation qui illustre comment le futur pensé par notre cerveau puise dans son passé et aussi dans les données les plus immédiates.

Cet infime décalage entre le présent et le futur du présent est précieux
C’est, en lui, me semble t’il que se joue la seule forme de liberté qui est à notre portée.

Si «time is money» pour certains.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que « time is freedom » pour notre cerveau.

Il me semble que nous sommes plus savants de savoir et de comprendre que notre cerveau vit au futur du présent.

Vous trouverez l’émission de Lionel Naccache derrière ce lien : <Le cerveau parle au futur du présent>

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Mercredi 29 novembre 2017

« Notre cerveau est une sculpture vivante ininterrompue »
Lionel Naccache, « La plasticité cérébrale» 17ème émission de la série « Parlez-vous cerveau ? »

Lors de la 16ème émission Lionel Naccache avait évacué scientifiquement le mythe selon lequel nous n’utilisions que 10% de notre cerveau. Les neuro-sciences montrent que nous utilisons bien 100% de notre cerveau.

Mais la plasticité du cerveau permet de dépasser les limites du 100%.

Le cerveau utilisé à 100%, ne cesse de se transformer, c’est ce qu’on appelle la plasticité cérébrale.

Lionel Naccache dit que contrairement au mythe des 10%, la plasticité cérébrale est une réalité quotidienne qu’il va pouvoir nous révéler par des exemples concrets.

Il commence son émission en faisant écouter plusieurs fois un enregistrement d’une phrase reproduite à une vitesse très accélérée. Il prétend qu’au bout de plusieurs essais vous arrivez à la comprendre grâce à la plasticité de votre cerveau.

Moi je n’y suis pas arrivé, mais Lionel Naccache en explique la raison, avec l’âge la plasticité diminue. Je comprends donc que je suis âgé.

Pour celles et ceux pour qui ça marche :

« La structure de votre cerveau s’est modifiée à chaque audition.
Notre cerveau est une sculpture vivante ininterrompue ».

Ce qui est vrai pour cette phrase, sans intérêt, est vrai pour chaque instant de votre existence, depuis votre vie utérine jusqu’à votre dernier souffle.

Notre cerveau est la sculpture de notre vie. Sculpture qui résulte certes de nos actions volontaires : pratiquer telle ou telle activité, apprendre telle ou telle langue, mais aussi de tout ce que nous vivons en relation avec les autres et avec l’environnement dans lequel nous baignons ; indépendamment de tout contexte d’apprentissage.

Si l’on devait choisir une devise pour la plasticité cérébrale, ma préférence irait pour la célèbre citation d’Héraclite : « On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve ». C’est-à-dire que le cerveau ne vit jamais deux fois la même expérience de manière identique.»

Et Lionel Naccache de préciser qu’Il n’existe pas un seul mécanisme de plasticité cérébrale mais de nombreux mécanismes qui mobilisent différentes structures du cerveau : synapse, récepteurs membranaires, neurones, réseau de neurones etc..

Il donne alors trois exemples :

1 – Une étude restée célèbre a montré que la mémoire des lieux et la matière grise des hippocampes, ces GPS du cerveau, sont plus développés chez les chauffeurs de taxi londoniens que chez le commun des mortels. Outre-manche comme ailleurs la structure du cerveau est affectée par l’expérience vécue.

2 – De la même manière les régions visuels du cerveau des aveugles congénitaux sont recyclés en région tactile. Lorsqu’ils lisent un texte en braille avec leurs doigts, ils utilisent la région du cerveau normalement utilisée pour la lecture visuelle.

3 – Le troisième exemple a été rapporté par mon collègue Laurent Cohen et concerne une petite fille à laquelle il a fallu retirer une région déterminante pour l’apprentissage de la lecture à un âge où elle ne savait pas encore lire. Contre toute attente, cette enfant a pu apprendre à lire. Et c’est la région de l’hémisphère droit, symétrique de celle qui lui a été retirée à gauche qui a pris en charge cette fonction qui normalement n’est pas de son ressort.

Les exemples pourraient être multipliés à l’envie.

Il existe des plasticités cérébrales de courtes et de longues durées. Certaines sont accessibles à notre conscience alors que la plupart ne le sont pas.

Pour approfondir ce sujet, je vous conseille cette vidéo de : < Philippe Fait qui fait une conférence TED à Montréal sur la plasticité cérébrale>

Il introduit, en outre, son propos par une présentation du cerveau par des comparaisons qui montrent le côté exceptionnel du cerveau.

Par exemple, le cerveau est irrigué par le sang. Pour ce faire il utilise un réseau de vaisseaux sanguins qui mit bout à bout représentent 160 000 km ce qui permet de faire 4 fois le tour de la terre.

Il compare aussi le diamètre d’un neurone par rapport à celui d’un cheveu : un cheveu c’est 0,1 mm, un neurone 0,004 soit 25 fois plus petit.

Il revient aussi sur l’étude concernant les chauffeurs de taxi londoniens.

Et il évoque une autre expérience où des tests ont été effectués sur le développement de la plasticité chez des sujets âgés. On leur a proposé des exercices intensifs de jonglerie . Même chez les vieux cela fonctionne, le cerveau continue à se développer. Dans l’expérience donnée c’est la partie du cerveau qui gère la coordination des mains qui s’est renforcée. Et quand on arrête pendant un temps les exercices, comme chez tous les individus, l’évolution est réversible et la partie du cerveau qui s’est développé régresse.

Philippe Fait prétend que trois pratiques sont indispensables, à tout âge, pour exercer la plasticité du cerveau

  • Il faut être actif physiquement et aussi cognitivement. Ne jamais cesser d’apprendre des choses nouvelles.
  • Il faut avoir une bonne hygiène du sommeil. Le sommeil réparateur va beaucoup servir à la neuroplasticité, comme d’ailleurs des micro-pauses au milieu de la journée.
  • Enfin avoir une activité sociale, c’est-à-dire inter agir avec d’autres humains.

Vous trouverez énormément de vidéo sur internet parlant de cette plasticité cérébrale. Pour ma part j’ai encore regardé avec beaucoup d’intérêt : <Catherine Vidal, neurobiologiste, directrice de recherche à l’Institut Pasteur>.

Vous trouverez l’émission de Lionel Naccache derrière ce lien : <Plasticité cérébrale>

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Mardi 28 novembre 2017

« Notre cerveau invente le monde qu’il ne voit pas selon ce qu’il suppose qu’il doit être »
Lionel Naccache, « la perception est une construction » 20ème émission de la série « Parlez-vous cerveau ? »

Pour tous ceux qui ont la chance d’être voyant, leurs yeux voient le monde et transmettent ces images au cerveau. Lionel Naccache, nous apprend que la réalité est beaucoup plus complexe. Le cerveau invente, reconstruit, sélectionne les informations qu’il reçoit pour nous offrir l’image que nous voyons.

Lionel Naccache décrit ce phénomène par l’expression : « La perception est une construction ».

« La perception est une construction
Dans cette expression on associe deux notions a priori contradictoires : la perception qui est passivité et la construction qui est action.
Mais les sciences du cerveau nous ont montré que la perception est une action.
Il ne s’agit pas d’un slogan politique mais d’un résultat spectaculaire et puissant des neurosciences de la perception. »

Première transformation : notre cerveau colore les images qu’il reçoit.

« Un exemple simple. Ouvrez grand les yeux et fixez votre regard droit devant vous. Que voyez-vous ?
Je ne prends pas trop de risque pour dire que l’image que vous voyez est colorée.
Oui et alors ?

Alors cela ne va pas de soi.
Les cellules qui tapissent la rétine transforment la lumière en impulsions nerveuses.
Mais il y a un hic.
Nos rétines contiennent deux types de cellules.
Les premières situées au centre sont sensibles aux couleurs, tandis que les secondes ne voient le monde qu’en noir et blanc.

Si le cerveau se contentait de recevoir passivement les informations envoyées par nos rétines nous devrions voir le monde en couleur autour du point que nous observons et tout le reste du monde devrait nous apparaître en noir et blanc.

Quelle implacable conclusion en déduisez-vous alors ?
Notre cerveau colore les images lumineuses qu’il reçoit en noir et blanc. »

Le cerveau efface des informations parasites.

« D’autre part les images qui proviennent de nos rétines contiennent une foultitude d’informations qui n’intéressent personne, comme par exemple les reflets des vaisseaux qui les vascularisent. A nouveau si notre cerveau recevait passivement les informations transmises par nos rétines, nous devrions tout voir à travers un réseau de vaisseaux. En réalité, notre cerveau visuel efface tout ce qui est immobile sur nos rétines, dont les vaisseaux en question. »

Le cerveau stabilise l’image tremblotante que les rétines lui envoient

« Lorsque nous marchons, nos yeux et notre cerveau n’ont de cesse de bouger, ce qui signifie qu’un visage perçu devant nous ne cesse de sauter sur la surface de nos rétines. Conséquence : notre perception visuelle devrait ressembler alors à un film de John Cassavettes tourné caméra à l’épaule

Conclusion : notre cerveau visuel stabilise en permanence les images brutes reçues de nos yeux. »

Le cerveau invente ce que le point aveugle lui cache

Faisons un pas de plus.
Sur le côté de chacune de nos rétines, il y a un trou par lequel passent des vaisseaux et le nerf optique en partance vers le cerveau.
Nous devrions donc percevoir le monde visuel avec deux tâches aveugles sur les côtés.

Conclusion : Notre cerveau remplit ce trou de la rétine par des inventions visuelles de son propre goût.
Ce phénomène de remplissage a été découvert par l’Abbé naturaliste Edme Mariotte dès le XVIIème siècle

Ce point aveugle ou tâche aveugle a été d’ailleurs appelé « tâche de Mariotte ». Il correspond à la partie de la rétine où s’insèrent le nerf optique qui relaye les influx nerveux de la couche plexiforme interne jusqu’au cortex cérébral, ainsi que les vaisseaux sanguins arrivant à l’œil et quittant l’œil. Dans la pratique, il s’agit donc d’une petite portion de la rétine qui est dépourvue de photorécepteurs et qui est ainsi complètement aveugle. (Citation de wikipedia)

« Notre cerveau invente le monde qu’il ne voit pas selon ce qu’il suppose ce qu’il doit être.

Il se passe donc énormément de choses en coulisse pour que nous soyons en mesure de voir ce que nous voyons. Le cerveau nous permet de voir ce qui nous intéresse, ce que nous cherchons, ce qui fait sens pour nous et pour ce faire il colorie, efface, stabilise, remplit, invente, sélectionne.

La conclusion de Lionel Naccache :

« La perception est une construction active permanente de notre cerveau.
Une construction qu’on pourrait presque dire qu’elle se joue les yeux fermés. »

Vous trouverez l’émission derrière ce lien : <La perception est construction>

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