Aujourd’hui je vais parler de médecins, de techniciens et d’ostéopathie.
Mais pour ce faire, il me semble utile de parler d’une expérience personnelle et d’expliquer le début de l’affaire.
Ce récit, écrit en couleur verte, peut être cependant sauté par les lecteurs pressés. Il a pour objet d’expliquer pourquoi un vendredi à 16 :10 je me suis retrouvé dans le cabinet d’un utilisateur de l’appareil S3000 de marque Siemens en vue de réaliser une échographie abdominale
Nous étions donc au mois de septembre dans un gîte situé dans le massif de la chartreuse, près du col du Cucheron.
Le premier matin, j’ai ouvert des volets à battants et en voulant les bloquer par le loquet prévu, je me suis appuyé sur le rebord de la fenêtre et j’ai essayé d’étendre mon bras droit jusqu’au loquet. J’ai brusquement senti une douleur suffisamment vive pour que j’arrête le mouvement et que je sorte pour accrocher le loquet de l’extérieur, exercice plus simple et plus confortable.
Dans l’après-midi, j’ai ressenti une douleur plus intense dans cette zone, sans d’abord faire le lien avec l’épisode du matin.
Le soir, il m’était impossible, dans le lit, de me coucher du côté droit, ni de tendre le bras droit pour attraper quoi que ce soit sur la table de nuit.
Cette douleur intense a duré une semaine.
Je me soignais avec des granules et de la crème d’arnica.
La deuxième semaine il y a avait une amélioration mais j’avais des sensations désagréables dans la même zone, notamment au moment de manger ou de digérer et quelques autres désagréments quand je respirais profondément ou que conduisais pendant un certain temps.
Au retour des vacances, en consultant mon oncologue pour la visite périodique, je lui ai fait part de cette douleur, des circonstances de son apparition.
En m’examinant, elle a conclu à des probables douleurs intercostales sans gravité.
Nous avons cependant décidé de réaliser un examen approfondi dans 6 mois (techniquement un pet scan) pour vérifier l’état des métastases du cancer.
Mais juste avant de partir, elle a ajouté : «si les douleurs persistent nous avancerons l’examen».
Cette remarque, juste à la sortie de la consultation, a eu pour effet d’augmenter légèrement mon niveau d’inquiétude.
Les douleurs persistaient sans que je puisse avoir la certitude qu’elles diminuaient. Je suis d’abord allé voir mon médecin traitant, puis mon ostéopathe qui ont tous les deux été rassurants. L’ostéopathe expliquant mes douleurs annexes en disant que tout étant lié dans la cavité abdominale, il n’était pas anormal que des douleurs organiques puissent être déclenchées par un traumatisme au niveau des côtes.
Et il avait été décidé de réaliser une échographie abdominale si au bout d’un mois, depuis le début des douleurs, si des perceptions désagréables persistaient.
Et voilà, pourquoi vendredi après-midi dernier je suis entré dans un cabinet d’échographie dans un hôpital lyonnais en vue d’un examen de la zone douloureuse.
Pour être efficace, le médecin qui m’a reçu m’a demandé de m’allonger pour que l’échographie débute immédiatement.
Il écoutait d’une oreille distraite ce que je lui racontais sur mon état de santé, toute son attention était retenue par l’appareil dont il était le servant.
Tout était normal, jusqu’à la détection des stigmates d’une fracture de l’axe antérieur de la 9ème cote droite avec un cal osseux.
Pour celles et ceux qui auraient besoin d’explications : Après une fracture, l’organisme est capable de fabriquer à nouveau de l’os et un épaississement osseux se forme afin de favoriser la cicatrisation de l’os : il s’agit d’un cal osseux.
C’est alors que nous avons engagé la conversation :
Moi : C’est donc cette fracture qui justifie mes douleurs ? et aussi mes douleurs plus profondes. Mon ostéopathe m’a expliqué que ces choses étaient liées.
Le médecin : De toute façon pour les ostéopathes tout est toujours lié !
Moi : Ah vous doutez de l’ostéopathie ?
Le médecin : Oh ! Vous pouvez écouter votre ostéopathe, il en est bien qui écoute leur coiffeur !
C’est ainsi que s’est achevé notre échange. Lui m’expliquant que je pouvais me rhabiller et qu’il allait préparer le compte rendu de l’examen.
Comparer l’avis d’un ostéopathe et l’opinion d’un coiffeur, c’est être un peu méprisant, selon ma perception.
France Culture dans son émission, « les idées claires » a posé la question : « Ostéopathie, ça ne sert à rien ? »
L’émission avait invité le professeur François Rannou, chef du service de médecine physique et de réadaptation à l’hôpital Cochin et dirigeant d’une équipe à l’Inserm de la faculté des Saints-Pères, en charge d’une étude sur l’effet de l’ostéopathie sur 400 patients souffrant de lombalgie.
Les participants ont bénéficié de six séances de manipulations ostéopathiques ou de six séances de manipulations placebo à raison d’une séance toutes les deux semaines, pendant trois mois.
Les séances étaient toutes réalisées par des ostéopathes qui étaient d’accord sur les manipulations que leur discipline préconisait pour une lombalgie.
Une partie de ces ostéopathes appliquaient strictement ce protocole sur les membres du premier groupe, alors que l’autre partie des ostéopathes se gardaient de le suivre en réalisant des manipulations qui devaient être neutre.
Les résultats sont parus dans la revue JAMA (Journal of the American Medical Association) le 15 mars 2021.
Le professeur Rannou rapporte :
« En général, quand on fait des études sur les faits, soit d’un médicament, soit d’une thérapeutique non pharmacologique dans les maladies de l’appareil locomoteur, on regarde trois choses. On regarde la douleur, est-ce qu’on a mal ou pas ? Ou moins mal ou plus mal ? La fonction en gros c’est, qu’est ce qu’on peut faire ? Et la qualité de vie, est-ce qu’on a perdu ou pas en qualité de vie ? Là, on a montré que sur la douleur, il n’y avait pas de différences du tout entre les deux groupes, la qualité de vie non plus. Par contre, sur la fonction, il y a une petite différence entre les deux groupes en faveur du groupe ostéopathie. Mais cette différence n’est pas ce que l’on appelle cliniquement pertinente, c’est-à-dire que c’est une différence qui est tellement faible qu’on considère qu’elle n’a pas d’existence clinique. »
Donc l’ostéopathie n’a pas plus d’effet qu’un placebo selon cette étude.
Je n’ai pas vocation à remettre en cause cette étude.
Je constate qu’il s’agissait d’une étude sur un point précis de souffrance : une lombalgie.
Une étude sur une autre pathologie conduirait-elle au même résultat ?
Et puis il y a un constat du professeur Rannou qui me semble essentiel :
« On a comparé l’ostéopathie chez les gens qui ont mal au dos depuis plus de 6 semaines à un placebo et on montre qu’il n’y a pas de différences entre les deux. En gros, les deux améliorent les patients, mais il n’y a pas de différences cliniquement pertinentes entre les deux groupes. »
L’ostéopathie dans ce cas améliore la situation du patient, c’est mieux que de ne rien faire, mais ce n’est pas mieux qu’un placebo.
Mais dans les deux cas la prise en charge est la même, je veux dire que les patients rencontrent un ostéopathe qui s’occupe d’eux, avec lequel ils échangent. Bref tout est dans la relation, dans la capacité d’empathie et d’humanité dont est capable le praticien et la confiance que peut lui manifester le patient.
Exactement le contraire de ce technicien que j’ai rencontré vendredi après-midi, appendice d’une machine et qui n’a marqué aucune empathie et très peu d’écoute.
Il pourrait probablement être remplacé par une intelligence artificielle sans qu’il n’y ait de dégradation du service.
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