Vendredi 21 juin 2024

« Timeo hominem unius libri »
Parole attribuée à Saint Thomas d’Aquin et qui signifie « Je crains l’homme d’un seul livre »

Thomas d’Aquin est considéré comme l’un des plus grands maîtres de la théologie catholique. Les procédures religieuses l’ont proclamé « Docteur de l’Eglise » catholique.

Il est né autour des années 1225 en Italie et il est mort le 7 mars 1274 à l’abbaye de Fossanova dans les États pontificaux. C’était un religieux de l’ordre dominicain.

Il aurait dit :

« Je crains l’homme d’un seul livre. »

La rigueur nous oblige à dire qu’il n’est pas certain que cette citation soit exacte.

<Cette page anglaise> prétend que c’est l’évêque Jeremy Taylor (1613-1667), qui affirmait que Thomas d’Aquin aurait prononcé cette phrase.

Aujourd’hui, il est devenu banal de citer cette phrase et de l’attribuer au théologien dominicain du XIIIème siècle.

Ainsi Delphine Horvilleur a écrit sur un réseau social, en utilisant un dessin de Plantu, le 29 octobre 2020 :

« Thomas d’Aquin a écrit un jour: « je crains l’homme d’un seul livre ». Le fanatique est toujours un mono-lecteur. Ce soir, tandis que nos portes se ferment, promettons-nous de lire DES livres, et surtout ceux qui nous délivrent. »

La citation n’est pas certaine, mais l’Histoire nous a appris qu’elle était juste.

Un <mot du jour récent> a rappelé le combat noble, visionnaire et juste de Simon Leys contre Mao et les maoïstes. Ces fanatiques intolérants étaient les prisonniers intellectuels du « Petit livre Rouge ».

Spontanément on songe aux livres des religions monothéistes : La Torah, la Bible, le Coran qui au cours des siècles et encore aujourd’hui ont nourri des fanatiques qui en croyant comprendre et puiser à une seule source ont commis ou commettent des crimes sans l’once d’un doute ou d’une humanité.

L’ironie de cette citation est que son invention dans le monde chrétien catholique conduisait à une toute autre explication.

On voulait souligner par cette phrase que :

« L’homme qui ne connaît qu’un livre unique mais le connaît à fond est redoutable par la parfaite connaissance qu’il en a…. »

Ce sens primitif, sans grand intérêt, a donc évolué vers deux interprétations :

  • Tout d’abord l’idée qu’il faut craindre l’homme qui ne connaît ou ne jure que par un seul livre ce qui conduit à des visions simplistes et intolérantes du monde en prétendant que leur opinion ou leur croyance constitue « la vérité ».
  • Ensuite pour fustiger ceux qui n’ayant lu qu’un seul livre croient tout connaître et se retrouvent sur la Montagne de la stupidité, première étape de l’effet Dunning-Kruger

Nous sommes dans une situation très préoccupante : Par la décision solitaire du Prince élu qui nous gouverne, la France peut être, le 8 juillet de cette année, dirigée par un parti démagogue, xénophobe et très peu outillé pour comprendre la complexité de notre monde d’interdépendance, de conflictualité, dans lequel l’arrogance de l’Occident est de plus en plus dénoncée et son leadership contesté par des forces puissantes et déterminées.

Et pour expliquer cette situation, beaucoup ne donne qu’une raison principale, voire unique.

Pour quelles raisons, les citoyens français qui se sont exprimés, ont donné près de 40% des suffrages à des partis d’extrême droite ?

LFI prétend que c’est la question sociale : le pouvoir d’achat, la peur du déclassement et les politiques « ultra libérales » du gouvernement français.

Les médias d’extrême droite prétendent que cette raison est à trouver dans les flux migratoires qui submergent notre pays, l’insécurité qu’ils provoqueraient et l’attaque de notre identité nationale par des groupes venant d’autres pays et portant une vision de la société et des valeurs incompatibles avec la République.

D’autres font porter toute la responsabilité à l’Union européenne et son droit de la concurrence libre et non faussée et les traités de libre échange qu’elle négocie.

Enfin les plus simplistes expliqueront que tout est de la faute d’Emmanuel Macron.

Je crois qu’il est alors possible de reprendre la citation attribuée à Saint Thomas d’Aquin en l’adaptant de la manière suivante : « Je crains l’humain qui croit que le problème complexe qui se pose à lui n’est la conséquence que d’une seule cause. »

Parce que si on est persuadé comme je le suis que l’arrivée au pouvoir du RN serait une catastrophe pour la France, parce qu’il n’a aucune solution réaliste aux problèmes qui se posent et qu’en outre les valeurs qui sous-tendent son action sont xénophobes, racistes, il faut bien comprendre les raisons de ce vote pour essayer de trouver des solutions réalistes et conformes aux valeurs humanistes.

La complexité du vote RN, notamment dans les campagnes, est un peu approchée par Camille Bordenet, journaliste au Monde, chargée des ruralités et Benoit Coquard Sociologue à l’INRAE à Dijon dans « les Matins de France Culture » du mercredi 19 juin 2024 : <Vote RN>

La première raison évoquée est le recul des services publics, la lente désaffection des services publics dans nos campagnes.

Camille Bordenet a observé ce phénomène et explique :

« Des guichets de poste, écoles, centres des impôts, services de maternité et d’urgence ou encore des tribunaux, ont progressivement fermé au gré des plans de restructurations nationaux des vingt dernières années. [C’est un processus] très douloureusement vécu par les habitants et les élus et qui entraîne un sentiment de déclassement et de désengagement de la puissance publique »

Le gouvernement a tenté de pallier ce manque par des guichets France Service qui ont pour vocation de constituer, en un lieu unique, un accueil de premier niveau de quasi tous les services publics. Il ne s’agit, pour l’essentiel, pas de résoudre et de répondre aux besoins des gens mais de les accompagner vers des outils numériques qui constituent, dans l’esprit des technocrates qui nous administrent, le dispositif efficace pour répondre aux demandes de services publics des usagers.

Selon la journaliste ni les habitants ni les agents ne sont à l’aise avec cette organisation : pour les uns le service est insuffisant, pour les autres ils se sentent débordés par l’exigence des populations.

Ce dispositif se heurte aussi au problème de la « fracture numérique » car énormément de personnes dans notre pays ne sont pas à l’aise avec le tout numérique

«  Ils sont alors renvoyés à un sentiment d’incapacité qui peut nourrir une aigreur ».

De cette insatisfaction, le Rassemblement national s’est nourri construisant le récit des deux France : celle des villages abandonnés par l’État face à celle de la « France des banlieues nécessairement immigrée et trop aidée » décrit Camille Bordenet.

Benoit Coquard insiste sur l’implantation locale des militants RN et le message délétère qu’ils propagent :

« [Le discours] reconnait que les gens ont beaucoup perdu, assure que la France est en décrépitude et que plus rien ne fonctionne. Mais il rassure aussi en promettant qu’il y aura toujours plus bas socialement que soi ». Un nouvel bouc émissaire est donc créé, la figure de l’assisté social vivant sur les aides d’État, et dont les représentations se recoupent souvent avec celles de l’immigré. »

Il y a donc les difficultés économiques, la peur de s’appauvrir et que les enfants soient encore plus mal lotis, le sentiment de déclassement personnel et du pays, le constat d’être délaissé par l’État, si important en France, la fracture numérique et plus généralement de la modernité.

Mais ce n’est pas tout.

Une grande dame de la Culture, âgée de 85 ans, fondatrice du théâtre du Soleil a publié une Tribune dans « Libération » le 12 juin 2024 :

«A quel moment doit-on cesser de faire du théâtre sous un gouvernement RN ?»

Ariane Mnouchkine fustige l’acte d’Emmanuel Macron :

« et soudain, ce geste du président de la République – ce geste d’adolescent gâté, plein de fureur, de frustration et d’hubris […] Il déverse un bidon d’essence sur le feu qui, déjà, couvait. Il met le feu à notre maison, à notre pays, à la France. »

Elle exprime un espoir à l’égard du nouveau front populaire, mais dit son rejet de la NUPES :

«Je ne pourrais accepter ce qui ne serait qu’un nouveau masque de certains leaders de cette Nupes qui nous a fait tant de mal, car la politique ne doit pas être que tactique cynique au service de convictions plus brutales que sincères. Elle doit se fonder sur la vérité et l’amour de l’humanité. »

Mais elle fait surtout cet aveu :

«Macron est bien trop petit pour porter, à lui seul, la totalité du désastre. Je nous pense, en partie, responsables, nous, gens de gauche, nous, gens de culture. On a lâché le peuple, on n’a pas voulu écouter les peurs, les angoisses. Quand les gens disaient ce qu’ils voyaient, on leur disait qu’ils se trompaient, qu’ils ne voyaient pas ce qu’ils voyaient. Ce n’était qu’un sentiment trompeur, leur disait-on. Puis, comme ils insistaient, on leur a dit qu’ils étaient des imbéciles, puis, comme ils insistaient de plus belle, on les a traités de salauds. On a insulté un gros tiers de la France par manque d’imagination. L’imagination, c’est ce qui permet de se mettre à la place de l’Autre. Sans imagination, pas de compassion. »

Elle parle d’un déni.

Elle parle aussi d’une posture, celle d’un camp du bien, d’un camp « qui sait » et qui traite de salauds celles et ceux qui ne sont pas d’accord.

On évoque là l’insécurité physique et l’insécurité culturelle dont la gauche ne veut pas parler.

Melenchon vante la vertu de la créolisation, c’est-à-dire du mélange des cultures. Cela peut se révéler pertinent sur la longue durée, mais pas en l’espace d’une génération.

Le nouveau front populaire, parle de lutte contre « l’islamophobie », c’est une erreur, il faudrait parler de la lutte contre le racisme anti-musulman.

Il veut abroger la Loi sur le séparatisme, c’est une autre erreur, il faut peut-être l’amender, non la supprimer.

Il faut défendre avec vigueur et force, la laïcité, les sciences, l’Histoire dans l’éducation nationale contre toutes les menaces, les pressions qui s’exercent contre elle par des hommes fanatisés qui croient trouver toutes les réponses dans un seul livre et dans une seule interprétation de celui-ci.

Et puis parallèlement, « les beaux esprits » de la gauche des villes, exactement comme les croyants d’un seul livre, proclament des opinions comme s’il s’agissait de la vérité : s’agissant du colonialisme, du genre, de la culture woke dont ils prétendent, en outre, qu’elle n’existe pas etc…

Sur tous ces sujets, il faut s’éloigner du déni, du dogme et trouver des réponses de gauche, humanistes, universalistes.

Ce sont aussi des raisons qui expliquent le vote RN.

Mardi 18 juin 2024

« Deux français sur trois. »
Valéry Giscard d’Estaing

Valéry Giscard d’Estaing avait écrit un livre en 1984 : « Deux français sur trois » dans lequel il estimait que pour gouverner la France, il fallait convaincre deux français sur trois.

Aujourd’hui, nous en sommes loin.

Nous savons qu’il y a trois blocs qui sont, selon leurs programmes, leurs alliances et les hommes qui les composent, totalement incapables de travailler ensemble ou simplement d’accepter de dire que le programme des deux autres blocs, bien que différent, constitue une alternative acceptable. Les autres sont soient des salauds, des incompétents ou des factieux.

Le bloc le mieux placé peut espérer 33% des voix.

Comment peut-on espérer rassembler les français ainsi.

J’ai déjà écrit deux mots du jour ancien qui d’une part montrait toutes les limites de la 5ème république : <mot du 8 février 2017> et un autre, en 2022, qui expliquait la perversité, dans le contexte actuel, du scrutin uninominal à deux tours : « Les 16 élections législatives de la Vème République : Un regard historique sur un scrutin qui se délite »

Ce scrutin pouvait se concevoir tant que la France était divisée en deux coalitions qui se combattaient mais se respectaient.

Aujourd’hui c’est une catastrophe.

Parce qu’il est envisageable que le Rassemblement National avec 33% des voix puissent, au second tour, avoir la majorité absolue des sièges, alors de 77% des électeurs ne veulent pas de ce programme. Je veux dire qu’ils n’en veulent absolument pas.

Il en va de même pour le nouveau front populaire, qui pourrait avoir, avec 30% des voix, la majorité absolue des sièges alors que tous les autres sont radicalement contre.

Nous avons déjà suffisamment de problèmes pour ne pas y ajouter un type de scrutin qui permet une telle distorsion de la volonté du corps électoral.

Dans l’Union européenne, nous sommes les seuls à ne pas avoir le scrutin proportionnel et nous avons tort.

Avec un scrutin proportionnel, le PS, le PC et les verts n’auraient pas besoin de s’associer à LFI.

Les républicains ne se rallieraient pas au Rassemblement National.

Et les divers partis ne s’ostraciserait pas comme actuellement, car ils sauraient qu’après les élections il faudrait trouver des coalitions.

Ces coalitions éviteraient les mesures excessives et trop décalées par rapport aux autres mouvements politiques.

Il est urgent de passer à la Proportionnelle.

Vendredi 14 juin 2024

« Consultation »
Que signifie ce mot ?

Quelquefois on se pose des questions sur des mots qui nous semblent de la langue courante, mots qu’on utilise sans y penser.

Et puis arrive un évènement qui nous interpelle et on commence à douter du sens de ce mot.

Récemment c’est le mot « consultation » qui m’a conduit à une telle interrogation.

Au départ, il y a cet article du « Canard enchaîné » du 12 juin 2024 :

« Après avoir annoncé aux ténors de la majorité sa décision de dissoudre, Macron leur donne la parole, comme s’ils avaient encore leur mot à dire. Première à s’exprimer, pour des raisons protocolaires Yaël Braun-Pivet, sonnée par la nouvelle, jette un pavé dans la mare.
« Monsieur le Président, selon l’article 12 de la Constitution , vous devez consulter les Présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. »
Réponse dudit Président :
« Je suis en train de te consulter…
– Pas comme ça. Je vous demande un entretien en tête à tête »
Demande accordée, Macron et Braun-Pivet s’éclipsent dans un salon voisin, où la présidente de l’Assemblée dit tout le mal qu’elle pense de la dissolution.
« J’ai fait mon choix «  réplique le chef de l’État qui appelle dans la foulée Gérard Larcher, président du Sénat, pour le « consulter » lui aussi. »

Nous avons bien entendu le Président de la République nous dire le 9 juin

« C’est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote »,

Que dit cet article 12 ?

Article 12 de la Constitution :

«  Le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des présidents des assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale. Les élections générales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus après la dissolution. »

Yaël Braun-Pivet, avait donc raison, en omettant toutefois le premier ministre, il faut une consultation préalable de trois autorités avant la décision par le Président de la République.

Mais que signifie consultation ?

Selon le dictionnaire Larousse, « consultation » est un nom féminin dont la définition est la suivante :

« Action de consulter quelqu’un, de lui demander son avis »

Selon ce même dictionnaire « consulter » répond à la définition suivante :

« Demander à quelqu’un son avis, son conseil, chercher des renseignements auprès de lui, interroger ».

<Le dictionnaire du CNRS> donne l’étymologie :

« Empr. au lat. class. consultare « délibérer »

Il s’agit donc de délibérer, de discuter, d’échanger des arguments…

Le Canard enchaîné a raconté la réaction du Président du Sénat :

« En fait de consultation a raconté Gérard Larcher, vingt-quatre heures plus tard en Conférence des présidents, « J’ai eu un coup de fil du chef de l’État pour « m’informer » qu’il allait dissoudre. Je n’ai pu qu’en prendre acte ». Larcher, afin qu’il y ait « une trace » de cette conversation en a fait consigner le contenu dans les archives du Sénat »

Le Président a informé les trois autorités, il ne les a pas consultés.

L’esprit de l’article 12 et donc de la Constitution n’a pas été respecté.

Soazig de la Moissonnière, la photographe officielle de la Présidence, a immortalisé l’annonce de la décision de dissolution lors de la fameuse réunion de l’Élysée :

On y voit la sidération de Yaël Braun-Pivet, de Gabriel Attal et de Gérald Darmanin.

Que signifie, en terme de communication, le fait de rendre public cette photo officielle ?

Je trouve cela étrange.

Autre incongruité de l’organisation de la République française, que j’ai essayée de décrire dans un mot du jour de 2017 : « La cinquième République »

Le vote sanction des électeurs français a été réalisé contre le Président de la République puisque c’est lui qui décide de tout.

Mais la réponse n’est pas sa dissolution, c’est-à-dire sa démission, mais la dissolution et donc le renvoi des députés. Il faut savoir sacrifier les autres !

Il y a quelques jours, le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a demandé la dissolution du Parlement. Mais cette décision s’applique à lui, si le peuple britannique envoie une autre majorité au Parlement, Rishi Sunak ne sera plus premier ministre.

Et il en irait de même en Allemagne, en Espagne, en Italie, au Danemark, bref dans tous les pays comparables.

Sauf aux États Unis, où le Président a beaucoup de pouvoirs comme en France, mais ne peut pas dissoudre la chambre des représentants.

« Il y a quelque chose de pourri au Royaume du Danemark » écrivait Shakespeare dans « Hamlet ».

Peut-être y a-t-il quelque chose de pourri dans la Vème République française ?

Jeudi 13 juin 2024

« Le sexe d’un côté et le fric de l’autre et on arrive à ça ! »
Roselyne Bachelot

C’est dans l’émission <Face à Alain Duhamel> du 12 juin que Roselyne Bachelot explique le chaos actuel de la manière suivante :

« Cette dilution de la vie politique française vient de loin. Elle n’est pas à imputer à Emmanuel Macron. Emmanuel Macron est l’effet de cette dilution, il n’est pas la cause.
Parce que les ferments de la distorsion de la vie politique française, ils ont commencé avec le scandale de Dominique Strauss Kahn, qui fait que l’élection présidentielle de 2012 choisit François Hollande qui n’était pas le bon candidat et qui scelle la mort du PS. Ils ont continué avec le scandale de François Fillon qui tue la Droite républiaine. Donc ces deux éléments, ces deux colonnes vertrébrales de la vie politique française s’effondrent à cause de la faute de deux hommes.
Le sexe d’un côté et le fric de l’autre et on arrive à ça. »

Ainsi parle Roselyne Bachelot avec sa gouaille et son sens des formules.

Elle, qui fut ministre de la Culture, post COVID, sous la présidence d’Emmanuel Macron, de 2020 à 2022.

Mais elle fut préalablement, ministre de la Santé et des Sports de 2007 à 2010 et ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale de 2010 à 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy

Et encore avant, cette Docteure en pharmacie, née le 24 décembre 1946 à Nevers, eut sa première expérience gouvernementale, de 2002 à 2004, comme ministre de l’Écologie et du Développement durable. Jacques Chirac était alors Président de la République.

Elle a raison sur un point, Emmanuel Macron est devenu Président de la République suite à un concours de circonstances : un quinquennat raté de François Hollande et une campagne ratée de François Fillon qui proclamait qu’il fallait faire des économies drastiques dans le train de vie de l’État mais qui n’appliquait pas cette règle pour ses besoins personnels et familiaux.

Sans ces deux aventures, Emmanuel Macron n’aurait jamais été élu Président de la République en 2017, malgré ses talents, son ambition et sa bonne étoile.

Dans son discours de la victoire de 2017, il avait fait la promesse suivante :

« Je veux avoir un mot pour les Français qui ont voté simplement pour défendre la République face à l’extrémisme. Je sais nos désaccords, je les respecterai, mais je serai fidèle à cet engagement pris : je protègerai la République.
Et je veux enfin avoir un mot pour ceux qui ont voté aujourd’hui pour Madame LE PEN – ne les sifflez pas, ils ont exprimé aujourd’hui une colère, un désarroi, parfois des convictions. Je les respecte. Mais je ferai tout, durant les cinq années qui viennent, pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes. »

Le résultat des élections européennes du 9 juin 2024 qui a fait monter le Parti de Mme Le Pen à 31,4% des suffrages exprimés et en y incluant les autres mouvements, l’extrême droite à près de 40% des voix, montre que la promesse n’a pas été tenue.

Mais « Le sexe d’un côté et le fric de l’autre » ne suffisent pas à expliquer pourquoi « on arrive à ça ! », c’est-à-dire à une extrême droite devant la porte entrouverte du pouvoir.

Rappelez-vous les dernières années crépusculaires de François Mitterrand, puis les 12 ans de Chirac pour lesquels on se rappelle avec reconnaissance l’opposition à la guerre en Irak, mais qui sur le plan interne ne sut et ne put rien faire sur l’inexorable déclin de la France, l’angoisse de la classe moyenne et l’augmentation des tensions au sein de la société française.

Son successeur, Nicolas Sarkozy, qui a traité son prédécesseur de « roi fainéant » malgré son activisme et son énergie n’a pas davantage réussi à rendre confiance aux français.

Entre temps, il y eut les 5 ans de cohabitation de 1997 à 2002 pendant lesquels Lionel Jospin fut un premier ministre sérieux, rigoureux qui pensait que ses résultats économiques lui permettraient d’accéder, sans difficultés, à la Présidence de la république contre « un Chirac fatigué ».

Que Nenni…

Pour la première fois un représentant de l’extrême droite s’invita au second tour de la Présidentielle.

Puis il y eut François Hollande qui échoua jusqu’au point de ne pouvoir se présenter à sa réélection, trahi il est vrai, par un jeune fougueux qui croyait connaître la solution aux problèmes et qui s’est fracassé, à son tour, au mur des réalités de son impuissance politique, plombé et rejeté avec d’autant plus de force que son arrogance apparait grande.

Je ne crois pas un instant que l’élection de Strauss Kahn en 2012 ou de Fillon en 2017 aurait changé quoi que ce soit de fondamental dans cette évolution.

Pourquoi ?

Je peux essayer d’avancer quelques pistes :

Nous sommes en face d’une impuissance politique, dans laquelle pour se faire élire les politiques promettent des choses qu’ils ne pourront tenir.

Nous n’avons plus ni la démographie, ni la productivité, ni la croissance économique pour faire progresser notre État providence et même le maintenir.

Concernant la démographie, nous avons besoin d’immigration mais nous n’avons plus l’énergie et la force pour intégrer ceux qui viennent et même les enfants de ceux qui sont déjà là. Cette situation crée des tensions identitaires, une montée du communautarisme, alimentée par des groupuscules qui sont hostiles à nos valeurs occidentales, créant en réaction, un rejet de plus en plus fort d’une société en plein doute.

Notre pays s’est désindustrialisé et se trouve bien faible dans un monde interdépendant, mondialisé et financiarisé.

Et je n’ai même pas évoqué le défi climatique et plus généralement de la biodiversité et de l’écologie.

Il faudrait encore parler de notre faiblesse militaire dans un monde de prédateurs carnivores qui se moquent de notre comportement d’herbivores feignant de croire que les normes, les règles de droit sont en capacité d’arrêter ou de faire fléchir ces fauves, ces empires qui nous regardent d’un air narquois.

Mais de tout cela les Politiques ne veulent pas parler et les français probablement ne veulent pas en entendre parler.

Quand des hommes politiques, non démagogues, ont tenté de se faire élire, ils ont été balayés ou empêchés de se présenter. On peut parler de Rocard et de Delors à gauche ou de Barre et de Balladur à droite. Ils n’avaient pas de solutions miracles à proposer, bien sûr, mais ils disaient davantage la vérité.

Interrogé par France Inter Jean-Louis Bourlanges que je qualifierai aussi de Politique à démagogie très modérée, a eu cette phrase :

« Ce que je constate et c’est très dur à dire : c’est un divorce profond entre les besoins du pays et les attentes du pays. Les attentes c’est plus de pouvoir d’achat, c’est plus de subvention, c’est plus de « care » comme disait Mme Martine Aubry. Tout un ensemble de soins et de choses. Et les besoins c’est renforcer les budgets militaires, renforcer l’investissement, renforcer la technologie, accroitre la compétitivité des entreprises. »

Mercredi 12 juin 2024

« Le grand remplaçant : La face cachée de Jordan Bardella»
Pierre-Stéphane Fort

Beaucoup pensent que d’ici un mois, il existe une grande probabilité que le premier ministre de la France soit un homme de 29 ans, puisqu’il est né le 13 septembre 1995, à Drancy.

Les premiers ministres sont nommés de plus en plus jeunes.

Le premier ministre actuel Gabriel Attal, avait battu le record puisqu’à 34 ans, le 9 janvier 2024, il est nommé Premier ministre par Emmanuel Macron, devenant le 25e et plus jeune Premier ministre de la Ve République, devançant de trois ans Laurent Fabius, nommé à 37 ans en 1984.

Jordan Bardella serait alors le 26ème premier ministre et battrait une nouvelle fois le record du premier ministre le plus jeune.

Il parait donc normal de s’intéresser à ce jeune homme plein d’avenir.

Dans les matins de France Culture du mardi 11 juin 2024, Guillaume Erner avait pour invité Pierre-Stéphane Fort : « Le RN ère Bardella : anatomie d’un succès électoral »

Pierre-Stéphane Fort a écrit « Le grand remplaçant : la face cachée de Jordan Bardella »

La page Wikipedia consacré à Bardella, nous apprend qu’il est enfant unique.

Son père est un patron de PME, né en 1968 à Montreuil sous-bois, en Seine-Saint-Denis, d’origine italienne et franco-algérienne.

Mais ses parents ayant divorcé, il grandira avec sa mère dans une cité HLM de sa ville natale.

Sa mère est une agente territoriale spécialisée des écoles maternelles (ATSEM), Luisa Bertelli-Mota. Elle est née en 1962 à Turin en Italie.

Il commence souvent ses discours en rappelant qu’il vient de Seine Saint Denis et insiste sur ses origines populaires.

Mais Pierre-Stéphane Fort juge que « Jordan Bardella n’est pas Cosette » :

« Jordan n’est pas Cosette et son enfance n’aurait sans doute pas inspiré un roman social à Victor Hugo ou Emile Zola. [Sa mère] gagne sa vie modestement et l’élève au quotidien avec le soutien de sa grand-mère.
Jordan Bardella réalise l’ensemble de sa scolarité dans le privé. Saint-Jean-Baptiste de La Salle, l’établissement catholique qu’il fréquente, est à deux pas de chez lui, il a bonne réputation. Vérification faite, pour y scolariser son enfant, il faut payer environ 1 200 euros par an, sans la cantine. Pas évident quand on touche un petit salaire, il paraît donc probable que le père de Jordan Bardella, jamais cité dans ses discours, leur apportait une aide financière.
Son père travaille dans une PME. Dans la presse, je lis souvent qu’il est patron de cette PME, mais malgré des recherches fouillées, la consultation des statuts, etc., je ne peux l’affirmer. Je peux en revanche vous dire qu’il gagne confortablement sa vie et même qu’il est copropriétaire des locaux dans lesquels est installée cette entreprise. Selon mes informations, quand Jordan est adolescent, il l’emmène faire un long voyage aux États-Unis. A 19 ans, il lui offre sa première voiture, une Smart, petite citadine chic et branchée. A la même époque, il le loge gracieusement dans un appartement qu’il détient, sur la coquette commune d’Enghien-les-Bains dans le Val-d’Oise. […] Bref, Jordan Bardella, comme bien des enfants de divorcés, avait un pied dans deux milieux sociaux différents, c’est ainsi qu’il a grandi. Et puis généralement, quand on souffre de difficultés financières, on travaille dès qu’on le peut. Jordan Bardella, lui, ne travaille pas. Enfin si, un mois seulement, à 18 ans, dans l’entreprise de son père. Point final.
Le mythe de l’enfant pauvre issu des pires quartiers de France, qui a grimpé l’échelle sociale à la seule force de son mérite et de son abnégation, a du plomb dans l’aile. »

Ses études ont été courte, il n’a obtenu qu’un baccalauréat économique et social toutefois avec la mention très bien.

Il a tenté d’entrer dans l’Institut d’études politiques de Paris, mais il échoue. Il étudie alors la géographie à l’université Paris-IV mais arrête ses études sans obtenir de diplôme, indiquant préférer se consacrer à la politique.

A part une petite incursion dans l’entreprise de son père, il n’a jamais travaillé. Son métier a été de faire de la politique, rien que de la politique.

Son histoire avec le RN commence en 2012, Il n’a alors que 16 ans lorsqu’il prend sa carte, à l’époque au FN. Il va être remarqué par Marine Le Pen puisqu’il arrive à intégrer son deuxième cercle amical, le clan Chatillon.

Jordan Bardella était en couple avec la fille de Frédéric Chatillon pendant deux ans, qui elle-même est une militante assez radicale. Douze jours après la rencontre entre lui, Marine Le Pen et la fille Chatillon, M. Bardella est nommé porte-parole du Rassemblement national.

<Wikipedia> donne beaucoup d’informations sur Frédéric Chatillon, homme de l’extrême droite dure, ayant travaillé pour le régime syrien d’Assad, tristement célèbre pour ses exactions. Il serait également lié avec le Hezbollah libanais dont il est beaucoup question ces temps-ci. Marine Le Pen a une confiance absolue dans Frédéric Chatillon.

Marine Le Pen mise très tôt sur son storytelling : « Jordan Bardella est le tout jeune homme issu de Seine-Saint-Denis, d’un quartier modeste, d’une famille relativement modeste.»

Pierre-Stéphane Fort raconte :

« Elle mise sur lui et va investir beaucoup d’argent pour le faire former en média training. »

C’est-à-dire qu’il est formé pour devenir un professionnel de la communication dans les médias.

Pour Pierre-Stéphane Fort :

« [Bardella] fait preuve d’un opportunisme chronique. Il a commencé avec Florian Philippot sur une ligne nationaliste sociale. Puis, quand l’étoile de Philippot a commencé à pâlir, il est passé chez les identitaires avec Philippe Olivier. Beaucoup de témoins que j’ai pu rencontrer m’ont dit qu’il sent le vent tourner et qu’il a toujours un coup d’avance. Ce n’est pas un idéologue, mais par contre, c’est un stratège »

Parmi ses talents de communicants, il parvient à toucher beaucoup les jeunes grâce à son utilisation fréquente du média chinois Tiktok.
Pierre-Stéphane Fort souligne par ailleurs la contradiction les paroles et les actes du député européen :

« Au Parlement européen, il vote très souvent le contraire de ce qu’il déclare sur TikTok ou dans les médias français. Par exemple, il fait de grands discours dans lesquels il célèbre les droits des femmes dans l’Union européenne. Dans le même temps, il ne s’oppose pas à l’interdiction de l’IVG en Pologne. Idem sur l’égalité salariale entre hommes et femmes, il préfère s’abstenir. Sur les réseaux sociaux, c’est l’un des champions de la lutte contre le réchauffement climatique. La vérité, c’est qu’il n’a jamais voté un texte majeur au Parlement européen en faveur de cette lutte ».

<France Info> et le <Nouvel Obs> analysent le travail modéré réalisé par Bardella au Parlement européen dont il est élu depuis 2019.

Est il compétent pour le job de premier ministre ?

Pour répondre à cette question, je reprendrai ce passage d’un billet d’humeur de François Morel en 2013.

« Je vous répondrai ce que dans le film « Coup de tête » de Jean-Jacques Annaud dialogué par Francis Weber, Michel Aumont répondait à Paul Le Person qui se demandait si l’abruti à qui on allait offrir un poste de maître-nageur, savait nager : « complique pas ! » »

Mais je ne finirai pas ainsi ce mot du jour. Françoise Hardy qui vient de nous quitter, dans sa chanson « Mon amie la rose », chantait :

« Moi j’ai besoin d’espoir
Sinon je ne suis rien »

<1808>

Mardi le 7 mai 2024

« Je vis avec les mots […] Mourir c’est abandonner les mots et cela c’est terrible ! »
Bernard Pivot dans l’émission « L’Invité » de Patrick Simonin en mars 2021

Même Bernard Pivot est mortel, sa vie s’est arrêtée le 6 mai 2024, le lendemain de son 89ème anniversaire.

Le créateur et animateur des émissions de télévision qui ont rendu les français plus cultivés et instruits : « Apostrophes » (de 1975 à 1990) et « Bouillon de culture » (de 1991 à 2001) a fait l’objet de nombreux hommages dès l’annonce de sa disparition.

Je privilégie une émission plus ancienne, en mars 2021, lorsqu’il a été invité par Patrick Simonin pour parler de son avant dernier livre : « … Mais la vie continue ». Il parle de son grand âge et de ce travail difficile et en perpétuel évolution : vieillir.

« Quand on écrit un livre sur la vieillesse on connait chaque matin le sujet mieux que la veille, et moins bien que le lendemain »

Pour lui, le problème principal devient la santé :

« Les obsèques, on s’en fout. L’important est de vivre le plus longtemps possible et en bonne santé ! L’objet principal du livre est la santé.
A 80 ans passés, la question « Comment vas-tu ?», ce n’est plus une question de politesse, c’est une question médicale ! »

On sent dans cette émission sa passion intacte pour la vie, vivre au présent est pour lui une quête de tous les instants. Et il insiste sur le privilège acquis de la liberté, liberté de la maitrise du temps et liberté de parole :

« Le grand privilège de l’âge, par rapport au moment où on est dans la vie active […] c’est qu’on a la maîtrise de son temps et de son jugement. » […] Si vous avez envie de dire quelque chose vous le dites carrément. A 30 ou 40 vous n’osiez pas. »

Il insiste beaucoup sur cette liberté d’organiser son temps à sa guise.

« Ce qui est extraordinaire c’est la maîtrise du temps. Quand vous êtes jeune, vous avez toute la vie devant vous, vous avez des décennies devant vous et vous n’avez jamais le temps et quand vous êtes vieux vous n’avez plus beaucoup de temps devant vous, les années sont comptées et vous avez tout votre temps. !
Autrement dit à long terme on n’a jamais le temps et à court terme on a tout son temps. »

Et puis il parle des mots. Des mots qu’ils a tant aimé, qui ont été la sève de sa vie, les mots qui finissent avec la mort :

« C’est par amour des mots que nous sommes devenus écrivains ou journalistes. Les mots c’est notre matière première, ce sont nos amis, nos esclaves, ce sont nos fiancés, ce sont nos amants. Nous adorons les mots. […] Les mots cela peut-être du poil à gratter, comme cela peut être de la barbe à papa, cela peut être de la crème caramel comme du poivre de cayenne. […] Les mots sont à notre service, écrire c’est les réunir, les assembler, les biffer c’est un plaisir extraordinaire. Moi je vis avec les mots, trop souvent les gens ne se rendent pas compte que les mots font partie de notre vie, de notre atmosphère, de notre univers. Mourir c’est abandonner les mots et cela c’est terrible ! »

Les mots c’est aussi ceux que l’on oublie quand l’âge avance. Le mot qu’il aime le plus est « Aujourd’hui » en ajoutant qu’il lui plait beaucoup que ce mot comporte une « apostrophe » mais surtout parce qu’il désigne le présent qui était si important pour cet amoureux de la vie.

Il avait aussi beaucoup d’humour, il a écrit dans son livre : 

« Rire, ça fait fuir la mort ! »

Il faut ajouter, un certain temps…

<1804>

Lundi 12 février 2024

« [Son travail] témoigne, mieux que tous les discours, que l’on ne doit jamais désespérer des hommes. »
Robert Badinter, avant-propos à l’édition de la thèse de Philippe Maurice

Bien sûr, il faut honorer la mémoire de cet humaniste que la France a eu la chance de compter dans ses rangs : Robert Badinter.

Il semble légitime d’écrire qu’il est mort de vieillesse à 95 ans, le 9 février 2024.

Au cours du week-end, les médias ont rappelé son histoire et ses combats nombreux, toujours pour défendre l’honneur et la dignité de la personne humaine.

Son grand combat, fut l’abolition de la peine de mort en France.

Les gens de ma génération se souviennent de ce discours qu’il prononça le 17 septembre 1981 à l’Assemblée Nationale.

<Discours> qui commença par ces mots

« J’ai l’honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l’Assemblée nationale l’abolition de la peine de mort en France. »

Un peu plus loin, il disait :

« La France a été parmi les premiers pays du monde à abolir l’esclavage, ce crime qui déshonore encore l’humanité.
Il se trouve que la France aura été, en dépit de tant d’efforts courageux, l’un des derniers pays, presque le dernier – et je baisse la voix pour le dire – en Europe occidentale dont elle a été si souvent le foyer et le pôle, à abolir la peine de mort.
Pourquoi ce retard ? Voilà la première question qui se pose à nous. »

En 2016, lors d’une commémoration de cette abolition, Robert Badinter avait eu ce mot dans les matins de France Culture :

« La France n’est pas le pays des droits de l’Homme, elle n’est que le pays de la déclaration des droits de l’Homme »

J’en fis le mot du jour du <21 octobre 2016>

Outre, qu’il rappela qu’il n’est jamais apparu que l’existence de la peine de mot eut un effet significatif sur le nombre de crimes de sang, il expliqua les deux raisons fondamentales qui, selon lui, doivent conduire à rejeter définitivement la peine de mort :

« Il s’agit bien, en définitive, dans l’abolition, d’un choix fondamental, d’une certaine conception de l’homme et de la justice. Ceux qui veulent une justice qui tue, ceux-là sont animés par une double conviction : qu’il existe des hommes totalement coupables, c’est-à-dire des hommes totalement responsables de leurs actes, et qu’il peut y avoir une justice sûre de son infaillibilité au point de dire que celui-là peut vivre et que celui-là doit mourir.

A cet âge de ma vie, l’une et l’autre affirmations me paraissent également erronées. Aussi terribles, aussi odieux que soient leurs actes, il n’est point d’hommes en cette terre dont la culpabilité soit totale et dont il faille pour toujours désespérer totalement. Aussi prudente que soit la justice, aussi mesurés et angoissés que soient les femmes et les hommes qui jugent, la justice demeure humaine, donc faillible. »

Et puis, il existait au fond de lui cette conviction qu’un être humain, même celui qui avait commis le pire, était toujours capable de devenir meilleur.

Je voudrais pour rendre hommage à Robert Badinter, narrer l’histoire de Philippe Maurice que l’on peut trouver sur Wikipedia.

Philippe Maurice est né à Paris le 15 juin 1956.

En quittant l’armée, Philippe Maurice participe à un trafic de faux billets. Les gendarmes dans l’Aveyron le surprennent en train de forcer un barrage routier avec un véhicule volé. Puis, il est inculpé et incarcéré à la maison d’arrêt de Rodez, en mars 1977, dans le cadre de plusieurs recels de vols de véhicules et de multiples escroqueries (usages de chèques volés, faux monnayage), délits pour lesquels le tribunal de Millau le condamne en 1978 à cinq ans de prison dont un an avec sursis. Lors d’une permission de sortie il ne regagne pas la maison d’arrêt.

Avec un ami, il se lance dans une série de vols à main armée en région parisienne qui se termine dans un épilogue sanglant, d’abord avec le meurtre le 26 septembre 1979 d’un veilleur de nuit qui le surprend en flagrant délit de vol de véhicule dans le 15e arrondissement de Paris, puis avec les meurtres de deux gardiens de la paix de la préfecture de police qui tentent de les intercepter dans la nuit du 7 décembre 1979, rue Monge dans le 5e arrondissement de Paris. Son ami est tué dans la fusillade.

Philippe Maurice est condamné à mort par la cour d’assises de Paris le 28 octobre 1980 pour complicité de meurtre et meurtre sur agents de la force publique.

Il va même tenter une évasion, le 24 février 1981, et blesser grièvement un gardien de prison avec une arme que lui avait remis clandestinement son avocate.

Comme dirait les jeunes de maintenant : « C’est du lourd !»

Son pourvoi de cassation est rejeté le 19 mars 1981, le président d’alors Valéry Giscard d’Estaing repousse volontairement sa réponse pour la demande de grâce, après les élections présidentielles de mai 1981, laissant à son successeur, qui pouvait être lui-même, la charge de répondre à cette demande.

Le 10 mai 1981, François Mitterrand qui avait déclaré qu’il voulait abolir la peine de mort s’il était élu, gagne les élections présidentielles.

Le 11 mai 1981, Robert Badinter va visiter Philippe Maurice dans sa prison et lui dit :

« Vous allez être gracié, l’abolition de la peine de mort est imminente. D’une certaine manière, vous allez symboliser désormais l’abolition elle-même… ». Il lui enjoint de reprendre ses études en prison.

Le 25 mai 1981, le nouveau président de la République, François Mitterrand, quatre jours après son investiture, lui accorde sa grâce et commue sa condamnation à mort en une condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité.

Une fois gracié, Philippe Maurice abandonne ses projets d’évasion et suit le conseil de Badinter : il se met à étudier en commençant par l’équivalence du baccalauréat (examen d’entrée à l’université). Il passe sa licence d’histoire en 1987. Le 18 octobre 1989, il soutient sa maîtrise d’histoire du Moyen Âge.

C’est en décembre 1995 qu’il soutient une thèse de doctorat en histoire médiévale, dirigée par Bernard Chevalier et Christiane Deluz, à l’université François-Rabelais de Tours portant sur « La famille au Gévaudan à la fin du Moyen Âge ». Pour sa première sortie de prison sans menottes depuis 16 ans, trois gendarmes et trois fonctionnaires de la pénitentiaire sont chargés de l’observer lors de la soutenance. La thèse recueille les félicitations unanimes du jury et la mention « très honorable ».

À l’automne 1999, il est placé en régime de semi-liberté. Puis le 8 mars 2000, il bénéficie d’une libération conditionnelle. La communauté scientifique de l’université de Tours lui trouve un poste d’assistant de recherche. Par la suite, il sera chargé de recherches, il travaillera à l’EHESS dans les domaines de la famille, de la religion et du pouvoir au Moyen Âge. Il fut également chargé de recherche au CNRS.

Dans l’avant-propos à l’édition de sa thèse, Robert Badinter rappelait qu’il était venu voir Philippe Maurice à Fresnes le lendemain même du 10 mai 1981 :

« Je lui ai dit que, parce qu’il devait sa vie à l’abolition imminente, il symboliserait d’une certaine manière, l’abolition elle-même (…). [Son travail] témoigne, mieux que tous les discours, que l’on ne doit jamais désespérer des hommes. »

Le 25 mai 2000, le journal « Le Monde » lui a consacré un très long article : < Il était une fois… Le retour à la vie de Philippe Maurice >

J’en tire deux extraits. D’abord celui qui décrit la soutenance de la thèse :

« Alors, en décembre 1995, Philippe Maurice soutient sa thèse à Tours, le temps d’une extraction, sous escorte policière, du centre de détention de Caen. Cinq heures de face-à-face érudit, qui rompent la solitude et valident 1 245 pages, fruit de sa patience et de sa volonté. « Une prestation remarquable d’intelligence du sujet », se souvient Jacques Poumarède, historien à Toulouse des institutions du droit. Mention « très honorable » avec félicitations du jury. « Vous m’avez rendue plus intelligente », conclut ce jour-là une professeure de la Sorbonne, à sa place de juré. »

Et ce jugement de deux des plus grands historiens français :

« [Philippe Maurice figure] parmi les meilleurs docteurs en histoire dont j’ai eu connaissance ces dernières années, attestait le médiéviste Jacques Le Goff, en 1996. Il s’agit là d’un cas exceptionnel non seulement de réinsertion psychologique, intellectuelle et morale, mais d’un apport important aux travaux de l’historiographie française contemporaine. » « Je suis tout à fait porté à lui faire confiance pour le travail qu’il pourrait accomplir dans l’avenir », écrivait l’historien et président de la Bibliothèque nationale de France, Jean Favier. »

Par <cet article> de « l’Obs » nous apprenons qu’il a été présent en 2021, avec Robert Badinter, pour célébrer le 40ème anniversaire de la peine de mort :

« La célébration du 40ème anniversaire de l’abolition de la peine de mort à l’Hôtel de Lassay, a été l’occasion pour Robert Badinter de plaider pour « l’abolition universelle ». Puis, il s’est adressé à ce professeur d’histoire, discrètement assis dans l’assistance, « il a été l’incarnation de l’abolition et il n’a pas déçu les espérances que nous avions en lui ». Appelé à son tour à prendre la parole, Philippe Maurice a rendu hommage à l’homme qui a consacré sa vie à la justice et, a-t-il ajouté, « à François Mitterrand que j’aurais aimé connaître ». Habillé tout de blanc, couleur des fantômes et des anges, Philippe Maurice tranchait sur l’aréopage en costumes sombres. Nulle effusion entre les deux hommes, l’ancien ministre cultive la réserve et le professeur, la discrétion. L’histoire les a fait se croiser et se recroiser mais Robert Badinter n’a pas été son défenseur. »

Sollicité par « Ouest-France », Philippe Maurice s’est dit trop pudiquement touché par la mort de Robert Badinter pour évoquer le sujet de vive voix. Il a toutefois rédigé un petit texte que voici à son égard :

« Voici plus de quarante ans, dans une cellule de condamné à mort, les pieds et les mains enchaînés, les chevilles ensanglantées, je recevais la visite régulière de Robert Badinter. Je n’étais qu’un gamin de banlieue sans avenir. Nous étions certains que je serais exécuté.
Cet homme, socialement si important, ce grand notable, se présentait toujours avec une boîte neuve de cigarillos. Il posait la boîte sur la table, devant nous, l’ouvrait, et m’invitait à fumer. Il allumait les cigarillos que je grillais ainsi devant lui. Quand, en parlant, je laissais mon cigarillo s’éteindre, attentif, attentionné, il se précipitait sur son briquet pour le rallumer. Je crois qu’il s’apercevait avant moi que le cigarillo était éteint.
Ce petit geste dont il ne s’est jamais vanté, je crois, aurait dû disparaître avec moi… À mes yeux, ce geste modeste reste une marque de sa très grande humanité… Le grand bourgeois se pliait devant la mort à venir d’un gamin destiné à l’échafaud. »

Philippe Maurice a publié plusieurs ouvrages d’historien : « La famille en Gévaudan au XV e siècle (1380-1483) » qui fut l’objet de sa thèse, en 1998, aux éditions de la Sorbonne, « Guillaume le Conquérant » en 2002, chez Flammarion, mais aussi son autobiographie : « De la haine à la vie », en 2001, aux éditions du Cherche Midi et « Adieu la mère », en 2014, aux éditions du Cherche Midi, consacré à la vie si difficile de sa mère.

<1791>

Vendredi 19 janvier 2024

« La chute infinie des soleils. »
Pièce de théâtre écrit par Elemawusi Agbedjidji

Avec Annie nous sommes allés, le 17 janvier, au Théâtre des Célestins, à Lyon, voir « La Chute infinie des soleils », écrite et mise en scène par Elemawusi Agbedjidji. Cette pièce sera jouée jusqu’au 27 janvier.

C’est un spectacle qui mêle le récit d’un naufrage, au XVIIIème siècle, avec celui d’un étudiant étranger, en France, qui tente de démontrer à un jury incrédule, lors d’une épreuve universitaire que cette histoire ancienne mérite d’être racontée et étudiée, parce qu’elle parle de nous et de notre humanité. La pièce mêle vérités historiques et fictions.

La scénographie est épurée et seul deux comédiens un homme et une femme se trouvent sur le plateau.

Avec une grande sobriété de moyens, la pièce de théâtre touche juste, et « tape avec le cœur sur le cœur » selon une expression de Christian Bobin.

Le récit historique nous apprend que dans la nuit du 31 juillet au 1er août 1761, une frégate, de la Compagnie française des Indes, « L’utile » fait naufrage près d’une minuscule ile qui s’appelait alors « l’ile des sables », elle porte désormais le nom d’« île de Tromelin »

Elle a une superficie de 1 km², le tour de l’île fait 3,7 km et le point culminant se situe à 7m au-dessus du niveau de la mer.

Elle se situe dans l’Océan Indien et se trouve à 436 km à l’est de Madagascar et à environ 560 km au nord des îles de La Réunion et de Maurice

A cette époque, la France et l’Angleterre se combattent au cours de la « guerre de Sept Ans »..

La frégate Utile a été envoyée à Madagascar pour ravitailler les colonies.

Le navire a notamment pour mission de ravitailler l’île Maurice qui portait alors pour nom « l’île de France ». Cette île affronte une sévère famine en raison de la surpopulation d’esclaves. Pour cette raison, le gouverneur Antoine Marie Desforges-Boucher interdit temporairement leur commerce sur les terres qu’il administre (les îles de France et Bourbon, actuellement Maurice et La Réunion).

Mais ce trafic rapportant des sommes considérables, des marins se mettent à leur compte.

Ainsi le capitaine de l’Utile, Jean de La Fargue, malgré l’interdit, fait embarquer 160 esclaves malgaches afin de les revendre à Rodrigues pour sa fortune personnelle.

Ce trafic explique non seulement la route empruntée par le marin français (beaucoup plus au nord que la voie connue), mais aussi sa volonté d’expédier son chargement au plus vite, quitte à risquer le naufrage. Il navigue de nuit.

« La Libre Belgique » a consacré une page documentée sur ce drame

« Nous sommes le 31 juillet 1761, il est 22h20. La nuit est noire, la mer houleuse. Seuls quelques officiers et l’homme de barre sont encore sur le pont de l’Utile […]. Malgré les conditions de navigation difficiles, le bateau suit les ordres du capitaine, Jean de Lafargue, et fait route vers l’est. Le matin-même, une dispute avait éclaté entre le capitaine et son second, Barthélémy Castellan du Vernet, au sujet de la direction à prendre. Chacun, muni d’une carte différente, redoutait de passer trop près de l’Ile des Sables, un îlot d’un kilomètre carré dont la position n’était pas connue avec certitude. Buté, le capitaine Jean de Lafargue avait refusé d’écouter son second. Il en était sûr : la carte fournie par la Compagnie française des Indes Orientales était plus précise que celle, plus récente, dessinée par un vieux loup de mer. Le capitaine avait donc tué toute mutinerie dans l’œuf en déclarant d’un ton autoritaire que le cap resterait inchangé. […] »

Le navire va se fracasser contre la barrière de corail qui entoure l’île :

« En quelques secondes, des cris se firent entendre. Des hurlements de désespoir venant aussi bien des hommes d’équipage de toutes nationalités que des esclaves noirs, enfermés dans les cales du navire, piégés derrière des portes clouées. Castellan se mit aussitôt à distribuer des ordres. Son but : garder son bateau à flot jusqu’à ce que le soleil se lève. Durant dix longues heures, il fit son possible pour l’empêcher de tanguer. Malheureusement, il ne pouvait lutter contre les forces de la nature. Aux alentours de huit heures du matin, le 1er août 1761, le navire se brisa en deux, jetant à la mer des hommes désespérés, Blancs et Noirs, pour la plupart incapables de nager. Beaucoup périrent noyés ou déchiquetés contre les rochers. Mais, comme une lumière au bout du tunnel, l’un d’eux aperçut une minuscule île. A peine eut-il crié « Terre en vue » que tous les survivants usèrent leurs dernières forces pour rejoindre les côtes. Cette île de sable qui avait tant effrayé l’équipage et qui les avait fait sombrer était maintenant devenue leur seul espoir de survie.

Durant cette catastrophe, personne ne vit le capitaine Jean de Lafargue, dont l’Histoire nous apprendra qu’il était resté caché dans les toilettes du navire, sans doute occupé à se demander comment tout cela avait pu arriver. Plusieurs facteurs pouvaient en effet expliquer ce naufrage mais, à chaque fois, le capitaine avait sa part de responsabilité. Ainsi, si le bateau avait respecté sa mission de départ, il n’aurait même jamais emprunté cette route chaotique.  »

Sur les 140 membres d’équipage, 18 périssent avant d’atteindre la rive, il en reste donc 122.

Pour les esclaves noirs le bilan est beaucoup plus catastrophique, sur les 160 qui se trouvaient sur le bateau, il n’y a que 88 survivants. Comme l’Utile n’est pas taillé pour le transport d’esclaves, les cales sont clouées chaque soir pour éviter toute révolte. Cette nuit-là, les prisonniers ne doivent leur délivrance qu’à la violence de la houle, qui brise le pont du navire en même temps que les portes de leurs geôles.

Le capitaine a sombré dans la folie, il est incapable d’organiser le sauvetage. C’est désormais son premier lieutenant, Barthélémy Castellan du Vernet, qui mène les opérations. Après une brève reconnaissance de l’île, ce dernier s’aperçoit que la terre qu’il foule n’abrite ni arbre ni eau douce. L’épave de l’Utile représente quasiment l’unique ressource de l’île. Durant les trois premiers jours, le rationnement décrété par les Français entraîne le décès d’une trentaine d’esclaves, privés d’eau potable.

« Au bout de quelques jours, les survivants entament la construction d’un puits de 5 mètres de profondeur qui leur offrira de l’eau saumâtre, de l’eau de mer dont la majorité du sel est filtré par le corail. Une fosse commune est également creusée afin d’y enterrer les corps des Noirs morts de soif. »

Le lieutenant aura l’idée de construire un bateau pour sortir de cet enfer. Il sera construits en 57 jours par une équipe essentiellement composée par les esclaves venues de Madagascar.

Mais il était trop petit pour emmener tout le monde.

Qui va partir ?

Question naïve : les blancs, ceux qui n’avaient pas participé à la construction du bateau de secours.

Castellan promet aux noirs de venir les rechercher.

Ils vivront, mourront et certaines survivront pendant 15 ans, le temps qu’un bateau vienne les chercher.

Dans le texte de la pièce de théâtre, l’auteur met les paroles suivantes dans la bouche de l’actrice :

« Cela fait 4 018 tombés de soleils dans le lointain depuis que le capitaine s’en est allé sur le dos de l’océan jusqu’à derrière la porte fine de l’horizon. 4 018 jours que l’espoir est né. Aujourd’hui, il s’est consumé dans la courbe infinie des couchers de soleil en même temps que tu quittais, nous quittais »

Pendant 15 ans, tous les jours ils ont vu le soleil se coucher sur cette ile inhospitalière.

D’où le titre de la pièce : « La chute infinie des soleils. »

Pour la défense du lieutenant, l’histoire retient qu’une fois sur la terre ferme, Castellan demande l’autorisation au gouverneur de l’île Maurice d’aller secourir les esclaves. Mais le gouverneur refuse d’affréter un bateau pour des esclaves qu’il leur avait interdit de transporter. Après plusieurs tentatives, Castellan renonce et décide de retourner en France. Tout le monde oublie ces naufragés, sans doute morts mais qui en fait attendent toujours du secours. Mais en 1773, un navire passant à proximité de l’île les repère et les signale de nouveau aux autorités de l’île de France. Un bateau est envoyé mais ce premier sauvetage échoue, le navire n’arrivant pas à s’approcher de l’île. Un an plus tard, un second navire, La Sauterelle, ne connaît pas plus de réussite. A partir de ce moment, il faudra encore trois ans pour organiser le sauvetage. Ce n’est qu’au bout de quinze ans le 29 novembre 1776, qu’un bateau viendra enfin les sauver pour de bon. Celui du chevalier de Tromelin qui donnera d’ailleurs son nom à cette île. Malheureusement, il ne trouvera vivants que sept femmes et un bébé de 8 mois.

<Wikipedia> nous apprend que

« En arrivant sur place, Tromelin découvre que les survivants sont vêtus d’habits en plumes tressées et qu’ils ont réussi, pendant toutes ces années, à maintenir un feu allumé grâce au bois provenant de l’épave, l’île étant dépourvue d’arbres. Les survivants sont recueillis par Jacques Maillart du Mesle, intendant de l’île de France, qui les déclare libres (ayant été acquis illégalement, ils ne sont pas considérés comme esclaves et n’ont donc pas à être affranchis) et leur propose de les ramener à Madagascar, ce qu’ils refusent, au motif qu’elles y seraient « esclaves des autres Noirs ». Maillart décide de baptiser l’enfant Jacques Moyse (Moïse), le jour même de son arrivée à Port-Louis le 15 décembre 1776 de renommer d’office sa mère « Ève » (alors que son nom malgache était Semiavou qui se traduit par « celle qui n’est pas orgueilleuse ») et de faire de même avec sa grand-mère qu’il nomme « Dauphine » d’après le nom de la corvette qui les a secourues. Le trio est accueilli dans la maison de l’intendant sur l’île de France. […]

Condorcet plaidant l’abolition de l’esclavage dans son ouvrage Réflexions sur l’esclavage des nègres, paru en 1781 sous nom d’emprunt, relate la tragédie des naufragés de Tromelin afin d’illustrer l’inhumanité de la traite »

Aujourd’hui, l’île Tromelin est une île de l’océan Indien administrée par la France au sein des îles Éparses de l’océan Indien, entité rattachée aux Terres australes et antarctiques françaises. Ces îles sont revendiquées par Madagascar, indépendant depuis 1960 et par l’ile Maurice, indépendant depuis 1968.

En 1947, l’île commence à intéresser les autorités françaises à des fins de météorologie tropicale pour la surveillance des cyclones tropicaux. La direction de la météorologie nationale française, suivant une demande de l’Organisation météorologique mondiale, installe le 7 mai 1954 une station météorologique permanente qui détruit les derniers vestiges des naufragés de Tromelin.

Premier président de la République à le faire, le Président Macron a visité, le 23 octobre 2019, la plus grande île de l’Archipel « La Grande Glorieuse » <pour parler de biodiversité> mais aussi pour répéter que ces îles sont la France :

« Ici c’est la France, c’est notre fierté, notre richesse. Ce n’est pas une idée creuse. Les scientifiques et militaires qui sont là le rappellent. La France est un pays archipel, un pays monde […] On n’est pas là pour s’amuser, mais pour bâtir l’avenir de la planète. Ce que nous préservons ici aura des conséquences sur les littoraux, y compris dans l’Hexagone. »

Cette déclaration <a fortement déplu> à Madagascar.

Mais, il faut comprendre que ces iles représentent une richesse économique considérable. Par exemple L’îlot Tromelin permet de revendiquer le contrôle de 280 000 km² de zone économique exclusive (ZEE), ce qui fait de la France l’État contrôlant le plus vaste espace maritime au monde avec, au total, 11,7 millions de kilomètres carrés de ZEE. Concrètement, la ZEE permet notamment le contrôle des droits de pêche et d’exploitation d’éventuelles autres ressources. Un enjeu de taille pour une telle surface.

Je ne connaissais pas cette histoire, mais elle a depuis de nombreuses années suscitée l’intérêt et divers travaux.

La première fût une expédition archéologique « Esclaves oubliés » menée par Max Guérout, ancien officier de la marine française et directeur des opérations du Groupe de recherche en archéologie navale et Thomas Romon, archéologue à l’Inrap, a lieu d’octobre à novembre 2006. L’expédition sonde l’épave de L’Utile et fouille l’île à la recherche des traces des naufragés dans le but de mieux comprendre leurs conditions de vie pendant ces quinze années.

Selon Max Guérout, chef de la mission, « En trois jours, un puits de 5 mètres de profondeur est creusé. Cela représente un effort considérable. » « On a retrouvé de nombreux ossements d’oiseaux, de tortues, et de poissons. » « L’arrivée de ces naufragés a dû causer une véritable catastrophe écologique pour l’île. »

Des soubassements d’habitations fabriquées en grès de plage et corail sont également mis au jour (les survivants transgressèrent ainsi une coutume malgache selon laquelle les constructions en pierre étaient réservées aux tombeaux. On retrouva aussi six gamelles en cuivre réparées à de nombreuses reprises et un galet servant à affûter les couteaux. Le feu du foyer est maintenu pendant quinze ans grâce au bois provenant de l’épave, l’île étant dépourvue d’arbres.

D’autres expéditions suivirent cette première.

Wikipedia nous apprend ainsi que cette histoire a inspiré le livre « Les Naufragés de l’île Tromelin » d’Irène Frain paru en 2009.

En octobre 2010, les éditions du CNRS et l’INRAP ont publié « Tromelin : L’île aux esclaves oubliés », un ouvrage scientifique destiné au grand public, rédigé par Max Guérout et Thomas Romon.

Parue en 2015, la bande dessinée Les esclaves oubliés de Tromelin de Sylvain Savoia raconte de façon croisée le naufrage et la vie des rescapés sur l’île Tromelin et l’expédition de fouille de 2010.

Il existe de nombreuses ressources sur Internet :

Deux vidéos d’une heure environ :

Un documentaire de 2013 de TV5 Monde <Les esclaves oubliés de l’île Tromelin>

    Une conférence du 18 février 2019 au Musée de l’homme : <Tromelin : Bilan des recherches archéologiques>

Et ces pages d’information :

« France Info » : «Tromelin, l’île des esclaves oubliés » une exposition au musée de l’Homme à Paris, en février 2019.

Un article très détaillé de « Ouest France » : « Le tragique destin des esclaves oubliés de l’île Tromelin »

« L’INRAP » : Un dossier thématique conçu en lien avec l’exposition « Tromelin, l’île des esclaves oubliés » présentée au Château des ducs de Bretagne – musée d’histoire de Nantes, du 17 octobre 2015 au 30 avril 2016.

« Geo » : <Tromelin : comment des esclaves naufragés ont survécu pendant 15 ans sur une île déserte>

Une page de « Radio France » : « L’histoire des esclaves oubliés de Tromelin en quelques images »

Il y a bien sûr la Page consacrée au spectacle du Théâtre des Célestins : <La chute infinie des soleils>

Le livre de cette pièce a été publié aux <éditions théâtrales>

<1787>

Vendredi 27 octobre 2023

« Partout, les forces attachées à la modération, à la coopération et à la paix ont été battues en brèche. »
Jean-Louis Bourlanges, le 23 octobre, à l’Assemblée Nationale

Hier j’ai partagé un cri de colère.

Non ! ce que le Hamas a fait n’est pas un acte de résistance !

C’est un crime contre l’humanité. Ce que ces croyants ont perpétré au nom d’Allah, ne peut s’inscrire dans les valeurs de l’humanité.

Il faut aimer la mort, comme nous aimons la vie pour agir ainsi.

Il faut croire aveuglément à un récit et dénier à celles et ceux qui n’y croient pas, jusque qu’à la dernière parcelle d’humanité.

Non, on ne peut pas considérer que ce qui s’est passé à partir de 7 octobre est une simple riposte entre deux belligérants.

Les crimes du Hamas sont au-delà de ce que nous pouvions imaginer, horreur et atrocité.

Je ne suis plus croyant dans une des religions du Livre. Mais pour les croyants, il y a cette malédiction que je crois légitime pour chacun des assassins du Hamas et de ceux qui les ont envoyés :

« Quand on le jugera, qu’il soit déclaré coupable, Et que sa prière passe pour un péché ! »
Psaume 107 verset 7 dans la traduction de Louis Segond.

Que leurs prières soient péchés !

Il fallait que cette abomination soit dénoncée.

Et le 23 octobre, un vieil homme de 77 ans, est monté, tout essoufflé, à la tribune de l’Assemblée Nationale, au Palais Bourbon.

Il avait du mal à retrouver son souffle. Il finira épuisé, au bord du malaise.

Mais lorsqu’il a vraiment débuté son discours, la magie du verbe et la lucidité de la politique, se sont emparées de ce corps fragile.

Un discours exceptionnel de Jean-Louis Bourlanges, président de la Commission des affaires étrangères et député Modem. Un discours comme il y en eut jadis à la tribune de cette Assemblée, loin des interventions querelleuses et électoralistes qui sont désormais le lot quotidien de la chambre basse de notre parlement.

Il a aussi commencé à poser, ce qui doit être dit :

« Le 7 octobre dernier, cette interminable tragédie a pris un cours décisivement nouveau et d’une gravité exceptionnelle : Israël s’est trouvé confronté à une agression paramilitaire de première grandeur, menée par un Hamas résolu à piétiner tous les principes, toutes les règles, tous les usages régissant les relations entre les peuples, que ceux-ci soient en guerre ou en paix. Si les mots ont un sens, il est clair que l’agression conduite par le Hamas est à la fois terroriste, constitutive d’un crime de guerre généralisé et adossée à un discours à caractère génocidaire assumé. Le Hamas met en scène les pires violences sur les populations dans le seul but d’effrayer et d’intimider : c’est du terrorisme. Le Hamas ne fait la guerre qu’aux civils, c’est la définition même et dans son extension maximale du crime de guerre ! Les fidèles du Hamas n’hésitent pas à appeler non pas uniquement à la disparition de l’État d’Israël, mais à l’élimination des Juifs en tant que Juifs ! C’est l’expression même d’une volonté de génocide porteuse d’un crime contre l’humanité.»

Mais il avait introduit ce propos par un rappel historique essentiel qui fait le constat que la situation conflictuelle au Proche-Orient depuis soixante-quinze ans provient de l’absence d’un État palestinien aux côtés de l’État israélien :

« Le 29 novembre 1947, L’Assemblée générale des Nations unies décidait, par trente-trois voix contre treize, la création de l’État d’Israël tout en prenant soin de proposer l’institution parallèle d’un État palestinien qui, à la suite de la guerre qui a accueilli la décision onusienne, n’a jamais pu voir le jour. De ce vote solennel qui engage la communauté internationale date à la fois le droit imprescriptible du peuple juif à vivre dans un État libre et souverain, et le lancinant problème posé par l’émergence indéfiniment différée de son jumeau palestinien. Israël était né, Ismaël restait dans les limbes ; la tragédie prenait ses marques au cœur d’un Moyen-Orient par ailleurs déchiré par la guerre froide. »

Pour ceux qui manquent de références bibliques, il faut savoir que selon ce récit Ismaël est le fils d’Abraham qui serait le père de tout le peuple Arabe ainsi que de la lignée menant au prophète de l’islam Mahomet. Le second fils d’Abraham sera Isaac qui lui même sera le père de Jacob qui prendra le nom d’Israël et sera l’ancêtre du peuple juif. Ces personnages apparaissent dans les livres de Moïse des juifs et dans le Coran des musulmans. Les croyants de ces deux religions croient à ce récit.

Et puis prenant de la hauteur, Jean-Louis Bourlanges s’est interrogé sur la sécurité à long terme d’Israël :

« Et c’est de la réponse à cette question que doivent dépendre nos réactions à court et à moyen terme, comme celles de l’État hébreu.

Comment un État de 20 770 kilomètres carrés, peuplé de moins de sept millions de Juifs, fer de lance d’une communauté humaine de près de treize millions de personnes, pourrait-il espérer vivre durablement en paix et en sécurité au milieu d’un environnement par hypothèse hostile de plus d’un milliard et demi de musulmans ? »

Et il répond que les murs, les équipements militaires les plus sophistiqués sont une mauvaise réponse :

« Même l’arme nucléaire dont dispose Israël n’est pas de nature à assurer la survie d’un État concentrant toute sa population sur un espace aussi restreint. »

Et puis, il y eut ce développement remarquable de clarté et de lucidité en comparant l’attitude du premier ministre actuel de l’Etat d’Israel avec ses prédécesseurs :

« Face à cette terrible situation, il faut analyser sans œillères ni préjugés ce qui s’est modifié ces dernières années sur la scène moyen-orientale. Comme l’a très justement dit monseigneur Vesco, archevêque d’Alger : « La violence barbare du Hamas est sans excuse mais elle n’est pas sans cause. »

Avant la prise de pouvoir de M. Netanyahou, les grands dirigeants historiques d’Israël, quelle qu’ait été leur sensibilité politique, ont eu une conscience aiguë de cette vulnérabilité après que la guerre du Kippour l’eut rendue manifeste.

Yitzhak Rabin, qui avait vu au plus près le péril de la patrie, a défendu, avec une force de conviction et une volonté politique sans pareille, l’idée qu’il n’y aurait ni paix ni sérénité pour Israël si les Palestiniens ne se voyaient pas reconnaître, eux aussi, un État libre et souverain.

Menahem Begin, venu pourtant de la droite de la droite, a assumé courageusement à Camp David, le choix de la paix avec le principal ennemi d’Israël, l’Égypte post-nassérienne.

Ariel Sharon, qui avait pris la mesure de l’impuissance de la force dans le cadre de l’intervention controversée qu’il avait conduite au Liban, avait, à la veille de l’accident de santé qui devait le terrasser, décidé d’amener son pays à renoncer ses ambitions coloniales en Cisjordanie.

Ces hommes avaient pressenti et pleinement reconnu, pour Yitzhak Rabin du moins, qu’Israël ne trouverait la paix qu’à la condition d’établir avec les États arabes qui l’entouraient, mais aussi avec les hommes et les femmes de Palestine, une relation équilibrée qui supposerait le respect mutuel et le partage des bénéfices de la paix.

La rupture introduite ces dernières années dans la politique israélienne par les gouvernements successifs de M. Netanyahou n’est certainement pas la cause unique de la situation nouvelle, mais elle y a puissamment contribué. »

Jean-Louis Bourlanges dit tout le mal qu’il pense de M. Netanyahou sur le plan militaire mais aussi politique :

« L’essentiel est toutefois d’ordre politique. M. Netanyahou a semblé imaginer que l’établissement de relations apaisées et coopératives avec les voisins arabes d’Israël, ce qui était en soi une excellente ambition et se révélera demain fort utile à la quête nécessaire de l’apaisement, pouvait avoir ce pouvoir indirect, mais précieux à ses yeux, de dispenser Israël de rechercher avec les Palestiniens un accord équilibré et respectueux de leurs attentes et de leurs aspirations profondes.

Bien plus, les accords d’Abraham ayant permis aux États arabes d’abandonner les Palestiniens à leur triste sort, le Gouvernement israélien s’est estimé libre d’engager sans risque une relance rampante mais brutale et déterminée de sa politique de colonisation en Cisjordanie. »

Bien sûr, Israël n’est pas le seul responsable :

« Il serait injuste d’attribuer à l’État hébreu le monopole de la nouvelle brutalisation du monde d’où l’horreur du 7 octobre est sortie. Partout, les forces attachées à la modération, à la coopération et à la paix ont été battues en brèche.
Que les Palestiniens aient eu la tentation croissante et suicidaire de se réfugier dans une sorte de nihilisme politique ne peut, hélas, pas nous surprendre.

Une population sans avenir, donc sans espoir, pouvait-elle être tentée par des partis modérés qui n’avaient rien à lui offrir ? »

Il pointe aussi la responsabilité des Etats-Unis, notamment de Trump et ajoute :

« Comment, dans ces conditions, ne pas voir que ce sont aujourd’hui les héritiers idéologiques des assassins d’Anouar el-Sadate et d’Yitzhak Rabin qui tiennent ensemble la plume de la tragédie qui s’écrit sous nos yeux ?  »

J’avais déjà expliqué dans le mot du jour de lundi, le soutien de l’actuel Ministre de la Sécurité nationale du gouvernement israélien : Itamar Ben Gvir à l’assassin de Rabin, sans oublier que Netanyahou intervenait dans des meetings où une partie des participants appelait à tuer Rabin.

Sadate a été tué par le Jihad islamique égyptien qui est une organisation armée issue des frères musulmans exactement comme le Hamas.

La fin du discours consistera à essayer de trouver le juste niveau de la riposte en épargnant les vies innocentes :

« Dans l’immédiat, il faut impérativement veiller à ce qu’une contre-attaque légitime, dès lors qu’elle vise exclusivement à détruire les moyens militaires de l’agresseur, évite les deux écueils majeurs que chacun a clairement identifiés.
D’abord le risque d’une escalade incontrôlée pouvant conduire à un embrasement général. Derrière le Hamas, il y a le Hezbollah ; derrière le Hezbollah, il y a l’Iran ; derrière l’Iran, il y a la Russie et la Chine. […]

Le deuxième risque majeur est celui d’un anéantissement massif de populations civiles utilisées par les uns comme des boucliers humains et par les autres comme l’exutoire d’une tentation de vengeance,…

…pour reprendre l’expression préoccupante du Premier ministre israélien. »

Et puis il envisage une solution à plus long terme qui ne peut que prendre en compte pleinement le besoin de justice pour la population palestinienne au terme d’une nouveau processus de dialogue basé sur la paix, le besoin de sécurité d’Israël et des concessions réciproques :

« Reste à construire un avenir de paix. La tâche est redoutable en raison du mur de détresse et de haine qui sépare aujourd’hui Israéliens et Palestiniens. Aujourd’hui, il est à la fois trop tard et trop tôt pour instituer deux États en terre de Palestine.

Il est en revanche temps – et même grand temps – de commencer à réaliser les conditions qui rendront possible, le moment venu, cette double création. La première de ces conditions, c’est qu’Israël fasse cesser sa politique de colonisation et reconnaisse enfin que la solution du problème palestinien ne saurait passer par l’exportation, en Égypte, des Palestiniens de l’Ouest et, en Jordanie, des Palestiniens de l’Est.

La seconde de ces conditions consiste à recréer, notamment avec l’appui des États modérés du pacte d’Abraham, une autorité palestinienne active, respectée et capable de prendre à Gaza le relais d’un Hamas en cendres et de négocier un statut respectueux des droits palestiniens. Au-delà du Moyen-Orient, les bonnes volontés existent, comme celle du Brésil, dont la France a eu raison de soutenir le projet de résolution à l’ONU. Il nous appartient de nous associer à leurs efforts.  »

Il en appelle aussi à l’Union européenne dont l’expérience est celle de la réconciliation franco-allemande et qui doit convaincre « Palestiniens et Israéliens de la pertinence de son logiciel de réconciliation. »

Je n’ai pas cité tout le discours mais la plus grande partie.

Si vous voulez voir intégralement, en vidéo, ce moment de haute politique : <Débat du 23 octobre 2023>. Cela commence à 1:05 :00

Vous pouvez aussi avoir, grâce au journal officiel (cela me rappelle mes études de Droit lorsque j’allais régulièrement lire le JO pour prendre connaissance des débats parlementaires.), la retranscription textuelle intégrale du discours de M Bourlanges ainsi que les interpellations agacées et négatives de M Meyer Habib, député républicain, proche du Likoud et ami revendiqué de Benyamin Netanyahou

Le lien se trouve derrière ce lien :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/seance/session-ordinaire-de-2023-2024/seance-du-lundi-23-octobre-2023

Ce texte permet d’ailleurs de revenir à la vidéo et au moment précis de l’intervention transcrite.

Je n’ai pas grand-chose à ajouter à ce discours équilibré, profond, inscrit dans l’Histoire et qui tente de tracer un objectif pour l’avenir. Le chemin pour y arriver reste compliqué.

Les extrémistes des deux côtés voudraient que l’autre peuple dégage et soit chassé de cette terre. Cela est inadmissible et ne pourrait que conduire à d’autres crimes inouïs.

Il reste à trouver la voie qui permette de faire vivre ces deux peuples dans la Palestine de l’Empire Ottoman puis du mandat britannique, dans la paix, la justice et l’équilibre.

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Jeudi 26 octobre 2023

« Ce qu’il y a de bien avec les Juifs, c’est que même lorsqu’ils sont innocents, ils sont coupables. »
Alexandra Laignel-Lavastine

Aujourd’hui je partage, une lettre, un cri de colère.

Je n’y ajoute rien, aucun commentaire.

Je vous invite à lire cette tribune, à la recevoir, à l’accueillir.

Après l’avoir lu, vous pouvez évidemment donner libre cours à votre analyse, à vos critiques, à vos désaccords.

Elle exprime un point de vue fort, que certainement beaucoup de membres de la communauté juive, notamment française, ressentent.

C’est une lettre ouverte au Président de la République par une intellectuelle : Alexandra Laignel-Lavastine

Alexandra Laignel-Lavastine est une philosophe, historienne des idées, essayiste, journaliste née à Paris le 17 octobre 1966.

Elle a écrit de nombreux articles dans Le Monde et aussi à Libération, Le Monde des débats, Philosophie Magazine.

C’est une spécialiste du totalitarisme et de l’histoire intellectuelle et politique des pays de l’ex-Europe de l’Est au XXe siècle, elle a aussi beaucoup étudié la Shoah.

Elle s’est notamment intéressée à la shoah en Roumanie : « Grand entretien. Alexandra Laignel-Lavastine autour de «Cartea neagra – Le livre noir de la destruction des juifs de Roumanie 1940-1944»

En 2017, elle a écrit un livre ayant pour titre : « Pour quoi serions-nous encore prêts à mourir ? »

Elle s’est aussi intéressé à la montée de l’islamisme en France « Face à l’islamisme, certains intellectuels « progressistes » sont dangereux »

Cette lettre a été publiée sur ce site <Tribune Juive>

24 octobre 2023
Lettre ouverte au Président Emmanuel Macron à l’occasion de son arrivée en Israël.
Par Alexandra Laignel-Lavastine


Monsieur le Président de la République,

Il semblerait donc que nous vous attendons aujourd’hui en Israël, où je me trouvais quand les barbares du Hamas ont attaqué et massacré ce samedi 7 octobre, et où il va de soi que je me trouve toujours. D’abord, parce qu’on ne déserte pas par temps de guerre. Ensuite, parce qu’il faudrait avoir l’estomac bien accroché pour rentrer dans le pays que vous présidez, où l’esprit public et la classe politico-médiatique — aux habituelles exceptions près depuis vingt ans — a atteint, depuis quinze jours, un degré d’avilissement encore jamais vu. Je suis française en effet, pas même franco-israélienne, enfin pas encore, de ces intellectuels « néo-réactionnaires » qui s’épuisent à alerter depuis des années, de livre en livre, d’article en article, de lettre ouverte en lettre ouverte, en vain. Nous prêchons tous dans le désert.

Nous espérions vous voir ici un peu plus tôt, question d’honneur en la circonstance, « en même temps » que d’autres chefs d’État. Mais nous subissions un déluge de missiles, qui auraient déjà fait des milliers de morts en Israël si les autorités s’y comportaient comme le Hamas : interdire aux civils de s’abriter dans les abris-bunkers, en l’occurrence cinq étages de tunnels et de cité souterraine sous Gaza.

Et les missiles, M. le président, vous n’avez peut-être pas l’habitude. C’est dire si la prudence s’imposait, comme elle continue de s’imposer dans l’Hexagone face à nos islamistes locaux et autres idiots utiles du Hamas, qui sévissent en toute liberté et devant lesquels nous nous couchons depuis les massacres de Mohamed Merah en 2012, avec une lâcheté et une complaisance collectives qui n’ont d’égale que notre obstination dans l’art criminogène de se crever les yeux, y compris face à l’explosion de l’antisémitisme, toujours un symptôme indiquant que l’ensemble du corps social est malade.

Nous allons payer extrêmement cher cette indignité, les réjouissances ayant déjà commencé, vous entrouvrez peut-être un œil. Israël aussi s’était endormi, avec le résultat que l’on sait. Les massacres des kibboutz seront pour demain en France, dans nos foyers lunaires. Les même pathétiques rodomontades à chaque fois : on allait avoir « un avant et un après », après Merah, après Charlie, après le Bataclan, après Nice, après Samuel Paty, etc. etc. Or, non seulement nous n’avançons pas, mais nous régressons après chaque tuerie. Elles ne se cumulent pas, elles s’annulent.
On nous a expliqué que vous attendiez le cadre d’un « agenda utile » avant de nous faire grâce de votre personne sur place : des négociations de paix avec le Hamas, ou peut-être avec le Hezbollah ou les deux?

Au point où nous en sommes… Car nous sommes en juin 1940.
Un « agenda utile » ? Une formule qui inspire trois attitudes possibles : le fou rire (un peu nerveux par ici ces temps-ci) pour les plus conscients du désastre français, la perplexité pour les plus aveugles et la fascination pour tous : comment peut-on être aussi décalé ? Je tiens toutefois à vous rassurer si d’aventure vous changiez d’avis : on vous accueille par politesse, ici presque personne ne vous connaît et la France ne représente plus rien, devenue une minuscule province à peine capable d’aligner 15 000 soldats opérationnels, dont mon propre fils a longtemps fait partie dans une unité parachutiste (une précision au cas où l’on me donnerait des leçons). Vu d’Israël, où l’on vient de mobiliser près de 400 000 combattants, une farce.

Comment résumer ce en quoi s’illustre notre beau pays depuis le 7 octobre ? On ne sait trop par quoi commencer. D’abord, il y eut les cinq minutes d’émotion rituelle inspirées par un carnage à grande échelle, le plus abject depuis la Shoah : 1 400 victimes en un jour. Une petite cinquantaine, voire moins, nous expliquaient encore doctement certains journaux hexagonaux plusieurs jours après, l’AFP à l’appui… L’émotion : il est vrai que des bébés décapités, des femmes enceintes éventrées, des enfants et des jeunes filles violées et égorgés, des familles brûlées vives ou déchiquetées à la grenade, des êtres démembrés ou découpés à la tronçonneuse (oui, ils avaient aussi des tronçonneuses), des gosses survivants cachés et silencieux sous le corps de leurs parents et j’en passe, cela n’arrive pas non plus tous les jours.

Mais c’était tout de même bien embêtant. D’abord, ces habitants des kibboutz du sud, tous de gauche, étaient aussi en première ligne depuis longtemps pour inviter les Gazaouis à travailler avec eux dans les champs — ils croyaient en la paix. Or ce sont pour partie ces travailleurs et ces gentils voisins, en plus des terroristes infiltrés, qui les ont trucidés.

Comme pendant la Shoah : le rôle central joué par les voisins, qui se transforment en bêtes sauvages du jour au lendemain.
Grâce à eux, ce 7 octobre, les terroristes disposaient des plans très détaillées de ces kibboutz pastoraux où ils étaient bienvenus.

Très embêtant aussi, l’héroïsme de tous, de tous ces « sionistes ». Des civils, des jeunes ou des pères de famille qui sont immédiatement sortis de chez eux, avec ou sans armes, pour défendre les villages et sauver des jeunes gens qui dansaient à la Rave Party. L’héroïsme absolu des soldats et des policiers, de garçons et de filles en tout petit nombre, présents ou arrivés spontanément sur place quand ils ont commencé à comprendre, appelés au téléphone par les suppliciés tapis dans les bunkers, se battant pendant plus de vingt heures d’affilée parfois, avec un simple pistolet, contre des hordes de monstres surarmées.
Des héros n’hésitant pas à se sacrifier et à sauter eux-mêmes sur les grenades (les terroristes en avaient deux mille) pour protéger les familles ou leurs camarades. Un héroïsme dont, en France, on n’a plus idée. Les mots manquent, oui, pour décrire l’horreur. Les représentations mentales nous manquent désormais aussi, en France, pour appréhender ce courage.

On a donc vu sur « Cnews » Frédéric Taddéï s’empresser d’inviter la sociologue Laetitia Bucaille sur son plateau, « professeure » à l’INALCO et membre de l’Institut universitaire de France (IUF), un lieu d’excellence intellectuelle, pour nous expliquer que nous ne disposions d' »aucune preuve de ce qu’il s’était passé » le 7 octobre… L’animateur en question, venu de « Russia Today », la télévision de M. Poutine, jubilait, cela va de soi, sans la reprendre. Tout comme il jubilait déjà après Charlie sur « France 3 » en invitant Emmanuel Todd qui nous expliquait alors que les frères Kouachi étaient en fait des victimes (de la France catholique rance et discriminante), si bien que les victimes étaient les vrais bourreaux, nous avions mal vu (j’étais ce jour-là sur le plateau, invitée en néo-réac de service pour feindre la discussion « équilibrée »).

Frédéric Taddeï a-t-il été viré depuis ce scandaleux « dialogue » avec Madame Bucaille ? Non. Un ou plusieurs chroniqueurs de la chaîne, des esprits à l’endroit et courageux, pour mettre leur démission dans la balance ? Personne. Et Madame Bucaille, virée de sa fac ? Le minimum syndical. Non plus. La direction de l’INALCO ? Elle est « outrée » et ne bougera pas une oreille.

En Suisse, au même moment, un autre « professeur » s’est distingué par un propos négationniste similaire. Viré sur le champ et sans préavis. Nos amis helvétiques sont plus vigoureux.

À propos des universités, l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), notamment (où j’ai enseigné jadis) s’est, elle aussi, illustrée au lendemain du carnage par un communiqué émanant d’un syndicat étudiant pour pratiquer le même type de discours : nous avions affaire à « une forme de résistance à l’occupation sioniste » (Gaza n’est plus occupée depuis 2005, sinon par une dictature totalitaire). Le poisson pourrit toujours par la tête. Et il se décompose depuis longtemps, nos facultés et nos Grandes écoles s’étant islamo-wokisées en diable dans une quasi indifférence, les lanceurs d’alerte n’étant pas plus entendus sur ce point que sur d’autres.

Mieux, « France-Culture » s’est empressée de réinviter la sociologue de l’INALCO dès le lendemain, à ses « Matins », pour derechef éclairer l’opinion publique. Il fallait le faire ! Et sur quoi portent cette semaine « Les Chemins de la philosophie » sur cette même station ? Sur la « compromission » des grands intellectuels roumains des années 30 avec le fascisme et les pogroms (j’ai écrit aussi quelques livres là-dessus). Une voix pour oser faire remarquer au micro qu’on assistait à la même compromission en France depuis dix jours ? Non, bien sûr. Business as usual.

En fin de semaine, on évoquera dans cette émission le courage des dissidents d’Europe de l’Est, de Vaclav Havel et de Jan Patocka. Comme si de rien n’était, comme si, eux, auraient laissé passer pareille ignominie.

Le bal des faux-cul. Je ne généralise pas, je ne parle pas des admirables exceptions, là encore, une miraculeuse poignée dans la veulerie ambiante, à l’instar des rebelles de l’An 40 : les Georges Bensoussan, les Abnousse Shilmani et quelques autres intellectuels et journalistes, des guerriers du verbe et de la plume qui, comme après « l’étrange défaite » que nous sommes en train de revivre en live, sauvent l’honneur. Force est néanmoins de constater leur rareté.

Phase II, il y eut heureusement cette roquette, tombée sur un hôpital de Gaza et ses quelque « 500 victimes », soi-disant tirée par les méchants, donc les sionistes. Une bénédiction. Ouf ! En fait, un missile lancé par le Hamas et retombé sur le parking pour un bilan revu à quelques dizaines de morts. On l’a su très rapidement. Mais c’était trop beau, il fallait s’engouffrer dans la brèche toutes affaires cessantes.

Même vous, M. le président, avez commis la lourde faute de twitter bien vite. Et voilà la plupart des médias français reprenant aussitôt la propagande de l’organisation terroriste massacreuse, car on a toujours tendance à croire ce que l’on a envie de croire. Or, c’était irrésistible !

Puis le démenti est arrivé, preuves formelles à l’appui. Subitement, la roquette du Hamas n’a plus intéressé grand-monde, pas plus que les 450 autres ayant loupé leur cible depuis le 7 octobre pour atterrir sur la bande de Gaza et ses civils. Il en va ainsi, du reste, lors de toutes les attaques du Hamas depuis de nombreuses années, un classique, comme à l’été 14, mais l’ignorance est crasse car elle souhaite le rester.

Ce qu’il y a de bien avec les Juifs, c’est que même lorsqu’ils sont innocents, ils sont coupables. Jouissance, donc, avec cette roquette inopinée : les Juifs, pardon les sionistes, coupables de « génocide »(LCI) et de « crime contre l’humanité »… On a choisi les mots. Soulagement ! On a même vu Pierre Moscovici, ancien ministre et actuel président de la Cour des comptes, se précipiter à l’antenne de « i24News » pour expliquer qu’il faudrait nommer « une commission d’enquête indépendante ». Un esprit très mal tourné pourrait songer à la fable de La Fontaine, « Le chat, la belette et le petit lapin », « sa majesté fourrée », « un saint homme de chat, expert sur tous les cas ». Son père, le psychosociologue Serge Moscovici (dont j’ai publié chez Grasset les mémoires posthumes en 2019, Mon Après-guerre à Paris), un Grand, a survécu au pogrom de Bucarest de janvier 1941, qu’il décrit de façon stupéfiante dans ce livre. La fillette alors massacrée avec d’autres aux abattoirs de la ville par les fascistes de la Garde de fer, suspendue à un croc de boucher, portait autour du coup un écriteau : « Viande cascher », une image qui avait horrifié le monde entier… Nous n’en sommes donc plus là.

En si bon chemin, Qui a-t-on invité, cette même semaine, à « Sud-Radio » ? Jean-Jacques Bourdin a réfléchi et il a opté pour la député Danièle Obono, bien connue pour sa clairvoyance face à l’islamisme. Rien de plus urgent que de l’entendre, sachant d’avance ce qu’elle allait dire. Le Hamas, une organisation qui « résiste » au crime d’occupation, etc. « Apologie du terrorisme », a dégainé à juste titre votre ministre de l’Intérieur en saisissant le procureur. Résultat ? Elle vient d’être élue pour siéger, à partir du 6 novembre, à la Cour de justice…

À propos de ministère de l’Intérieur, qu’attend d’ailleurs votre ministre, M. le Président de la République, pour enfin autoriser — et même obliger — ses policiers à porter leur arme de service pendant leur congé, au-delà du trajet entre leur domicile et leur caserne ou leur commissariat, comme le veut jusqu’à présent la règle (un sketch) ? Le b-a ba d’un maillage plus serré du territoire s’agissant de mieux protéger leurs concitoyens, par exemple quand nos forces de l’ordre sont au cinéma en famille, dînent dans une pizzeria ou se promènent au jardin d’acclimatation avec leurs enfants, dans l’hypothèse où des énergumènes issus de nos quartiers émotifs se mettraient à mitrailler dans le tas. Vous avez peut-être fini par le comprendre, cette éventualité n’est plus à exclure.

Même chose pour nos militaires, en particulier nos officiers, et cela dépend du ministère de la Défense. Mais à sa tête, et à un quart d’heure avant une possible troisième guerre mondiale, celui-ci paraît tout aussi à l’Ouest.

Vous n’en êtes pas moins, M. le président, le Chef des Armées. Vous pourriez avoir votre mot à dire. C’est ainsi qu’en Israël, une nation de soldats, des dizaines de morts sont évités chaque année. Cela ne requiert aucun moyen, juste un brin de jugeote et une circulaire. J’ai soufflé en direct cette suggestion à des camarades qui se trouvaient sur le plateau de « Cnews » lors de l’intervention de M. Darmanin il y a quelques jours, par portables interposés. La question ne fut pas posée et elle ne le sera sans doute pas. Je la formule depuis 2015, en vain naturellement. Nous restons à des années lumières du réel.

Sans jamais nous lasser, hier soir, dimanche, nous avons remis cela à la télévision. Quelle autre « personnalité » encore sur un plateau ? Le député Alexis Corbières, encore un convive de marque, pour nous servir ses habituelles circonvolutions. Mais il y a toujours un autre invité en face pour accepter de « débattre » avec lui, en l’occurrence Alain Bauer, il est vrai très agacé.

Si tout le monde refusait (mon cas depuis 2015), on n’inviterait plus M. Corbières car il n’aurait plus de vis-à-vis. Mais comment résister à une invitation télévisuelle ? Convoquer le député France Insoumise était sans doute d’autant plus pressant que sa fille de 21 ans, une islamiste radicalisée, dont la maman est Raquel Garrido, autre tête pensante du parti de M. Mélenchon, venait de twitter : « Alors g ptet pas d’âme, mais ils me font pas du tt de peine, je les trouve mm plutôt chiants, surtt les gosses », allusions aux otages du Hamas détenus à Gaza, dont on n’ose imaginer le calvaire. Abject. Les parents ne sont certes pas responsables des déraillements de leurs enfants majeurs. Mais enfin…

La rue ? On a des manifestations monstres, dites « pro-palestiniennes », en vérité « pro-Hamas », ce qui n’échappe à personne, mais qu’il ne conviendrait pas d’interdire. Encore et toujours le choix des mots car appeler un chat un chat, nous n’en sommes plus capables. Sur une pancarte brandie par une jeune fille, parmi mille autres, Place de la République, oui, de la République, on avait il y a trois jours : « Vous avez pleurés 40 faux bébés israéliens. Où êtes-vous pour les 1000 enfants palestiniens tués ? » Cette demoiselle fâchée avec l’orthographe (on se demande comment, du reste, l’Education nationale se portant si bien) doit ignorer que les enfants en question servent au Hamas de boucliers humains, l’organisation « caritative de résistance » déployant tous les moyens possibles pour empêcher les malheureux d’évacuer vers le sud (en plus de leur interdire l’accès aux tunnels protecteurs pendant les bombardements).

Car plus il y a de « martyrs », plus le sang coule, plus le Hamas, dont on sait l’importance qu’il attache à la vie humaine, peut compter d’idiots utiles en France, en Europe et dans le monde, toujours au rendez-vous. C’est tout bon. Et que voit-on fleurir après les massacres du 7 octobre si on va faire ses emplettes au Printemps, à Paris, ces jours-ci ? Une belle affiche, où on lit ceci : « La torture des enfants palestiniens par Israël et l’occupation sioniste ». On se frotte les yeux. À ce seuil d’affaissement national, on pourrait être tenté de rendre les armes.

Je m’arrête ici, la liste serait trop longue. En deux semaines, la France, la vôtre, M. le Président, celle que vous allez représenter demain en Israël, s’est surpassée. Je n’aimerais pas être à votre place. [….]

En France, il n’est plus question que de l’aide humanitaire à Gaza et des bombardements de l’armée israélienne, un pays dont on se demande comment il ose se défendre. Et tenir à ce point à éviter d’autres carnages, au Sud comme au Nord, s’il laissait la menace prospérer comme on sait si bien le faire dans le pays qui vous a élu à la tête de l’Etat à force de regarder ailleurs. On me rapporte toutefois de source bien informée qu’on commence à observer une certaine fébrilité au sein de notre classe politique. Un avant et un après ? Pour l’heure, nous en sommes très loin, mais on aimerait malgré tout croire en un miracle. »

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