Dans cet épisode, il n’y a pas de révélation aussi étonnante que celles concernant la plasticité ou l’invention du monde que le cerveau réalise à partir des informations envoyées par ce que les yeux voient.
Ici nous sommes dans l’univers de l’intelligence et de la philosophie.
Car Lionel Naccache s’interroge sur le temps du cerveau. Notre cerveau vit au présent mais pas seulement. Il y a un temps particulier plus important pour notre vie.
Car le cerveau anticipe continuellement pour connaître l’univers immédiat futur vers lequel nous nous engageons :
« Contrairement à notre intuition immédiate, notre cerveau ne vit pas au présent. Ou plus exactement pas uniquement au présent.
Il vit dans un temps particulier que j’aime à appeler le futur du présent.
A chaque instant notre cerveau construit ce à quoi devrait ressembler notre futur immédiat. Ce que nous devrions percevoir et vivre dans l’instant qui suit : le futur du présent. »
Lorsque son anticipation est confirmée par la réalité, Lionel Naccache conclut : « le cerveau sourit silencieusement ».
Mais quand le cerveau se rend compte que son anticipation était erronée :
« Il chamboule son modèle du futur à venir. Et cela correspond à d’amples réponses cérébrales que nous enregistrons avec nos outils de neuro-imagerie.
Prenons un exemple.
Imaginons que j’enregistre l’activité de votre cerveau pendant que je vous fais écouter un même son (un bip assez agaçant à mon oreille) qui se répète inlassablement.
Voici la réponse que j’enregistrerai : Une première réponse très ample des zones auditives de votre cortex, liée à la surprise du premier son entendu, suivie de réponses de plus en plus atténuées au fil des bips. »
Lionel Naccache explique que cette atténuation vient de la partie du cerveau qui réfléchit au futur du présent. Car plus le même son se répète, plus le modèle prédictif mis en place constate la diminution de l’incertitude pour l’avenir immédiat. Il peut donc mettre au repos cette fonction.
Ainsi, la partie du cerveau qui pense au présent reste stable, alors que celle qui pense au futur du présent voit son activité tendre vers zéro.
« Bien entendu, si j’arrête brutalement le son. J’enregistrerai une réponse ample de votre cerveau, car il a dû chambouler son modèle du futur immédiat qui vient d’être contredit. »
Et puis Lionel Naccache va plus loin dans son analyse de cette fonction du cerveau à toujours anticiper le futur prévisible :
« Ce n’est pas du cerveau au singulier qu’il faut parler, En réalité il faut imaginer les réseaux de notre cerveau, comme une foule d’acteurs produisant des anticipations différentes de l’avenir. Des anticipations inconscientes mais aussi des anticipations conscientes qui peuvent se jouer, elles, sur des intervalles très long.
Même lorsque nous décidons d’effectuer un geste, nous simulons ce à quoi il devra ressembler et quelles seront les conséquences après son exécution.
En parlant au futur du présent, notre cerveau ne cesse donc d’anticiper ce qu’il va vivre.
Cela fait partie de notre condition humaine.
Une anticipation qui peut constituer un avantage de survie précieux dans un monde dangereux et mouvant.
Une anticipation qui permet aussi d’envisager que le monde puisse être autre qu’il n’est. De simuler mille et un scénarios possibles vers lesquels se projeter.
Une anticipation qui illustre comment le futur pensé par notre cerveau puise dans son passé et aussi dans les données les plus immédiates.
Cet infime décalage entre le présent et le futur du présent est précieux
C’est, en lui, me semble t’il que se joue la seule forme de liberté qui est à notre portée.
Si «time is money» pour certains.
Il n’est pas exagéré d’affirmer que « time is freedom » pour notre cerveau.
Il me semble que nous sommes plus savants de savoir et de comprendre que notre cerveau vit au futur du présent.
Vous trouverez l’émission de Lionel Naccache derrière ce lien : <Le cerveau parle au futur du présent>
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Il est vrai que sans cette capacité la vie serait pleine de surprises mais peut-être plus drôle car l’inattendu est le premier ressort du comique