La première série de mots que j’ai écrite, à la rentrée de septembre 2015, fut celle consacrée à l’économiste Daniel Cohen qui avait été invité de l’émission «L’esprit Public du 26/07/2015»
Philippe Meyer avait introduit ainsi cette émission :
« Daniel Cohen, vous êtes professeur à l’Ecole normale supérieure et vice-président de l’Ecole d’Economie de Paris, que vous avez contribué à fonder. En plus de vos activités universitaires, vous avez mené une activité de conseil auprès du Premier ministre au sein du Conseil d’Analyse Economique ainsi qu’auprès de différents Etats pour la restructuration de leurs dettes souveraines.
Vous avez également écrit plusieurs ouvrages, dont le dernier, Homo economicus , a reçu le prix du livre d’économie de l’année 2012. Vous y développez notamment le « paradoxe d’Easterlin », selon lequel passé un certain niveau de développement, une hausse de la richesse ne se traduit pas par une amélioration du bien-être des individus.
Avec vous, nous allons nous intéresser à la question de la croissance économique, et de ses perspectives pour l’avenir. »
1 – « Une fois qu’une société a atteint un certain seuil de richesse, la poursuite de son développement économique est sans influence sur l’évolution du bien-être moyen de sa population. »
Constat appelé le paradoxe d’Easterlin
Mot du jour du lundi 31 Août 2015
Je vais innover cette semaine, car les 5 mots du jour de la semaine renverront tous à la même émission : «L’esprit Public du 26/07/2015», dans laquelle l’économiste Daniel Cohen donnait sa vision du système économique d’aujourd’hui et de demain.
Daniel Cohen fait partie de ses rares économistes qui me plaisent bien parce qu’il ne fait ni partie de ces économistes croyants aux vertus absolues du libéralisme et qui pense que tout va s’arranger, il suffit de libérer encore davantage les marchés et faire reculer le rôle de la puissance publique à sa portion congrue, ni de ceux qui sont aussi des croyants mais d’une autre religion celle où le Politique peut tout régler, il suffit d’avoir la volonté et d’accumuler les Lois et les contraintes.
Les 3 premiers mots seront consacrés au contexte. C’est-à-dire les forces et les contraintes qui sont à l’œuvre. Le quatrième sera consacré à une réflexion sur la grande incertitude économique d’aujourd’hui. Le cinquième permettra d’aborder les esquisses de pistes que Daniel Cohen se risque à formuler pour faire face à ces questions existentielles.
Je commence donc par le premier élément de contexte qu’on appelle le paradoxe d’Easterlin
2 – « La loi de Moore »
Gordon Moore cofondateur de la société Intel
Mot du jour du mardi 1er Septembre 2015
<Gordon Earle Moore> est né le 3 janvier 1929 à San Francisco. C’est un docteur en chimie et un chef d’entreprise américain. Il est le cofondateur avec Robert Noyce et Andrew Grove de la société Intel en 1968 (leader mondial des fabricants de microprocesseurs). Il est connu pour avoir publié la loi de Moore en 1965.
En réalité, il existe plusieurs lois appelées « Les lois de Moore ». Ce sont des lois empiriques qui ont trait à l’évolution de la puissance des ordinateurs et de la complexité du matériel informatique. Au sens strict, on ne devrait pas parler de lois de Moore mais de conjectures de Moore puisque les énoncés de Moore ne sont en fait que des suppositions.
La Loi de Moore, stricto sensu, a été exprimée, le 19 avril 1965, dans « Electronics Magazine ». Constatant que la complexité des semi-conducteurs proposés, en entrée de gamme, doublait tous les ans, à coût constant depuis 1959, date de leur invention, il postulait la poursuite de cette croissance (en 1965, le circuit le plus performant comportait 64 transistors).
Je cite Wikipédia : « Cette augmentation exponentielle fut rapidement nommée Loi de Moore ou, compte tenu de l’ajustement ultérieur, Première loi de Moore.
3 – « Si tu fais la même opération deux jours de suite,
cherche le logiciel qui fera la même chose à ta place »
Le mantra de l’informatique contemporaine.
Mot du jour du mercredi 2 Septembre 2015
Nous sommes dans la continuité de la loi de Moore. Mais ce mantra informatique aggrave encore la problématique.
Car nous sommes au cœur du sujet de l’insécurité économique.
Si un logiciel peut faire ce que je fais, que ferais-je, moi, demain ?
Avant d’analyser la conséquence de ce raisonnement en matière d’emploi, arrêtons-nous à son caractère totalement déstabilisateur.
Nous autres humanoïdes, nous nous sommes construits dans la répétition. Nous avons appris notre métier par la répétition des mêmes gestes, l’utilisation des mêmes outils, la consolidation des mêmes procédures.
Combien il est rassurant pour nous quand nous avons une tâche à réaliser de pouvoir constater : « Cela je l’ai déjà fait, donc je sais le faire ».
Cette facilité, cette sécurité, cette confiance nous est retirée : quand on a appris à faire quelque chose avec assurance, on aura plus besoin de nous, une machine pourra le faire.
Et alors en termes d’emplois…
4 – « La stagnation séculaire »
Robert Gordon
Mot du jour du jeudi 3 Septembre 2015
L’émission origine des mots du jour de cette semaine avait pour objet principal : la stagnation séculaire.
Car plusieurs économistes américains ont publié des travaux sur une éventuelle « stagnation séculaire ». Selon eux, la période de croissance que nous connaissons depuis la révolution industrielle serait une exception historique, une parenthèse enchantée.
Selon cette thèse nous sommes rentrés dans une période de l’ordre du siècle où il n’y aura presque pas de croissance.
Robert Gordon fut le premier, mais cette thèse a été soutenue et complétée par Larry Summers, économiste de renom, secrétaire d’Etat au Trésor de Clinton puis proche conseiller d’Obama et encore James Galbraith qui est aussi un économiste important, plutôt hétérodoxe et fils d’un des plus célèbres économistes : John Kenneth Galbraith.
L’hypothèse, énoncée par le professeur Robert Gordon, serait liée à l’impact de plus en plus faible de l’innovation sur la croissance. La révolution numérique aurait en effet moins d’influence sur les facteurs de production que la machine à vapeur ou l’électricité n’en ont eue en leur temps.
D’autres économistes comme Barry Eichengreen qui ont aussi l’intuition de la stagnation séculaire, développent d’autres arguments justifiant cette thèse.
5 – « Il faut construire un nouvel Etat-providence qui recrée de la sécurité»
Daniel Cohen
Mot du jour du vendredi 4 Septembre 2015
Résumons les réflexions de la semaine :
Notre société est nourrie à la croissance. Il s’agit d’une véritable addiction. Tout le monde affirme qu’en dessous d’un certain seuil de croissance il ne peut y avoir de recul du chômage, le financement de nos retraites est fondée sur une hypothèse de croissance continue et solide, l’homme politiques qui ne promettent pas son retour n’ont aucune chance d’être élus. Et surtout ce que la richesse ne peut nous apporter, la croissance en est capable : nous donner le sentiment de bien-être (Paradoxe d’Easterlin) ;
La révolution numérique est basée sur un doublement des performances à peu près tous les 18 mois (loi de Moore) ;
Grâce à ces performances, les programmes informatiques et la robotisation remplacent, dans des domaines de plus en plus large, les métiers des humains de la classe moyenne ;
Depuis 30 ans la croissance des pays développés diminue, pour l’instant la révolution numérique n’a pas provoqué un sursaut de croissance. Si on analyse ces choses de manière rationnelle on doit conclure à une grande incertitude sur le retour de notre drogue : la croissance. Il est possible que nous ne retrouvions pas de croissance avant longtemps.
Pour Daniel Cohen plus que la financiarisation de l’Economie qui a débuté dans les années 1980, c’est la révolution numérique qui a surgi au début des années 1990 qui a bouleversé l’organisation du travail, non plus seulement dans les ateliers mais dans les bureaux.